Au très illustre Théodore Jansson Almeloveen, Pierre Bayle donne le salut.
Rien ne me touche jamais plus agréablement que les nouvelles qui rapportent l’honneur conféré à votre très grand mérite [1], et qui me persuadent de votre admirable volonté à mon égard, moi que vous avez voulu informer si rapidement de l’annonce d’une telle joie future. Et je vous remercie abondamment de ce témoignage d’amitié si brillant, et vous félicite pour cette dignité qui vous est conférée avec honneur. Je me réjouis de ce titre avec d’autant plus de zèle que je suis certain que votre départ de Hollande ne diminuera en rien notre amitié et notre commerce littéraire. Certes, puisque la profession que vous allez exercer en Gelderland doit vous éloigner quelque peu de nos rives, s’il se trouvait que vous m’aimiez moins, ou que dans une certaine mesure vous soyez plus lent à m’adresser des lettres, je me réjouirais quant à moi de votre mérite et je me féliciterais que vous disposiez d’un plus grand théâtre pour votre érudition, mais pour le reste je déplorerais mon sort et je pleurerais une telle perte. Mais il n’y a pas de raison que je me fasse du souci. Faites en sorte que je puisse embrasser le distingué professeur que vous êtes, et souvenez-vous de la promesse de me procurer une très grande joie en venant me voir.
Portez-vous bien, homme très célèbre et qui m’êtes très cher.
Donnée à Rotterdam le troisième jour avant les Ides de mars 1697
A Monsieur / Monsieur Almeloveen / Docteur en Medecine / A Tergou
Notes :
[1] Almeloveen venait d’être nommé, le 26 février, professeur d’histoire, d’éloquence et de grec à l’université de Hardewijk dans le Gelderland. Il dut préparer sa conférence inaugurale, De causis corruptæ philologiæ, avec l’aide de Perizonius, en vue de la cérémonie inaugurale du 12 avril. Il avait obligation de résider à Hardewijk : après un court séjour chez le pasteur Robertus Altius, il déménagea de Gouda à Harderwijk le 20 mai. Voir S. Stegeman, Patronage and service, p.32-39, où elle souligne l’influence de Tollius et de Grævius sur l’enseignement d’Almeloveen.On trouve le texte de la conférence inaugurale d’Almeloveen, avec des annotations de Perizonius, à la bibliothèque de l’université d’Utrecht, ms 995 (6k14), f.532-573 : voir S. Stegeman, Patronage and service, p.575. Sur Tollius et Perizonius, voir aussi les articles que Chaufepié leur consacre, s.v.
