Lettre 1363 : Mathieu Marais à Pierre Bayle

• A Paris ce 25 e may 1698

Il m’est tombé ces jours passés un imprimé entre les mains sous le titre de Réflexions sur un imprimé qui a pour titre : « Le Jugement du public, sur le Dictionnaire critique de Mr. Bayle etc. » où j’ai reconnu cette plume vive, agréable et délicate, qui depuis vingt années fait l’ornement de la République des Lettres [1]. Quelle honte, Monsieur, pour cette République, que tous les membres n’en soient pas unis pour vous donner les louanges que vous merités ! Mais d’ailleurs, quel plaisir de vous engager à faire des apologies ! Pour moi, quelque amoureux que je sois de vos ouvrages (car je suis bien aise de vous dire que cela va jusques à la tendres[se]) je ne puis vouloir de mal à Mr l’abbé Renaudot, et à vostre fougueux adversaire de Hollande ( Jurieu) compilateur bannal de médisances contre tout le genre-humain, puisqu’ils vous ont fourni cette occasion de donner au public quelques réflexions sur vostre Dictionnaire, et de travailler à une justiffication que nous attendons avec cette impatience que vous scavés si bien remplir. Je me prepare de la voir à la teste de / vostre Supplément [2] où elle fera là une aussi belle figure que cette eloquente préface que vous avés mise à la teste de vostre Projet et qui meritoit bien • d’estre transportée dans le Dictionnaire comme un chef d’œuvre de vostre façon [3].

Le cardinal, qui demanda à l’ Arioste lorsqu’il lui présenta son poëme, où il pouvoit avoir pris tant de bagatelles [4], feroit bien une autre exclamation sur vos ouvrages, et il vous demanderoit à vous, Monsieur, ce que nous nous demandons tous les jours, où vous pouvés prendre tant de belles choses si nouvelles, si naturelles, si scavantes et si agréables. Tout le monde sent que ce livre lui manquoit (je parle de vôtre Dictionnaire). On peut lire enfin un livre de critique en nostre langue sans s’ennuier. Que dis-je, sans s’ennuier ? Il n’y a divertissement que l’on ne quitte pour le lire ; il n’y a point d’agrément que l’on n’y trouve, de quelque profession que l’on soit. Et pour les gayetés si Tertul[l]ien s’en effarouche, combien d’autres gens ne sont point fâchés de voir comment un homme d’esprit dit des • sottises, comme a dit quelque part le poli Mr Basnage [5] mon zèle, si je ne le retenois, previendroit vostre grande apologie. Je vais seulement suivre quelques endroits de vostre escrit et vous m’excuserés bien, Monsieur, si tout petit ruisseau que je suis, inconnu dans le monde des Lettres, j’ap[p]orte à vostre ocean quelques goût[t]es d’eau, que vous convertirés en perles quand il vous plaira. /

Nombre 3 des Reflex[ions]

L’abbé Renaudot passe parmi nous pour un homme sçavant dans les langues orientales. Vous l’avés reconnu dans la harangue de Mr de La Bruyere [6] lorsqu’il a dit : « Si l’on est curieux du don des langues joint au double talent de sçavoir avec exactitude les choses anciennes, et de narrer celles qui sont nouvelles avec autant de simplicité que de verité. Des qualités si rares ne vous manquent pas et sont reunies en un même sujet. » Voilà un bel éloge qu’il ne falloit pas gâter par la censure de votre ouvrage. Mais si cet homme dont le goût est si difficile n’est pas pour vous, je vais vous en donner un autre dont sans doute vous estimerez davantage l’approbation. C’est Mr Despreaux, critique non moins sévére que judicieux. J’ai eu occasion de le voir plusieurs fois l’esté dernier en sa maison d’Auteuil près Paris [7] (c’est où Moliere en avoit une, vous en avés parlé à son article [8]). Je lui parlai de vostre livre, qu’il n’avoit point vû. Il me pria de le lui prester, et aprés en avoir lû une partie, il m’en parla avec une admiration* qu’il n’accorde que trés difficilement, et il a toujours dit que vous estiés marqué au bon coin *, et de cette marque il n’en connoit peut-estre pas une douzaine dans le monde. La vivacité de vos expressions, l’etenduë de vos connoissances, jointes à une netteté qu’il dit n’avoir jamais vues ailleurs le charmerent. Il en revenoit toujours au bon coin, qui est le mot du guet entre les sçavan[t]s de la haute volée. Mr Dacier auteur des longs commentaires sur Horace, n’étoit pas tout à fait de ce sentiment [9]. Mais il ne disoit pas, ce que j’ai / reconnu depuis, que vous avés remarqué en quelques endroits ses distractions d’esprit, qui ne lui laissoient pas toute la liberté du suffrage. Mr Dépreaux n’a point esté fasché, comme vous pouvés croire de ce que vous avés dit, que sa Satyre des femmes est un chef d’œuvre [10]. C’est ainsi qu’il en juge lui même. Je n’ai point mandié cet éloge, nous dit-il, et voila de quoi opposer à Mr Perrault.

Pour sa comparaison de la biche en rut, que vous avés attaquée [11], il ne vous en veut pas plus de mal. Quand j’ai préféré la bête à l’homme, continua-t’il, je ne crois pas que Mr Bayle pense que j’ai dit cela tout de bon. Je sçais bien que l’homme est au-dessus de la bête ; que l’homme a une ame, et que Dieu n’a point promis son paradis à la bête. Mais il faut se mettre en la place d’un satyrique, qui conçoit une indignation contre les defauts de l’homme, et qui dans un mouvement de colére dit : « Le plus sot animal à mon avis, c’est l’homme [12] ». Il ajouta qu’il se deffendroit bien contre vostre critique. Mais que vous mesmes l’aviés mise dans la bouche d’un sophiste. Il n’avoit pas encore vû ce que vous avés remarqué sur le Torva Mimalloneis etc. de Perse [13], mais il le sçavoit. Il nous dit qu’il n’avoit point avancé sans de bons garan[t]s que ces vers estoient de Néron. Que dans la Vie de Perse qui est attribuée à Suetone, ces vers sont donnés à Néron. Que le vieux scholiaste, sans lequel on n’auroit jamais entendu Perse [14], les lui donnoit aussi. Que vous ne pouvés pas tirer avantage de la correction / que l’on dit avoir esté faite par Cornetus De l’Auriculas asini etc [15]. sur quoi vous fondés vostre scrupule, que laquelle correction, vous ne devés au vieux scholiaste qu’en meme tem[p]s vous ne conveniés de ce qu’il a dit sur l’attribution des vers à Neron. Vous ne pouvés diviser son temoignage. Enfin c’est une tradition parmi les gens de lettres. La rejetterés vous en littérature comme en religion ? Notés que le commentaire de Jean Bond sur Perse, imprimé par Vitray en 1641 (pag[e] 39) sur ces vers Tortua... porte hæc Carmina quæ sequuntur sive a Nerone, sive a quoniam nobili Romano composita [16]. Cela peut favoriser vostre doute. Vous connoissés assurement ce commentaire. Il est fait à la maniere des scoliastes daufins [17] avec une interprétation perpetuelle, des notes et une table des mots. Et si vous en voulés trouver l’eloge, c’est dans un endroit où on ne l’iroit jamais chercher, dans la Preface de l’ Aloysiæ Sigeæ Toletanæ Satira, Sotadica [18]. Les termes sont à la marge, et ils confirment ce que vous avés dit de l’obscurité licophronienne de cet auteur [19]. Les termes sont assés vifs.

Gratuleris tibi Aule Persi. Obvolvisti te ipse cœca nocte. Videri nolebas. Altam versibus, et versuum sensibus profudisti caliginem. Nolebas intelligi, forte et tute non intelligebas, non fecerunt ad te nox et caligo ut exerraret. Venit, vidit, discussit noctem et caliginem, Perspectum idonneo habet ut tute loqueris quod latet arcanâ non enumerabile fibrâ. Eripuit / tibi te neganti conspectum. Latebas intra te, ne se curiosa et erudita inveniret sagacitas. Eras ipse involuerum tibi. Quis vero fuit furor ille tuus ? [20]
J’en ai une traduction ou paraphrase par le sieur Geffrier en 1658 (in 12) [21]. Celui-là ne doute point que les vers ne soient de Néron, et Moreri peut bien y avoir pris ce qu’il a dit d’Arrie [22], dont la reputation a esté si chere à ce Mr Geffrier, que pour reparer le tort que Perse lui a fait, à ce qu’il pense, il a fait imprimer à la teste de sa traduction un sonnet que le Pere Le Moyne a fait pour Arrie, et qui se trouve dans La Galerie des femmes fortes [23]. Ce livre est escorté de deux sonnets panégyriques pour l’auteur faits par Pelletier et Colletet le fils tant decriez par Mr Despreaux [24]. Il fait mourir Perse en la 203 e Olymp[iade] l’an 785 de Rome, le 22 e de Tibere. Oldonii a, comme vous voyés, un compagnon de sa béveuë [25]. J’ai cru que ces remarques vous feroient plaisir. Mr Baillet ne paroist pas incliner beaucoup pour Perse [26].

A propos de Mr Baillet, Mr Despreaux trouve que vous le cités trop. Il ne le met pas au nombre des auteurs du bon coin. Il a rap[p]orté dans l’article d’ Homere qu’au sentiment d’Elien, Homére avoit composé son Iliade et son Odissée par morceaux sans unité de dessein [27]. Elien n’a point dit cela. Mr. Despreaux l’a montré clairement dans ses Nouvelles réflexions sur / Longin [28], qui apparemment ne vous ont pas échap[p]ées [ sic]. Ainsi vous ne pouvés plus vous plaindre qu’on n’y ait pas répondu comme vous avés fait quelque part dans votre Diction[n]aire [29]. Mr Perrault avoit orné ses Paralelles de ce morceau d’ Elien pour abaisser Homére [30]. Il l’avoit pris de Mr Baillet, qui ayant fourni cette mechante • objection contre les protecteurs des • Anciens, ne peut pas apres cela estre de leurs amis. Mais pourquoi Mr Baillet en souffriroit-il ? Puisqu’il l’avoit pris lui mesme du Pere Rapin dans sa Comparaison d’Homere et de Virgile [31] ? Voila la généalogie de cette faute. Le P[ère] Rapin l’a mise au monde. Mr Baillet qui a voulu qu’on crut qu’il a remonté à la source a cité Elien, et il a trompé Mr Perrault à qui Mr Despreaux ne l’a pas pardonné. Ne parlerés-vous point d’Elien dans votre Sup[p]lement [32] ? Cela en vaudroit bien la peine et à ce sujet il y auroit plaisir de vous voir discourir sur la querelle des Anciens et des Modernes qui a fait des schismatiques dans ces derniers tem[p]s. Vous n’oublierés pas le livre de Mr de Callieres, qui a terminé depuis une plus grande querelle [33] ; le livre de Mr de Longepierre [34] ; le petit discours de Mr de Fontenelle à la fin de ses Pastoralles [35], le 4 e volume de Paralelle [36], les épigrammes lancées de part et d’autre, les Nouvelles reflexions sur Longin [37], l’ode pindarique, le poëme de Mr Perrault, qui a declaré la guerre [38], l’ Oggidi de Lancelot [39], le livre de Rampalle [40], les épigrammes du chevalier de Cailly [41], et autres piéces tant anciennes que nouvelles, que l’on peut produire dans ce procès. Ajoutés l’ Epitre de La Fontaine à Mr. l’évêque d’Avranches ( Huet) en lui envoyant un Quintilien de la traduction de Toscanella [42]. /

Me voila bien loin de l’abbé Renaudot. Il n’y a pas grand mal de l’avoir perdu de vuë. J’y reviens un moment pour vous dire en confidence et sans passer pour tyran de conversation (pour me servir de vos termes) que quoi qu’il soit ami de Mr Despreaux, et que ce dernier lui ait adressé son Epitre sur l’amour de Dieu [43], il ne l’estime pas autrement du costé de sa Gazette. Il dit qu’il est le protecteur des Turcs, qu’il les met toujours en campagne dés le mois d’avril, et qu’ils n’y sont jamais qu’au mois d’aoust, encore est-ce pour se faire battre. C’est un plaisir d’entendre parler cet homme là. C’est la raison incarnée, si l’on peut parler ainsi. On feroit de bons Boiléana, si l’on pouvoit recueillir tout ce qu’il dit [44]. Ce fut lui un jour qui fit ce terme. Mais il est presque toujours à Auteüil, ce qui fait qu’on ne jouit pas de sa conversation comme on voudroit. Au reste c’est un homme d’une innocence des premiers temps, et d’une droiture de cœur admirable, doux, facile et qu’un enfant tromperoit. On ne croiroit jamais que c’est là ce grand satyrique. Le portrait qu’il a fait de lui mesme dans son Epitre à ses vers ne peut estre plus ressemblant [45].

Vous parlés de Montagne sur la fin du nombre 3. Cet homme extraordinaire mérite bien un article dans vostre Supplement [46]. Balzac [47] et le Pere / Mal[e]branche en ont beaucoup parlé [48] et tant d’autres gens [49]. Mais nous attendons un jugement de vostre main. Voici celui qui se trouve dans un livre qui a pour titre : Education, maximes et reflexions de Mr de Moncade, imprimé à Rouen en 1691 [50]. Ce livre vient de bon endroit. Mais l’auteur ne se nomme pas. Le genie de Montagne, dit-il, est de tout risquer, bons [ sic] sens, religion, conscience, doctrine, pour faire valoir une pensée forte, et une expression hardie. Il y a dans ce livre des observations assés recherchées sur le genie des nations, comme celle-ci : « Dans les Belles Lettres les Espagnols font moins qu’ils ne peuvent, les François font tout ce qu’ils peuvent, et les Italiens plus qu’ils ne peuvent. »

Venons à Quellenec et au livre de Tagereau. Quelle pauvreté d’avoir repris ce que vous avés dit du congrez [51] ! Les remarques que vous faites là dessus sont victorieuses. Les compilations sont des marchez où les riches et les pauvres doivent trouver de quoi se nour[r]ir. Cela est tellement de nature à entrer dans une compilation, que M[aîtr]e Laurent Bouchel, avocat en Parlement, qui a fait une Bibliotheque alphabetique du droit françois a inséré tout le livre de Tangereau [ sic] sous le mot de séparation, lettre S, tome 3 [52]. De sorte qu’au milieu de toutes ces matieres graves et epineuses vous trouvés ce discours entier avec toutes ses libertez sans que jusques à présent nos Tertulliens y ayent trouvé à redire. Voila une compilation où on fait entrer tout le livre, et dans la vostre vous ne faites entrer que quelques morceaux du livre. Qu’ils apprennent, ces M rs les critiques, ce que c’est qu’un compilateur, et / qu’ils l’apprennent de ceux qui ont fait ces sortes d’ouvrages. Je suis bien aise d’avoir fait cette découverte.

Vous renvoyés à Menjot [53] et à Tiraqueau [54], qui ont parlé de matieres libres. Vous avés encore l’exemple de Nevizan jurisconsulte d’Ast, qui dans sa Sylva Nuptialis [55] a ramassé tout ce qu’on dit pour et contre les femmes. Il y a bien des choses originales dans ce livre. J’en ai une edition gothyque de 1521 chés Kerver dont le titre est rejouissant. Il est à la marge. Vous y trouverés que Jésus-Christ ne s’est fait homme et n’a pardonné au genre humain, que parce que la Vierge etoit belle. Imo Deus Optimus Maximus ob pulcræ et decoræ filiæ Jerusalem immaculatam virginitatem generi humano sibi infesto pepercit et homo factus est [56]. Sur quoi il cite les Conseils de Romanus avec la page, la ligne et le mot. Si mulieri non satisfit de vestibus et carnibus, ipsa satisfacit de Cornibus [57]. C’est un jurisconsulte qui parle ainsi dans un ouvrage sérieux. Dieu, si on l’en croit[,] ne precipita point tous les mauvais anges en enfer. Il en mit quelques uns dans le corps des femmes pour faire enrager les hommes. Tout est plein de pareilles choses dans cette compilation. En voulés-vous une autre ? Benedictus Curtius, qui a commenté les Arrests d’amour [58] n’a-t-il pas • recueilli tout ce qui se trouve d’erotique dans les loix, dans les auteurs, dans les poëtes ? J’oubliois / les canonistes, qui lui ont fourni aussi bien qu’à Nevizan un nombre infini de citations. Voyez la preface et son commentaire sur l’ Arrest 40 où il nomme quantité d’auteurs qui ont traité de semblables matiéres.

Le livre de Tagereau vous a conduit naturellement à celui du Tableau de l’amour, attribué au commencement à Salonici medecin venitien, et que vous nous apprenés estre de Nicolas Venette médecin à la Rochelle [59]. Le masque qu’il avoit pris, pour estre de Venise, n’étoit pas des plus fins. Comment prendrions nous pour un républicain un homme qui parle, du roy de France en ces termes : « Nostre incomparable Monarque qui ne laisse rien echap[p]er pour rendre ses peuples heureux et son royaume abondant » ; qui dans la distinction des climats, parle de la France comme de son propre pays ; qui dit qu’il a fait un Traité du scorbut par ordre de Mr Colbert du Terron, etc. Sur ma parole, cet homme ne s’est caché que pour estre reconnu. Mais que dites vous de ces exordes qui sont au commencement de chaque chapitre ? Cela ne vous a-t’il point semblé estre un peu puerile [ sic], et donner dans le lieu commun, et pour les citations, ne sont-elles point trop vagues ? Vous nous avés accoutumé[s] à l’exactitude, et nous sommes faschés de ne la pas rencontrer par tout.

Le nom de Mr Arnaud, que je rencontre au nombre 12 me fournira quelques observations. / On ne peut pas douter qu’il ne soit l’auteur du livre De la perpetuité de la foy deffenduë [60], dont le premier volume in 4° a esté imprimé en 1669. Dans l’approbation de Mr l’évêque de Laon, à présent le cardinal d’Estrée, et dans quelques autres Mr Arnaud est nommé. Voila donc à cet égard l’incertitude fixée. Celle de l’époque de la querelle le peut aussi estre par la préface de ce mesme livre. Mr Arnaud dit qu’on avoit fait un ecrit pour servir de préface au Recueil des passages des Peres, dont on a composé l’ Office du Saint Sacrement. Mr Claude y répondit. Sa réponse étoit manuscrite : elle fut refutée par un imprimé qui est la Perpetuité de la foy de Mr Nicole. Il n’est point de Mr Arnaud. Mr Claude répondit, et fit imprimer sa réponse avec celle qui avoit couru manuscrite. C’est le 2 e imprimé. Mr Nicole refuta cette réponse (3 eme livre). Mr Claude replique (c’est le 4 eme). Alors Mr Arnaud se mit sur les rangs. Il commença à travailler à son ouvrage au commencement de l’année 1667. Il le dit lui mesme. Son travail l’occupa pendant toute l’année et jusques à la moitié de celle de 1668. Il se trouve des approbations dattées des 7, 17 et 21 juin 1668. Il fallait que l’ouvrage fut fini. C’est le 5 eme qui a paru. Notés que Mr Arnaud dit qu’il y avoit un / an qu’il hésitoit à répondre quand il commença à écrire. Ainsi le premier écrit de Mr Claude ne peut point avoir paru en 1666 comme vous le conjecturés, mais en 1665, et peut estre bien dès l’année 1664.

Cet article de Mr Arnaud demande un grand sup[p]lément pour ce qui est arrivé depuis sa mort, et qui est très considerable [61]. Sa déclaration de foy, en forme de testament [62], où il a étalé toutes ses opinions merite bien qu’on ne l’oublie pas. Mr Perrault lui avoit donné une place dans ses Eloges des hommes illustres. Les jesuites ont eû assés de crédit pour faire oster et son portrait et l’eloge, aussi bien que ceux de Mr Pascal [63]. L’un et l’autre devroient estre conservés à la posterité dans vôtre Diction[n]aire, quoique ces Eloges de Mr Perrault n’ayent pas esté fort estimez. Il ne faudroit point omettre aussi la querelle d’entre Santeuil et la Société au sujet de l’epitaphe qu’il avoit faite de cet illustre docteur, dont on nous a donné une petite histoire avec les pieces justificatives, non pas celle que vous avez cité[e] quelque part, mais une autre qui a paru depuis avec laquelle on a imprimé les lettres entieres du P[ère] Jouvancy, du Pere Bourdalouë, du P[ère] de La Rue, un certificat de Mr de Lamoignon avocat general sur l’estime qu’il faisoit de Mr Arnaud ; deux lettres de ce docteur sur les poesies de Santeuil, et tous les vers tant / françois que latins, qui se sont faits de part et d’autre [64]. Cette querelle est singuliere, et n’a peut estre point d’exemple dans les lettres ni parmi les hommes. Cela est veritablement de vostre ressort, vous, Mons r, qui avés recueilli avec une si grande attention les faits singuliers.

En voici • un autre qui regarde encore nostre docteur, et qui peut entrer dans la querelle des Anciens et des Modernes. Mr Perrault avoit critiqué la Satyre des femmes. Cette critique tomba entre les mains de Mr Arnaud, et donna lieu à une dissertation en forme de lettre qu’il fit quelque tem[p]s avant sa mort, où il prit la deffense de la Satyre avec cette vigueur d’esprit et de style qui ne l’ont point quitté. Le party des Anciens en fut glorieux, et cela valut à Mr Arnaud ces beaux vers de Mr Despreaux dans son Epitre à ses vers, où il préfère à tous ses avantages, mesme à celui d’estre historien du Roy, l’apologie que ce docteur a faite de sa Satyre :

Arnaud, le Grand Arnaud, fit mon apologie [65],
Il veut qu’on mette sur son tombeau cette circonstance, et il ne trouve rien de meilleur à opposer à ses rivaux. Je ne crois pas que les bons Peres soient autrement satisfaits de la grandeur, dont on a regalé l’apologiste, et des traits satyriques qui immortalisent leur haine contre lui. /

Il faut vous dire tout. Les jansénistes rigides que vous appellés rigoristes ne furent pas conten[t]s de cette derniere piece de Mr Arnaud. Un docteur blanchi dans des disputes graves et sérieuses, parler à plus de 80 ans de vers de femmes, de romans ! Quel desordre ! Le parti en fremit, et se disoit à l’oreille que leur chef baissoit. La poësie à les entendre estoit un art frivole qui n’avoit pas dû un moment arrester un si grand genie. Cela vint aux oreilles de Mr Despreaux, et là dessus il entreprit sa piece sur l’amour de Dieu pour leur montrer que la poesie peut embrasser les sujets les plus sublîmes [66]. Cette circonstance, que je sçais de lui mesme est digne d’estre remarquée. Car un jour quelque commentateur ne manquera pas de chercher un autre motif, et de dire que ce grand poëte sur ses vieux jours a fait comme beaucoup d’autres des vers de devotion pour sanctifier sa Muse. Les penetrateurs du cœur humain, les Varillas et les Maimbourg sont sujets à dire bien des mensonges.

Je trouve encore à mettre Mr Despreaux et Mr Arnaud ensemble, au sujet de l’Epitre 3 e des Œuvres de Mr Despreaux, où il explique les effects de la mauvaise honte. Cette Epitre est adressée à Mr Arnaud. Il ne faut pas exiger de vous, Monsieur, que vous en parliés, puisqu’elle est contre Mr Claude [67]. Mais je m’en sers pour montrer q[ue] Mr Arnaud passoit publiquement pour l’auteur / de la Perpetuité deffenduë. Quel dom[m]age, Monsieur, que vous ne soyés point des nostres, et que cette diversité de Religion vous engage ou à des omissions de choses qui orneroient considerablement vostre ouvrage, ou mesme à des commissions (pour vous rendre vos termes) qui témoignent un peu trop de partialité ! Pourquoi tant parler du pape, des cardinaux, de l’Eglise romaine dans des endroits où ils viennent de si loin qu’on ne les attend pas ? Vous dites si bien quelque part que nous ressemblons en ces matieres à des nouvellistes, qui prennent chaudement le party sur lequel ils sont entestés sans écouter les raisons du party contraire. Taisons nous donc sur des choses sur lesquelles vous convenés vous mêmes [ sic] qu’on ne doit point nous ajoûter de foi, de quelque costé que nous soyons.

Revenons à Mr Arnaud. Je ne le quitte point sans vous dire qu’un fameux janseniste, qui est mort depuis deux ans à Argenteüil où il étoit retiré depuis 20 années, après une Bastille de quelque temps, m’a dit que l’exclusion de la Sorbonne seroit toujours honteuse à ces docteurs, et que quelque irrégulière que fût cette exclusion, il avoit toujours tort d’avoir engagé le corps dans cette irregularité. Il me disoit aussi que Mr Nicole dans les commencemen[t]s qu’il a écrit ne sçavoit rien du tout ; qu’on estoit obligé de s’assembler chés lui, de disputer et de lui mettre les choses vingt fois dans la teste avant que de les comprendre, et qu’enfin il jettoit sur le papier ce qu’il avoit compris, mais c’étoit avec bien de la peine. /

Je vous ai parlé de Santeüil [68]. C’est encore un homme dont la mémoire demande une place dans vostre temple. Mr Baillet et Mr de La Bruyere lui ont deja donné quelques traits. C’est une ébauche qu’il faut que vous acheviez, et vous devés à chaque illustre des coups de ce pinceau qui les marque pour l’immortalité. Mr Despreaux dit que c’étoit un fou qui estoit poëte. On dit ordinairement que tous les poëtes sont fous, cela n’est pas vrai, dit-il, il n’y a pas eû un homme plus sage que Virgile. Mais il faut dire, à son avis, que tous les foux sont poëtes. Allés aux Petites Maisons, il n’y en a pas un qui ne fasse des vers, ou qui n’en veuille faire. Cela revient à ce que vous avés dit, je pense sur Cardan, nulla dementia sine mixturâ ingenii au lieu que Seneque a dit : nullum magnum ingenium sine mixturâ dementiæ [69]. Le chevalier de Sillery [70], qui a des bons mots, dit que les grands esprits ressemblent aux epaules de mouton, qui ne sont jamais si bonnes qu’un quart d’heure avant que d’estre gâtées.

Le cardinal de Richelieu en etoit tout proche quand il se fit peindre en crucifix [71]. Il y a des gens qui ont vû ce tableau, et voilà de quoi fortiffier la divinité dont vous avés parlé dans vos Nouvelles lettres sur le calvinisme [72]. Ce fût à l’occasion de ce tableau que le chevalier de Sillery fit la comparaison que je viens de vous dire. Dans les Œuvres posthumes de La Fontaine vous trouverés un autre bon mot de lui, qui merite bien d’estre placé dans un sup[p]lement d’ Innocent XI [73]. Il y a encore dans ce même livre une lettre adressée à Mr le prince de Conty, / où la Fontaine parle encore d’Innocent XI très librement [74] et avec cette naïveté qu’il n’a imitée de personne, et que personne n’imitera jamais de lui. Cela merite bien d’entrer dans un commentaire critique, et ne peut manquer de faire plaisir au lecteur le plus austére, quand vous l’aurés assaisonné de ce sel dont vostre plume est trempée. Je vous indique encore sur Innocent XI une remarque assés curieuse qui se trouve dans le Valesiana [75]. Mais quand j’y songe, tout ceci m’éloigne bien de vostre ecrit. J’y rentre sans façon, et il faut bien que vous me preniés avec tous mes defauts, et puis, je ne me suis engagé à suivre d’autre ordre, que, ce qui me viendroit dans l’esprit, à peu près comme ce con[seill]er au parlement de Toulouse ( Guillaume Benedicti) qui appliqua toute la matiere testamentaire à tous les mots d’un chapitre du droit canon [76].

Les person[n]alitez qui vous regardent seront avidement recueillies par les compilateurs futurs. On y verra vostre indifference pour les emplois et vostre tendresse pour ce precieux loisir, qui est si necessaire aux gens de Lettres. Vous parlés de la sup[p]ression de vostre charge [77]. Aussi voyons nous que vous ne prenés plus la qualité de professeur en philosophie et en histoire que vous aviés lorsque vous donniés au public ces curieuses et sçavantes Nouvelles de la republique des lettres. Cette charge est-elle sup[p]rimée tout à fait, ou si on vous l’a ostée pour la donner à un autre ? En tout cas je plains vostre sucessseur et je benis avec vous le jour et l’heure qui vous a rendu à vos dignes occupations. Vostre adversaire [78] est ici raillé si finement, que depuis Mr Paschal [79] nous n’avons rien vû qui approche de ce sel et de cette delicatesse. Il est vrai que vous en parlés souvent, et peut estre un peu trop souvent dans vostre Diction[n]aire. Mais après tout ce que vous en dites est toujours nouveau. Et comme vous menés les preuves avec vous, je ne m’étonne pas que vous vous soyés attiré son indignation. Je trouve au reste qu’il a raison de se glorifier des places que vous lui avés données dans vostre ouvrage. Le voila seur de passer / à l’immortalité, et sans cela nous l’eussions vû survivre à sa memoire, comme il a survêcu à ses prédictions. Il doit estre aussi trés glorieux de ce que vous le comparés à Moreri et à Varillas, qui tout mauvais qu’ils sont valent beaucoup mieux que lui.

Vous declarés que Rabelais est un livre qui ne vous plait guére [80]. J’en suis un peu fasché. Car il m’a donné bien du plaisir en ma vie, et m’en donne toutes les fois que je le relis. Ingeniosissimum opus composuit in quo omnium hominum ordines deridendos propinavit, dit Mr de Thou [i]. Il dit les choses sérieuses comme de pires fadaises, et dit les fadaises le plus souvent sans ennuier. C’est un folâtre tout propre à guerir la melancolie. Le bon homme Patin le savoit par cœur [81], et il le portoit toujours dans sa poche, jusques là qu’à l’Eglise il s’en servoit comme d’un livre d’heures. Je connois des gens qui l’ont vû, et il allait chés des femmes de ses amies pour le leur expliquer. Il est certain que Rabelais sçavoit trés bien nostre langue et qu’il l’a enrichie de plusieurs mots. Mr Menage a fait son eloge dans la préface de la 2 e partie de ses Observations sur la langue françoise [82], et notez que Moreri a copié tout cet eloge dans son article sans le citer [83]. Mr Van-Dale dans son Traité des oracles n’a point oublié Rabelais sur les / sorts virgiliens [84], et Mr de Fontenelles abregeant ce traité en fait une remarque expresse [85]. Mr Baillet à l’article de Folengi benedictin, qui a donné la Macaronée sous le titre de Merlin Coccaje rap[p]orte, qu’on dit que Rabelais a tiré de cette Macaronée les plus beaux endroits de son Pantagruel [86]. Mr de La Bruyere lui a donné un coup de son pinceau dans ses Caracteres [87]. Mr Ménage a dit dans une épigramme grecque, que c’est un Lucien meslé d’Aristofane, et il avoit fait des observations sur tout le livre qui sont demeurées manuscrites [88]. Le curieux auteur qui a fait de nouvelles remarques sur la Satyre Menippée [89] le cite souvent. Il paroit l’entendre mieux que personne ne l’a entendu, et je voudrois bien qu’il lui prit envie d’augmenter l’ Alfabet de l’auteur françois et d’en faire un commentaire entier [90]. Nul ne seroit plus capable que lui de rendre ce service au bon maitre François et à quantité d’honnestes gens qui en font leurs délices. Dans le « Discours de l’imprimeur » qui est à la fin de la Satyre Menippée (et ce « Discours » est de main de maistre) Varron, Petrone, Lucien et Apulée sont mis au-dessous de Rabelais, qui selon le langage de l’auteur a passe tous les autres en rencontres et belles robineries*, si on en veut oster les quolibets de taverne et les saletés des cabarets. N’oublions pas M[aîtr]e Estienne Pasquier qui a fait son panegiryque [91] en plusieurs endroits de ses Recherches, et qui nous a appris que / le rondeau, « Prenez-la, ne... » est effectivement de Cretin, lequel l’adressa à Christophe de Refuge, qui lui avoit demandé conseil sur son mariage [92]. Mr Ogier dans son Apologie de Balzac l’a un peu maltraité [93] : « Cet infame, qui faisant profession de la medecine, a esté l’empoisonneur de toute la France. N’allegue-t’il pas le Vieux et le Nouveau Testament pour faire rire le monde, aussi souvent que les saints Peres s’en servent pour nous faire apprehender les jugemens de Dieu et nous exhorter à la penitence ? Y a-t-il passage si grave et si serieux dans les livres canoniques auquel il ne donne un sens ridicule, et n’est-ce pas ce sens là qu’il semble que le malin esprit veuille aujourd’hui adjouter aux quatre autres qui sont receus de l’Eglise ? »

Voila du Tertullien, et cela sent bien l’hyperbole de Balzac, que l’on soupçonne avoir travaillé lui-même à son Apologie. Le Sorberiana en fait un assés bon article [94], quoiqu’au surplus ce livre soit assés frivole. Le benefice de la citation doit transporter cet article ailleurs. Cela vous regarde. Je ne sçais si vous connoissés une edition de Rabelais à Valence chés Claude La Ville 1547. C’est un petit in 12° en billot, qui est bien rare [95]. L’auteur de l’ Alphabet [96] ne l’avoit point vû. Car il dit que ce n’est qu’à l’edition de 1553 que Rabelais avoit pris la qualité de caloyer des isles Hieres, et je la trouve dans la / mienne qui est de 1547. Voici comme elle est disposée : le 1 er et le 2 e livre sont à peu près semblables aux autres editions. Ensuite est la Pronostication pantagrueline pour l’an 1547. Apres il y a le Voyage et navigation que fit Panurge aux isles inconnuës et etrangeres etc. Ce Voyage est composé de trente et un chapitres qui ne sont point dans les autres editions que j’ai veues, et qui ont esté faites sur celle de 1553. Je connois bien des gens, qui aimeroient mieux cette découverte que celle d’une Decade de Tite-Live. Ce ne seroit pas l’abbé Renaudot, mais quelques bons bourgeois de la Republique des Lettres, qui aimeroi[en]t à lire pour se divertir. Rabelais lui mesme, qui vivoit en ce temps là, retrancha apparemment ces chapitres où il ne trouva pas qu’il [y] eut assés de science meslée parmi la bagatelle. Il y a bien des plaisanteries qui pour[r]oient servir de sup[p]lement à l’article de « Sadeur » [97]. Il semble que Rabelais ait voulu se moquer de ce livre un siecle devant qu’il ait paru par les plaisanteries qu’il fait sur les Isles fortunées où il n’y a point de femmes. Aprez ce Voyage est le 3 e livre à peu près comme nous l’avons. Ensuite le 4 e livre daté de 1548. Le prologue n’est pas celui que nous voyons dans nos editions, et il n’y a en tout que dix chapitres à ce 4 e livre, et le volume finit là. L’auteur continua à travailler et acheva ce livre qu’il dedia au / cardinal de Chastillon le 28 janvier 1552. Mon edition ne contient que ce qu’il avoit fait jusqu’en 1548. Les imprimeurs lui arrachoient des mains tout ce qu’il faisoit, et ils n’attendoient pas que le livre fut parfait. J’ai peut estre tort d’avoir fait toutes ces recherches sur un livre qui ne vous plait guere. Mais j’ai cru qu’elles appartenoient à la connoissance exacte des livres, et que sous ce masque, elles ne vous déplairoient pas.

Voici une autre découverte, que vous estimerés d’avantage. Vous avés rap[p]orté dans l’article de « Guise », un morceau curieux d’un livre, qui vous a esté communiqué par Mr Bourdelot medecin ordinaire du Roy [98]. Je vous envoye copie d’une piece de ces temps là, qui n’est plus dans les registres du Parlement, et que j’ai moi-même copiée sur l’original signé Du Tillet. Après que les Seize eurent fait pendre le president Brisson, le Parlement ne voulut plus rentrer. Le duc de Mayenne vint à Paris, fit assembler le Parlement, et se rap[p]orta à la Cour de nommer les presiden[t]s. Mr Chartier doyen lui remontra quand il y avoit un roy, la cour lui nommoit quelques sujets, dont il choisissoit l’un d’eux. Mais qu’à present n’y ayant aucun roy, elle se remettoit à lui d’en vouloir nommer. Surquoi il nomma pour premier president ledit sieur Chartier, pour second Mr de Hacqueville, pour troisieme le / president de Nully, et pour quatrieme Mr Le Maitre.

C’est cet acte d’assemblée et de nomination que je vous envoye [99]. Il est du 2 decembre 1591. Notez que le duc de Mayenne aimoit fort le president de Nully. Il lui avoit deja donné une charge de president du Parlement après la mort du president de La Guesle, et après la mort de Mr Amyot il lui donna la charge de garde de la bibliotheque du roy ; et comme il estoit p[remier] p[resident] de la cour des Aydes, tous les ans il lui donnoit des lettres de compatibilité avec la charge de president du Parlement. Ce sont toutes piéces que j’ai veues. Je voudrois sçavoir ce que devint le president de Nully après la reduction de Paris, et où il est mort [100]. L’auteur des remarques sur la Satyre Menippée [101] n’en dit rien.

Il faut estre Mr Bayle pour vous tirer du reproche de contradiction que vostre adversaire vous a fait sur les louanges que vous avés données à ses ouvrages dans vos Nouvelles de la republique des lettres et sur la critique que vous faites de ces mesmes ouvrages dans vostre Diction[n]aire [102]. Vous nous ap[p]renez la disposition d’esprit où vous avés esté en travaillant à l’un et à l’autre. Cette deffense est ingenieuse. Mais on croira difficilement que vous n’agissiés pas en critique dans vos Nouvelles, puisque vous n’en demeuriés pas à de simples extraits mais vous portiés vostre jugement sur tout et un jugement qui a esté admiré de tous / les scavan[t]s de l’Europe. Mr Pel[l]isson a si bien dit : « Le mérite et la reputation de Mr Bayle, dont les ecrits vont par tout, et font tous les mois les délices des gens de Lettres, ne nous permettent pas de négliger une objection qu’il nous a faite. Mais Homère lui même, comme disoient les Anciens, n’étoit pas toujours également attentif à son ouvrage, il ne faudroit pas s’étonner si un excellent esprit, examinant tant d’ouvrages d’autrui, n’avoit pas eû toujours devant les yeux la suite du nostre [103]... ». Se peut-il rien de plus gracieux et de plus poli ? Cela montre que vostre ouvrage étoit plus estimé que vous ne l’estimés vous mesmes. Vous dites que ce sont des enfan[t]s que vous desherités. Mais il n’est pas en vostre pouvoir d’oster à vos enfan[t]s, par une exhérédation injuste, une réputation qui leur est propre, et que vous leur avés comnuniquée. C’est une donation, pour parler comme les jurisconsultes, que vous ne pouvés revoquer ; sinon pour les causes de droit, comme pour l’ingratitude, et en quoi pouvés-vous reprocher ce vice à des enfan[t]s qui vous ont si bien servi ? Mais, que repondés-vous, Monsieur, aux eloges superlatifs que vous avés donné[s] à L’Esprit de Mr Arnaud dans les Nouvelles lettres sur le calvinisme [104]. Vous n’en exceptés rien ; tout y est beau, dites-vous, tout y est curieux et / sçavant. L’eloge que vous avés fait n’a pas peu contribué à le faire passer en ce pays-ci. Car c’est assés que vous disiés oui, pour qu’on le dise avec vous. Cependant dans vostre Diction[n]aire vous ne le regardés que comme une miserable satyre. Ce pas seroit difficile pour tout autre homme que vous. Nous verrons ce que vous en dirés dans vostre apologie. Ce que vous en dites au nombre 20 semble demander quelque chose de plus [105].

Vous estes merveilleux sur les superfluitez prétendues de vostre Diction[n]aire, par rap[p]ort aux scavan[t]s et aux demi-scavan[t]s. Cela est traité avec un agrément incomparable. Je m’imagine voir toute la République des Lettres assemblée, dont chaque citoyen reclame non seulement vostre Dictionnaire entier, mais vous supplie de continuer et de donner vostre Sup[p]lement et le Sup[p]lement du sup[p]lement. Si l’on faisoit bien, il vous seroit ordonné avec gratification publique de travailler pour l’honneur de nostre siécle qui se vanteroit d’avoir un Erasme françois pour opposer à celui du siecle passé. Personne ne vous a-t’il donné encore ce nom là ? Je serois bien aise d’en estre le parrein [ sic].

Je n’ai point vû les Additions aux pensées sur les cometes, dont vous parlés au n° XXXII. Je ferai tout ce que je pour[r]ai pour les avoir, puisque vous y avés fait vostre apologie sur les accusations d’impieté. / Bien des gens ont crû que ce livre des Pensées etc. ne pouvait estre lû qu’avec grande précaution. Je l’ai lû et relûe sans y appercevoir cet atheïsme fin que les scrutateurs y découvrent [106]. Vous y avés predit la Ligue six ans avant qu’elle fut formée [107]. Voila ce que tout le monde n’y remarque pas, et qui cependant est trés remarquable. Vous n’avés eû besoin d’autre comete, pour prédire cet evenement, que de considerer avec attention l’etat des affaires de l’Europe. Voila comme Cicéron en usoit de son temps. Je n’ai point vû la Cabale chimerique etc. et je ne connois d’ouvrages de vous que les Pensées sur les cometes, les quatre petits volumes de critique sur le Calvinisme de Maimbourg, la République des Lettres depuis mars 1684 jusqu’à mars 1687, et le Diction[n]aire. Je vous donne aussi la préface de Furetiere [108].

L’article de « David », a revolté bien des gens, qui estoient mesme de vos amis [109]. Qu’avés-vous à répondre au vers[et] 14, c[hapitre] 18 du I er livr[e] des Rois : in omnibus quoque viis suis David prudenter agebat et Dominus erat cum eo. Si le seigneur étoit avec lui, il n’est plus permis de rechercher le motif de ses actions. Il falloit bien que l’action de Nabal fut mauvaise devant / Dieu puisqu’il en fût puni dix jours après (c[hapitre] 25, v[erset] 38). Saül ne donna point sa fille à David « par fausse politique » comme vous dites. L’écriture nous apprend que Saül avoit promis sa fille en mariage à celui qui tueroit Goliath. Il ne faisoit en cela que tenir sa parole (c[hapitre] 17, v[erset] 25). Ce que David fit chés le roy Akis, dont il ravageoit les terres et ruinoit les peuples, quoiqu’il fut retiré chés lui, ne peut point estre consideré comme un violement du droit de l’hospitalité. Cela estoit dans l’ordre de Dieu. Il ruinoit ainsi les Amalecites. La reprobation de Saül n’est venuë que pour avoir epargné ces peuples contre le commandement de Samuel qui lui avoit ordonné de la part de Dieu de n’en laisser ni bêtes ni gens (ch[apitre] 15, v[erset] 3). Saül n’en fit rien. Samuel alla chercher David par ordre de Dieu, et l’oignit pour roy. Nous ne pouvons pas douter que David n’eut le mesme commandem[en]t de detruire les Amalecites. Quand la Pythonisse évoqua l’ombre de Samuel, Samuel dit à Saül : Quid interrogas me cum Dominus recesserit a te et transierit ad æmulum tuum (c’étoit David) quia non obedisti voci Domini neque fecisti iram furoris ejus in Amalec (cap. 28, v. 17-18) [110]. Cela veut dire que David y obeissoit. Dieu estoit irrité jusqu’à la fureur contre ces peuples. David avoit esté oint pour roy longtem[p]s avant que de se retirer chez le roy Akis ; il ne l’estoit que sous condition d’aneantir les Amalécites ; il en faisoit son devoir / de toutes manieres. Dominus erat cum eo. Cela repond à tout. C’est aller trop loin que de rechercher si les moiens que David employa etoient plus conformes à la politique humaine qu’aux loix rigoureuses de la sainteté. C’etoit Dieu qui lui inspiroit ces moyens et dez là il faut se taire. A l’egard de l’age de David quand il tua Goliath, on ne peut douter qu’il ne fut trés jeune, il estoit le cadet des 8 enfan[t]s d’Isaï[e] (c. 16, v. 11) ; Goliath le meprisa quand il le vit si jeune (c. 17 v. 42) ; Saül parlant à lui le traite d’ adolescens, de puer (v. 33). Quand dans le v[erset] 18, c[hapitre] 16 un des domestiques de Saül dit qu’il a vû David scientem psallere fortissimum robore etc. c’est le recit d’un homme qui exaggeroit comme font tous les courtisans ce qui ne peut prevaloir contre cette preuve naturelle tirée de l’inspection de la personne, lorsque Saül lui parla. Ajoutés qu’il pouvoit estre beau, scavoir la musique, avoir de la prudence et de la force, et avec tout cela estre jeune. Dieu l’avoit choisi pour regner sur son peuple. Il estoit deja oint pour roy, et avant que Saül l’envoyât querir, il est dit que directus est Spiritus Domini in David. C’est dans le v[erset] 13. Le discours du domestique de Saül n’est que dans le 18. C’étoit donc un homme extraordinaire. Je voudrois bien accorder la contradiction apparente qui se trouve dans l’Ecriture, sur ce que / Saül ne connut pas David le jour qu’il tua Goliath, quoiqu’il fût son officier. Remarqués, qu’il n’est pas dit precisement que Saul ne le connut pas, mais seulement qu’il demanda à Abner de quelle race il estoit, de quâ progenie es, ô adolescens ? Cela ne veut pas dire qu’il ne le connut point, mais seulement qu’il ne sçavoit pas de quelle race il estoit. C’etoit un simple musicien qui ne faisait pas figure dans sa maison. Il l’avait fait son ecuyer ( armiger) mais cet office n’étoit pas stable. Car David retournoit souvent chés son pere. L’action de Goliath lui donna de la curiosité pour scavoir de qui il estoit fils. Cela est naturel. Tous les grands seigneurs font de mesme, et ils vous demandent tous qui est vostre pere, ce qui n’est point incompatible avec une connaissance precedente. Vous promettés, Monsieur, de corriger cet article, et après cela on n’aura plus rien à vous dire. Le malheur est que vostre critique a parû dans un livre où il y a bien des plaisanteries, et on a crû que vous vouliés pousser le Phyrrhonisme [ sic] un peu trop loin. On n’auroit pas dit le mot si cela s’etoit trouvé dans un livre uniquement dedié à la critiq[u]e de l’Ecriture sainte.

Passons à quelque chose de moins serieux. Où avès vous vû, Monsieur, que par sentence du Chastelet de Paris les Contes de La Fontaine ayent esté « condamnés au feu » [111][?] Nous scavons bien / qu’il a plû à Furetiere de faire rimprimer dans ces derniers temps une sentence du 15 avril 1675 renduë par le lieutenant de police, qui ordonne qu’il sera informé de l’impression, vente et debit du livre, et qui fait deffenses à tous libraires de le vendre. Mais nous ne voyons pas que cela ait eû des suites, et soyés sûr que si le feu en avoit esté, Furetiere, qui ne menageoit pas l’Academie en ce tem[p]s là, n’auroit pas manqué d’en embellir ses factums. Trouvés bon que nous n’en croy[i]ons rien jusqu’à ce que vous nous ayés rap[p]orté la condamnation diffinitive [ sic]. Au reste Furetiere ne fit rien pour sa cause d’avoir attaqué La Fontaine. Bussy lui en ecrivit une lettre. C’est la 31 e du 2 e vol[ume]. Il lui fait là dessus des remontrances trés • sensées, aussi bien que sur Benserade, qu’il avoit aussi mal traité [112]. « Ces deux hommes, dit-il, sont si connus et si etablis pour gens d’un merite et d’un genie extraordinaire que vous ne scauriés vouloir les mepriser sans vous faire tort et sans rendre suspectes les verités que vous pour[r]iés dire contre les autres. » Madame de Sevigni, à qui Bussy avoit envoyé une copie de sa lettre dans sa reponse ne parle de Furetiere que comme d’un « pédant », et appelle son ouvrage avec mepris « ce vilain factum ». « Il y a[,] dit-elle, de certaines choses qu’on n’entend jamais, quand on ne les entend pas / d’abord. On ne fait point entrer certains esprits durs et farouches dans le charme et la facilité des fables de La Fontaine. Cette porte leur est fermée, et la mienne aussi. » [113] Le reste de la lettre ne se peut payer. Elle est écrite avec cette vivacité noble et naturelle, qui n’appartient qu’aux femmes. Bussy avec toute sa justesse, n’a pas tant d’esprit que cette femme-là. Mais aussi a-t’on bien retranché de ses lettres. On en a osté les meilleurs endroits. Il seroit bien à souhaitter que vostre curieux imprimeur les imprimât en beaux caracteres, et que la posterité et mesme nostre siécle ne perdit point mille traits, ou qui serviroient à l’histoire, ou que l’on liroit du moins avec plaisir. Toutes ces lettres ont esté impitoyablement tronquées. J’en ai vû un m[anu]s[crit] où sont les lettres de Madame de Sevigny et de Bussy seulement. Il y en a deux fois autant que ce qu’on nous a donné.

Je ne me pardonnerois pas de quitter La Fontaine si tost. Vous, Monsieur, qui aimés comme Mr Pel[l]isson à connoitre le genie des autheurs dans leurs ouvrages, vous serés bien aise de trouver celui de La Fontaine dans ses œuvres posthumes [114]. Sa maniere de composer et d’etudier, et son goût pour les auteurs est expliqué dans sa lettre à Mr d’Avranches [115]. Dans sa seconde lettre à S[ain]t Evremont, il s’explique / aussi sur le libertinage qu’on lui impute [116]. Il y a des choses dignes d’entrer dans vostre apologie. Vous y trouverés ses distractions et ses égaremen[t]s dans une lettre sur M elle de Beaulieu, qui est la chose du monde la plus enjouée et la plus galante [117]. L’ abbé Verger [118] qui a repondu à cette lettre exprime à merveille ce caractere d’égarement. Je vous en copie les vers, qui ne peuvent estre en trop d’endroits

He qui pour[r]oit estre surpris

lorsque La Fontaine s’egare

Ne remarqués-vous pas que ces [ sic] poësies se sentent de cette distraction naturelle ? Il n’y a point de suitte, et c’est ce qui en fait la beauté. Je m’imagine le voir travailler. Il lui vient dans la teste une chose hors de son sujet, il ne laisse pas de la mettre, et vous voyés sur le papier ce qui se passe dans son esprit qui va de pensées en pensées. C’est ainsi que de toutes manieres il a representé la nature. J’ai encore plusieurs pieces de lui qui n’ont point esté imprimées, telles sont les lettres qu’il écrivit à sa femme dans un voyage qu’il fit en Poitout [ sic] en 1661 [119], une description d’une feste donnée par Mr Fouquet à Vaux [120], une piece pour se reconcilier avec Lulli après le conte du Florentin adressée à Madame de Tiange [121] où il marque la justice de son ressentiment en cette maniere :
Autheur, qui pour tout fruit moissonne

Un peu de gloire, on le lui ravira,

Et vous croyez qu’il se taira ?

Il n’est donc pas autheur. La consequence est bonne.

La Ballade sur Escobar dont le refrain est : Escobar / scait un chemin de velours [122]. Une lettre sur la cassation du mariage de M elle de La Force avec Mr de Briou [123], et d’autres de cette • nature, dont vos gens devroient bien faire un recueil. Il n’y a rien à perdre d’un homme si singulier. Je n’aurois jamais crû, si je ne l’eusse veu de mes deux yeux, qu’il a fait un poëme sur une matiere sainte, c’est La Captivité de St Malc qui a esté imprimé en 1673 chez Barbin ; il est dedié à M. le c[ardin]al de Bouillon. On n’en trouve pas un seul exemplaire à present. Madame de Saint Christofle [124] morte l’année derniere et qui estoit si estimée par les graces du chant qu’elle possedoit au souverain degré en avoit un exemplaire que j’ai fait copier. Elle l’avoit presté auparavant pour Mr le duc de Bourgogne [125] qui a eû dès sa plus tendre jeunesse un goût inestimable pour les ouvrages de nôtre poëte. Il y a là-dedans des descriptions d’une naïveté si touchante que tout l’art du monde n’en pour[r]oit pas approcher. Ce n’est que legereté, qu’elegance, que beau naturel, que delicatesse dans ses ouvrages. C’est Mr de La Bruyere qui le dit [126]. Mr Perrault le met au-dessus de tous les Anciens dans son Paralèlle [127]. Il y entre une naïveté, une surprise – mot extraordinaire. Mais il semble que l’esprit ne fournisse pas des termes pour exprimer la joye qu’il ressent à cette lecture. Cela passe, non pas l’imagination, mais l’expression, comme dit quelque part Bussy. Mr Baillet n’a pû s’empescher de le considerer comme / unique en son espece, quoiqu’il l’ait d’ailleurs assés maltraité [128]. Il faut dire de lui ce que Lipse disoit de Petrone : Vidistin quicquam Venustius argutius post natas Musas [129]. Le P[ère] Bouhours dit qu’entre les pensées de nos beaux esprits, il n’en voit guere qui surpassent les siennes. C’est dans ses Pensées ingenieuses, qu’il dit cela, où il rap[p]orte le morceau d’une lettre de Mr de Turenne [130], qui n’est point ailleurs. Mr Le Païs dont vous avez fait un grand article [131], qu’il ne meritoit pas autrement, fut fasché de ne pas voir ses Pensées dans le recueil du Pere Bouhours, et il lui reprocha par des vers assés jolis les citations de La Fontaine. Ce Mr Le Païs est mort un dimanche 30 aoust 1690. Je le connoissois. Nous estions voisins et demeurant à deux portes l’un de l’autre quand il est mort. Pour La Fontaine il est mort le 13 d’Avril 1695 chés Mr Hervart qui lui avoit donné un logement chés lui. Il est enterré à S[ain]t-Eustache sa paroisse. Sur la fin de sa vie il s’étoit jetté dans la dévotion. Il eut une grand maladie, et on le crut mort. Mr Pel[l]isson • mourut en ce tem[p]s là, et comme il fut surpris de maniere qu’il ne pût recevoir ses sacremen[t]s, ce qui donna lieu aux calomnies que vous avés remarquez [ sic] en son article, on fit ce petit quatrain :
Je ne jugerai de ma vie

D’un homme qu’il ne soit éteint.

Pel[l]isson meurt comme un impie,

Et La Fontaine comme un saint. /

Puisque je vous ai parlé des distractions de La Fontaine, je vous en dirai trois plaisantes. On le pressa d’aller à Chateau Thierry pour se rac[c]ommoder avec sa femme, il y alla ; il y resta trois semaines, et tous les jours il trouvoit des gens qui l’emmenoient manger avec eux ; il revint à Paris sans l’avoir vuë, il l’avoit oublié[e], et d’une ... Il avoit un fils pour qui il alloit un jour demander une commission à un partisan. Le partisan n’etoit point chés lui, il se promenoit avec son fils dans la ruë, en attendant son retour. Un de ses amis l’aborde, et apres avoir quelque temps causé avec lui, La Fontaine lui dit : « Mais qui est cet homme là qui nous entend, le connaissés-vous ? » C’étoit son fils. La 3 e est un peu grossiere et propre à renvoyer aux propos torcheculatifs de M e François. Nostre homme jouoit en hyver avec ses amis. Une necessité le pressa ; il sortit, et au lieu de defaire sa culotte, il oste son justaucorps qu’il accroche à une porte et fait son affaire in femoralibus. Il reprend son habit et revient jouer. L’odeur frap[p]a l’assistance. Il ne s’en appercevoit point ; et ce ne fut qu’apres bien du tem[p]s qu’on pût l’obliger à quitter la compagnie.

Ce propos m’en amenne un autre qui est historique, et je ne sçais comment il est échappé à Rabelais, qui mettoit de la science au milieu des plus / grandes ordures. Ce qui anima davantage les conjurez contre Cesar, c’est qu’il ne daigna pas se lever quand le Sénat vint en corps lui rendre des honneurs, il demeura assis et entendit en cette posture tout ce que le Senat avoit à lui dire. Mais savés-vous, Monsieur, pourquoi il ne se leva pas ? C’est qu’il avait un cours de ventre si fort que s’il ne fût tenu debout, il aurait fait comme La Fontaine, il auroit conchié les Etats, pour me servir de l’expression burlesque de l’autheur de la Satyre Menippée et on auroit crié après lui comme les petits enfan[t]s aprez le cardinal de Lorraine : fi fi fi du cardinal, fi fi fi du dictateur. Il lui en couta la vie au bon Cesar, et voila l’homme avec ses infirmitez. C’est Dion Cassius qui rap[p]orte ce fait [132]. Mr Despreaux apres avoir lû vostre article de « Cesar » fut étonné de ne l’y point trouver. C’étoit un beau champ de moralitez et même de plaisanteries. Soit renvoyé au Sup[p]lement.

Vous dites qu’on ne peut point tenir contre les pieces qui se trouvent dans les œuvres d’Abelard, j’en conviens. Mais y revenir dans quatre articles differen[t]s, n’est-ce pas un peu trop[?]

On pour[r]oit soupçon[n]er

Que quelque cas vous ferait retourner

Tant sur ce point vous faites de rechûtes

Toujours souvient à Robin de ses flustes /

Voilà, Monsieur, ce que les gens disent, et peut-estre auroit-il mieux valu faire l’article plus long que de retrouver le membre viril d’ Abelard à quatre endroits [133]. On trouve mauvais que vous nommiés ainsi les choses par leur nom [134]. On ne s’attend pas à trouver les termes de putain, de bordel, de maquerelles et de maquerellage dans les ouvrages d’un homme qui a une fecondité merveilleuse pour les circonlocutions. Vous avés assés d’esprit pour vous en passer comme a dit La Bruyere de Marot et de Rabelais [135]. Ces termes cyniques ont fait rejetter les Satyres de Regnier qui d’ailleurs sont excellentes. Quel dommage que cette hardiesse trop grande rendre [ sic] vostre ouvrage inutile à presque toutes les femmes et à quantité d’hommes graves, qui sont rebutés par ces expressions. Personne ne connoit mieux que vous la delicatesse de nostre langue qui souffriroit encore plus tost des termes injurieux que cette licence ouverte. Je vous citerai à vous mesme ce que vous avés dit en vingt endroits de vos livres. Ce n’est pas que je ne trouve dans des livres serieux de ces sortes de termes : par exemple Loysel dit dans ses Regles de droit [136] : « On ne peut accuser une femme d’adultere, si son mari ne s’en plaint, ou qu’il en soit le maquereau. » Mais il le faut pardonner à la loy, qui nomme les crimes par leur nom, et qui inflige aux criminels cette note d’infamie que la dénomination elle mesme emporte avec soy./

Tous les livres dont vous parlés dans le n° 34 [137] ne justifie[nt] point cette licence de nommer. D’Aubigné, et Henri Estienne ecrivoient dans des tem[p]s moins polis que les nostres. Tous les autres livres sont latins, et cette langue comporte tout sans que les oreilles en soient scandalisées. Vous parlés d’une seconde edition où vous osterés tous ces termes. Cela fait plaisir à bien des gens.

Qu’est-ce que cet autre Diction[n]aire dont vous parlés au n° 35 ? Est-ce un autre dessein que vostre Sup[p]lement [138] ? Vostre libraire doit s’enrichir au debit de ces livres. Mais il faut tout dire. S’il vous doit beaucoup, vous lui devés aussi de vostre part. Rien n’est plus exact que son impression. Toute cette difference de caracteres qui se trouve dans une meme page fait une diversité que l’on n’a jamais veue dans aucun livre. Le texte, les colomnes, les marges intérieures, les extérieures, et cette netteté admirable qui regne par tout, donnent bien de la satisfaction à un lecteur, dont il faut ausi menager la curiosité. Mr Ménage a dit sur un pareil sujet : Sic nuptæ invida fata quos negarunt, ornatrix tribuit novos Lepores [139]. Mais l’epouse que vous nous donnés est belle d’elle même. C’est une belle princesse couverte d’or et de pierreries. Tam comptum et lepidum novum volumen invitos trahit et tenet legentes [140]. Je devois à Mr Leers ce petit compliment pour / le plaisir qu’il m’a donné, et ce seroit estre bien ingrat de ne pas remercier ceux qui contribuent à nous rendre vos ouvrages plus agreables et plus familiers.

Ce que vous dites à la fin du n° 36 est souverainement joli [141]. Mais je crois qu’il y a faute d’impression dans ce que vous dites : On verra par ce paralelle combien la nature pâtit en lui. Nous disons : Combien nature pâtit en lui. Cela a je ne sçais quelle energie dont nous ne pouvons rendre raison. On sent seulement que cela est mieux, et que ces noms personnels et appellatifs donnent plus de vie au discours.

Je ne sçaurois que vous dire, Monsieur, mais on ne m’ostera jamais de la teste que vous avez part à l’ Avis aux refugiez, il n’y a pas deux Bayle dans le monde et il y a des traits là-dedans qui ne conviennent qu’à vous. Ce sont vos termes, vos tours, vostre citation, vostre critique [142]. Mais vous avés des-avoué ce livre. Ne serait-ce point comme l’ exhérédation. Vous considerez vos enfan[t]s comme les anciens Romains faisoient les leurs. Vostre puissance paternelle vous donne le droit de vie et de mort sur eux. Vous desherités les uns, vous desavouez les autres, et il ne tient point à vous qu’ils n’aillent se chercher un pere. Cela seroit un peu denaturé si vous ne sçaviés pas que le public les rehabilitera, et ne souffrira pas que des enfan[t]s si legitimes portent le caractere de batardise./

Au reste, on ne peut rien ajouter à l’eloge que vous faites du Diction[n]aire de l’Acadamie françoise [143]. Mr Pel[l]isson n’avoit pas plus fait pour elle, quand violant toutes ses regles, elle lui donna une place sans attendre qu’il y en eut de vacantes [144]. Je dis davantage, il avoit moins fait : son Histoire ne faisoit que ramasser des faits épars dans des registres, et confirmer une reputation que l’Academie s’etoit acquise par plusieurs ouvrages. Mais ici vous fendés la glace d’une prévention universelle, et vous osez le premier annoncer à la terre que ce Diction[n]aire dont on dit tant de mal depuis 50 ans, et dont on a dit si peu de bien depuis qu’il a parû, • vogue à pleines voiles vers l’immortalité. Nous vous en croyons, vous connoissés cette route, et ap[p]aremment vous vous y etes rencontrés ensemble. Je ne doute pas que vous ne soyés academicien in petto. Les differences de pays et de religion vous éloignent. Mais les desirs et l’affection de tous les sçavan[t]s vous [r]approchent et donnent à vostre merite une place, que vostre personne ne peut pas remplir.

Je suis bien aise que vous finissiés par une pensée de Mr de La Bruyere [145]. Voila un homme au bon coin : il s’est vû de son vivant objecté aux Anciens, lui qui en estoit l’admirateur. Les Modernes l’ont saisi pour en faire un Theophraste de nostre siecle. Mr Perrault ne l’a pas oublié / dans ses Paralelles [146]. Mr Ménage ou ses amis en ont parlé avec eloge, et ont trés bien fait le caractere du faiseur de Caracteres [147]. Mr Despreaux l’a cité dans sa Satyre des femmes [148]. Il s’est fait neuf editions de son livre en peu de tem[p]s. Il n’y a jamais eu de reputation plus rapide. C’est un conquerant, un Alexandre dans les lettres qui doit plus à sa vigueur et à sa force véritable qu’au goût des lecteurs qui aiment les choses satyriques, malgré tout ce qu’en ont dit ses adversaires qu’il a battu[s] dos et ventre dans le discours qu’il a mis à la tête de sa harangue. Vous devés Monsieur, à cet illustre, à ce Montagne mitigé un grain de cet encens exquis, que les Muses vous ont donné pour distribuer aux scavan[t]s.

Je finirois ici mon petit volume que j’ai mal à propos appellé lettre. Mais il ne faut pas perdre ce reste de papier, et puis après vous avoir tant ennuié, le plus fort en est fait.

Vous parlez de Mr d’Henault auteur du Sonnet de l’avorton dans l’article de « Spinosa » [149]. Un « habile homme » vous a envoyé un memoire où il dit que le merite de ce Mr d’Henault n’est pas imprimé. N’en deplaise à cet « habille [ sic] homme » il se trompe. Mr d’Henault lui même a fait imprimer de son vivant un petit recueil de ses ouvrages (à Paris, chés Barbin, 1670), Œuvres diverses par le s[ieu]r d’H[enault], il est dédié / à Mr Doort sans autre qualité [150]. Il dit dans cette epistre : « Vous scavés que je suis un homme tout intérieur, que je ne me felicite guere de l’opinion d’autrui, que mes maximes, ou mes erreurs, sont assés differentes de celles du reste du monde. » Il commence à découvrir par là ce qu’il estoit, dans le livre il y a de la prose et des vers. Il estoit assés bon poëte ; mais remarqués que ces [ sic] vers sont des imitations des chœurs de Sénéque entre autre, de l’acte 2 e de la • Troade, où la mortalité de l’âme est établie [151]. Cette matiere étoit de son goût, on ne vous en a point menti, et je suis surpris que cela ait esté imprimé avec privilege. Le Sonnet de l’avorton se trouve dans ce recueil. Il y faut renvoyer bien plus naturellement qu’aux renvois de vostre article de « Patin ». Il y a des lettres en prose et en vers à Sapho, qui pour[r]oit bien estre Mad e Deshoulieres. Cet homme avait le cœur tendre. Il lui dit : « Sapho fit des vers comme vous, faites l’amour comme elle. » Il veut qu’elle renonce à la gloire.

Pour moi je ne suis point la dupe de la gloire.

Je vous quitte ma place au temple de memoire,

Et je ne conçois point que la loy du trépas

Doive epargner mon nom et ne m’epargner pas

Je me mets au dessus de cette erreur commune

On meurt et sans ressource et sans reserve aucune./

S’il reste apres ma mort quelque chose de moi,

Ce reste un peu plus tard suivra la meme loy,

Fera place à son tour à de nouvelles choses,

Et se replongera dans le sein de ses causes [152].

Ce n’est point là une traduction, c’est un original, et c’est ainsi que cet homme mettoit dans ses ouvrages les semences de ses erreurs. Dans les deux pieces qu’on a mises dans le Furetieriana [153], vous y trouverez aussi ces mêmes opinions qu’il tachoit de four[r]er par tout. Aux impietez il ajoutoit des impuretés assés grossieres. Il s’en trouve dans une piece intitulée : Le Bail d’un cœur à Cloris qui est dans ce recueil [154], et assurem[en]t cette Cloris là pouvoit bien estre une Janneton de La Fontaine. Ces vers sont plus hardis que tous les Contes et meriteroient mieux les condamnations du juge de police. Il ne faut pas oublier la premiere piece du livre qui a pour titre : De la consolation à Olympe. Elle me fournira deux observations de critique. L’une que les compilateurs des œuvres de S[ain]t Evremont trompez peut estre par quelqu’un ou par une prétendue conformité de style ont mis cette lettre entiere qui est tres longue au nombre des ouvrages de S[ain]t Evremont [155], et bien des gens qui se disent connoisseurs ont pris cela pour une piece vrayement de lui. C’est un exemple que vous pouvés ajouter à ceux que vous avés ramassé[s] des erreurs où cette conformité induit tous les jours les critiques, et moi tout le premier. La 2 e observation tombe à plomb sur un nouveau censeur, froid, sterile, et denué de tout le sel de la critique qui a voulu donner un jugem[en]t / des ouvrages de S[ain]t Evremont [156], et ruiner une reputation établie depuis longtem[p]s. Cet homme a donné tout de son long dans le piége tendu par le compilateur des ouvrages de S[ain]t Evremont. Il attaque cette Lettre de consolation à Olympe par le style, par les pensées, par les sentimen[t]s, et il employe le quart de son livre à cette belle reprehension. Il croit avoir battu son adversaire à n’en relever jamais. Cependant il se trouve que tous ses coups ne portent point sur lui. Mais sur le s[ieu]r d’Henault publiquement auteur de cette mesme Lettre qu’il a fait imprimer de son vivant. Un homme de bon sens qui vouloit critiquer S[ain]t Evremont ne devoit-il pas s’informer avant de travailler contre lui des ouvrages faux ou supposez. Et quand il y en auroit quelqu’un de douteux, celui-là le peut-il estre ? C’est une bévuë impardonnable. Je crois que S[ain]t Evremont en aura bien triomphé. Il faut four[r]er cette bevuë quelque part, affin d’apprendre à ces M rs les censeurs qui veulent s’en prendre aux grands noms d’estre un peu plus exacts. Je n’entre point dans la critique entiere de la Dissertation qui est puerile, sans ordre et portant à faux presque par tout. J’ai deja denoncé cet auteur à un satyrique, qui en doit faire justice. C’est une jeune Muse que vous connoissés, et dont vous avés parlé dans les Nouvelles de la republique des lettres au sujet du livre des Bigarures curieuses, dans lequel il se trouvoit quelques epigrammes de Martial traduites [157]. Cet auteur, qui est un fort / galant homme, et que Mr Despreaux a encouragé de travailler[,] a donné depuis peu trois Satyres, dont la version est belle, l’expression hardie, le tour heureux et les traits nouveaux. Il entre avec honneur dans la carriere que Mr Despreaux vient de quitter. Nous faisons provision de satyriques pour le siecle prochain.

Pour revenir à Mr d’ Hénault, c’est de lui dont Mr Despreaux [parle] dans deux endroits de sa Satyre IX A son esprit : « je declare donc, Hainaut est un Virgile ». Il l’appelle Hainaut pour le déguiser. Mais il m’a dit lui mesme qu’il tournoit assés bien un vers, et que la meilleure piece qu’il eut faite, non pas pour la matiere, mais pour la composition[,] estoit un sonnet contre Mr Colbert qui commençoit par ce vers : « Ministre avare, et lasche esclave malheureux, etc. » Mr Colbert fit là dessus une très belle action. On lui parla de ce sonnet, qui fit du bruit dans ce tem[p]s là. Il demanda s’il n’y avoit rien contre le Roy. On lui dit que non et aussi tost il repondit qu’il ne s’en soucioit guere, et qu’il n’en vouloit point de mal à l’auteur. Cela n’est-il pas plus beau que le sonnet ? D’ Henault ne l’avoit pas fait à cette intention là. Cet homme vous a engagé de parler de Mad e Deshoulieres. Vous avés rap[p]orté des vers d’elle suspects de libertinage. Mais on vous en a fait oublier un qui n’est pas le moins fort et qui se trouve dans / l’edition de ses poësies :

Nous irons reporter la vie infortunée,

Que le hazard nous a donnée

Dans le sein du néant d’où nous sommes sortis [158].

Il faut dire la verité. Il y a bien d’autres piéces morales et mesme chrestiennes et saintes qui corrigent celle là dans ses ouvrages : il falloit pourtant qu’on la fit passer pour une libertine. Car elle s’en plaint dans l’ Epitre au P[ère] de La Chaise sur les faux devots [159]. C’etoit un trés grand esprit, l’honneur de son sexe et la honte du nostre.

La piece sur la prise de Mons [160] a donné lieu à des chansons fort plaisantes sur quelques membres de l’Academie, qui la critiquerent.

Mais, Monsieur, n’est-il pas tem[p]s que je vous quitte. Je vous derobe ces precieux momen[t]s que vous devés au public et à la poster[it]é. Pardonnés le s’il vous plait à une estime si proche de la tendresse qu’elle m’en a fait oublier toutes les bien-séances. C’est avec cette estime et tous les sentimen[t]s du respect, qui est dû à vostre merite, que je prends la liberté de me dire, Monsieur, vostre tres humble et trés obeissant serviteur Marais •

Notes :

[1] Le Jugement de Renaudot, dont Bayle avait pris connaissance par l’envoi de Dubos du 19 août 1697 (Lettre 1289), avait été publié par Jurieu – avec différents « témoignages » très défavorables à Bayle – quelques jours avant le 12 septembre 1697 : voir l’Annexe I du tome X de cette édition. Bayle y avait répondu par des Réflexions datées du 17 septembre (Lettre 1303). Jurieu devait répliquer par une Lettre vers la fin de l’année 1698 (Lettre 1342).

[2] Le projet d’un Supplément venait d’être abandonné par Bayle qui annonçait désormais une deuxième édition du DHC : voir Lettre 1288, n.6. L’impression de celle-ci devait commencer le 26 mai 1698.

[3] L’essentiel de la préface du Projet – c’est-à-dire toute la réflexion sur les critères de la certitude historique – avait été maintenu dans la première édition du DHC, art. « Beaulieu », rem. F.

[4] Voir le DHC, art. « Léon X (Jean de Médicis) », rem. F, où Bayle fait allusion à la question posée par le cardinal Hippolyte d’Este, à qui l’ Arioste avait dédié son Orlando furioso : « Messer Lodoico, dove diavolo havete pigliato tante coionerie ? Où diable avez-vous pris tant de fadaises ? »

[5] On s’attendrait à lire une telle formule dans le compte rendu par Basnage de Beauval du Projet d’un diction[n]aire de Bayle, HOS, mars 1692, art. IV, ou dans celui du DHC : HOS, juillet 1696, art. VI, mais nous ne l’y avons pas trouvée.

[6] Le Discours prononcé dans l’Académie françoise par M. de La Bruyère le lundi 15 e juin 1693, jour de sa réception (Paris 1693, 4°), éd. R. Garapon (Paris 1995), p.508.

[7] Sur Boileau-Despréaux et sa maison d’Auteuil, qui allait devenir un lieu de rencontre de ses amis et des amis de Port-Royal, voir surtout les Mémoires de Claude Brossette, Pensées diverses de M. Despréaux, tirées de ses conversations, BM Lyon, ms 6432, f. 278-314. Selon le témoignage de la présente lettre, Marais fréquentait Boileau depuis l’été 1697 ; Marais a d’ailleurs communiqué une copie de la présente lettre à Brossette, qui a recopié dans son dossier tous les passages concernant Boileau : voir ci-dessus la rubrique « Manuscrits ». Brossette obtint le droit de publier une édition des œuvres de Boileau avec un commentaire, mais celle-ci de devait paraître qu’après la mort du satiriste en 1711 (Genève 1716, 4°, 2 vol.).

[8] Voir le DHC, art. « Poquelin (Jean Baptiste) », rem. C : l’allusion au jardin d’Auteuil est très discrète et témoigne de l’attention avec laquelle Mathieu Marais avait lu cette remarque portant sur les infidélités d’ Armande Béjart.

[9] Sur les contacts entre Bayle et les Dacier , voir Lettre 1257, n.11.

[10] Cet éloge par Bayle de la Satire des femmes de Boileau se lit dans le DHC, art. « Barbe », rem. A : « Ce qu’il y eut d’extraordinaire en elle fut l’athéisme [...], qui n’a presque point d’exemple parmi les femmes. Je n’ignore pas ce qu’on vient de publier dans une satire du sexe, le chef d’œuvre, ce me semble, de Mr Despreaux. On veut dans cette nouvelle piéce, que l’impiété même soit un des déréglemen[t]s des femmes. “Dans le sexe, j’ai peint la piété caustique. / Et que seroit-ce donc, si, censeur plus tragique, / J’allois t’y faire voir l’athéisme établi, / Et non moins que l’honneur le Ciel mis en oubli ? / Si j’allois t’y montrer plus d’une Capanée, / Pour souveraine loi mettant la destinée, / Du tonnerre dans l’air bravant les vains carreaux, / Et nous parlant de Dieu du ton de Des Barreaux ?” »

[11] C’est dans la Satire VIII, à propos du « congrès » que Boileau écrit les vers en question : « Jamais la biche en rut, n’a pour fait d’impuissance, / Traîné du fond des bois un cerf à l’audience, / Et jamais juge entr’eux ordonnant le congrés, / De ce burlesque mot n’a sali ses arrests. » (éd. A. Adam et F. Escal (Paris 1966), p.44). Bayle cite ces vers dans le DHC, art. « Barbe », rem. C, et les commente : « Quelque beau que puisse être ce lieu-commun, et quelque capable de frapper, il a néanmoins son foible : car prémiérement, on peut l’éluder par un trait de plaisanterie : et, en second lieu, on peut le combattre sérieusement par la maxime, Nil agit exemplum litem quod lite resolvit ( Horace, Satira III, livre II, v.103). C’est-à-dire qu’on peut le retorquer, et qu’en tournant la médaille on gagnera le vent sur le moraliste. Je ne préten[d]s point approuver ceux qui opposent des railleries aux raisons ; mais je dis que c’est un très-grand désavantage aux raisonnemen[t]s, que de pouvoir être tournez en ridicule par des gens qui aiment à plaisanter. [...] Que répondroit Mons r Despreaux à un sophiste, qui lui soutiendroit que sa biche en rut est une très-fausse comparaison ? Car enfin qu’elle fût bonne, il faudroit que cette espece de bête se pût trouver dans le cas où sont les femmes, qui ont mis en justice un homme pour cause d’impuissance. Or une biche se peut-elle trouver dans le cas ? Engage-t-elle sa foi à un seul cerf ? Si l’un lui manque, n’en trouve-t-elle pas d’autres ? L’invective et la piquante censure de Mons r Despreaux seroit bien fondée dans un païs où les loix du mariage seroient inconnues ; mais on est bien assuré qu’en un tel païs les hommes ne seroient pas plus exposez que les cerfs à un procès d’impuissance, et que personne ne se verroit condamné au congrès par arrêt du Parlement. » Ce sont de telles remarques qui valurent à Bayle d’être accusé par Renaudot d’indécence et de devoir composer son Eclaircissement sur les obscénitez.

[12] Boileau, Satire VIII, v.1-4 : « De tous les animaux qui s’élevent dans l’air, / Qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer, / De Paris au Perou, du Japon jusqu’à Rome, / Le plus sot animal, à mon avis, c’est l’homme. »

[13] Voir le DHC, art. « Perse (Caius) » : « Les Satires de Perse sont dévergondées, et toutes remplies d’aigreur et de fiel. On croit qu’il n’épargna pas même le cruel Neron, et qu’il l’avoit désigné d’une maniere si intelligible, que Cornutus jugea à propos d’y réformer quelques termes (F) ». Rem. F : « Il s’étoit servi de ces paroles dans sa premiere Satire, Auriculas asini Mida rex habet. Cornutus voulut qu’il les changeât en celles-ci, Auriculas asini quis non habet ? [ Suétone, Vita Persii]. Si Cornutus trouvoit là Neron désigné trop visiblement, sa précaution étoit sage [...]. Mais d’où vient que ce correcteur ne toucha point aux quatre vers insérez dans cette même Satire, et empruntez d’une tragédie de Neron ? Y avoit-il lieu de le craindre, si l’on disoit le roi Midas a des oreilles d’âne, lorsqu’impunément on pouvoit donner ses vers pour le modèle d’une poësie ridicule ? Je trouve là quelque sorte de difficulté, et peut-être ces quatre vers, Torva Mimalloneis implerunt cornua bombis, / Et raptum vitulo caput allatura superbo / Bassaris, et Lyncem Mœnas flexura corymbis / Evion ingeminat : reparabilis adsonat Echo [Perse, Satires, I, v.99], n’étoient tout au plus qu’une raillerie indirecte, cachée, et tout-à-fait oblique : car si Neron eût été l’auteur de ces vers, comment auroit-on osé les rapporter mot à mot pour s’en moquer, puisqu’on corrigea l’ auriculas asini Mida rex habet ? La disparate est trop étrange ; d’un côté beaucoup de poltronnerie, ou de l’autre beaucoup de témérité. [...] En effet, on doit tenir pour certain que Malherbe se seroit choqué de ces vers de Mr Despreaux, quand même il n’y auroit pas été nommé : « Irai-je dans une ode en phrases de Malherbe, / Troubler dans ses roseaux le Danube superbe, / Délivrer de Sion le peuple gémissant, / Faire trembler Memphis et pâlir le Croissant, / Et passant du Jourdain les ondes allarmées / Cueillir mal à propos les palmes idumées ? » [Despreaux, Satire IX, v. 251 ; éd. A. Adam et F. Escal, p.55]. Mr Despreaux ne nomme personne quand il dit, « Tout chantre ne peut pas sur le ton d’un Orphée, / Entonner en grands vers la Discorde étouffée : / Peindre Bellone en feu tonnant de toutes parts, / Et le Belge effrayé fuyant sur ses remparts [ Ibid., v.39 ; éd. A. Adam et F. Escal, p.50]. Néanmoins, qui doute que cela ne soit capable d’émouvoir la bile de quiconque y reconnoîtra ses termes ? Il me semble donc que le Torva Mimalloneis etc. ne sauroit être ni un fragment des poësies de Neron, ni une parodie, ou imitation de ses vers : car encore un coup, s’il n’étoit pas homme à entendre raillerie sur le auriculas asini Mida rex habet, qui étoit une vieille histoire, il ne fal[l]oit pas espérer qu’il endurât qu’on fît des centons ridicules composez de ses expressions. C’est pourquoi, n’en déplaise au vieux scholiaste, je ne souscrirai point à ces paroles de Mr Despreaux jusques à ce qu’on ait levé mes scrupules. » Suit une citation de Boileau, tirée de son Discours sur la satire (à la suite de la Satire IX), où le poète attribue les vers Torva Mimalloneis etc. à Néron [éd. citée, p.59]. La citation de Boileau est déclenchée par ces vers de la Satire IX : « Qu’il [ Chapelain] soit doux, complaisant, officieux, sincere, / On le veut, j’y souscris, et suis prest à me taire. / Mais que pour un modele, on montre ses écrits, / Qu’il soit le mieux renté de tous les beaux esprits : / Comme roi des auteurs, qu’on l’éleve à l’empire : / Ma bile alors s’échauffe, et je brûle d’écrire : / Et s’il ne m’est permis de le dire au papier, / J’iray creuser la terre, et comme ce barbier, / Faire dire aux roseaux par un nouvel orgâne, / Midas, le roi Midas a des oreilles d’asne. » (éd. citée, p.54). Voir aussi le commentaire de V. Schröder, « “Midas, le roi Midas” : Perse, Boileau et la liberté du satirique », in P. Chométy et S. Requemora-Gros (dir.), Gueux, frondeurs, libertins, utopiens. Autres et ailleurs du XVII e siècle (Aix-en-Provence 2013), p.287-295.

[14] Les Satires du poète Aulus Persius ( Perse) ont inspiré un important commentaire à un scoliaste du IX e siècle, le Cornuti commentum, réimprimé plusieurs fois et attribué au philosophe et grammairien Lucius Annæus Cornutus, dont Perse fut l’élève. Voir, par exemple, l’édition Lucii Annæi Cornuti Grammatici, antiquissimi commentum in Auli Persii Flacci Satyras, nunc primmum [sic] formis editum. Eliæ Vineti [...] præfatio [...] ex annotationes in easdem Persii Satyras (Pictavis, apud Enguilbertum Marnesium 1563, 4°).

[15] Lucius Annæus Cornutus, le maître et ami de Perse et éditeur de ses Satires, était réputé avoir corrigé dans la première de celles-ci un vers attribué à Néron, qui se lisait : Auriculas asini Midas rex habet (« le roi Midas a des oreilles d’âne »), en y substituant le vers auriculas asini quis non habet : « qui n’a pas des oreilles d’âne ? ». Mais ce vers semble cité uniquement pour donner un sens à l’exclamation incomplète et exaspérante que Perse s’était permise vers le début de cette satire : « Car qui y a-t-il à Rome qui … ? » On voit qu’il faut suppléer « … n’a pas des oreilles d’âne ? ». Il ne s’agit donc pas véritablement d’une correction mais de l’adjonction éclairante d’une fin de phrase qui manquait.

[16] « Les vers qui suivent furent composés soit par Néron soit par certain aristocrate romain ».

[17] L’édition ad usum Delphini. L’édition de Perse accompagnait celle de Juvénal : D. Junii Juvenalis et A. Persii Flacci Satiræ. Interpretatione ac notis illustravit Ludovicus Prateus [Louis Desprez] in usum serenissimi Delphini (Parisiis 1684, 4°). Voir C. Volpilhac-Auger (dir.), La Collection « ad usum Delphini ». L’Antiquité au miroir du Grand Siècle (Grenoble 2000).

[18] Bayle avait déjà fait allusion à cet ouvrage d’ Aloisia Sigea de Toulouse, Aloisiæ Sigeæ Toletanæ : Satyra sotadica de arcanis amoris et Veneris. Aloisia Hispanice scripsit ; Latinitate donavit Ioannes Meursius (s.l.n.d. [Grenoble 1660-1670], 12°) dans ses échanges avec Almeloveen à propos des femmes savantes : voir Lettre 1256, n.5.

[19] Bayle compare son auteur au poète érudit grec du III e siècle avant J.C, Lycophron, à qui on attribue, à côté de ses ouvrages avérés, le poème Alexandra, remarquable par son érudition et par son obscurité. Dans sa lettre du 29 août 1697 (Lettre 1294, n.31), Bayle avait signalé à Dubos que cet ouvrage venait d’être édité à Oxford par John Potter. Voir aussi Lettre 1356, n.9.

[20] « Tu as sujet de te féliciter, Aulus Persius ! Tu t’es toi-même enveloppé d’une nuit profonde. Tu ne voulais pas être vu. Tu as répandu sur tes vers et sur leur signification un épais brouillard. Tu ne voulais pas être compris, et peut-être que toi non plus tu ne te comprenais pas. La nuit et le brouillard n’ont pas empêché quelqu’un de parvenir jusqu’à toi sans s’égarer. Il est venu, il a vu, il a dissipé la nuit et le brouillard. Il a compris, a développé ce qui était caché dans le recoin de tes pensées les plus obscures, comme tu le dis toi-même. Dans ces profondeurs, où tu prétendais échapper à la sagacité curieuse et savante de tes lecteurs, tu as été arraché à toi-même, malgré ta résistance. Quelle était cette fureur dont tu étais possédé ? »

[21] C’est la traduction par Pierre Geffrier de Perse, Satyres [...] fidellement traduites en nostre langue, avec le latin à côté, enrichies de remarques (Paris 1658, 12°).

[22] Voir Moréri, Le Grand Dictionnaire historique, art. « Arrie » : « Arria, femme de Cæcinna Pætus, homme consulaire, et l’une des femmes fortes de l’Antiquité, ainsi qu’on en peut juger par les traits que Pline en rapporte, comme les tenant de Fannia petite-fille de cette dame. [...] Ce fut par ces traits héroïques qu’elle se prépara au coup de poignard qu’elle s’enfonça dans le sein, d’où elle l’en retira tout sanglant, le présentant de la même main à son mari, qu’elle voyoit n’avoir pas le courage de prévenir la mort qu’on lui préparoit, et lui dit ces paroles que le paganisme a traitées d’immortelles : “Tiens, mon cher Pætus, cela ne fait point de mal”, et autres paroles qu’elle ajouta pour l’encourager à l’imiter ; ce qui détermina enfin l’infortuné Pætus à se donner la mort. Martial, liv. I ; Pline, l. 3, epist. 16 ; Tacite, Ann. l. 16, c. 34 ; Dion, l. 60. »

[23] Pierre Le Moyne, S.J., La Gallerie des femmes fortes (Paris 1647, folio ; 5 e éd., Paris 1665, 12°), art. « Arrie » (éd. 1647, p.223-241). Arrie était l’épouse de Cecinne, un des chefs de la conspiration de Scribonien (Lucius Arruntius Camillus Scribonianus) et d’ Annius Vinicianus contre l’empereur Claude. Son mari ayant été fait prisonnier et attendant son sort du caprice de Messaline et de Narcisse, Arrie l’exhorta au suicide et lui en donna courageusement l’exemple : « Sonnet. Arrie à son mary montre par sa blessure, / Qu’il n’y a rien de picquant dans une brave mort : / Le beau sang qui du cœur à gros bouillons luy sort, / A de son chaste feu l’ardeur et la teinture. // Avec ce mesme sang par la mesme ouverture, / Un amour est sorti victorieux du sort : / Il provoque Cecinne à faire un mesme effort ; / Et conclure du sien cette illustre avanture. // S’il y va de la vie, il y va de l’honneur : / Rasseure toy Cecinne ; et garde que la peur / Te retenant la main ta gloire ne retienne : // Arrie a dé-ja pris ta blessure sur soy ; / Elle a joint à sa mort la douleur de la tienne, / Et n’en a rien laissé que la gloire pour toy. » Le sonnet est suivi d’un « Eloge d’Arrie », d’une « Réflexion morale » sur l’amour désintéressé et la fidélité conjugale, d’une « Question morale : Du devoir des femmes envers leurs marys disgraciez et malheureux » et d’un « Exemple : Jeanne Coello, femme d’Antoine Perez, secretaire de Philippe second ».

[24] Voir Boileau , Satire VII : « Je sens que mon esprit travaille de genie. / Faut-il d’un froid rimeur dépeindre la manie ? / Mes vers comme un torrent coulent sur le papier. / Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier, / Bonnecorse, Pradon, Colletet, Titreville, / Et pour un que je veux, j’en trouve plus de mille. » (éd. A. Adam et F. Escal, p.39). François Colletet (1628-1680), fils de Guillaume, appartenait au cercle de Boursault, qui, ennemi de Molière, avait publié également une comédie en un acte dirigée contre Boileau intitulée La Satyre des satyres. Pierre Du Pelletier (?-1680) avait fait l’objet des railleries de Boileau dans le Discours au Roy qui accompagnait les Satires : « Ainsi, sans m’aveugler d’une vaine manie, / Je mesure mon vol à mon foible genie : / Plus sage en mon respect, que ces hardis mortels / Qui d’un vain encens profanent tes autels ; / Qui dans ce champ d’honneur, où le gain les ameine, / Osent chanter ton nom sans force et sans haleine ; / Qui vont tous les jours, d’une importune voix, / T’ennuyer du recit de tes propres exploits. / [...] Ce n’est pas que ma plume injuste et temeraire, / Veüille blâmer en eux le dessein de te plaire : / Et parmi tant d’auteurs, je veux bien l’avoüer, / Apollon en connoist qui te peuvent louer. / Oui, je sçai qu’entre ceux qui t’adressent leurs veilles, / Parmi les Pelletiers on conte des Corneilles. » Brossette commente : « Pierre Du Pelletier, Parisien, étoit un misérable rimeur, dont la principale occupation étoit de composer des sonnets à la louange de toutes sortes de gens [...] il gagnoit sa vie à aller en ville enseigner la langue françoise aux etrangers. » Boileau le raille, indique A. Adam, parce qu’il appartenait à l’académie d’ Aubignac, avec laquelle il avait lui-même rompu. C’est précisément parce qu’il avait quitté cette académie que Boileau se déclarait cornélien, et il le resta jusqu’à la fin, en dépit de quelques réticences passagères (éd. A. Adam et F. Escal, p.9-10 et 865, n.7).

[25] Il s’agit, non pas d’Oldonius, ou plutôt Ordonius (Ordogno), poète et hagiographe espagnol, moine de Cluny, prieur en Galice, mort vers 1230, mais d’Augustin Oldonius, auteur d’un Athenæum Romanum (Perusiæ 1676, 4°) et d’un Athenæum Augustum (Perusiæ 1678, 4°), ouvrages qui se trouvent, avec son Athenæum Ligusticum (Perusiæ 1680, 4°), dans la Bibliotheca Hohendorfiana, ou Catalogue de la bibliothèque de feu Monsieur George Guillaume Baron de Hohendorf [...] (La Haye 1720, 16°, 3 parties en un vol.), ii.198.

[26] Adrien Baillet, Jugemens des savans, éd. Bernard de La Monnoye (Amsterdam 1725, 12°, 17 vol.), vii.271-275, §158 : « Les critiques ont presque tous donné leur voix pour la réprobation de Perse. Jules Scaliger dit nettement que c’est un écrivain impertinent, qui n’a point eu assez de jugement pour voir que c’étoit en vain qu’il prétendoit se faire lire, s’il ne vouloit point être entendu. Il ajoute que ce n’est qu’un fanfaron qui fait parade d’une érudition fiévreuse, et qu’il ne paroît que du caprice et du chagrin dans son style. Joseph Scaliger son fils appelloit Perse un pauvre poëte et un misérable auteur, qui ne s’étoit appliqué qu’à se rendre le plus obscur qu’il lui étoit possible, et que pour ce sujet a été nommé l’aveugle par les poëtes. ».

[27] Voir Adrien Baillet, Jugemens des savans, éd. La Monnoye, vi.278-279, §1093, sous-section 9 : « Du peu de conséquence des fautes d’Homère ».

[28] Boileau, Réflexions critiques sur quelques passages du rhéteur Longin, où, par occasion, on répond à quelques objections de Monsieur P[errault] contre Homère et contre Pindare, composées entre 1692 et 1694 et publiées pour la première fois, à la suite du Traité du sublime traduit de Longin, dans les Œuvres diverses (Paris 1694, 12°), en réfutation des thèses de Charles Perrault exposées dans Le Siècle de Louis le Grand, poème (Paris 1687, 4°) et dans les trois premiers volumes du Parallèle des anciens et des modernes, en ce qui regarde les arts et les sciences, dialogues (Paris 1688-1692, 12°) ; voir Réflexion III : « Il n’y a rien de plus insupportable qu’un auteur mediocre, qui ne voyant point ses propres defauts, veut trouver des defauts dans tous les plus habiles ecrivains. Mais c’est encore bien pis, lors qu’accusant des ecrivains de fautes qu’ils n’ont point faites, il fait lui-même des fautes, et tombe dans des ignorances grossières. C’est ce qui est arrivé quelquefois à Timée, et ce qui arrive toûjours à M. P[errault]. Il commence la censure qu’il fait d’ Homere, par la chose du monde la plus fausse ( Parallèles, tome III, p.33), qui est, que beaucoup d’excellen[t]s critiques soutiennent qu’il n’y a jamais eu au monde un homme nommé Homere qui ait composé l’ Iliade et l’ Odyssée ; et que ces deux poëmes ne sont qu’une collection de plusieurs petits poëmes de differen[t]s auteurs, qu’on a joints ensemble. Il n’est point vrai que jamais personne ait avancé, au moins sur le papier, une pareille extravagance ; et Elien que Monsieur P[errault] cite pour son garant dit positivement le contraire, comme nous le ferons voir dans la suite de cette remarque. » (éd. A. Adam et F. Escal, p.498).

[29] Voir le DHC, art. « Conon, général des Athéniens », rem. I in fine, sur l’exactitude des anciens historiens. Cependant, nous n’avons pas trouvé cette formule exacte dans le DHC.

[30] Perrault, Paralelle [sic] des anciens et des modernes en ce qui regarde la poésie (Paris 1692, 12°, 4 vol.), iii.28-124, sur Homère, et, pour la citation d’Elien, p.36-37.

[31] René Rapin, Discours académique sur la comparaison entre Virgile et Homère, récité le 19 août 1667 (Paris 1668, 1669, 1674, 12°).

[32] Bayle s’en prend à l’inexactitude de l’historien Elien dans le DHC, art. « Diagoras », rem. H, et il le cite très souvent, mais il ne semble pas évoquer l’erreur signalée par Boileau et par Marais.

[33] François de Callières, Histoire poétique de la guerre nouvellement déclarée entre les Anciens et les Modernes (Paris 1688, 12°). Marais fait par ailleurs allusion au rôle de Callières parmi les plénipotentiaires français dans les négociations de la paix de Ryswick : voir Lettre 1227, n.33. Voir aussi Perrault, A M. de Callières, sur la négociation de la paix, ode (s.l. 1698, 4°).

[34] Hilaire-Bernard de Requeleyne, baron de Longepierre, Discours sur les anciens (Paris 1687, 12°). Bayle avait été en correspondance avec cet auteur du temps de sa rédaction des NRL : voir par exemple les Lettres 496, n.1, et 594, n.2.

[35] Voir Fontenelle, Poésies pastorales, avec un « Traité sur la nature de l’églogue », et une « Digression sur les anciens et les modernes » (Paris 1688, 12°) ; une nouvelle édition parut en 1698. Voir aussi la Digression sur les Anciens et les Modernes, éd. M. Fumaroli, in La Querelle des Anciens et des Modernes (Paris 2001).

[36] Perrault, Parallèle des anciens et des modernes, où il est traitté de l’astronomie, de la géographie, de la navigation, de la guerre, de la philosophie, de la musique, de la médecine, etc. Cinquiesme et dernier dialogue, tome quatrième (Paris 1697, 12°). S’il confond les « dialogues » et les tomes, il est possible que Marais désigne ainsi le Parallèle des anciens et des modernes en ce qui regarde la poésie. Tome troisième (Paris 1692, 12°).

[37] Boileau, Réflexions critiques sur quelques passages du rhéteur Longin, où, par occasion, on répond à quelques objections de Monsieur P[errault] contre Homère et contre Pindare : voir ci-dessus, n.28.

[38] C’est en réponse à l’ Ode pindarique de Boileau sur la prise de Namur (Paris 1693, 4°) que Charles Perrault composa sa Lettre à M. D[espréaux] touchant la préface de son « Ode sur la prise de Namur », avec une autre lettre où l’on compare l’ode de M. D[espréaux] avec celle que M. Chapelain fit autrefois pour le cardinal de Richelieu (s.l.n.d., 4°).

[39] Secondo Lancellotti (1583-1643), L’Hoggidi ouero il mondo non peggiore ne più calamitoso del passato. Del p[a]d[re] Secondo Lancellotti da Perugia abate oliuetano (Venetia 1627, 8°), qui connut plusieurs éditions et où il compare les mœurs anciennes et modernes.

[40] Daniel de Rampalle (1603 ?-1660 ?), L’Erreur combattüe, discours académique, où il est curieusement prouvé que le monde ne va point de mal en pis (Paris 1641, 8°).

[41] Jacques de Cailly, dit Aceilly (1604-1673), Diverses petites poésies du chevalier d’Aceilly. Premier volume (Paris 1667, 12°). Sur lui, voir G. Mongrédien, « Un épigrammatiste du XVII e siècle. J. de Cailly (documents inédits) », Revue de France, 1 (1931), p.300-333.

[42] Jean de La Fontaine, A M gr l’évesque de Soissons, en luy donnant un Quintilien de la traduction d’Oratio Toscanella (Paris 1687, 8°) ; éd. J. Marmier (Paris 1965), p.493 : « Je vous fais un présent capable de me nuire. / Chez vous Quintilien s’en va tous nous détruire ; / Car enfin qui le suit ? qui de nous aujourd’hui / S’égale aux anciens si estimés chez lui ? / Tel est mon sentiment, tel doit être le vôtre. / Mais si notre suffrage en entraîne quelque autre, / Il ne fait pas la foule ; et je vois des auteurs / Qui plus savants que moi, sont moins admirateurs. » Il lui envoyait un exemplaire de L’Institutioni oratorie di Marco Fabio Quintiliano, [...] tradotte da Oratio Toscanella (Vinigia 1566, 4°).

[43] Boileau, Epistre XII. Sur l’amour de Dieu, dédié à Eusèbe Renaudot : « Docte abbé, tu dis vrai, l’Homme au crime attaché / En vain, sans aimer Dieu, croit sortir du péché. » (éd. A. Adam et F. Escal, p.149).

[44] Sur la mode des ana, voir F. Wild, Naissance du genre des ana (1574-1712) (Paris 2001).

[45] Boileau, Epistre X. A mes vers : « Mais aujourd’hui qu’enfin la vieillesse venuë, / Sous mes faux cheveux blonds déja toute chénuë, / A jetté sur ma teste, avec ses doigts pezans, / Onze lustres complets surchargés de trois ans... » (éd. A. Adam et F. Escal, p.141).

[46] Voir les Réflexions de Bayle (Lettre 1303), §III : « Après tout oseroit-on dire que mon Dictionnaire approche de la licence des Essais de Montagne, soit à l’égard du pyrrhonisme, soit à l’égard des saletez ? » Dans le DHC, Bayle cite les Essais de Montaigne dans quarante-neuf articles, mais ne lui consacre pas d’article. Il avait bien prévu de composer pour la deuxième édition un article sur l’auteur des Essais, et y renvoie même (voir Eclaircissements, « Observation générale et préliminaire » : renvois aux remarques F et O de l’article « Montaigne ») ; mais il change d’avis à la dernière minute en y substituant un article « Charron (Pierre) ». Sur Bayle et Montaigne, voir C.G. Brush, Montaigne and Bayle. Variations on the theme of scepticism (La Haye 1966).

[47] Voir Jean-Louis Guez de Balzac, Les Entretiens de feu M. de Balzac, éd. G. Girard (Paris 1657, 4°), Entretien 18 : « De Montaigne et de ses écrits » à Monsieur Gandillaud : « N’est-ce pas se moquer des gens, de faire savoir au monde qu’il avait un page ? ». Cette critique est reprise par les auteurs de La Logique ou l’art de penser dans l’édition de 1664, livre III, ch. 6 (éd. D. Descotes, p.475 : sur cette édition, voir ci-dessous, n.49). Sur la réception des Essais, voir A.M. Boase, The Fortunes of Montaigne (London 1935) et M. Dréano, La Renommée de Montaigne en France au XVIII e siècle, 1677-1802 (Angers 1952).

[48] Nicolas Malebranche, De la recherche de la vérité, ii.III.5 : « Du livre de Montagne », éd. G. Rodis-Lewis, in Œuvres complètes, éd. A. Robinet, i.359-369.

[49] Voir surtout La Logique ou l’art de penser (1662), éd. D. Descotes (Paris 2011), Premier Discours, p.134 : « Ainsi le pyrrhonisme n’est pas une secte de gens qui soient persuadés de ce qu’ils disent ; mais c’est une secte de menteurs. Aussi se contredisent-ils souvent en parlant de leur opinion, leur cœur ne pouvant s’accorder avec leur langue, comme on le peut voir dans Montaigne, qui a tâché de le renouveler au dernier siècle. » De nombreuses autres références à Montaigne sont relevées par D. Descotes dans le texte de la Logique – particulièrement dans l’édition de 1664 – mais il est signalé que les auteurs, Antoine Arnauld et Pierre Nicole, cessent d’avoir recours aux Essais dans l’édition de 1683. La deuxième édition de la Logique avait suscité la réaction de Guillaume Béranger, Réponse à plusieurs injures et railleries écrites contre Michel, seigneur de Montaigne, dans un livre intitulé « La Logique ou l’art de penser » [...] (Rouen 1667, 12°).

[50] Bonaventure d’Argonne (1640-1704), L’Education, maximes et reflexions de Monsieur de Moncade, avec un discours du sel dans les ouvrages d’esprit (Rouen 1691, 12°).

[51] Vincent Tagereau, Discours sur l’impuissance de l’homme et de la femme, auquel est déclaré que c’est qu’impuissance empeschant et séparant le mariage [...] et ce qui doit estre observé aux procès de séparation (Paris 1611, 8°). Bayle avait donné une longue explication sur le « congrès » – en citant l’ouvrage de Tagereau – dans l’article « Quellenec (Charles de) », rem. A. Marais s’indigne de ce que Renaudot ait taxé d’indécence de tels passages du DHC.

[52] Laurent Bouchel (1559-1629), La Bibliothèque ou thresor du droict françois [...] recueilly et mis en ordre et de nouveau augmenté par M e Laurens Bouchel, [...] (Paris 1615, 1629, folio, 2 vol.) ; l’édition mentionnée ici est celle de 1667 : Bibliothèque ou trésor du droit françois ou sont traitées les matières civiles, criminelles et bénéficiales par Laurent Bouchel avec les augmentations de Jean Bechefer (Paris 1667, folio, 3 vol.).

[53] Dans le DHC, Bayle cite l’ouvrage d’ Antoine Menjot (1615-1695 ?), Dissertationes pathologicæ de passione uterina et de dolore quartæ ac ultimæ parti dissertationum pathologicarum adjiciendæ (Parisiis 1687, 4°) aux articles « Fernel », rem. K ; « Lucrece (poète) », rem. G ; « Melampus », rem. C.

[54] Bayle consacre un petit article à André Tiraqueau, dont la remarque A évoque sa prodigieuse fécondité : « A. Ils font monter le nombre de ses enfants à quarante-cinq. [...] Je ne trouve pas étrange que cette fécondité paroisse plus merveilleuse à ceux qui font réflexion, que ce docte personnage ne buvait que de l’eau ; mais peut-être que cela même contribuoit à sa vertu prolifique. Sa chaleur naturelle seroit passée peut-être à un degré excessif par l’usage des bons vins, et dans ces excès il n’eût pas été si propre à la génération ; car on dit qu’il y a des mariages stériles à cause de la trop grande salacité des conjoints. Quoi qu’il en soit, la femme de Tiraqueau n’avoit pas à craindre les attaques des railleurs, comme elle auroit eu sujet de les craindre, si elle n’eût été grosse que rarement. Son mari aimoit l’étude jusqu’à l’excès, ses ouvrages crient hautement qu’il passoit des journées toutes entières parmi ses livres. On y voit une lecture prodigieuse, un travail et des recherches qui demandent une forte application. Quand on sait qu’un homme passe de la sorte la journée, on suppose qu’il s’épuise, et qu’il a besoin d’un grand repos pendant la nuit ; car quod caret alterna requie durabile non est, Hæc reparet vires fessaque membra novat ( Ovide, in Epist. Heroïd, epist. IV, vers 89). On suppose qu’il a dissipé ses esprits à force de méditer, et de composer, et de feuilleter, et qu’il tâche d’en préparer de nouveaux par un bon sommeil, au lieu de faire de nouvelles dissipations. Là-dessus on raille la femme dans les compagnies, on la plaint, on lui fait de très-mauvais complimen[t]s de condoléance : mais si elle peut montrer une maison pleine d’enfants, elle est à couvert de ces traits-là. Comme toutes choses ont deux faces, il est certain qu’un mari auteur, enseveli toute la journée parmi ses papiers, et parmi ses livres, peut passer et pour un mari commode, et pour un mari incommode. C’est selon la femme qu’il a rencontrée [...] Chacun voit les inconvénien[t]s de certaines dipositions de corps et d’esprit. Notez que tout a ses exceptions ; on sait par la lecture des vies des hommes, qu’il y en a quantité qui ont eu une lignée nombreuse. C’est que certains tempéramen[t]s sont si forts, et si bien constituez, qu’ils suffisent à tout. » Bayle évoque également, à la fin de ce même article, « un passage où l’on observe qu’il inséra dans l’un de ses livres quantité d’obscénitez » avec un renvoi à l’article « Sanchez (Thomas) » ; en effet, ce jésuite composa un volume célèbre où « il traite à fond de ce qui concerne le mariage ».

[55] Jean Nevizan, Silvæ nuptialis libri sex (Lugduni 1556, 12°). Nous n’avons pas trouvé trace de l’édition citée par Marais. Bayle cite ce passage de Marais dans son article « Nevizan (Jean) », rem. A : « M. Marais, avocat au Parlement de Paris, a eu la bonté de m’écrire qu’il a une édition gothique de cet ouvrage, faite à Paris chez Kerever l’an 1521 ; qu’il n’est donc pas vrai que Nevizan l’ait achevé en 1522, comme l’assûre Mr Simon (JS, 1693, p.246, et 1695, p.270), qui a fait une petite Bibliothèque des jurisconsultes [...] ; que l’auteur a ramassé tout ce que l’on dit pour ou contre les femmes [...]. Je ne crois pas que l’édition de Paris 1521, soit le premiere, et je m’etonne que Gesner et ses continuateurs aient été si negligen[t]s à l’égard du Sylvia nuptialis. [...] J’ai celle de Lion apud Antonium de Harsy 1572 in 8. »

[56] « Au contraire, Dieu très-grand et très-bon s’est fait homme et a pardonné au genre humain, qui s’était acharné contre lui, à cause de la virginité immaculée de la belle et élégante fille de Jérusalem. »

[57] « Si la parure et les viandes ne satisfont pas une femme, elle se donne elle-même satisfaction en gratifiant son mari d’une paire de cornes. »

[58] Benoît de Court (Benedictus Curtius, fl. 1533-1560) : voir Martial de Paris, dit d’Auvergne (1440-1508), Les Arrets d’amour, avec l’amant rendu Cordelier à l’observance d’amours par Martial d’Auvergne accompagnez des commentaires juridiques et joyeux de Benoit de Court : cet ouvrage, composé vers 1540-1550, fut publié au XVIII e siècle (Paris 1731, 12°, 2 vol.).

[59] L’ouvrage de Nicolas Venette (pseudonyme M. de Salocino), Tableau de l’amour consideré dans l’état du mariage (Amsterdam 1686, 12°) est cité dans le DHC, art. « Joubert », rem. C, « Quellenec », rem. A et H, et « Sixte », rem. D.

[60] Pour le détail de l’histoire de la publication de la « petite » et de la « grande » Perpétuité par Nicole d’abord, et par Arnauld et Nicole ensuite, et des réactions de Jean Claude, histoire qui est plus compliquée encore que ne la représente ici Mathieu Marais, voir Lettre 18, n.21. Bayle traite la question en tenant compte des remarques de Marais dans le DHC, art. « Arnauld (Antoine) », rem. O, §I.

[61] Marais songe sans doute à l’affaire de l’épitaphe de Santeuil pour le cœur d’ Arnauld enseveli à Port-Royal des Champs : voir Lettres 1008, n.7, et 1013, n.11.

[62] Il s’agit de l’ouvrage intitulé Testament du temporel de M. Arnauld. Testament spirituel (s.l.n.d., 12°), dont plusieurs éditions parurent par la suite sous le titre Testament spitirituel de Mr Arnauld (s.l. 1689, 1695, 12°).

[63] Sur la censure du recueil de Perrault, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, avec leurs portraits au naturel (Paris 1696-1700, folio), qui provoqua la publication distincte des Eloges de Messieurs Arnauld et Pascal, composez par M. Perrault de l’Académie françoise (Cologne 1697, 12°), voir Lettre 1104, n.11. Voir aussi le compte rendu par Basnage de Beauval de l’ouvrage principal, HOS, novembre 1697-mars 1698, art. XIV.

[64] Sur cette affaire et la publication du recueil de Faydit de Riom, voir Lettre 1107, n.63.

[65] Boileau, Epistre X, A mes vers : « Mais des heureux regards de mon astre estonnant / Marqués bien cet effet encor plus surprenant, / Qui dans mon souvenir aura toûjours sa place : / Que de tant d’escrivains de l’Ecole d’Ignace / Estant, comme je suis, ami si declaré, / Ce Docteur toutefois si craint, si reveré, / Qui contre eux de sa plume épuisa l’énergie, / Arnauld le grand Arnauld fit mon apologie. / Sur mon tombeau futur, mes vers, pour l’énoncer, / Courés en lettres d’or de ce pas vous placer. » (éd. A. Adam et F. Escal, p.144). C’est le 5 mai 1694 – quelques mois avant sa mort – qu’ Arnauld écrivit une lettre à Perrault pour prendre la défense de la Satire X de Boileau contre les femmes. Boileau publia cette lettre avec ses Œuvres diverses (Paris 1701, 4°). Voir aussi le dossier Autour de la Satire X de Boileau (Réponses de Perrault, de Pradon et de Gacon), constitué par E. Keller et publié dans l’ouvrage collectif, D. Haase-Dubosc et M.-E. Henneau (dir.), Revisiter la « querelle des femmes ». Discours sur l’égalité / inégalité des sexes, de 1600 à 1750 (Saint-Etienne 2013).

[66] Boileau, Epistre XII. Sur l’amour de Dieu, dédié à Eusèbe Renaudot, composé en 1696 ; une édition pirate parut en 1697, et Boileau la fit publier de nouveau l’année suivante chez Denis Thierry.

[67] Boileau, Epistre III. A M. Arnaud, Docteur de Sorbonne : « Oui, sans peine, au travers des sophismes de Claude, / Arnaud, des novateurs tu découvres la fraude, / Et romps de leurs erreurs les filets captieux. / Mais que sert que ta main leur désille les yeux ? / Si toûjours dans leur ame une pudeur rebelle, / Prests d’embrasser l’Eglise, au presche les rappelle ? »

[68] Sur Santeuil, voir ci-dessus, n.61 et 64. Voir aussi Baillet, Jugemens des savans, éd. citée, §1549, ix.518-527, : « Il semble que la Nature ait pris plaisir à former M. de Santeuil sur le modéle le plus extraordinaire de la poësie et le plus approchant de la divinité d’Apollon [...] ». Et Jean de La Bruyère, Les Caractères, « Des Jugements », n° 56, §VI, éd. R. Garapon (Paris 1990), p.369 ; voir aussi une allusion possible dans le chapitre « De la mode », n° 2, sous le nom de Diphile, éd. citée, p.397. Bayle ne lui consacre pas d’article spécifique dans le DHC.

[69] Bayle consacre plusieurs remarques de l’article « Cardan (Jérôme) » aux « bizarreries de cet esprit », mais nous n’y avons pas trouvé la formule exacte citée par Marais, qui signifie : « pas de folie sans grain d’esprit ». Sénèque, De Tranquillitate animi, cap. 15, cite Aristote, Problèmes, §30 : « nullum magnum ingenium sine mixtura dementiæ fuit » : « pas de grand esprit sans grain de folie ».

[70] Il ne s’agit pas de Noël Brûlart de Sillery (1577-1640), éditeur des Œuvres du bien-heureux François de Sales (Paris 1641, folio) et auteur de Nouvelles d’Espagne, envoyées à une grand’dame de la court par un gentil-homme françois [...] (Paris 1615, 8°), ainsi que de différents mémoires juridiques, même si les Memoires de Bellievre, et de Silleri, contenant un journal concernant la negociation de la paix traitée à Vervins l’an 1598, entre Henri IV roi de France, et de Navarre, Philippes II roi d’Espagne, et Charles Emanuel duc de Savoye (La Haye 1696, 12°, 2 vol.), venaient de paraître chez Adrian Moetjens. En effet, la référence à La Fontaine est un indice précieux, car le poète était en correspondance avec le chevalier Carloman-Philogène Brûlart (vers 1646-1727), dit le comte de Sillery, septième fils de Louis-Roger Brûlart de Sillery et de Marie-Catherine de La Rochefoucauld – et donc neveu de l’auteur des Maximes – et écuyer du prince de Conti : on connaît la lettre en vers et en prose qu’il lui adressa après la victoire de Steinkerque en 1692 ; Sillery fut blessé dangereusement à la bataille de Neerwinde en 1693 : voir La Fontaine, Œuvres complètes, éd. J. Marmier (Paris 1965), p.52-54, et La Chesnaye-Desbois, s.v.

[71] Nous n’avons trouvé aucune trace de cette anecdote dans les nombreux ouvrages sur Richelieu. Cependant, comme le rappelle H. Duccini, Faire voir, faire croire. L’opinion publique sous Louis XIII (Paris 2003), p.434-435, si les portraitistes aujourd’hui les mieux connus employés par Richelieu sont Philippe de Champaigne et Simon Vouet, la gravure a joué un rôle crucial dans la formation de l’image publique du cardinal. Or, le portrait de Richelieu ( ibid., p.434, n° 135) gravé par Gilles Rousselet (1610-1686) d’après Philippe de Champaigne, le met en scène face à un crucifix et on pourrait être tenté de reconnaître – contre l’intention du graveur, certainement – dans le visage du Christ le reflet du visage du cardinal-ministre. Il est possible que cette gravure ait donné lieu à une rumeur rapportée par Mathieu Marais, à moins qu’il s’agisse tout simplement d’un portrait ou d’une caricature – à caractère scandaleux – qui aurait été perdu. Voir V. Meyer, L’Œuvre gravé de Gilles Rousselet, graveur parisien du XVII e siècle (Paris 2004), gravure n° 397, p.268 (reproduction, p.269). Le portrait par Champaigne a été gravé également par Claude Mellan (1598–1688) – publié par Gabriel Cramoisy en 1651 – mais l’angle de représentation exclut toute ressemblance entre le Christ et le cardinal ministre : voir la reproduction sur le site du Metropolitan Museum of Art (acq. n° 41.57.36).

[72] Bayle, Nouvelles lettres critiques, lettre VII, OD, ii.203 : « N’appréhendez pas que j’y touche, je vous laisse la liberté de consulter Monsieur Claude, sans perdre aucun temps. Vous trouverez le passage au chap. 6. du premier livre, et au chap. I du livre second. Vous y verrez les miracles du livre de Monsieur Arnaud comparez à ceux de notre Seigneur Jésus-Christ, et le mot de Numen ou de Divinité, souvent mis en œuvre. C’est un mot qu’on n’a gueres plus épargné que les autres, et que les flat[t]eurs se sont vûs bien-tôt obligez de profaner, trouvant tous les autres déja pris. Vous savez bien la plaisanterie de Monsieur de Bautru. Il disoit fort agréablement, après que le cardinal de Richelieu fut mort, qu’il étoit facile de prouver que son Eminence étoit un Dieu ; car comme on prouve tous les jours dans les Ecoles une opinion incertaine, en citant l’autorité de plusieurs graves auteurs, jusques là que l’on soûtient qu’une opinion peut être suivie en conscience, lors que deux ou trois docteurs l’ont enseignée, il disoit aussi qu’on pouvoit prouver la divinité du cardinal, par une infinité de passages de Chapelain, de Boisrobert, de Benserade, et des autres beaux-esprits. Doit-on s’étonner aprés cela, que l’on ait si souvent donné au pape le nom de Dieu ? Je pourrois vous parler d’un autre caprice de ma mémoire, mais vous vous en passerez bien. »

[73] Il s’agit certainement de la lettre de La Fontaine « à Son Altesse Monseigneur le duc de Vendôme » datée de 1689 : « [...] Il faut se lever plus matin / Que ne font beaucoup de ces princes [allemands], / Pour pénétrer dans nos provinces. / Je vois ces héros retournés / Chez eux avec un pied de nez, / Et le protecteur des rebelles [ Guillaume d’Orange, protecteur des huguenots] / Le cul à terre entre deux selles ; / Et tout le parti protestant / Du Saint-Père [ Innocent XI] en vain très content. / J’ai là-dessus un conte à faire ; / L’autre jour , touchant cette affaire, / Le chevalier de Sillery, / En parlant de ce pape-ci, / Souhaitait pour la paix publique, / Qu’il se fût rendu catholique, / Et le roi Jacques huguenot : / Je trouve assez bon ce bon mot. » (éd. J. Marmier, p.50). Bayle cite ces vers dans la deuxième édition du DHC, art. « Innocent XI », rem. M, sans mentionner le nom de Mathieu Marais.

[74] Voir la lettre de La Fontaine au prince Louis-Armand de Conti du 18 août 1689 : « Sans m’arrêter à aucun arrangement, non plus que faisait Montagne, je passe de l’hôtel de Conti aux affaires de delà les monts, c’est-à-dire d’une princesse extrêmement vive à un pape qui va mourir [ Innocent XI]. / Pour nouvelles de l’Italie, / Le pape empire tous les jours : / Expliquez, Seigneur, ce discours / Du côté de la maladie ; / Car aucun Saint-Père autrement / Ne doit empirer nullement. / Celui-ci véritablement / N’est envers nous ni Saint ni Père : / Nos soins, de l’erreur [des huguenots] triomphants, / Ne font qu’augmenter sa colère / Contre l’aîné de ses enfants [le roi de France]. / Sa santé toujours diminue ; / L’avenir m’est chose inconnue, / Et je n’en parle qu’à tâtons ; / Mais les gens de delà les monts / Auront bientôt pleuré cet homme : / Car il défend les Jeannetons [il interdit la prostitution], / Chose très nécessaire à Rome. » (éd. J. Marmier, p.47). Bayle cite ces vers dans le DHC, art. « Innocent XI », rem. M, sans évoquer le nom de Mathieu Marais.

[75] Dans la deuxième édition du DHC, art. « Innocent XI », rem. L, Bayle cite le passage des Valesiana ou les pensées critiques, historiques et morales, et les poesies latines de Monsieur de Valois [...] recueillies par Monsieur de Valois son fils (Paris 1694, 8° ; Amsterdam 1694, 8°) d’après l’édition de Hollande : « Je trouve dans les Valesiana un endroit qui me semble digne d’être mis ici tout au long. [...] “ Innocent XI [...] vouloit réformer le luxe et la braverie des femmes. Que de maris qui auroient eté obligez si son dessein eût réussi ! [...].” Ce que dit M. Valois, touchant le dessein de réformer le luxe et la braverie des femmes, me fait souvenir du grand zèle qu’Innocent XI témoigna contre celles qui montroient la gorge. Ce “pape n’ayant pû gagner sur l’esprit du sexe par plusieurs puissan[t]s moyens dont il se servit qu’on ne montrât plus le sein et les bras ; et ayant sçu même que la terreur qui saisit toute l’Italie lors que les Turcs assiégerent Vienne, ne fit pas passer le desordre, recourut enfin à sa dernière ressource, sçavoir à l’excommunication. Il fit publier une ordonnance le 30 novembre 1683 qui commandoit à toutes les filles et femmes, de se couvrir les épaules et le sein jusqu’au col, et le bras jusqu’au poing avec quelque étoffe épaisse et non transparente, à peine pour celles qui n’obéiroient pas dans 6 jours, d’être si bien excommuniées ipso facto, qu’excepté à l’article de la mort il n’y auroit que le pape qui les pût absoudre ; car on déclaroit que les confesseurs qui présumeroient absoudre de cette excommunication l’encourroient eux-mêmes, et seroient soumis à toutes telles peines tant spirituelles que temporelles qu’il sembleroit bon à Sa Sainteté : auxquelles peines temporelles seront pareillement sujets les peres, les maris, les maîtres et autres chefs de famille par la permission ou connivence desquels les filles et les femmes auront contrevenu à l’ordonnance.” Je ne sai point quel fut le succès de ces terribles menaces ; mais je croi que comme on les avoit renouvellées de tem[p]s en tem[p]s sous les prédécesseurs d’Innocent XI, on eut sujet aussi de les répéter quelque temps après. C’est le sort des lois somptuaires : le luxe, et l’étalage de la beauté éludent bientôt les plus sages réglemen[t]s. »

[76] Allusion à Guillaume Benoît (1455-1516), professeur à l’université de Cahors, conseiller au parlement de Bordeaux (1499), puis de Toulouse, et à son ouvrage Repetitio admodum solennis c. « Raynutius », extra. de testamentis, cum ipsiusmet autoris additionibus, nunc secundario exactissime et castigata et edita, additis insuper additionibus novis minime spernendis, repertorio quoque elegantissimo (Lugduni 1523, 1526, 4°), qui connut de nombreuses éditions ultérieures. Voir P. Arabeyre, Les Idées politiques à Toulouse à la veille de la Réforme. Recherches autour de l’œuvre de Guillaume Benoît (1455-1516) (Toulouse 2003).

[77] Ce n’est pas dans le DHC que Bayle fait allusion à sa destitution de sa chaire à l’Ecole Illustre de Rotterdam, mais dans ses Réflexions sur le prétendu « Jugement du public » (Lettre 1303, §XV).

[78] Pierre Jurieu.

[79] Depuis les Lettres provinciales de Pascal.

[80] Voir les Réflexions de Bayle sur le prétendu « Jugement du public », Lettre 1303, §XVIII : « On n’a pas sujet de croire que ses nouvellistes soient exacts, puisqu’ils lui ont dit que j’ai abrégé Rabelais. Je me trompe fort si je l’ai cité plus d’une fois. Si je l’eusse cité en plusieurs rencontres, je n’eusse fait qu’imiter de grands auteurs. C’est un livre qui ne me plait gueres, mais je sai, et mon adversaire le sait aussi, que beaucoup de gens de bien et d’honneur l’ont lû et relû, qu’ils en savent tous les bons endroits, et qu’ils se plaisent à les rapporter quand ils s’entretiennent agréablement avec leurs amis. Si ces gens-là faisoient des compilations, assûrez-vous que Rabelais y entreroit très souvent. »

[i] ingeniosissimum opus composuit, in quo omnium ordinum homines deridendos propinavit : « Il a composé un ouvrage des plus ingénieux où il tourne en ridicule tous les hommes, quel que soit leur rang dans la société ». Le passage est extrait des Sorberiana, ou bons mots, rencontres agreables, pensées judicieuses, et observations curieuses de M. Sorbiere (Paris 1694, 12°), p.182-184, dans le contexte suivant : « Rabelais. Il se pourroit bien faire que comme j’ai lû Rabelais au sortir du college, il m’a plû alors beaucoup davantage qu’il ne feroit maintenant, que je n’ai plus la mémoire recente d’une infinité de choses qu’il touche dans les bons livres que je venois de quit[t]er ; et il y a ap[p]arence, que comme nous conserverons toute nôtre vie, et dans quelque reformation de mœurs que nous soions, une certaine tendresse pour les anciens amis qui ont été en nôtre jeu- / nesse compagnons de nos débauches, je ne me puis point défaire que quelque complaisance pour Rabelais, que j’ai accompagné dans mes débauches spirituelles avec Petrone, Martial et Lucien, dont la licence n’a pas été moins éf[f]renée. Ceux qui ne s’enfoncent pas si avant dans les études, se sauvent de cette irrégularité, et évitent les pas glissan[t]s, sur lesquels il faut marcher quand on veut trop entendre le grec et le latin. Les satyres que l’on a faites en ces langues-là excitent nôtre curiosité, et il est mal aisé de s’abstenir, aprés qu’on les a lüës, de passer à celles que nous pouvons entendre bien plus aisément. Celle de Rabelais a été la prémiere qui a paru en françois, et elle est sans doute la plus sçavante et la plus générale qui ait été jamais faite. De sorte qu’un jeune homme qui lit dans M. de Thou (le plus grave historien de son tem[p]s) que Rabelais ingeniosissimum opus composuit, in quo omnium ordinum homines deridendos propinavit ; et qui trouve même des vers qu’il prit la peine de faire sur la mai- / son, laquelle il voulut visiter en passant à Chinon, ne croit pas qu’il se puisse dispenser de jetter les yeux sur son ouvrage. [...] En effet ce livre tout badin qu’il est tourne tellement l’esprit à la joie, que presque tous ceux que j’ai connus qui étoient rompus dans sa lecture, en avoient contracté une maniere de penser agréablement sur les matieres les plus profondes ou les plus mélancholiques. ». Sur les Sorberiana, voir Lettre 941, n.11, et sur la réception de Rabelais, voir M. de Grève, « Rabelais et les libertins du XVII e siècle », Etudes rabelaisiennes, 1 (1956), p.120-148.

[81] Voir L. Jestaz (éd.), Les Lettres de Guy Patin à Charles Spon, janvier 1649-février 1655 (Paris 2006), s.v., particulièrement p.265 (saisie de quatre-vingt-douze exemplaires de Rabelais chez Patin en 1666), 294, n.3, 821, 889, 970, 1297 ; P.J. Smith, « Rabelais aux Pays-Bas : l’édition Elzevier (1663) et la présence de Rabelais dans les bibliothèques des Hollandais », in P.J. Smith (dir.), Editer et traduire Rabelais à travers les âges (Amsterdam, Atlanta 1997), p.141-172, particulièrement p.143.

[82] Gilles Ménage, Observations sur la langue françoise (Paris 1672, 12° ; Paris 1675, 12°, 2 vol.). Dans l’« Avis au lecteur » (sans pagination) de la seconde partie, Ménage s’en prend à Bouhours, Doutes sur la langue françoise (Paris 1674, 12°) : « Pour ce qui est de Rabelais, non seulement je ne croy pas avoir offensé le P[ère] Bouhours, mais je croy au contraire lui avoir fait honneur, en le metant à costé d’un si grand personnage. Le P[ère] Bouhours auroit-il bien la vanité de croire d’estre si fort au dessus de Rabelais, qu’il se trouvast offensé de se trouver en paralelle avecque lui ? Rabelais estoit sans contestation un des plus savan[t]s hommes de son siécle, qui estoit un siécle savant. Il savoit le françois, l’italien, l’espagnol, l’alleman[d], le latin, le grec et l’[h]ebreu. Et il n’estoit pas ignorant de l’arabe, qu’il avait appris à Rome d’un evesque de Caramith, comme il le temoigne lui-mesme dans ses notes sur son Quatriéme Livre. Il estoit grammairien, poëte, philosophe, médecin, théologien, jurisconsulte. Il estoit aussi astronome [...]. Budée [ sic], le plus savant des François de son tans, lui a écrit des lettres grecques et latines. Scévole de Sainte-Marthe l’a mis au rang des hommes illustres de France, dont il fait les eloges. Clément Marot, Joachin Du Bellay, Antoine de Baïf, Théodore de Béze, le président de Thou, Estienne Pasquier, et Jan Cécile Frey, en ont parlé avec estime, ou plustost avec admiration. [...] Il est vray que Rabelais est fort décrié parmy nous pour les mœurs, à cause des railleries qu’il a faites de la religion et des religieus. Mais il n’est pas question ici de mœurs [...]. Mais si j’ai offensé le P[ère] Bouhours en le citant avecque Rabelais, il ne m’a pas seulement offensé, il m’a outragé, en disant que je lis sans cesse Rabelais, et que je le cite à tout propos. [...] Pour Rabelais, j’avoue que je l’ay lu plus d’une fois. Mais qui est l’homme de lettres parmy nous qui ne l’ait pas lu plus d’une fois ? Rabelais est un mélange de Lucien et d’ Aristophane, comme je l’ay dit dans mes poësies grecques. [...] Et qui est l’homme de lettres, quelque dévot qu’il soit, qui n’ait aussi lu plus d’une fois et Lucien et Aristophane ? »

[83] Voir Moréri, Le Grand Dictionnaire, art. « Rabelais (François) : le texte de Ménage est exploité systématiquement sans être recopié intégralement. Dans l’édition de 1681, on trouve les formules très sobres : « Rabelais (François), dont l’esprit enjoüé quoyqu’un peu trop libre, est si renommé [...] sa satyre comique un peu trop licentieuse. On a d’autres pièces de sa façon qui sont plus sérieuses. » En 1707, l’essentiel de l’article est identique mais l’éloge est plus appuyé lorsqu’il est fait mention de Pantagruel, « satyre comique trop licentieuse, mais semée de traits vifs et d’agréments inestimables au goût de ceux qui se piquent d’entendre cet ouvrage ».

[84] Anthonius van Dale, De Oraculis Ethnicorum Dissertationes Duæ (Amsterdam, chez Hendrik et la veuve de Theodor Boom 1682, 8°), p. 341 : Van Dale traite des sortes et signale que plusieurs auteurs modernes ont évoqué ce sujet, tels que Casaubon, Peucer et Rabelais : « ac per lusum et jocum Doctissimus ille Gallus Rabelæsius, cujus nugæ sæpius multorum Doctorum seria vincunt ; in vita et gestis Gargantua et Pantagruelis, tam docte meo judicio, quam lepide ac false ». L’allusion porte sur le Tiers Livre de Rabelais, ch. X : « Comment Pantagruel remonstre à Panurge difficile chose estre le conseil de mariage, et des sor[t]s homériques et virgilianes », éd. J. Boulenger et L. Scheler (Paris 1955), p.361. Bayle n’avait pas signalé cette allusion à Rabelais dans son compte rendu de l’ouvrage de Van Dale dans les NRL, mars 1684, art. I.

[85] Fontenelle, Histoire des oracles (Paris 1687, 12°), Première dissertation : « Que les oracles n’ont point été rendus par les démons », ch. XVIII : « Des sorts » : « Ici mon auteur [Van Dale] se souvient que Rabelais a parlé des sorts virgilianes que Panurge va consulter sur son mariage et il trouve cet endroit du livre aussi savant qu’il est agréable et badin. Il dit que les bagatelles et les sottises de Rabelais valent souvent mieux que les discours les plus sérieux des autres. » Pour une comparaison approfondie des ouvrages de Van Dale et de Fontenelle, voir C. Poulouin, « “Ecrire à la moderne” dans les matières d’érudition : Fontenelle ou le génie du trait d’esprit », Revue Fontenelle, 9 (2011), p.23-44.

[86] Adrien Baillet, Jugemens des savans, éd. Bernard de La Monnoye, viii.187-193, n° 1276, sur le bénédictin Théophile Folengi (1494-1544), poète macaronique : « Nous ne connoissons presque plus Théophile Folengi, que sous le faux nom de Merlin Coccaïe, quoiqu’il n’ait pas publié tous ses ouvrages sous ce masque. On a de lui [...] 2. La Macaronée ou l’ouvrage macaronique, qui porte le nom de Coccaïe. [...] On dit que Rabelais a voulu imiter en partie cet ouvrage, et qu’il en a tiré les plus beaux morceaux de son Pantagruel : mais ceux qui l’ont voulu traduire en notre langue ont travaillé fort inutilement, et ils sont à plaindre s’ils ont crû pouvoir faire passer dans notre langue les graces d’un ouvrage de cette nature. »

[87] La Bruyère, Les Caractères, « Des Ouvrages de l’esprit », n° 43, éd. R. Garapon, p.82, sur Marot et Rabelais.

[88] Sur cette comparaison, voir ci-dessus, n.83.

[89] Sur le commentaire de Jacob Le Duchat sur la Satyre Ménippée, voir Lettre 936, n.14. Le Duchat devait aussi publier une édition de Rabelais, Œuvres. Faits et dits du géant Gargantua et de son fils Pantagruel, avec la Prognostication pantagrueline, l’épître du Limosin, la Crême philosophale et deux épîtres. Nouvelle édition où l’on a ajouté des remarques historiques et critiques [par Jacob Le Duchat] (Amsterdam 1711, 8°, 6 vol.), qui connut une nouvelle édition établie par Bernard de La Monnoye, Pierre-Charles Jamet et Thomas-Simon Gueullette ([Paris] 1732, 8°, 6 vol.).

[90] La référence porte sur l’édition des Œuvres de Rabelais chez Daniel et Louis Elzevier de 1663 (Amsterdam 1663, 12°, 2 vol.), qui comporte, outre le texte de Rabelais, 1) une Vie de Rabelais (anonyme), due sans doute à Pierre Dupuy ; 2) Particularités de la vie et mœurs de Rabelais, d’origine incertaine ; 3) l’ Alphabet de l’auteur françois (p.868-940) ; 4) Briefve declaration d’aucunes dictions plus obscures contenu[e]s au quatriesme livre (p.941-943), dont la source rabelaisienne fait l’objet d’un débat critique et qui provient de l’édition des œuvres de Rabelais de 1556 ; 5) Eclaircissements de quelques endroits difficiles de Rabelais (p.944-946), attribués à Pierre Dupuy. L’ Alphabet se base sur un commentaire manuscrit intitulé Explication de certaines dictions prises des œuvres de François Rabelais, due à un certain Perreau, inconnu : ce manuscrit se trouve actuellement dans le fonds Dupuy de la BNF. Cette Explication est d’origine poitevine et s’appuie sur la Briefve declaration. L’ Alphabet fut sans doute communiqué à Daniel et Louis Elzevier par Henri Justel avec sa lettre du 22 juin 1662 (BNF, f.fr. 15.209, f.52) avec des ajouts fournis par Justel et/ou Heinsius par rapport à l’ Explication de Perreau. En 1669 et en 1675 fut ajoutée à cette édition de Rabelais la Clef de Rabelais, qui comporte deux renvois à l’ Alphabet et annonce ainsi la grande édition de Jacob Le Duchat (Amsterdam 1711, 8°, 6 vol.), où, conformément au vœu formulé ici par Mathieu Marais, il fait de la Briefve declaration, des Eclaircissements et de l’ Alphabet un seul commentaire alphabétique. Voir H. Clouzet, « Les commentaires de Perreau et l’ Alphabet de l’auteur françois  », Revue des études rabelaisiennes, 4 (1906), p.59-72 ; P.J. Smith, « Rabelais aux Pays-Bas », in P.J. Smith (dir.), Editer et traduire Rabelais à travers les âges (Amsterdam 1997), p.141-173, particulièrement p.145-155.

[91] Etienne Pasquier, Recherches de la France, éd. M.-M. Fragonard et F. Roudaut (Paris 1996), ii.1410 : « Cettuy [Rabelais] és gayetez qu’il mit en lumiere, se mocquant de toutes choses, se rendit le nompareil. De ma partie reconnaitray-je franchement avoir l’esprit si folastre que je ne me lassay jamais de le lire, et ne le leu oncques que je n’y trouvasse matiere de rire, et d’en faire mon profit tout ensemble. » (éd. 1665, livre VII, p.609). Voir aussi iii.1923 : « le Lucian de nostre temps, Rabelais » (éd. 1665, livre IX, p.854).

[92] Guillaume Dubois (?-1525), surnommé Cretin, poète, est désigné par Pierre-René Auguis comme un servile imitateur de son ami Jean Molinet. Cretin fut d’abord trésorier de la Sainte-Chapelle de Vincennes, et ensuite chantre de la Sainte-Chapelle de Paris. Il vécut sous Charles VIII, Louis XII et François I er  ; ce dernier le chargea d’écrire l’histoire de France, ce qu’il fit en cinq volumes in-folio contenant douze livres de chroniques en vers français. Son histoire commence à la prise de Troyes et s’arrête à la fin de la seconde race. Un recueil de ses poésies fut publié en 1527 par son ami François Charbonnier, secrétaire de François I er du temps où celui-ci était duc de Valois : il comporte des poésies diverses et dix-sept épîtres en vers. Au jugement de Pierre-René Auguis, la seule épître qui puisse se lire avec plaisir est celle qui est adressée à Christophe de Refuge, fils de Raoul I er de Refuge et de Marie Cadier de La Brosse-Cadier, correcteur des comptes et maître d’hôtel du duc d’Alençon en 1516. Le rapport avec ce qui précède concernant Rabelais consiste en ce que l’épître en question et, peut-on supposer, le rondeau auquel Marais fait allusion portent sur le dilemme de Panurge : le mariage entraînera-t-il le cocuage ? « Si des dix mil martyrs vous voulez rendre, / Pour estre mis en la grand’confrairie, / Besoin sera premierement d’apprendre / L’heur et le malheur d’homme qui se marie [...] ». Voir P.-R. Auguis, Les Poètes françois depuis le XII e siècle jusqu’à Malherbe (Paris 1824, 6 vol.), ii.295-298.

[93] François Ogier (1597 ?-1670), Apologie pour Monsieur de Balzac (Paris 1627, 4° ; éd. fac-similé J. Jehasse, Saint-Etienne 1977), p.144.

[94] Sorberiana, ou bons mots, rencontres agréables, pensées judicieuses et observations curieuses de M. Sorbière (Paris 1694, 12°), p.182-183 : « Rabelais. [...] et il y a ap[p]arence, que comme nous conservons toute nôtre vie, et dans quelque réformation de mœurs que nous soions, une certaine tendresse pour les anciens amis qui ont été en nôtre jeunesse compagnons de nos débauches, je ne me puis point défaire de quelque complaisance pour Rabelais, que j’ai accompagné dans mes débauches spirituelles avec Petrone, Martial et Lucien, dont la licence n’a pas été moins éfrenée [...] » : voir le passage complet, ci-dessus, n.81.

[95] C’est la première édition collective de Rabelais, La Plaisante et Joyeuse Histoyre du grand geant Gargantua. Prochainement reveue, et de beaucoup augmentée par l’autheur mesme. Second livre de Pantagruel. Tiers livre des faicts, et dictz heroïques du noble Pantagruel (Valence 1547, 16°), publiée chez Claude La Ville.

[96] Sur l’auteur de l’ Alphabet, voir ci-dessus, n.91.

[97] Dans le DHC, art. « Sadeur », Bayle traite du livre de Gabriel de Foigny, La Terre australe connue, c’est-à-dire la description de ce pays inconnu jusqu’ici, de ses mœurs et de ses coutumes, par M. Sadeur. Avec les aventures qui le conduisirent en ce continent, réduites et mises en lumière par les soins et la conduitte de Gabriel de Foigny (Vannes 1676, 12° ; éd. François Raguenet, Paris 1692, 16° ; éd. P. Ronzeaud, Paris 1990).

[98] DHC, art. « Guise (Henri de Lorraine, duc de) », rem. I : « Le Parlement de Paris reçut les plaintes de la veuve du duc de Guise, qui demandoit justice de la mort de son mari contre Henri III. Ce que l’auteur de la Critique générale du « Calvinisme » de Mr Maimbourg a rapporté touchant le procès que l’on intenta à ce monarque, est assez curieux ; mais voici une chose qui l’est beaucoup davantage. Elle m’a été comuniquée par un très-habile homme [ Pierre Bonnet Bourdelot] [...] il a eu la bonté de m’écrire qu’il a un livret, contenant seize pages in 8, dont voici le titre : Advertissement et premieres escritures du procez pour Mess rs les députez du royaume de France, aux prétendus Estats qui se devoient tenir en la ville de Blois, demandeurs d’une part. Le peuple et les héritiers des défunts duc et cardinal de Guise, aussi demandeurs et joints d’une part. Contre Henri de Valois troisieme de ce nom, jadis roy de France et de Pologne, autrement dit Thessalonien, au nom et en la qualité qu’il procede, defendeur d’autre part. Avec l’approbation des docteurs. Et se vendent chez Denis Binet, avec permission 1589. »

[99] Bayle exploite le document envoyé par Mathieu Marais dans le même article « Guise », rem. Q, et ajoute : « M. Marais avocat au Parlement de Paris a eu la bonté de m’envoier la copie qu’il avoit faite de cet acte. Il m’a communiqué aussi des observations sur mon Diction[n]aire, qui me donnent une haute idée de son esprit, et de son erudition. »

[100] Ce n’est que dans l’édition de 1720 du DHC qu’on trouve un article « Nully » « communiqué par Mr Marais », et cité à la fin de l’article “Place (Pierre de La)” ». Il s’agit d’ Etienne de Nully, premier président de la cour des Aides à Paris, qui succéda à Pierre de La Place en 1569, lorsque Charles IX déposséda tous les officiers huguenots de leur charge. Cependant La Place fut rétabli deux ans plus tard à la suite de l’édit de pacification et, le 17 avril 1671, Etienne de Nully reçut, en compensation, les provisions d’une charge de maître des requêtes. Le 24 août 1572, La Place fut tué lors du massacre de la Saint-Barthélemy et Nully fut de nouveau nommé, huit jours plus tard, pour lui succéder. Il fut élu prévôt des marchands de Paris en 1582. Par la suite, il prit une part active à la Ligue et assista aux Etats de Blois. Arrêté après l’assassinat du cardinal et du duc de Guise, il fut emprisonné à Amboise, d’où il ne sortit qu’en payant une rançon de mille écus. Après la mort d’ Henri III, Nully resta premier président de la cour des Aides. Il fut aussi nommé par le duc de Mayenne second président à mortier en 1593 et garde de la bibliothèque du roi. « En 1594 se fit la réduction de Paris, mais on ne trouve point qu’il ait continué d’exercer sa charge de premier président, et on ne sçait point quand il la quitta. Il étoit encor vivant en 1606 ; car il assista au mariage de Jacques de Nully escuyer seigneur de Neuilly son fils en cette année-là. » On voit que Marais ne réussit pas à résoudre les incertitudes qu’il exprime dans la présente lettre. Prosper Marchand s’appuie sur le « mémoire » de Marais, ainsi que sur les notes de Jacob Le Duchat à son édition du Catholicon d’Espagne, dans l’article de son Dictionnaire historique consacré à la famille Nully, mais ne résout pas (rem. C et D) l’incertitude de Marais sur le sort d’Etienne de Nully après la réduction de Paris.

[101] Jacob Le Duchat : voir Lettre 936, n.14.

[102] Dans son édition du Jugement de Renaudot, Jurieu fournit toute une série de passages extraits des NRL où Bayle fait son éloge pour les opposer aux critiques sévères de ces mêmes ouvrages dans le DHC : voir le texte publié par Jurieu dans l’Annexe I du tome X de cette édition.

[103] Dans ses Reflexions sur les differends de la religion, avec les preuves de la tradition ecclésiastique, par diverses traditions des Saints Pères sur chaque point contesté (Paris 1686, 12°, 2 vol.), Pellisson avait fortement critiqué la voie de l’examen préconisée par les controversistes réformés et avait proposé des preuves d’autorité – reprenant ainsi les arguments de Pierre Nicole dans sa controverse avec Jean Claude. Dans les NRL, juillet 1686, art. I, compte rendu de l’ouvrage de Pellisson, Bayle avait commenté : « Sans s’ériger en devin, on peut prédire que ce sera la matière d’une plus longue dispute que la Perpetuité de la foi de M. Nicole. » Dans son ouvrage suivant, Reflexions sur les differends de la religion, seconde partie : Réponse aux objections d’Angleterre et de Hollande (Paris 1687, 12°), section XVIII, Pellisson avait répondu avec beaucoup de politesse : « Le merite et la reputation de M. Bayle, dont les ecrits vont par tout et font tous les mois les delices des gens de lettres, ne nous permettent pas de negliger une objection qu’il nous a faite. Mais Homere lui-même (comme disoient les Anciens) n’étoit pas toûjours également attentif à son ouvrage. Il ne faudroit pas s’étonner si un excellent esprit examinant tant d’ouvrages d’autrui n’avoit pas eu toûjours devant les yeux la suite du nôtre. » (p. 219-220). Bayle reprend les termes de son commentaire dans le DHC, à la fois dans l’article « Nicolle (Pierre) », rem. C, et dans l’article « Pellisson (Paul) », rem. D et E. Voir aussi l’analyse de M.-C. Pitassi, « Fondements de la croyance et statut de l’Écriture : Bayle et la question de l’examen », in H. Bost et A. McKenna (dir.), Les « Eclaircissements » de Pierre Bayle (Paris 2010), p.143-160.

[104] Voir Bayle, Nouvelles lettres critiques, lettre VII, §6 : « D’un livre intitulé, L’Esprit de M. Arnaud » ( OD, ii.206).

[105] Bayle, Réflexions (Lettre 1303), §XX : « On ne trouvera pas que ce que je blâme dans ses Prophêties et dans son Esprit d’Arnaud, soit la même chose que j’y loüois autrefois. J’y ai loüé l’invention, l’esprit, le tour, le stile, l’abondance des pensées, et j’y blâme présentement les opinions, la médisance, etc. Il ne me tient donc pas entre les extrémitez de lâche flat[t]eur, et d’infame calomniateur, comme il s’est imaginé, par sa coûtume invétérée de ne suivre pas l’exactitude de la dialectique. Il y a un vaste milieu entre ces deux termes. »

[106] Marais fait sans doute allusion à la condamnation des Pensées diverses par le consistoire de l’Eglise hollandaise de Rotterdam du 28 janvier 1693 : la commission condamna en effet plusieurs passages des PDC concernant l’athéisme « p.320, on n’a jamais eu moins à craindre d’accident fâcheux que de l’athéisme, et c’est pourquoi Dieu n’a pas fait de miracle pour l’empêcher ; p.337, que l’athéisme n’est pas un plus grand mal que l’idolâtrie ; p.392, que l’athéisme ne donne pas nécessairement lieu à l’impiété dans les mœurs, etc. ; p.491, qu’une société d’athées, sous le rapport de ses mœurs et de son comportement civil, serait égale à une société de païens ; p.526, qu’une société d’athées peut être elle aussi bien réglée ; p.531, que les athées aussi ont mené une vie vertueuse, digne d’admiration ; p.552-553, qu’il n’est pas nécessaire de connaître Dieu pour vivre honnêtement. Que l’on peut imaginer ou se représenter l’honnêteté sans croire qu’il existe un Dieu ; p.609, qu’il existe certainement de plus grandes erreurs que de nier la Providence divine. »

[107] Allusion aux Pensées diverses, §CCLVIII : « Si les Ligues sont à craindre » : la première édition de la Lettre sur la comète date de 1682, six ans avant la « Glorieuse Révolution » et la guerre de la Ligue d’Augsbourg.

[108] Marais entend : « Je vous attribue aussi la préface de la nouvelle édition du Dictionnaire de Furetière » : en effet, Bayle avait composé la préface du Dictionaire universel, contenant généralement tous les mots françois (La Haye, Rotterdam 1690, folio, 3 vol.), paru chez Arnout et Reinier Leers. : voir OD, iv.188-193.

[109] Mathieu Marais exprime avec beaucoup de force les réticences des lecteurs à suivre Bayle dans la démonstration que les actes de David, « l’homme selon le cœur de Dieu », contredisent notre conception de la justice, de la sagesse et de la bonté divines. Marais cite à plusieurs reprises la formule biblique « Dominus erat cum eo » pour conclure « Si le seigneur étoit avec lui il n’est plus permis de rechercher le motif de ses actions », « Cela étoit dans l’ordre de Dieu », « Cela répond à tout. C’est aller trop loin que de rechercher si les moiens que David employa etoient plus conformes à la politique humaine qu’aux loix rigoureuses de la sainteté. C’étoit Dieu qui lui inspiroit ces moyens et dez là il faut se taire. » Il est remarquable que cet admirateur, qui vouait un véritable culte à Bayle, ne tient aucun compte de son commentaire à la remarque I de l’article « David » dans la première édition du DHC : « Ceux qui trouveront étrange que je dise mon sentiment sur quelques actions de David, comparées avec la morale naturelle, sont priez de considérer trois choses. I. Qu’il sont eux-mêmes obligez de confesser que la conduite de ce prince envers Urie est un des plus grands crimes qu’on puisse commettre. Il n’y a donc entre eux et moi qu’une différence du plus au moins ; car je reconnois avec eux que les fautes de ce prophète n’empêchent pas qu’il n’ait été rempli de piété, et d’un grand zèle pour la gloire de l’Eternel. Il a été sujet à l’alternative des passions et de la grace. C’est une fatalité attachée à notre nature depuis le péché d’Adam. La grace de Dieu le conduisoit très-souvent ; mais en diverses rencontres les passions prirent le dessus : la politique imposa silence à la religion. II. Qu’il est très permis à de petits particuliers comme moi, de juger des faits contenus dans l’Ecriture, lors qu’ils ne sont pas expressément qualifiez par le Saint Esprit. Si l’Ecriture en rapportant une action la blâme ou la loue, il n’est plus permis à personne d’appeller de ce jugement ; chacun doit régler son approbation ou son blâme sur le modele de l’Ecriture. Je n’ai point contrevenu à ce devoir : les faits sur lesquels j’ai avancé mon petit avis, sont rapportez dans l’histoire sainte, sans l’attache du Saint Esprit, sans aucun caractere d’approbation. III. Qu’on feroit un très-grand tort aux loix éternelles, et par conséquent à la vraie religion, si on donnoit lieu aux profanes de nous objecter, que dès que l’homme a eu part aux inspirations de Dieu, nous regardons sa conduite comme la regle des mœurs ; de sorte que nous n’oserions condamner les actions du monde les plus opposées aux notions de l’équité, quand c’est lui qui les a commises. Il n’y a point de milieu ; ou ces actions ne valent rien, ou les actions semblables à celles-là ne sont pas mauvaises ; or, puisqu’il faut choisir l’une ou l’autre de ces deux choses, ne vaut-il pas ménager les intérêts de la morale, que la gloire d’un particulier ? Autrement, ne témoigneroit-on pas qu’on aime mieux commettre l’honneur de Dieu, que celui d’un homme mortel ? » D’ailleurs, Bayle supprime ce passage dans la version abrégée de cet article dans la deuxième édition et y substitue la remarque suivante, suscitée sans doute en partie par la présente lettre de Marais : « Quant aux remarques que certains critiques voudroient étaler pour faire voir qu’en quelques autres actions de sa vie il a mérité un grand blâme, je les supprime dans cette édition d’autant plus agréablement, que des personnes plus éclairées que moi en ce genre de matieres m’ont assuré que l’on dissipe facilement tous ces nuages d’objections, dès qu’on se souvient, I, qu’il étoit roi de droit pendant la vie de Saül ; II, qu’il avoit avec lui le grand sacrificateur qui consultoit Dieu pour savoir ce qu’il fal[l]oit faire ; III, que l’ordre donné à Josué d’exterminer les infidelles de la Palestine subsistoit toûjours ; IV, que plusieurs autres circonstances tirées de l’Ecriture, nous peuvent convaincre de l’innocence de David dans une conduite, qui considerée en général paroît mauvaise, et qui le seroit aujourd’hui. » On sait qu’à la demande des lecteurs, l’article initial fut rétabli par Leers en annexe de nombreux exemplaires de la deuxième édition du DHC.

[110] Cette référence et les suivantes portent sur le livre I de Samuel.

[111] Voir Bayle, Réflexions sur le Jugement de Renaudot publié par Jurieu (Lettre 1303), §XXXIII : « Les tribunaux ecclésiastiques ont-ils jamais procédé contre les traducteurs des Nouvelles de Boccace, contre d’ Ouville, contre La Fontaine ? J’allegue ces exemples comme un argument du plus au moins ; car personne n’osoroit dire que j’aie approché de la licence de ces gens-là. Les impuretez horribles de leurs ecrits, qui ont fait condamner au feu par sentence du Chatelet de Paris les Contes de La Fontaine, sont en quelque sorte leurs inventions : et pour moi je n’ai fait que copier ce qui se trouve dans des livres historiques connus de toute la terre, et j’y ai joint presque toûjours une marque de condamnation. Je n’en ai parlé que comme de choses qui témoignent le déréglement extrême de l’homme, et qui doivent faire déplorer sa corruption. »

[112] Furetière s’en était pris à La Fontaine dans son Dictionnaire, art. « Bois » et s’était moqué de ce que La Fontaine ignorait le sens des expressions « bois marmenteau [de haute futaie] » et « bois de grume » quoiqu’il eût été maître des Eaux et Forêts. La Fontaine lui répondit par une épigramme : « Toi qui crois tout savoir, merveilleux Furetière, / Qui décide toujours et sur toute matière, / Quand, de tes chicanes outré, / Guilleragues t’eut rencontré / Et, frappant sur ton dos comme sur une enclume, / Eut à coups de bâton secoué ton manteau, / Le bâton, dis-le-nous, était-ce bois de grume / Ou bien du bois de marmenteau ? » (éd. J. Marmier, p.492). C’est ce qui provoqua la riposte de Furetière dans son Second factum contre quelques-uns de l’Académie françoise (Amsterdam 1686, 8°). Marais fait allusion ici à l’intervention de Roger de Rabutin, comte de Bussy, dit Bussy-Rabutin, Les Lettres, éd. Dominique Bouhours (Paris 1697, 12°, 4 vol. ; nouvelle édition avec les réponses, Paris 1697-1698, 12°, 4 vol.) : lettre à l’abbé Furetière du 4 mai 1686 : « J’ai lu vos deux factums, Monsieur, et j’ai compati aux peines qui vous ont obligé de les faire. J’ai été bien fâché de voir que vos confrères [de l’Académie française] se soient tellement emportés contre vous, qu’ils vous aient contraint d’user d’une représaille aussi forte que celle que vous leur avez faite [...] Cependant il me semble aussi que vous avez trop confondu ceux que vous avez regardés comme vos parties. J’en ai trouvé deux entre autres qui peuvent avoir tort à votre égard [...] mais qui ne me paroissent pas mériter le dénigrement que vous en faites : c’est M. de Benserade et M. de La Fontaine. Le premier est un homme de naissance, dont les chansonnettes, les madrigaux et les vers de ballet, d’un tour fin et délicat, et seulement entendu par les honnêtes gens, ont diverti le plus honnête homme et le plus grand roi du monde. Ne dites donc plus, s’il vous plaît, que M. de Benserade s’est acquis quelque réputation pendant le règne du mauvais goût [...]. Pour M. de La Fontaine, c’est le plus agéable faiseur de contes qu’il y ait jamais eu en France. Il est vrai qu’il en ait fait quelques-uns où il y a des endroits un peu trop gaillards ; et quelque admirable enveloppeur qu’il soit, j’avoue que ces endroits-là sont trop marqués ; mais quand il les voudra rendre moins intelligibles, tout y sera achevé. » Furetière, Dictionnaire universel (La Haye 1690, folio, 3 vol.), s.v., se contente de donner les définitions : « Bois en grume, est tout le bois qu’on ameine sans être équarri, qui est avec son écorce, et tel qu’il est sur pied, comme sont les pilotis et plusieurs bois de charronnage et d’ouvrages. Il y a des regles pour reduire le bois en grume au quarré, c’est à dire, pour sçavoir combien un arbre sur pied de tant de pourtour donnera de pieds de bois équarri. » et « Bois marmenteaux, ou Bois de touche, sont des bois autour d’une maison ou d’un parterre pour leur servir d’ornement, auxquels on ne touche point. Les usufruitiers ne peuvent faire couper les bois marmenteaux et bois de touche, ni en haute fustaye, ni en taillis, quand ils servent à la decoration d’une maison ou d’un chasteau. »

[113] Le 8 mai 1686, Bussy envoya à Corbinelli une copie de la lettre qu’il venait d’adresser à Furetière. M me de Sévigné en prit ainsi connaissance et s’adressa le 14 mai à Bussy : « Tous vos plaisirs, vos amusements, vos tromperies, vos lettres et vos vers, m’ont donné une véritable joie, et surtout ce que vous écrivez pour défendre Benserade et La Fontaine, contre ce vilain factum. Je l’avois déjà fait en basse note à tous ceux qui vouloient louer cette noire satire. Je trouve que l’auteur fait voir clairement qu’il n’est ni du monde, ni de la cour, et que son goût est d’une pédanterie qu’on ne peut pas même espérer de corriger. Il y a de certaines choses qu’on n’entend jamais, quand on ne les entend pas d’abord. On ne fait point entrer certains esprits durs et farouches dans le charme et dans la facilité des Ballets de Benserade et des Fables de La Fontaine. Cette porte leur est fermée, et la mienne aussi ; ils sont indignes de jamais comprendre ces sortes de beautés, et sont condamnés au malheur de les improuver et d’être improuvés aussi des gens à qui Dieu a donné un assez bon esprit pour les goûter. Nous avons trouvé beaucoup de ces gens-là. Mon premier mouvement est toujours de me mettre en colère, et puis de tâcher de les instruire, mais j’ai trouvé que c’est une chose absolument impossible. C’est un bâtiment qu’il faudrait reprendre par le pied ; il y aurait trop d’affaires. Et enfin nous trouvions qu’il n’y a qu’à prier Dieu pour eux, car nulle puissance humaine n’est capable de les éclairer. » (éd. R. Duchêne, iii.254-255).

[114] Les Œuvres postumes de Monsieur de La Fontaine (Paris 1696, 12°) : voir ci-dessus, note critique bn.

[115] Voir La Fontaine, Lettre à M gr l’évêque de Soissons en lui donnant un Quintilien de la traduction d’Oratio Toscanella, éd. J. Marmier p.493-494, et ci-dessus, n.42.

[116] La Fontaine à Saint-Evremond, lettre du 18 décembre 1687 (éd. J. Marmier, p.41-43) ; voir aussi Saint-Evremond, Œuvres meslées, éd. Pierre Silvestre et Pierre Des Maizeaux (Londres 1705, 4°, 2 vol.), ii.491-497.

[117] C’est la lettre de La Fontaine à l’ abbé Jacques Vergier (ou Verger) du 4 juin 1688 qui est ainsi désignée par Marais, car le poète y évoque sa fascination pour Amarante de Beaulieu : éd. J. Marmier, p.44-45.

[118] L’abbé Jacques Vergier (1655-1720) à Bois-le-Vicomte était le précepteur d’Anne d’Hervart, puis commissaire de la Marine ; il se fit connaître comme poète épicurien.

[119] Ce sont les six lettres de La Fontaine à sa femme constituant sa Relation d’un voyage de Paris en Limousin, datées du 25 août au 19 septembre 1663 (éd. J. Marmier, p.17-33).

[120] La Fontaine, lettre à M. de Maucroix du 22 août 1661 : Relation d’une fête donnée à Vaux (éd. J. Marmier, p.14-16).

[121] En septembre 1674, Jean-Baptiste Lully (1632-1687) avait refusé de composer la musique pour l’opéra de La Fontaine, Daphné. Le poète se vengea dans un poème polémique intitulé Le Florentin : « Le Florentin / Montre à la fin / Ce qu’il sait faire : / Il ressemble à ces loups qu’on nourrit, et fait bien : / Car un loup doit toujours garder son caractère, / Comme un mouton garde le sien./ [...] / Voilà l’histoire en gros : le détail a des suites / Qui valent bien d’être déduites, / Mais j’en aurais pour tout un an ; / Et je ressemblerais à l’homme de Florence, / Homme long à conter, s’il en est un en France. / Chacun voudrait qu’il fût dans le sein d’Abraham ; / Son architecte, et son libraire, / Et son voisin, et son compère, / Et son beau-père, / Sa femmes, ses enfants, et tout le genre humain, / Petits et grands, dans leurs prières, / Disent le soir et le matin : / “Seigneur, par vos bontés pour nous si singulières, / Délivrez-nous du Florentin.” » Ce poème fut suivi d’une Epître à M me de Thiange, où La Fontaine esquisse les termes d’une réconciliation (éd. J. Marmier, p.481-483).

[122] La Fontaine, Ballade sur Escobar : « C’est à bon droit que l’on condamne à Rome / L’ évêque d’Ypre, auteur de vains débats ; / Ses sectateurs nous défendent en somme / Tous les plaisirs qu’on goûte ici-bas. [...] Envoi. Toi que l’orgueil poussa dans la voirie, / Qui tiens là-bas noire conciergerie, / Lucifer, chef des infernales cours, / Pour éviter les traits de ta furie, / Escobar sait un chemin de velours. » Voir aussi les Stances sur le même : « Qu’Escobar plaît, qu’il a de doux propos ! / Par des écrits si dignes de louanges, / Tous les démons s’en vont être des sots, / Tous les pécheurs s’en vont être des anges. » (éd. J. Marmier, p.476).

[123] La Fontaine, lettre à Son Altesse sérénissime M gr le prince [François-Louis] de Conti (éd. J. Marmier, p.45-46). Sur le mariage cassé de Charlotte-Rose de Caumont La Force, voir Lettre 1086, n.19.

[124] M lle de Saint-Christophle ou Saint-Christophe (1625-1682) entra dans la Musique du Roi en 1645 ; elle reçut une pension royale en 1671 ; elle fut engagée par Lully en 1674 à l’Académie royale de musique, fondée cinq ans auparavant, et tint le rôle-titre d’ Alceste, ou le triomphe d’Alcide, créée le 4 octobre 1674 à Versailles. Elle assuma de nombreux autres premiers rôles (Cybèle dans Atys, Sthénoboée dans Bellérophon, Junon dans Isis, Cérès dans Proserpine, Médée dans Thésée), avant de quitter l’Opéra en 1682 pour se retirer au couvent. Voir L. Travenol, Histoire du théâtre de l’opéra en France depuis l’établissement de l’Académie royale de musique, jusqu’à présent (Paris 1753), p.80 ; G. Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France depuis ses origines jusqu’à nos jours (Paris 1873), p.318 ; elle figure également dans l’ Histoire de l’Académie royale de musique depuis son établissement jusqu’à présent (1741, restée manuscrite : BNF, n.a.f. 6.532) de François Parfaict (dont il existe également une copie annotée de Beffara de la fin du XVIII e siècle : BNF, f.fr. 12.355), sur laquelle, voir P. Vendrix, Aux origines d’une discipline historique. La musique et son histoire en France aux XVII e et XVIII e siècles (Liège 1993), p.42-43. Voir aussi C. Massip, L’Art de bien chanter : Michel Lambert (1610-1696) (Paris 1999), qui comporte de nombreuses références à M lle de Saint-Christophle.

[125] Louis de France, duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, élève de Fénelon.

[126] La Bruyère, Les Caractères, ch. « Des Jugements », n° 56 §6 : « Un homme paraît grossier, lourd, stupide ; il ne sait pas parler, ni raconter ce qu’il vient de voir : s’il se met à écrire, c’est le modèle des bons contes ; il fait parler les animaux, les arbres, les pierres, tout ce qui ne parle point : ce n’est que légèreté, qu’élégance, que beau naturel, et que délicatesse dans ses ouvrages. » (éd. R. Garapon, p.368).

[127] Perrault, Paralelle [sic] des anciens et des modernes [tome II] en ce qui regarde l’éloquence (Paris 1693, 12°), p.177-180.

[128] Adrien Baillet, Jugemens des savans, éd. Bernard de La Monnoye, ix.528-533, n° 1551 : « Mr de La Fontaine est un de ces poëtes choisis que l’on considére comme unique de leur espéce. On ne peut pas dire qu’ils ayent encore été deux de la sienne dans le royaume depuis que l’on se mêle d’y faire des vers françois ; et il ne sera peut-être pas aisé de lui trouver un second. »

[129] Juste Lipse dit à Pierre Pithou : « Avez-vous vu quoi que ce soit de plus charmant, de plus expressif, depuis la naissance des Muses ? » Voir J. Lipsius, Epistolicarum quæstionum libri V, in quibus ad varios scriptores, pleræque ad T[itum] Livium notæ (Antverpiæ 1577, 8°), imprimé chez Christophe Plantin, Quæstiones, livre III, lettre II. Bayle cite ce passage dans le DHC, art. « Virgile », rem. A.

[130] Dominique Bouhours, Pensées ingénieuses des anciens et des modernes (Paris 1689, 12°) : « Entre les pensées de nos beaux esprits, je n’en voi guéres qui surpassent celle d’un académicien ( La Fontaine), en qui l’Académie reconnôit un génie aisé, facile, plein de délicatesse et de naïveté ; quelque chose d’original, et qui dans sa simplicité apparente, et sous un air négligé, renferme de grandes beautez et de grands trésors. Pour ne point parler de ses Fables, où tout est si naturel et si moral, ni de ses fragments du Songe de Vaux, qui brillent d’esprit depuis le commencement jusqu’à la fin, son Elégie sur la disgrâce d’un grand ministre est pleine de traits délicats. » (éd. La Haye 1721, 12°, p.8).

[131] DHC, art. « Pays (René Le) » : sur ce directeur général des gabelles du Dauphiné et poète précieux, membre de l’Académie royale d’Arles, voir Lettre 150, n.14. Il est connu surtout pour son ouvrage Amitiez, amours et amourettes (Grenoble 1664, 12°), auquel Bayle consacre sa remarque B.

[132] Dion Cassius, Histoire romaine, XLIV, §7 : « Ce qui anima les conjurez contre César, c’est qu’il ne daigna pas se lever au moment de l’arrivée du Sénat. C’est qu’il avait un cours de ventre. » Cassius ajoute cependant qu’ils ne pouvaient pas en convaincre les autres qui assistaient, puisque César se leva peu de temps après et rentra à pied.

[133] Bayle revient sur les pièces irrésistibles de l’œuvre d’ Abélard, Opera (Parisiis 1616, 4°) dans le DHC, surtout dans les cinq articles « Abélard (Pierre) », « Berenger (Pierre) », « Bernard (saint) », « Foulques » et « Heloise », mais il les cite également dans les articles suivants : « Alciat (Jean-Paul) », rem. E ; « Amboise (François d’) », rem. C, F ; « Amboise (Adrien d’) », rem. A ; « Haillan (Bernard de Girard, seigneur du) », rem. D ; « Paraclet », rem. A.

[134] Reproche assez inattendu de la part d’un lecteur qui vient d’avouer son goût pour les « propos torcheculatifs de Maitre François ». Bayle devait s’en expliquer longuement dans son Eclaircissement sur les obscenitez.

[135] La Bruyère, Les Caractères, ch. « Des ouvrages de l’esprit », n° 43 : « Marot et Rabelais sont inexcusables d’avoir semé l’ordure dans leurs écrits : tous deux avaient assez de génie et de naturel pour pouvoir s’en passer, même à l’égard de ceux qui cherchent moins à admirer qu’à rire dans un auteur. » (éd. R. Garapon, p.82).

[136] Antoine Loisel (1536-1617), Institutes coutumieres (Paris 1607, 4°), ouvrage qui reparut sous le titre plus complet Institutes coutumieres, ou manuel de plusieurs et diverses regles, sentences et proverbes tant anciens que modernes, du droit coutumier et plus ordinaire de la France (Paris 1637, 16° ; éd. E. de Laurière, M. Dupin et M.E. Laboulaye, Paris 1846, 16°, 2 vol.).

[137] Voir les Réflexions de Bayle (Lettre 1303), § XXXIV.

[138] Bayle, Réflexions (Lettre 1303), §XXXV : « Le dernier mensonge que j’indique est à la derniere page de l’imprimé [du Jugement]. On y voit 1° que je prépare « un nouveau Dictionnaire, où il n’y aura rien que de grave, de sage, de pur, et de judicieux. ». Jurieu évoquait de façon sarcastique les promesses de Bayle à l’égard du consistoire de l’Eglise wallone, puisqu’il s’engageait à corriger toutes les fautes de son Dictionnaire dans une nouvelle édition. Voir les actes du consistoire à l’Annexe I de ce tome.

[139] Gilles Ménage, Poemata (8 e éd., Amstelædami 1687, 12°), épigramme 106, Ad Danielem Elzevirum, Bibliopolam Amsterdamensem, conclusion de la première partie : « Ainsi la coiffeuse a-t-elle conféré à la mariée de nouveaux charmes que les destins jaloux lui ont refusés. »

[140] « Ce livre si soigné et si charmant vous attire malgré vous et captive ses lecteurs. »

[141] Bayle, Réflexions (Lettre 1303), §XXXVI, in fine : « On verra par ce parallele combien la nature patit en lui, quand il faut faire quelque acte d’humilité de bonne foi. Je n’en suis point surpris ; car lorsqu’un arc a été toûjours plié d’un certain sens, on a mille peines à le courber du sens contraire, la premiere fois qu’on l’entreprend. Il en va de même des fibres de notre cerveau. »

[142] Voir l’annotation proposée par G. Mori dans son édition de l’ Avis aux réfugiés (Paris 2007), qui signale des formules semblables dans les autres œuvres de Bayle. Celui-ci ne devait pas répondre à cette remarque de Mathieu Marais.

[143] Bayle, Réflexions (Lettre 1303), § XXXVII : « Les gros livres se font attendre, et c’est pour cela qu’à la sortie du port ils ont mille tempêtes à essuier. Le Dictionnaire de l’Académie françoise composé, retouché, limé par l’élite des plus beaux esprits de France cinquante ans durant ne se montra pas plûtôt qu’il fut bat[t]u de l’orage de toutes parts. Les chansons, les epigrammes, les libelles, les lettres des particuliers, les entretiens, tout fondoit sur cet ouvrage. On y trouve, disoit-on, toutes les ordures des halles, tous les quolibets. Il a gagné pourtant le large et il vogue à pleines voiles vers l’immortalité. »

[144] Paul Pellisson-Fontanier arriva à Paris avec des lettres de recommandation auprès de Valentin Conrart ; sous l’influence de Conrart, il entreprit d’écrire l’histoire de l’Académie française et son ouvrage fut publié en 1653 : Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise (Paris 1653, 8°). L’Académie décida de lui octroyer le droit d’assister aux séances en attendant qu’un siège devînt vacant : c’est à ce privilège unique que Marais fait ici allusion. Pellisson entra officiellement à l’Académie le 17 novembre 1653. Voir C. Jouhaud, Les Pouvoirs de la littérature. Histoire d’un paradoxe (Paris 2000), p.11 ; N. Schapira, Un professionnel des Lettres au XVII e siècle. Valentin Conrart : une histoire sociale (Seyssel 2003), p.74-75, 326-327.

[145] Bayle, Réflexions (Lettre 1303), § XXXVII : « Qu’il me soit permis de mettre ici une pensée de Monsieur de La Bruyere, “Que dites vous du livre d’Hermodore ? Qu’il est mauvais, répond Anthime ; qu’il est mauvais ; qu’il est tel, continuë-t-il, que ce n’est pas un livre, ou qui mérite du moins que le monde en parle. Mais l’avez-vous lû ? Non dit Anthime. Que n’ajoûte-t-il que Fulvie et Mélanie l’ont condamné sans l’avoir lu et qu’il est ami de Fulvie et de Mélanie !” Il semble qu’on ait fait cette remarque tout exprès pour moi. » Passage tiré de La Bruyère, Les Caractères, « Des ouvrages de l’esprit », n° 23 (éd. R. Garapon, p.74).

[146] Charles Perrault, Paralelle [sic] des anciens et des modernes [tome II] en ce qui regarde l’éloquence (Paris 1693, 12°), p.177-180 et 293 sqq. Voir aussi la préface non paginée du tome I sur la qualité de l’écriture de La Bruyère.

[147] Voir Menagiana (Paris 1715, 12°, 4 vol.), iv.218-219 : « M. de La Bruyere peut passer parmi nous pour auteur d’une maniere d’écrire toute nouvelle. Personne avant lui n’avoit trouvé la force et la justesse d’expression qui se rencontrent dans son livre. [...] Il est merveilleux d’ailleurs à attraper le ridicule et à le dévelop[p]er. Ses caracteres sont un peu chargez, mais ils ne laissent pas d’être naturels. »

[148] Boileau, Satire X : « “Fort bien ! Le trait est bon. Dans les femmes”, dis-tu, / “Enfin, vous n’approuvez ni vice ni vertu. / Voilà le sexe peint d’une noble manière ! / Et Théophraste même aidé de La Bruyère, / Ne m’en pourroit pas faire un plus riche tableau. / C’est assez : il est temps de quitter le pinceau. / Vous avez désormais épuisé la Satire.” » (éd. A. Adam et F. Escal, p.78).

[149] C’est à Dubos que Bayle doit ses informations sur Jean Hénault et le Sonnet de l’avorton, cité à l’article « Spinoza (Benoît de) », rem. F de la première édition : voir Lettres 1105, n.22, et 1107.

[150] Œuvres diverses contenant la « Consolation à Olimpe sur la mort d’Alcimédon », l’« Imitation de quelques choeurs de Senecque le tragique », « Lettres en vers et en prose », « Le Bail d’un coeur », divers sonnets et autres pièces, par le s[ieu]r D.H. *** [ d’Hénault] (Paris 1670, 12°), édition publiée par Jean Ribou aussi bien que par Claude Barbin et dédiée à M. Doort. Bayle reprend tout ce passage de la lettre de Marais dans la deuxième édition du DHC, art. « Hénault », rem. B, et ajoute : « Voilà ce que j’ai trouvé dans un recueil de remarques qu’un jeune avocat au Parlement de Paris, m’a fait la faveur de m’envoyer, l’an 1698, et qui me convainquent qu’il a de l’esprit infiniment, et une exacte connoissance de beaucoup de faits curieux, et très-propres à ce Diction[n]aire. »

[151] Jean Hénault, Œuvres diverses, éd. Jean Ribou, p.99 : « Imitation du chœur de l’acte quatriéme de la Troade de Senecque ».

[152] Jean Hénault, Œuvres diverses, éd. citée, p.207-227 : « A Sapho » ; les vers cités par Marais se trouvent aux p.218-219.

[153] Sur les Furetiriana, ou les bons mots et les remarques, histoires de morale, de critique, de plaisanterie et d’érudition par M. Furetière (Paris 1696, 8°), ouvrage édité par Guy Marais, voir Lettre 1105, n.22.

[154] Jean Hénault, Œuvres diverses, éd. citée, p.245-262 : « Bail du cœur de Cloris », qui est, en effet, une pièce assez libre.

[155] Marais évoque la première édition des Œuvres meslées de Saint-Evremond (Paris 1668-1688, 12°, 12 vol.), où figurait, en effet, la « Consolation à Olympe » de Jean Hénault, qui avait paru déjà dans les Œuvres diverses contenant la « Consolation d’Olympe sur la mort d’Alcimédon », l’« Imitation que quelques chœurs de Senecque le tragique », « Lettres en vers et en prose », « Le Bail d’un cœur », divers sonnets et autres pièces, par le s[ieu]r D.H.*** (Paris, Jean Ribou 1670, 12° ; Paris, Claude Barbin 1670, 12°). La « Consolation » est exclue des éditions de Saint-Evremond à partir de celle des Œuvres meslées, établie par Pierre Silvestre et Pierre Des Maizeaux (Londres 1705, 4°, 2 vol.), avec cette explication : « La Lettre de consolation à Olympe ne paroît plus ici : cette Lettre est d’Henault, et on la trouve dans ses Œuvres diverses imprimées en 1670. M. de Saint-Evremond a marqué le jugement qu’il faisoit de cette piéce, par ces mots écrits à la marge de mon exemplaire : “Point de moi. C’est prendre trop de peine à consoler une jeune demoiselle de la mort d’un vieil homme”. » (Préface). Marais évoque de nouveau cette méprise dans sa lettre au président Jean Bouhier, 30 décembre 1730, éd. H. Duranton (Saint-Etienne 1984), xi.52-55, n° 404, en précisant que la « Consolation » figurait encore dans les Mélanges curieux des meilleures pièces attribuées à M. de Saint-Evremond et de plusieurs autres ouvrages rares ou nouveaux (Amsterdam 1706, 12°, 2 vol.).

[156] Dissertation sur les « Œuvres mêlées » de M. de Saint-Evremond, avec l’examen du factum fait pour M me la duchesse de Mazarin contre M gr le duc de Mazarin, son mari (Paris 1698, 12° : privilège daté du 13 septembre 1697), signée Du Mont : l’ouvrage est attribué à Charles Cotolendi, avocat à Paris, traducteur des nouvelles de Cervantes (Paris 1678, 12°, 2 vol.), auteur des Arlequiniana, ou les bons mots, les histoires plaisantes et agréables recueillies des conversations d’Arlequin (Paris 1694, 12°). Une nouvelle édition de la Dissertation devait sortir ensuite, sous le titre Réflexions sur les divers stiles et sur la maniere d’écrire, ou dissertation sur les œuvres de M. de Saint-Evremont (Paris 1700, 12°), accompagnée, la même année, par un autre ouvrage de Cotolendi, Saint-Evremoniana, ou dialogues des nouveaux dieux (Paris 1700, 12° : le privilège date du 20 mars 1695). Un compte rendu de la première publication parut dans le JS du 11 août 1698, et dans l’HOS de Basnage de Beauval, septembre 1698, art. XII.

[157] Dans Le Retour des pièces choisies, ou bigarrures curieuses (Emmeric 1687, 12°), Bayle avait publié les traductions de Martial faites par Jacques de Losme de Montchesnay et il les avait commentés très favorablement dans les NRL, décembre 1686, art. IV. Voir l’échange entre Bayle et Losme de Montchesnay en 1686 : Lettres 652, 655 et 679 ; sur la carrière de Losme de Montchesnay et sur ses rapports avec Racine et Boileau, voir Lettre 652, n.2, et G. Forestier, Racine (Paris 2006), p.312, 364, 366.

[158] Dans la deuxième édition du DHC, art. « Hénault (N.) », rem. D, Bayle ajoute à sa citation des vers de M me Des Houlières celui qu’il avait omis et que lui signale Marais : « Nous irons reporter la vie infortunée / Que le hazard nous a donnée, / Dans le sein du néant d’où nous sommes sortis ». Il s’agit des derniers vers de l’idylle « Le Ruisseau », dans ses Poésies (Paris 1688, 8°, p.164 ; éd. Amsterdam 1694, 8°, p.123). Voir aussi le Courrier galant, mai 1693, p.552, et la réponse de Bayle du 2 octobre (Lettre 1384).

[159] M me Des Houlières, Poésies (Amsterdam 1694, 8°), p.184-190 : « Epistre chagrine au Reverend Pere de La Chaise, confesseur du Roi ».

[160] Charles Perrault, Ode au Roy, sur la prise de Mons (s.l. [Paris] 1691, 4°).

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