Lettre 1537 : Pierre Bayle à Pierre Des Maizeaux
A Rotterdam, le 30 e de decembre 1701 Il y a trois ou quatre jours que la 2 e edition de mon Diction[n]aire est achevée d’imprimer [1], cependant Monsieur, j’ai encore tant d’autres petits soins sur les bras que je ne puis vous ecrire que trois mots. C’est pour vous donner avis que les deux exemplaires que vous voulez prendre la peine de presenter de ma part [2] partiront d’ici bientot et qu’ils seront adressez à Mr Vaillant avec les feuilles qu’il n’a pas encore des volumes qui lui ont eté dejà envoiez [3], vous y trouverez les deux lettres que je me donne l’honneur d’ecrire aux Mylords [4] à qui j’envoie ces deux exemplaires. Je n’oublie pas dans celle à Mylord Paulet de parler de vous. Je donnai à Mr Furly tous les imprimez qui etoient dans le paquet qu’un jeune homme de Geneve m’ap[p]orta de votre part [5]. Mon malheur est grand de n’entendre pas l’anglois, car il y a en cette langue beaucoup de livres qui me seroient tres utiles. Il y a assez long tem[p]s que je priai M. Furli de vous faire tenir un petit billet de deux ou trois lignes où je vous priais de vous informer de l’an mortuaire de Patricius Junius [6]. Puis que vous ne m’en dites rien dans votre derniere lettre, je conclus que vous ne l’avez pas recu. Je vous prie d’asseurer de mes tres humbles respect Mr le docteur Sloane [7] qui a tant de beaux livres et qui est s[i digne d]e les posseder. Je n’oublie point les autres illustres [8] qui [comme] je vois par votre derniere / lettre me font l’honneur de se souvenir de moi. Je suis, Monsieur votre tres humble etc.
Notes :
[1] L’achevé d’imprimer de la deuxième édition du DHC date du 27 décembre 1701.
[2] Sur les exemplaires destinés à Shaftesbury et à Lord Poulett, voir Lettre 1530, n.13.
[3] La lettre de Bayle adressée à François Vaillant à cette occasion ne nous est pas parvenue. Sur ce libraire à Londres, voir Lettre 1178, n.2. Voir aussi l’annonce dans les journaux anglais de la vente de la deuxième édition du DHC chez François Vaillant, « a French bookseller in the Strand, near Catharine Street, over against the Savoy » : New State of Europe or a true account of publick transactions and learning (Londres), n° 49, p.9 : « We cannot more effectually oblige the excellent virtuoso’s and admirers of good books, than by informing them, that the second edition of Mr Bayle’s Dictionary is now published. There is no doubt but that they who are not acquainted with the extraordinary parts and great learning of our illustrious author, will hardly believe it in the power of any one single man to write a work so excellent as this. ». Cette annonce est appuyée par une deuxième dans le numéro suivant du même périodique (n° 50, 10-13 janvier 1702), qui fait état de la modification de l’article « David » et explique l’objet des Eclaircissements : « At the end of this work, Mr Bayle doth fully answer what was taken ill in him, viz. First, his commending too highly some persons who denied God’s Providence, or were atheists. Secondly, his carrying too far the Manichee’s objections. Thirdly, his establishing Pirronism with too much force. And Fourthly, his quoting certain facts, which are look’d upon as so many obscenities. » Voir aussi le Post Boy (Londres), n° 1042 (17-20 janvier 1702).
[4] Ces deux lettres sont également perdues.
[5] Nous ne saurions préciser l’identité de ce jeune homme qui apportait des livres de Genève à Rotterdam pour que Bayle les fasse suivre, par l’intermédiaire de Benjamin Furly, à Des Maizeaux.
[6] Ce petit billet est, en effet, perdu. Patricius Junius ( Patrick Young, 1584-1652), était chapelain du collège d’All Souls à Oxford (1605) avant de devenir le bibliothécaire des rois Jacques I er et Charles I er ; en 1624, il devint le secrétaire latin de John Williams, alors évêque de Lincoln. C’était un spécialiste de l’exégèse biblique et de la patristique. Voir Lettre 1534, n.4, Thomas Smith, Vitæ quorundam eruditissimorum et illustrium virorum (Londini [Amstelodami] 1707, 4°), ch. VII : « Vita viri clarissimi Patricii Junii » ; et Anthony à Wood (1632-1695), Athenæ Oxonienses : an exact history of all the writers and bishops who have had their education in the most antient and famous university of Oxford (London 1691-1692, folio ; 2 e éd., London 1721, folio, 2 vol.), s.v. Nous n’avons pas trouvé trace de son nom dans le DHC.
[7] Hans Sloane (1660-1753), secrétaire de la Royal Society depuis 1693 et éditeur des Philosophical Transactions. Il avait prêté à Bayle, par l’intermédiaire de Pierre Silvestre, un ouvrage très rare de Louis Chocquet sur les Actes des apôtres et sur l’Apocalypse de saint Jean : voir le DHC, art. « Chocquet (Louis) », rem. A : cet échange a dû avoir lieu avant le mois de février 1700, puisque la lettre C de la deuxième édition fut achevée d’imprimer ce mois-là (Lettres 1466, 1470). Sur Hans Sloane, voir G.R. de Beer, Sir Hans Sloane and the British Museum (London 1953) ; E. Brooks, Sir Hans Sloane : the great collector and his circle (London, 1954) ; J.A. Clarke, « Sir Hans Sloane and abbé Jean Paul Bignon : notes on collection building in the eighteenth century », The Library Quarterly, 50 (1980), p.475–482 ; M. Ultee, « Hans Sloane, scientist », British Library Journal, 14 (1988), p.1-20 ; A. MacGregor (dir.), Sir Hans Sloane : collector, scientist, antiquary, founding father of the British Museum (London 1994), et l’article sur Sloane dans l’ ODNB (Oxford 2004) ; The Sloane printed books project sur le site de la BL : http://www.bl.uk et l’édition en ligne de sa correspondance : https://drc.usask.ca/projects/sloan....
[8] Les autres amis « illustres » que Bayle pouvait saluer par l’intermédiaire de Des Maizeaux sont Pierre Silvestre, Michel Le Vassor, Pierre Coste et son cousin Moïse Pujolas.