Lettre 1291 : François Janiçon à Pierre Bayle

• A Paris ce 23 août 1697

Je m’estime bien heureux, Monsieur, d’avoir contribué quelque chose à la connoissance que Mr de Tour[r]eil [1] a eüe de deux personnes d’un aussi grand mérite que vous et Mr de Beauval et je ne doute pas que lorsqu’il sera ici de retour, il ne m’en fasse avoir bien des remerciemen[t]s et par ce moyen je me trouverai avoir receu plus d’un payement du plaisir que j’ai eu dessein de vous procurer aux uns et aux autres. Aussitot qu’il m’aura remis le paquet dont il a bien voulu se charger[,] je ne manquerai point de le porter à Mr l’abbé Du Bos sous le couvert duquel j’ai receu votre derniére lettre du 12 de ce mois [2]. Vous devés aussi être persuadé, Monsieur, que j’aurai soin de faire ce que vous m’y recommandés au sujet de votre Diction[n]aire ; et je le suis aussi moi meme que ceux à qui je la communiquerai me seconderont volontiers pour vous faire ce plaisir. J’avois creu avec plusieurs autres que vous aviés vu une coppie du rapport qui avoit été fait de votre livre à Mr le chancellier, et rien ne pouvoit m’en faire douter que la brievété et la simplicité de la réponse que vous y fites [3].

Apres vous avoir répondu à cette derniére de vos lettres je me sens obligé de vous témoigner bien de la confusion de ne l’avoir pas encore fait à quelques unes de vos précédentes [4] ; quoique je ne sois pas tout a fait destitüé d’excuses pour justifier mon silence. Vous m’aviés recommandé de presser Mr Baluze de votre part, pour le porter à faire quelques remarques sur votre Diction[n]aire dont vous pussiés vous prévaloir dans une seconde edition [5], et c’est à quoi je n’ai point manqué, et s’il ne l’a pas encore fait, c’est sans doute parce qu’il n’a pas encore en sa possession votre livre, ou qu’il en a été détourné par quelqu’autre cause ; car je sçai qu’il aime fort à faire plaisir, et que d’ailleurs il a une fort grande estime pour vous.

Vous m’aviés chargé de faire des complimen[t]s de votre part à Mr Corbinelli [6] ce que j’ai fait, et il m’a prié / de vous en bien remercier de la sienne. Ce bon homme a été bien aise de voir ce que vous avés dit de lui, ou de sa famille en quelque endroit de votre Diction[n]aire ; et comme il a entendu parler de la seconde édition qui s’en doit faire il m’avoit parlé de quelque addition qu’il souhaitteroit d’y faire mettre, mais il ne me l’a point encore envoyée. Monsieur d’Hosier [7] qui a de pareils sentimen[t]s de reconnoissance et d’estime pour vous m’a baillé* ce que vous trouvés dans ce paquet sur son sujet.

Si votre article touchant Erasme n’étoit pas déja aussi long qu’il est vous pourriés bien y ajouter ce qui m’a été communiqué par un de mes amis nommé Mr Bachelier Des Marais qui aime extremement les lettres et qui a une fort belle bibliot[h]éque dans la ville de Reims [8], d’où il est originaire, quoiqu’il fasse à Paris son sejour ordinaire.

Je vous aurois mandé l’éclaircissement que vous aviés demandé à Mr l’abbé Dubos sur Æquicola, si je n’avois appris que Mr Clement m’avoit prévenu d’office et sans en être prié [9]. Il m’a fait une priére pour vous dont j’ai été surpris, c’est qu’ayant veu que vous avés parlé de lui sur le sujet de ceux qui ont porté un nom, dont vous m’aviés chargé de vous donner quelque éclaircissement (c’est si je ne me trompe sur le nom de Morin [10]) il m’a témoigné n’en avoir pas été bien aise, ce que je ne puis attribuer qu’à la liaison qu’il a depuis long temps avec Mr l’ abbé Ren[audot]. Vous avez pu, je pense, vous appercevoir de cette liaision [ sic], par quelque lettre qu’il a cy devant ecrite ou à vous, ou à Mr Leers sur le sujet de votre Diction[n]aire [11]. Il occupe à présent • dans la bibliothéque du Roi, sous Mr l’abbé de Louvoi [12] qui en est le garde en titre d’office, une place qui a été remplie / autrefois par des personnes illustres tels que M rs Dupuy frères  [13]. Cependant il plait à certaines gens qui croyent le bien connoitre de ne le regarder que comme un libraire renforcé, à cause de la connaissance qu’il a acquise des livres, depuis plus de 20 ans qu’il est dans cette bibliot[h]eque. Il a sous lui un jeune homme de Roüen nommé Boivin [14] qui a beaucoup de litterature, et qui est fort • honnête.

Il me souvient que vous aviés aussi demandé un autre éclaircissement à Mr l’ abbé Dubos, qu’il m’a dit vous avoir envoyé. Cependant je ne laisserai pas de vous dire ici ce que j’en avois appris dans le temps, soit du s[ieu]r de La Croix [15], soit de Mr l’abbé Renaudot [16] qui est fort scavant dans les langues orientales. Le premier me dit que le livre dont le comte de Portsmouth [17] vous a demandé des nouvelles, a été traduit par lui en français et qu’il n’a jamais été imprimé. L’auteur est, dit il, Moulla Cherefeddin Aly natif d’Yesde et le titre Histoire des conquetes de Timur gourcan, vulgairement appellé Tamerlan [18]. Mr de La Croix dit qu’il a dessein de le donner au public, s’il trouve un libraire qui lui en veuille faire une honnete gratification ; mais qu’il veut qu’il soit precedé d’un que feu son pere avoit fait • composé [ sic] qui selon l’ordre des temps doit paroitre le premier. Je joins à cecy le billet que je receus de Mr l’abbé Ren[audot] après lui avoir envoyé en extrait d’une de vos lettres [19]. Peut etre y trouverés vous quelque • chose outre ce que Mr l’abbé Du Bos vous en a mandé* [20].

Vous aviés demandé un troisieme eclaircissement à cet abbé sur la Dissertation • sur la trage[die] de Mr Heinsius, laquelle est asseurement parmi les œuvres in fol[io] de feu Mr de Balzac [21]. Voici ce que j’en ai trouvé dans la bibliot[hèque] Mazarine.

Vous en avés demandé ce me semble un 4 e, ou bien vous avés dit quelq[ue] chose dans votre Diction[n]aire, touchant Diane de Brézé, surquoi j’ai tiré cette epitaphe d’un livre, intitulé Histoire de la ville de Rouen 1668 3 tom[es] in 12 : dans le 2 e tome il y a que Diane de Poitiers a été enterrée dans son chateau d’Anet qui appartient à présent au duc de Vendome [22]. /

Au reste je n’ai point fait difficulté de communiquer à Mr l’ abbé R[enaudot] votre derniere lettre du 12 de ce mois [23], et voici ce qu’il m’a répondu il y a quatre jours,

« Vous scavés assés, Monsieur, mes sentimen[t]s passés et presents pour repondre à Mr Bayle qui ignore ou fait semblant d’ignorer ce que je vous ai dit pour lui mander, et que je vous repete, qui est que je n’ai jamais eu dessein de faire courir ce que je donnai à Mr le chancellier, puisque je n’en avois pas de coppie. Je ne le desavoüe pas pas [ sic] pour cela ; qu’il écrive, qu’il m’attaque, qu’il crie, je m’en consolerai. Ne devroit-il pas etre content de l’approbation de tant de gens ? et ne m’est-il pas permis d’être de mon avis ? S’il veut s’engager d’obtenir permission des Etats d’imprimer chez eux autant de choses contre la Hollande et le pr[ince] d’Orange et contre les protestan[t]s, qu’il en dit contre la France, et la religion catholique, je lui ferai reparation. S’il pretend justifier ses obscenités, il entreprend une mauvaise cause. Je vous prie de lui mander là dessus tout ce que vous voudrés, et je vous en ai assés dit ».

Je tiens de Mr d’Hosier ce que je vous envoye sur la famille des Arnaud [24]. Le petit imprimé qu’il m’a donné pour vous, intitulé Eloge historique et genéalogique de feu Messire Pierre d’Hozier, cons[eiller] du r[oi] en ses conseils, ch[evali]er de son ordre de s[ain]t Michel genealogiste de sa maison et juge general des armes et blazons de France me paroit trop gros pour vous etre envoyé par la poste. Ainsi je le reserverai pour quelque autre • voye [25].

J’atten[d]s avec impatience l’effet des promesses de Mr Léers touchant votre Diction[n]aire, dont je vous supplie de lui rafraichir la mémoire, et de me croire toujours Monsieur, votre tres humb[le] et tres obeissant serviteur.

Il y a deja long temps qu’une coppie fut envoyée par Mr de La Combe à son fils qui est à Utrecth [ sic] [26] avec ordre de le faire voir à mon frere [27].

Notes :

[1] Jacques de Tourreil était membre de l’Académie des inscriptions depuis 1691 et de l’Académie française depuis 1692. Nous apprenons ici qu’il avait rendu visite à Bayle et à Basnage de Beauval lors d’un voyage aux Provinces-Unies, sans doute dans le sillage des plénipotentiaires des négociations de la paix de Ryswick : voir Lettres 1227, n.33, 1284, n.14, 1294, n.15, et 1315, n.14. Bayle fréquentait les plénipotentiaires français, apparemment dans l’espoir de contrecarrer les effets du Jugement de Renaudot sur le DHC, mais, à en juger par une lettre d’un certain Caillaud, marchand à Rotterdam, à M. Du Mars du 24 octobre 1697, lettre dont on trouve une copie dans les papiers du Père Léonard de Sainte-Catherine, ses efforts furent vains : « Ce pauvre Mr Bayle est à plaindre de prendre tant de peine et d’en recevoir si peu de satisfaction. Il n’est pas bien venu chez les plenipotentiaires de France. Pour Mr Basnage et son frere [ils] y sont tres souvent » (BNF, f.fr 18.213, f. 210v°).

[2] Nous connaissons la lettre de Bayle à Dubos du 12 août (Lettre 1286), mais celle qui l’accompagnait, adressée à François Janiçon, est perdue.

[3] Bayle venait seulement de recevoir, par l’intermédiaire de Dubos, le texte complet du Jugement de Renaudot : à la date du 12 août, il expliquait à Dubos que sa première réponse ne portait que sur le texte de la lettre de Renaudot que Janisson du Marsin lui avait fait suivre : voir Lettres 1240, 1286, n.16, et 1289.

[4] La dernière lettre connue (partiellement) de Bayle à Janiçon est celle du 20 mai (Lettre 1262) : d’autres lettres se sont certainement perdues.

[5] Cette demande a dû se faire dans une lettre perdue ; elle témoigne de la collaboration indirecte de Baluze à la composition du DHC : voir aussi Lettre 948, n.5, et l’Introduction au vol. IX de notre édition de la correspondance. Nous saisissons cette occasion pour préciser les relations familiales, bien réelles, entre la famille de Bayle et celle de Baluze. En effet, dans sa lettre à Janiçon du 11 mars 1696 (Lettre 1093), Bayle avait précisé, à propos d’Etienne Baluze : « L’une de ses sœurs, qui vit encore, est veuve d’un frere de ma mere, et a beaucoup d’enfans. » Cependant, cette affirmation se heurtait à la généalogie connue de Baluze, selon laquelle une Anne Baluze (1636- ?) apparaît comme la fille d’ Etienne (†1663) et de Peyronne de Corbiers, sa seconde épouse (voir Lettre 1093, n.8). Ce mystère a été éclairci par Jean Boutier, que nous remercions de nous avoir communiqué les informations suivantes. Le Baluze établi au pays de Foix fut Jean-Charles, fils de Jean, notaire et consul, décédé en 1586, et de Gabrielle Duprès ; il était frère d’ Etienne, décédé en 1634, grand-père paternel d’ Etienne Baluze l’historien. Jean-Charles, né probablement le 6 juin 1578, baptisé Jean selon le livre de raison familial, fut « marié au pays de Foix ou sa postérité subsiste encore ». Il est mentionné dans le livre de raison familial des Baluze comme étant intendant de la maison de Rabat, les Rabat étant une branche de la maison de Foix. Leur résidence semble avoir été le château de Fornex, près de Montesquieu-Volvestre, depuis que le château de Rabat avait été abandonné. C’est donc de cette famille que serait issue Anne Baluze, qui épousa en 1643 François Bruguière de Ros, oncle maternel de Pierre Bayle.

[6] Jean Corbinelli (1622-1716) avait déjà salué et remercié Bayle par l’intermédiaire d’ Adrien Baillet de la mention flatteuse de son nom dans l’art. « Corbinelli (Jacques) » : voir Lettre 1234, n.6.

[7] Charles René d’Hozier (1640-1732), fils de Pierre d’Hozier (1592-1660), le célèbre généalogiste. La participation indirecte de d’Hozier au DHC est une nouvelle indication de la volonté de Bayle de s’entourer des autorités les plus indiscutables en matière de témoignage historique et de référence bibliographique. Charles René d’Hozier devait publier l’ Armorial général de France, dressé en vertu de l’édit de 1696 (s.l.n.d., 12°, 35 vol.), dont il existe de nombreuses rééditions partielles consacrées à telle et telle région.

[8] Pierre-Jean Grosley, dans ses Mémoires sur les Troyens célèbres publiés dans ses Œuvres inédites (Paris 1812-1813, 8°, 3 vol.), i.272-273, donne quelques détails sur la famille Bachelier : ils « avaient une double alliance avec les Colbert. En 1603, Jean Bachelier, cousin d’ Odart et oncle de Jean Colbert, avait, avec le premier, des relations considérables de commerce. Son fils, Jean Bachelier, avait formé en 1633, une maison à Lyon, en société avec Jean et Nicolas Colbert. Les Bachelier eurent part à la fortune de Jean Colbert devenu contrôleur général. Simon Bachelier était, en 1606, receveur général des Finances d’Orléans. En 1665, Marie Vivien, sa veuve, acheta la terre de Beaubourg au diocèse de Paris, dans le doyenné de Lagny. Simon Bachelier, leur fils, succéda à son père, et dans son emploi et dans la possession de Beaubourg, qui passa, en 1697, à Jean-Baptiste-Joseph Bachelier, né de son mariage avec Madeleine de Broé. Louis-Jean-Baptiste Bachelier en hérita en 1711, et en 1717 elle passa à Simon-Louis de Brulart, du chef de Marie-Bonne Bachelier, sa mère, fille de Simon II, seul héritier de Louis-Jean-Baptiste, son cousin. Celui-ci acquit la terre des Marais qui a depuis appartenu à M. Pavée. Il avait formé une bibliothèque nombreuse et bien choisie, dont il servait Bayle par plusieurs extraits qu’il lui envoya pour son Dictionnaire des livres rares. (Voyez dans ce Dictionnaire l’article « Espendorf, et l’ Histoire du diocèse de Paris par l’abbé Jean Lebeuf, quatorzième partie.) La famille des Bachelier a très-longtemps tenu à Reims par une suite de chanoines et de doyens, qu’elle a donnés à l’Eglise métropolitaine. Le premier avait commencé une bibliothèque que les autres conservèrent, augmentèrent et enrichirent à l’envi ; elle fut vendue vers 1730. J’en ai vu le catalogue dressé par Coutelier : il remplissait un volume grand in-8°. » Janiçon évoque donc Jean-Baptiste-Joseph Bachelier des Marais : Bayle le désigne dans une annotation en marge de l’article « Eppendorf (Henri d’) », rem. B, où il évoque des extraits du livre d’ Eppendorf contre Erasme : « Mons r Bachelier des Marests, natif de Reims, et demeurant à Paris, et pourvu d’une belle bibliothèque, a eu la bonté de les faire [les extraits], et de me les envoyer le plus obligeamment du monde par Mons r Janniçon. » Sur sa bibliothèque, voir aussi Catalogus librorum bibliothecæ D. Nicolai Bachlier, ecclesiæ Rhemensis decani, atque SS Pontifici camerarii ad honores (Parisiis 1725, 4°). Voir aussi le DHC (2 e éd., Rotterdam 1702, folio, 3 vol.), art. « Herwart (Jean George) », note marginale (b) : « Mr Bachelier Desmarests [...] m’a indiqué presque tout ce que je dis dans cette addition, tant à l’égard du texte, qu’à l’égard du commentaire » et l’art. « Pareus (David) », rem. K sur « sa dispute avec le jésuite Jean Magirus » : « Mr Bachelier des Marets m’a fourni tout ce que je viens de rapporter. »

[9] La lettre de Bayle à Dubos comportant une demande concernant Æquicola est celle du 13 mai (Lettre 1258 : voir n.24) ; celle par laquelle Nicolas Clément fournissait à Bayle l’information recherchée est perdue. La référence à Æquicola se trouve dans le DHC à l’article « Marius surnommé Æquicola » : aux remarques B, C, D, Bayle évoque « un mémoire que Mr ... a eu la bonté de m’envoier » ; la présente lettre nous permet donc d’identifier l’auteur de ce mémoire.

[10] DHC, art. « Morin (Jean-Baptiste) », rem. H, in fine : « Je suis redevable à Mr Clement, qui est si digne par son savoir, et par son inclination obligeante de l’emploi qu’il a (à Paris dans la bibliothèque du Roi) ; je lui suis, dis-je, redevable d’un catalogue des ouvrages de Jean-Baptiste Morin, où j’ai trouvé des traitez dont l’écrivain de sa vie ne parle pas. »

[11] Ami intime de l’abbé Renaudot, Nicolas Clément était apparemment embarrassé par la mention de son nom dans un ouvrage que Renaudot venait de condamner dans son Jugement. Janiçon évoque ensuite un mémoire de Renaudot envoyé à Bayle ou à Leers : en effet, Renaudot envoya à Reinier Leers un mémoire sur Simon Morin que Bayle cite à l’article qu’il lui consacre, à la remarque D : « Je viens de recevoir un mémoire très-curieux concernant notre Morin (il a été communiqué au libraire par Mr l’abbé R[enaudot]). » L’embarras de Clément était donc sans fondement, car son ami Renaudot, tout en condamnant le Dictionnaire dans son Jugement public, y avait contribué par un mémoire envoyé au mois de décembre 1696. Clément est d’ailleurs cité à deux autres reprises dans le DHC, mais de façon très discrète : art. « Emile (Paul) », rem C : c’est sans doute Clément qui est l’auteur d’une « lettre écrite à Paris [qui] vient de m’apprendre qu’il y a dans la bibliothèque du Roi une édition des quatre premiers livres de Paul Emile, faite à Paris, sans que l’année y soit marquée [...] ». Voir aussi ci-dessus la note 9 sur l’article « Marius surnommé Æquicola », où Bayle se fonde sur un mémoire de Nicolas Clément, mais ne le nomme pas explicitement.

[12] Camille Le Tellier de Louvois (1675-1718), quatrième fils du ministre François Michel Le Tellier, marquis de Louvois, qui le fit nommer intendant du Cabinet des médailles et conservateur de la Bibliothèque royale. Il était par ailleurs grand vicaire de son oncle, l’archevêque de Reims, Charles-Maurice Le Tellier, et entra à l’Académie des sciences en 1699, à celle des inscriptions en 1705 et à l’Académie française en 1706.

[13] Les frères Pierre et Jacques Dupuy avaient gardé dans leur célèbre « cabinet » une très riche bibliothèque, qui passa ensuite dans la Bibliothèque royale. Voir Lettre 10, n.25, et J. Delatour, Les Frères Dupuy (1582-1656) (thèse Ecole des Chartes, 1996, 4 vol. : Archives nationales, cote AB XXVIII, 517) ; du même, Une bibliothèque humaniste au temps des guerres de Religion : les livres de Claude Dupuy d’après l’inventaire dressé par le libraire Denis Duval (1595) ([Villeurbanne] 1998), et « La charge de bibliothécaire du roi aux XVII e et XVIII e siècles », Bibliothèque de l’École des chartes, 152 (1994), p.465-502.

[14] En 1691, Nicolas Clément fut nommé commis à la garde de la Bibliothèque royale ; la même année, Jean Boivin (1663-1726), dit de Villeneuve, fut nommé « commis en second » ; celui-ci devint par la suite, entre 1720 et 1726, garde des manuscrits. Il acquit une grand réputation d’érudit, entra à l’Académie des inscriptions en 1705, fut professeur de grec au Collège royal entre 1706 et 1726 et succéda à Pierre-Daniel Huet en 1721 à l’Académie française, où il fut reçu par l’abbé Dubos. Habitué du salon de M me de Lambert, il prit part à la Querelle en faveur des Anciens.

[15] François Pétis de La Croix (1653-1713), professeur d’arabe au Collège royal depuis 1692 : voir Lettre 1270, n.16.

[16] Janiçon était en correspondance régulière avec Eusèbe Renaudot, qui avait tenu à justifier son Jugement du DHC de Bayle dans sa lettre du 5 mars (Lettre 1228).

[17] Le premier comte de Portsmouth fut John Wallop (1690-1762) ; il semble donc que Janiçon commette ici un lapsus, en confondant Portsmouth et Portland : en effet, c’est William Bentinck lui-même, Lord Portland, qui était, avec son beau-frère Edward Villiers, earl de Jersey, Thomas Herbert, earl de Pembroke, et Sir Joseph Williamson, plénipotentiare britannique dans les négociations de la paix de Ryswick : voir Lettre 1270, n.19. Mais, même en tenant compte de ce lapsus, Janiçon se trompe : comme Bayle l’affirme dans sa lettre du 24 juin et qu’il confirme dans celle du 29 août à Dubos, c’est Thomas Herbert, earl de Pembroke, qui avait demandé à Bayle des informations sur la traduction de Tamerlan par Pétis de La Croix : voir Lettres 1270, n.18, et 1294, n.3. Pembroke était d’ailleurs en correspondance également avec Jean Le Clerc depuis quelque temps déjà : voir Le Clerc, Epistolario, n° 249 et 265, i.191-192, 227-228.

[18] Cette traduction par François Pétis de La Croix de l’ Histoire de Timur-Bec, connu sous le nom du grand Tamerlan, empereur des Mogols et Tartares [...] écrite en persan par Cheres ed din Ali [ Charif Al Din Ali] ne devait paraître que bien des années plus tard (Paris 1722, 12°, 4 vol.). Bayle avait posé cette question à Dubos dans sa lettre du 24 juin (Lettre 1270 : voir n.16).

[19] Il s’agit de la lettre du 2 juillet, où Renaudot fournissait des informations à Janiçon sur la traduction de Tamerlan par Pétis de La Croix : voir Lettre 1271, n.2.

[20] C’est dans sa lettre perdue du 9 août que Dubos avait donné à Bayle des informations sur la traduction de Tamerlan par Pétis de La Croix : voir Lettre 1289, n.21.

[21] Bayle avait posé cette question à Dubos dans sa lettre du 13 mai 1697 (Lettre 1258, n.22). Daniel Heinsius (1580-1655) avait d’abord publié son analyse De tragœdiæ constitutione liber : in quo inter cætera, tota de hac Aristotelis sententia dilucide explicatur (Lugduni Batavorum 1611, 8°), puis sa pièce Herodes infanticida, tragœdia (Lugduni Batavorum 1632, 8°). En juillet-août 1632, elle fut envoyée par Constantin Huygens – à qui elle était dédiée – à Jean-Louis Guez de Balzac ; celui-ci la communiqua aux « plus honnêtes gens de [s]a province » et adressa à Huygens le 2 février 1633 un éloge de la tragédie, tout en faisant des réserves sur le personnage de Tisiphone. Huygens relaya ces remarques à Heinsius et reçut une réponse de l’auteur, qu’il communiqua à Balzac le 15 décembre. Le 15 mai 1634, Balzac envoya à Heinsius par l’intermédiaire de Huygens (et de M me Des Loges) son Discours sur une tragédie de M. Heinsius intitulée « Herodes infanticida », qui devait être publié peu après (Paris 1636, 8° : le privilège date du 30 janvier 1635 : voir l’éd. R. Zuber, in Balzac, Œuvres diverses (1644) (Paris 1995), p.173-215). Il y approfondit ses critiques sur la bienséance et accuse Heinsius de « pédantisme » et d’« affectation ». Heinsius, piqué au vif, répondit par une Epistola qua dissertationi Balzaci ad Herodem infanticidem respondetur (Lugduni Batavorum 1636, 8°), où il reprend les principes de sa première analyse De tragœdiæ constitutione. Jean de Croÿ intervint en faveur de Heinsius par sa Response à la lettre et au discours de Balzac sur une tragédie de Heins intitulée « Herodes infanticida » (s.l. 1642, 8°), et Claude Saumaise saisit l’occasion de critiquer son adversaire de Leyde par son Ad Ægidium Menagium epistola super « Herode infanticida » Heinsii tragedia et censura Balzacii (Paris 1644, 1645, 8°). Malgré les « mauvais offices » de son adversaire (en particulier, la publication par Heinsius du Discours politique sur l’état des Provinces-Unies de Balzac : voir Lettre 883, n.35), Balzac ne lâcha pas prise et consacra son vingt-cinquième Entretien (éd. G. Girard, Paris 1657, 4° ; éd. B. Beugnot, Paris 1972) à sa querelle ; le fils de Heinsius, Nicolas, rendit visite à Balzac et entretint avec lui une correspondance aujourd’hui conservée à la bibliothèque de Leyde. La querelle ne s’éteignit que par la mort des adversaires, Balzac le 18 février 1651, Daniel Heinsius le 25 février 1655. Voir le DHC, art. « Balzac », rem. I ; Sorberiana (Tolosæ 1691, 12°), p.45 (éd. Paris 1694, 12°, p.37) ; Adrien Baillet, Jugemens des savans sur les principaux ouvrages des auteurs, éd. Bernard de La Monnoye (Amsterdam 1725, 12°, 17 vol.), ix.204-210 (art. n° 1482) ; G. Cohen, Ecrivains français en Hollande, dans la première moitié du XVII e siècle (Paris 1920), p.278-291 ; R. Lebègue, « L’ Herodes infanticida en France », Neophilologus, 23 (1938), p.388-394 ; Z. Youssef, Politique et littérature chez Guez de Balzac (Paris 1972), p.117-164.

[22] Fille unique de Jean de Poitiers, Diane de Poitiers (1499/1500-1566), épousa Louis de Brézé, comte de Maulevrier, seigneur d’Anet, grand sénéchal de Normandie, en 1515, d’où les deux noms par lesquels elle est désignée. Veuve en 1531, elle devint la favorite, puis la maîtresse du Dauphin, futur Henri II, qui avait épousé Catherine de Médicis en 1533. Après la mort de François I er en 1547, elle réussit à faire exiler la très puissante maîtresse royale, la duchesse d’Etampes, et devint en 1548 duchesse de Valentinois ; en 1553, elle obtint le titre de duchesse d’Etampes. Après la mort d’Henri II, elle se retira à Anet, où elle mourut le 25 avril 1566. Bayle consacre un article du DHC à « Brézé (Pierre de) », où il précise, remarque H, que Diane, veuve de Louis de Brézé, qui fut enterré dans la cathédrale de Notre-Dame à Rouen, « fit mettre dans son épitaphe une prédiction qui étoit fausse » : « Hoc Lodoice tibi posuit Bresæ sepulcrum / Pictionis amisso mœsta Diana viro. / Indivulsa tibi quondam et fidissima conjux / Ut fuit in thalamo, sic erit in tumulo. » En effet, précise-t-il, Diane fut enterrée à Anet. Janiçon tire l’épitaphe de l’ Histoire de la ville de Rouen, divisée en trois parties (Rouen 1668, 12°, 3 vol.) de François Farin (1605 ?-1675). Voir aussi P. Erlanger, Diane de Poitiers (Paris 1958), et I. Cloulas, Diane de Poitiers (Paris 1997). Après la mort de Diane de Poitiers, c’est sa deuxième fille, Louise de Brézé, épouse de Claude de Lorraine, duc d’Aumale, gouverneur de Bourgogne, qui hérita du château d’Anet ; en 1576, elle l’abandonna à son fils Charles de Lorraine, duc d’Aumale ; celui-ci, ennemi acharné d’ Henri IV, dut s’enfuir à Bruxelles après la défaite de la Ligue à Ivry et son épouse, Marie de Lorraine, vendit le château à Marie de Luxembourg, duchesse de Mercœur, en 1615. La fille de celle-ci, Françoise de Lorraine, épousa César de Vendôme, fils naturel légitimé d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées : leurs fils, les ducs de Beaufort et de Mercœur furent les principaux animateurs de la « cabale des Importants ». Après la mort de César de Vendôme en 1665 et de sa veuve en 1669, c’est leur petit-fils, Louis-Joseph de Vendôme (1654-1712), fils aîné du duc de Mercœur et de Laure Mancini, qui hérita du château, où il s’entoura d’écrivains connus ( Chaulieu, Chapelle, Bachaumont, Dangeau) et organisa des fêtes fastueuses en l’honneur du Grand Dauphin.

[23] La lettre de Bayle à Janiçon du 12 août est perdue ; nous ne connaissons, à cette date, que sa lettre adressée à Dubos (Lettre 1286) : voir aussi sur ce point la Lettre 1295, n.10.

[24] Sur Charles René d’Hozier, voir Lettre 933, n.4. Voir le DHC, art. « Arnauld », qui précède les articles consacrés aux différents membres de cette famille : Bayle précise dans la note marginale (g) et à plusieurs reprises dans les articles suivants que certaines informations généalogiques sont « tiré[es] d’un mémoire inséré dans le Mercure galant du mois de décembre 1693 » ; on y trouve, en effet, une « Lettre curieuse touchant M rs Arnau[l]d et de Pompon[n]e », p.35-72, attribuée par le journaliste à « un homme fort éclairé » : c’est la source de Bayle, mais cette indication figure déjà dans la première édition du DHC : comme c’est la seule mention dans les articles consacrés aux Arnauld qui fasse état d’un « mémoire », on peut conclure que Bayle a reçu de la part de Charles René d’Hozier un mémoire qu’il n’a pas exploité ou bien une copie de cette même « Lettre » (dont l’auteur peut fort bien être d’Hozier lui-même), qu’il avait déjà utilisée dans la première édition.

[25] Le Père Dominique Robert de Briançon, Eloge historique et généalogique de feu messire Pierre d’Hozier [...]. envoyé par M. L. R. D. B. à un gentilhomme de ses amis (s.l.n.d., 12°) : l’attribution est due à Barbier.

[26] Sur Jacques Philippe de La Combe de Vrigny, arrière-petit-fils de Duplessis-Mornay, voir Lettre 1148, appendice, n.19. Son fils, Philippe Jacques de La Combe, obtint sa licence à l’université d’Utrecht en 1695 : Album studiosorum Academiæ rheno-trajectinæ MDCXXXVI-MDCCCLXXXVI (Utrecht, 1886), p.95. Un an plus tard, il publia chez François Halma, une disputation juridique : Disputatio juridica inauguralis de pactis adjectis (Trajecti ad Rhenum 1696, 4°).

[27] Michel Janiçon (?-1705), frère de François, fut ministre de Blois avant de gagner les Provinces-Unies à la Révocation ; il avait été nommé pasteur extraordinaire à Utrecht le 11 mars 1686 et installé le 16 mai ; il y avait été rejoint par le fils aîné de son frère François, nommé François-Michel, né en 1675.

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