Lettre 1620 : Pierre Bayle à David Constant de Rebecque

Rotterdam le 21 e de mars 1704

Il y a tres long tem[p]s, mon tres-cher Monsieur, que je n’ai eu l’honneur de vous ecrire, ni de recevoir de vos lettres [1] mais cela n’a diminué en rien le souvenir, l’amitié, l’estime que je conserve toujours pour vous. [N]otre bon ami de Geneve [2] m’aiant fait savoir que je pourroi[s] trouver une voie seure par Mr Bronck de vous envoier [à] chacun un exemplaire de mon Diction[n]aire, je les fais partir ce jourd’hui pour Amsterdam, aiant scu de Mr Bronck qu’il pourroit les envoier bien tot à M rs de la Société bernoise [3]. Je le prie de vouloir bien vous faire tenir par la poste sous leur couvert ce billet, où je vous renouvelle les protestations de mon amitié respectueuse.

J’ai prié notre ami d’une chose dont je m’a[c]quit[t]e aujourd’hui moi meme, c’est de vous feliciter de la justice qui vous a eté renduë par la promotion à la chaire de Théologie [4], dont vous etes si en etat de remplir tous les devoirs au bien et à l’avantage de l’academie.

J’ai scu par le meme ami la perte que vous avez faite, et qui m’a touché vivement, moi qui connoissois le merite du cher fils que vous avez perdu [5], et qui me rejouissois infinim[en]t de le voir si avancé dans le chemin de la fortune. Je n’insisterai point sur un sujet si lugubre pour ne pas rouvrir une plaïe si douloureuse. J’embrasse de tout mon cœur Mademoiselle Constant [6] votre chere epouse, et en vous souhaitant m[ille] et mille benedictions, je finis par la protestation sincere d’etre, mon tres cher Monsieur, tout à vous Bayle

 

A Monsieur / Monsieur Constant de / Rebecque, Professeur en / Theologie / A Lausanne

Notes :

[1] La dernière lettre connue de Constant à Bayle est celle du 12 septembre 1697 (Lettre 1300).

[2] Vincent Minutoli : voir Lettre 1619.

[3] Sur ce terme de « Société bernoise », qui désigne très probablement l’entreprise de Beat Fischer, imprimeur de la Gazette de Berne, voir Lettre 1619, n.3. Sur M. Bronck, voir Lettre 1619, n.2.

[4] David Constant de Rebecque (1638-1733), que Bayle avait connu lors de son séjour à Coppet, avait d’abord été professeur d’éloquence latine à l’Académie de Lausanne, puis y avait été élu professeur de théologie en 1702.

[5] Il s’agit du fils aîné de Constant, Marc-Rodolphe, qui avait été présenté à Guillaume d’Orange par les comtes de Dohna et de Frise ; il avait été nommé capitaine adjudant général et aide quartier-maître général dans l’armée des alliés, et secrétaire général des Suisses des Grisons. En 1698, il fut nommé secrétaire de l’ earl d’Albemarle ; en 1699, il résidait à Kensington – toujours au service d’Albemarle, sans doute ; en 1701, il fut trésorier receveur de Wilhelmstadt. Né le 12 février 1668 à Coppet, il mourut à Maastricht le 9 mai 1703.

[6] Sur Marie Colladon, l’épouse de Constant, et les autres membres de sa famille, voir Lettres 21, n.17, et 707, n.6.

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