Lettre 1350 : à


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[Rotterdam, le 23 février 1698]

Au très célèbre et très érudit Théodore Janson Almeloveen Pierre Bayle présente ses compliments.

Je n’aurais jamais cru, Almeloveen, joyau et trésor parmi les amis, que votre migration vers Harderwijk pour y occuper une chaire professorale devait créer entre nous un long silence. Sinon j’aurais certainement ressenti moins de joie devant cet honneur. Mais il me semble que nos rapports personnels sont bien meilleurs, d’où je recueille la consolation de croire que l’interruption de notre échange épistolaire n’a rien retranché de votre bienveillance envers moi. S’il vous plaît, faîtes qu’à la première occasion, une lettre de vous me rassure à ce sujet. Faites-moi savoir d’ailleurs comment vous vous portez sous ce climat, ce que vous faites réellement ou ce que vous entreprenez pour l’ornement et l’avantage de la République des Lettres. J’ai entendu l’automne dernier le très révérend D.D. de Mey, ecclésiastique de Gouda, parler de la teneur de votre leçon inaugurale, qui m’a énormément charmé. Votre nom revient souvent au cours de mes conversations avec vos amis rotterodamois ; nous vous souhaitons toute sorte de succès et nous aimerions qu’aux vacances prochaines, quelles qu’elles soient, vous soyez à même de nous rendre visite.

Quant à moi, je suis totalement absorbé dans la préparation des choses qui doivent composer le supplément de mon Dictionnaire, de même que dans la révision et la correction des deux volumes qui ont déjà paru. De là vous pouvez conclure que j’ai à y apporter un travail qui n’est pas léger.

Si vous avez reçu d’Allemagne quelque chose de nouveau touchant la vie littéraire, j’aimerais que vous m’en avertissiez. Je ne dirai rien des choses de ce genre qui sont accessibles en Hollande puisque rien de ce genre ne peut vous échapper ou vous rester inconnu. En France, il est vrai, beaucoup de choses sont publiées mais parmi elles peu sont de conséquence pour ceux qui comme vous sont à l’affût de la correspondance intime. Il vient de paraître à Paris une nouvelle édition d’ Horace avec la traduction continue et les notes de l’auteur jésuite, Jouvency, professeur de rhétorique au collège de Paris. Il est paru aussi, en français, une Histoire du nestorianisme, élégamment et ingénieusement écrite mais avec trop de zèle pour Nestor. L’auteur en est un jésuite nommé Doucin qui pendant quelques mois a été à Delft l’année dernière, dans la maison du comte de Crécy, l’un des délégués français envoyés pour faire la paix.

Vivez longtemps, très érudit et très cher Monsieur, et faites que soit toujours béni de votre amitié celui qui vous est des plus attaché et des plus affectueux,

Bayle

Donnée à Rotterdam le 7 e jour avant les Calendes de mars 1698

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