Lettre 154 : Pierre Bayle à Joseph Bayle
Je viens de recevoir v[ot]re billet du 5 du courant [1]. La nouvelle q[ue] vous m’y donnez de v[ot]re bonne santé [2] me plait infiniment. Je ne comprends pas trop bien ce q[ue] vous dites, que vous avez fait remettre à la messagerie de Toul[ouse] la lettre du 24 juin [3], et q[ue] vous hazardez ledit billet par la poste extraordinaire. Cette lettre là n’etoit point de taille à venir par la messagerie, aussi ne l’y a t’on pas mise, et elle est venue par la poste comme elle devoit. Je ne croi pas de plus qu’il y ait à Toulouse • une poste extraordinaire. La difference des
Je vous exhorte toujours à bien menager* les moyens que vous avez de profiter. Vous avez le bonheur d’etre elevé aux pieds d’un excellent theologien [5], dont l’esprit, l’erudition et les connoissances universelles, vous peuvent etre d’un grand secours. Pleut à Dieu que le meme bonheur m’en eut dit* quand j’etois à votre age, car j’ay tant d’estime pour monsieur Arbussy, et une si grande idée de ses grands dons, que je suis seur qu’avoir eté logé ches luy, m’eut valu plus que toutes les lectures que j’ay jamais faites. Asseurez le bien particulierement de mes tres-humbles respects.
Pour vous parler de la republique des lettres, vous saurez que le P[ere] Simon, pretre de l’Oratoire avoit composé un
Notes :
[1] Cette lettre est perdue.
[3] Cette lettre est également perdue.
[4] Bayle avait déjà expliqué à son frère la différence entre la poste et la messagerie dans la Lettre 151 : voir p. et n.3. Tout le montre, Joseph Bayle n’avait pas la parcimonieuse économie de ses aînés...
[5] Théophile Arbussy, chez qui logeait Joseph Bayle : voir Lettre 150, n.1.
[6] Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament (Paris 1678, 4°). L’édition fut saisie dans sa quasi-totalité par suite de la dénonciation de Bossuet. L’ouvrage devait revoir le jour en Hollande (Rotterdam 1685, 4°) augmenté de diverses pièces. Bayle tire sans doute ce qu’il raconte d’une source orale.
[7] Sur le Voyage du Mont Liban, voir Lettre 93, n.31.
[8] Louis Maimbourg, Histoire du grand schisme d’Occident (Paris 1678, 4°).
[9] C’est sans doute à cause du prolongement de la prétendue « Paix de l’Eglise » entre jansénistes et jésuites que Bayle désigne le pape Innocent XI, Benedetto Odescalchi (1611-1689), comme « à moitié janséniste ». Il fut aussi en conflit sévère avec Louis XIV sur la question de la Régale et prit la défense de François-Etienne de Caulet, évêque de Pamiers et grand ami de Port-Royal (voir Lettre 152, n.20). Alderan Cibo (ou Cybo) (1613-1700), cardinal dès 1644, secrétaire d’Etat d’ Innocent XI, était secrètement pensionné par Louis XIV ; il est l’une des cibles de G. Leti dans L’Idée du conclave présent, p.70-71. Notons, détail amusant, que Maimbourg allait être sécularisé quelques années plus tard pour avoir adopté des positions jugées à l’excès gallicanes de la part d’un jésuite. La lettre du cardinal Cibo est datée du 15 décembre 1677.
[10] Sur le livre de Mathieu de Larroque, voir Lettre 146, n.15.
[11] Noël Alexandre, Selecta historiæ ecclesiasticæ capita : voir Lettre 152, n.5 ; Dissertatio polemica de confessione sacramentali, adversus libros quatuor Jo. Dallæi Calvinistæ divinam ejus institutionem et usum in Ecclesia perpetuum impugnantis (Parisiis 1678, 8°) ; Dissertationum ecclesiasticarum trias. I : De divina episcoporum supra presbyteros eminentia, adversus Blondellum ; II : De sacrorum ministrorum cælibatu ; III : De vulgata Scripturæ Sacræ versione (Parisiis 1678, 8°).
[12] Sur cet ouvrage de Daillé, voir Lettre 36, n.7. L’ouvrage de David Blondel est son Apologia pro sententia Hieronymi de episcopis et presbyteris (Amstelodami 1646, 4°).
[13] Jean Crasset (1618-1692) entra à la Compagnie de Jésus à Paris en 1638. Il se distingua par son professorat à Amiens et à Rouen et en 1669 il fut chargé de la direction de la congrégation des Messieurs à la maison professe de la rue Saint-Antoine à Paris, où il exerça une grande influence spirituelle : voir Sommervogel, ii.1623-1646. Les plus importants de ses nombreux ouvrages traitent de spiritualité, entre autres la Méthode d’oraison, avec une nouvelle forme de méditation (Paris 1672, 12°), souvent rééditée. Censuré par les jansénistes en 1656, il s’attaqua à leur doctrine concernant la Vierge Marie avec La Véritable dévotion envers la Sainte Vierge (Paris 1679, 4°), livre sur lequel Bayle reviendra dans la Lettre 157, p., et n.12. Bayle fait ici allusion à sa Dissertation sur les oracles des sibylles (Paris 1678, 12°), dont on trouve le compte rendu dans le JS du 9 mai 1678.
[14] Voir David Blondel, Des Sibylles célébrées tant par l’antiquité payenne que par les Saincts Peres (Charenton 1649, 4°).
[15] Sur ces livres de Godefroy Hermant, voir Lettre 105, n.18, et Lettre 148, p..
[16] Louis Ferrier, sieur de La Martinière (1652-1721), membre de l’Académie d’Arles à partir de 1674, publia des Préceptes galans, poëme (Paris 1678, 12°).
[17] L.S. Desmay, L’Esope du temps, fables nouvelles (Paris 1677, 12°). Voir JS du 19 décembre 1678, où le Catalogue fait mention de L’Esope français ou nouvelles fables avec figures (Paris 1678, 12°).
[18] Sur ce roman de Mme de La Fayette, voir Lettre 151, n.17.
[19] Nous n’avons pas trouvé traces de ces décrets d’ Innocent XI dans les registres de droit canonique et de liturgie. Il se peut qu’il s’agisse d’une péripétie de la bataille autour de la dévotion populaire vouée à la Vierge Marie, qui avait fait l’objet de la polémique entre Adam van Widenfeldt, traduit par Gabriel Gerberon et défendu par Gilbert de Choiseul, d’une part, et le Père Jean Crasset, S.J., d’autre part. Bayle, nous le verrons, suivait ces échanges de près : voir Lettre 157, n.12.