[Rotterdam, le 24 octobre 1698]

Au très savant et très célèbre Thomas Crenius Pierre Bayle adresse ses meilleures salutations.

Si vous croyez, homme très illustre, qu’il existe quelqu’un qui voit avec plus de plaisir que moi la notoriété de votre nom croître de jour en jour, et la gloire qui vous est due pour tant et tant de services rendus à la République des Lettres, vous qui par vos fréquents et très soignés travaux nocturnes surpassez les amoureux des Lettres, et en premier lieu ceux qui écrivent sur quelque sujet, vous n’avez pas tout à fait de moi l’image qui convient. Il n’y a personne, en effet, qui n’éprouve plus de plaisir que votre Bayle, à qui vous avez donné si souvent des marques de bienveillance. Vous vous souvenez de moi avec tant d’amitié et d’honneur à la fin de la seconde partie de vos Animadversiones, ce dont je vous suis fort reconnaissant, et je vous aurais depuis longtemps exprimé par lettre mes remerciements si je n’avais vu un certain gentilhomme allemand, qui après m’avoir quitté, était tout à fait disposé à aller vous voir pour vous assurer de ma part de toute ma déférence. Courage, très savant Crenius, pour votre application et pour l’incroyable sagacité dont vous faites preuve dans vos recherches pour débusquer les secrets de l’histoire littéraire ! Quant à moi je profite très souvent de vos travaux, comme cela apparaît déjà. Mais par la suite cela apparaîtra encore davantage dans mon Dictionnaire historique et critique. Et comme je connais votre très grande propension naturelle à aider les auteurs, et particulièrement vos relations et vos amis, je ne crains pas aujourd’hui de vous importuner, et de vous détourner de vos très sérieuses occupations en vous posant deux ou trois questions.

N’est-il pas vrai que la première édition de Pline illustrée par Sigismond Gelenius parut à Bâle en 1525 [?] Et la troisième parut dans la même ville en l’an 1535, ce qui apparaît dans une lettre d’Erasme. Mais un certain savant se trompe parce qu’il a cru que celle-ci était la première, produite par Gelénius. Pourriez-vous mettre rapidement à ma disposition le second volume des Discours de Cicéron dans l’édition préfacée par Jacob Sturm ? Pourriez-vous également prêter la Vie du très célèbre théologien de Tübingen, Joannes Andreæ, que j’apprends avoir été amplement et abondamment décrite par son petit-fils ? Pardonnez-moi de vous importuner, mais je vous serais redevable comme au premier de mes amis, et qui plus est, comme à celui qui, grâce à de tels livres et à ses connaissances personnelles, possède une immense culture, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer.

Gardez longtemps votre bonne santé, vivez heureux, et continuez à bien mériter des lettres, ce que vous faites si diligemment.

Donnée à Rotterdam le neuvième jour avant les Calendes de novembre 1698.

J’ai noté que dans la quatrième partie de vos Remarques vous avez conjecturé que la Dissertation sur le sang du Christ, à laquelle vous avez joint une autre sur Tertullien, de même qu’une autre sur l’autorité des Conciles, était l’œuvre de Launoi. Il en va autrement. Trois de ces traités furent écrits par M. Allix, autrefois pasteur de Charenton en France, qui jouit maintenant d’un excellent bénéfice à l’évêché de Salisbury.

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