Lettre 12 : Pierre Bayle à Jeanne Bayle

[A Genève, le 21 septembre 1671]
Mademoiselle ma tres honnorée mere,

Il est bien juste que vous ayez de moy des marques de mon souvenir puis que vous m’avez toujours donné les plus doux temoignages d’une tendresse incomparable. Je ne pense jamais à cette bonté et à cette amitié que je trouvois en votre cœur que je ne regrette douloureusement d’etre éloigné d’un fonds de tendresse si particuliere, car quelque chagrin que mon temperament ou l’etat de ma fortune me fit ressentir, j’en pourrois facilement dissiper la sombre amertume si je pouvois jouyr de la presence de la plus tendre mere qui fut jamais. La providence de Dieu en ayant autrement disposé, je trouve qu’il vaut mieux se consoler en repassant son esprit sur la constance de votre amitié que j’ay si souvent eprouvée, que de quereller la tempete qui m’a poussé loin de vous. Si vous en faites autant et si le regret de ne me voir pas aupres de vous, se dissipe par une persuasion forte que je garde pour vous le meme respect et la meme obeissance que vous ayez jamais remarquée en moy, vous ne vous repaissez pas d’une vaine image et d’une consolation chymerique, puisqu’il n’est pas plus vray que je suis votre fils, qu’il l’est que j’ay pour votre personne tous les sentimens de respect, de veneration et d’amitié dont je suis capable. Je vous recommande à la grace du bon Dieu et de son fils Jesus Christ vous souhaittant une longue vie accompagnée d’une bonne santé et d’une suitte continuelle de benedictions, etant avec une passion extreme de vous rendre mon obeissance

Mademoiselle et tres honnorée mere

Votre tres humble et tres obeissant serviteur et fils
BAYLE

à Geneve le 21 septembre 1671

 

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