[Rotterdam, le 18 février 1697]

Au très érudit Théodore Jansson van Almeloveen, Pierre Bayle donne son salut.

Votre dernière lettre [1] a été d’autant plus agréable qu’un tel plaisir me manquait depuis assez longtemps. Mais la vérité est qu’avant toute autre chose elle m’apporte une grande joie en me donnant grand espoir de vous voir et de vous embrasser bientôt. Espérons que vous êtes vraiment résolu à tenir vos promesses [2]. Quant à moi, n’étant pas libéré du poids de mes affaires, accablé comme d’habitude par un froid exceptionnel, je n’ai guère pu me risquer à sortir de la ville, mais aussitôt que les rigueurs de l’hiver s’adouciront dans l’agréable retour d’un printemps favorable, j’essaierai de faire une excursion de votre côté.

Rien ne me porte à croire que dans mon Dictionnaire pourraient se trouver certaines choses de choix qui vous seraient peu connues : à peu près tout est tiré du trivium littéraire. Mais, et c’est ce que vous estimerez davantage à votre honneur, j’exprime mon appréciation de votre bienveillance exceptionnelle. Rien de ce que j’ai écrit ne m’a fait plus de plaisir que je n’en ai eu à faire mention d’une de vos productions hors pair. Loin de moi cependant la recherche de vies d’ imprimeurs [3]. C’est vous, homme très distingué qui êtes en cause et qui, je le sais, vous évertuez depuis longtemps en cette poursuite, homme de qui les lecteurs doivent attendre des choses que moi-même j’ai délibérément négligées, et beaucoup d’autres qui, je l’admets, avaient pu échapper à mes soins, malgré mon assiduité.

Je n’ai rien à dire de l’ Iterarium Persicum de l’empereur Alexandre Sévère [4]. Il n’y a d’ailleurs pas un mot sur lui dans l’œuvre du très éminent Isaac Vossius [5], ni dans les écrits qu’on peut consulter de son parent [6], ni dans les vies des empereurs romains de Tillemont [7], écrites en français avec une grande exactitude et après consultation de toute sorte de monuments.

Leers n’a rien reçu pour vous, mais aussitôt qu’il aura reçu quelque chose il vous le transmettra immédiatement l’ayant ajouté au ballot [8].

Vivez longtemps et aimez-moi toujours, qui languis de vous revoir.

Donnée à Rotterdam le 12 e jour avant les Calendes de mars 1694 [ sic]

 

A Monsieur / Monsieur Almeloveen / Docteur en medecine / A Tergou

Notes :

[1La lettre d’ Almeloveen du 14 février (Lettre 1221).

[2Dans sa lettre du 14 février (Lettre 1221), Almeloveen avait lancé : « Mais ceci de vive voix si je peux, bientôt, je l’espère ; le désir de vous revoir m’est presque intolérable. »

[3Almeloveen avait reproché à Bayle de n’avoir consacré d’articles ni aux frères Henri et Robert Estienne ni aux Plantin ni à Jean Oporin : voir Lettre 1221, n.3, 4 et 5.

[4Nous n’avons su identifier l’ Iterarium Persicum de l’empereur Alexandre Sévère évoqué par Almeloveen : voir Lettres 1221, n.12, et 1229, n.15.

[5L’œuvre immense d’ Isaac Vossius : voir Lettre 638, n.4.

[6Gérard Jean Vossius, père d’ Isaac : voir Lettre 13, n.3.

[8Almeloveen attendait les Casauboniana, qui avaient été envoyés par un certain pasteur Smith de Londres et qui devaient lui parvenir par l’intermédiaire de Reinier Leers : voir Lettre 1221, n.8, 9 et 10.

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