Lettre 164 : Pierre Bayle à Jacob Bayle
Je vous ay marqué M[onsieur] e[t] t[res] c[her] f[rere], la methode que je voulois garder à l’avenir p[ou]r vous ecrire [1] ; je m’en vay la mettre en prattique tout de ce pas*. Je commence cette page par la premiere chose qui se presente à mon esprit ; j’y joindrai dans la suitte ce que je croiray digne d’etre envoyé et quand cela aura fait une lettre de raisonnable longueur, je la fairay partir incessamment. Je ne devois pas vous dire que Mr de Beaulieu pere du prof[esseur] en theologie, a eté ministre au Plessis Mornay, car ce n’est pas ainsi qu’on l’appelle. Il faut dire Le Plessis Marly, dont le fameux Philippes de Mornay etoit seigneur. Ainsi vous corrigerez cela dans le catalogue [2]. J’ay deterré le nom du ministre d’une petite Eglise du pays chartrain, asavoir de Villeray ; il s’appelle Lambermont [3], et est fils d’un chirurgien de cette ville et frere du ministre d’Imecourt. Vous aurez remarqué sans doutte que les villes d’academie fournissent quantité de ministres, à cause de la commodité qu’on a de faire etudier les enfans sans payer pension. L’Eglise d’Imecourt est de peu de personnes et ne subsistera que pendant la vie du seigneur qui est un fort honnete homme et mestre de camp* d’un regiment de cavalerie ; car son fils ainé se revolta* peu apres Mr de Turenne dont il etoit page. Ce fils ainé s’appelle Vassignac qui est le nom de la famille, originaire de Limousin, Il est capitaine de cavalerie dans le regiment de Ruvigny [4]. Ses freres qui sont en grand nombre et dans le service excepté ceux qui sont au dessous de 10 ans, sont tous de la Religion*. Leur mere est une tres honnete dame et est sœur de madame la lieutenante de Roy d’icy [5] qui est de la Religion. quoi que son mary ne le soit pas. Elles ont deux sœurs qui ne sont pas encore mariées quoi qu’en age nubile depuis assez long tems, et sont encore de la Religion. J’ajoute sur le sujet de Mr de S[ain]t Maurice qu’il est natif de S[ain]t Mars, et que son pere en etoit ministre, et ce fut la raison pourquoi apres la mort de son pere il quitta l’Eglise d’Ay, po[ur] aller servir celle de S[ain]t Mars, d’où je vous ay mandé qu’il fut appellé icy apres la mort de Mr Du Moulin [6]. Je dois aussi ajouter à l’article de Mr Bochart qu’il avoit epousé une fille de tres bonne maison et fort riche qui est encore en vie [7]. De leur mariage est sortie une fille qui a eté mariée à Mr de Colleville conseiller au parlement de Rouen, et de laquelle il est veuf presentement ; les enfans qu’il en a eus recueilliront une ample succession apres la mort de la veûve de Mr Bochart leur grand’mere. On m’a dit cette particularité du mariage de Mr Bochart que la demoiselle qu’il epousa etant d’un rang à esperer plus qu’un ministre (car il y avoit de grands airs* dans la maison de son pere) temoigna neantmoins à toute sa parenté qu’elle ne vouloit p[oin]t d’autre mary que Mr Bochart, et que n’etant ni fort belle ni fort jeune elle se sentoit assez de disposition à vivre ministralement quoi que son education n’eut pas eté dirigée à cela. Comme elle persistoit dans cette resolution, les parens furent trouver Mr Bochart et le demanderent pour mary de la demoiselle. Il s’en deffen / dit d’abord ne trouvant pas qu’il fut un parti digne d’un si grand sacrifice, enfin il se laissa vaincre et crut que puis que volenti non fit injuria [8], il n’y alloit point de la conscience d’accepter des offres si fort au dessus de ses pretentions. Mr Du Bosc receut d’une autre demoiselle par elle meme une declara[ti]on semblable. C’etoit Mad le de Brieux sœur de Mr de Brieux ce bel esprit de Caen qui tenoit academie ches lui, dont le fils ministre sans Eglise se distingue si fort par sa maniere de precher scabreuse* et toute composée de bonds et de sauts [9]. Mr Du Bosc qui n’etoit point riche et qui n’avoit etudié qu’au depens du consistoire de Caen, fut sans doutte agreablem[en]t surpris de se voir recherché d’une façon si rare par un tres bon party, et ne balancea pas à prendre la demoiselle au mot. Il a perdu cette femme et en a pris une autre à sa place [10].
Il est tems que je reponde à votre derniere lettre du 29 nov[embre] 1678 [11]. Vous m’avez fait un singulier plaisir de circonstancier comme vous avez fait la datte de mes lettres car j’ay connu par là qu’il ne s’etoit rien perdu. Dieu soit loüé de ce que n[ot]re philosophe s’est glorieusem[en]t tiré d’affaire soit pour l’examen et la dispute qu’il luy a falu soutenir, soit à l’egard de ses creanciers, qui etoit un pas encore plus difficile que l’autre si vous voulez [12]. Mr Perou m’a ecrit de Paris où il doit passer une partie du careme, qu’il est bon philosophe et bien curieux, et m’a remercié de toutes les honnetetés* qu’il dit avoir receües de vous et de n[otre] t[res] h[onoré] p[ere] à Saverdun [13], ajoutant que l’esperance que vous luy avez donnée de vous voir icy, luy cause une extreme satisfaction. On ne peut rien dire de plus agreable ni de plus ingenieusement pensé que ce que vous me marquez à l’occasion de l’un de vos magistrats et de son assiduité à la table des commissaires*. L’ application* que vous lui faites de la repon[se] de Melanthius [14] seroit digne d’un talent pour me servir des termes du cardinal Du Perron [15] qui disoit cela des heureuses rencontres* où on applique quelque vers ou quelque sentence des anciens avec beaucoup d’esprit.
Je suis bien aise que pend[an]t le tems de la moisson vous ayez veu souvent l’excellent Mr Rivals, car sa conversation est des plus charmantes et des plus profitables co[mm]e j’ay eu le bonheur de l’eprouver : je luy suis infiniment obligé de ce qu’il m’aime toujours et cela me fait sentir avec plus de joye l’etendue de sa bonne fortune, qui luy ayant accordé les veritables biens comme sont la sagesse, la vertu, la science, et l’amour des belles lettres, a voulu encore qu’il eut les autres commoditez de la vie sans lesquelles les veritables biens perdent une partie de leur efficace ; j’entens la santé, et le sort de ceux quorum conspicitur nitidis fundata pecunia villis [16].
L’exacte rela[ti]on que vous me faites de ce qui s’est passé dans les preliminaires du synode et pendant la tenue ne peut que m’etre tres agreable, et vous avez pleinem[en]t levé l’ acroche* qui m’arretoit à l’occasion des 3 preches du jour de l’ouverture [17]. Mr Perou m’a ecrit de l’ action* qu’il vous ouit reciter, tout le bien du monde, sans parler de la moins bonne disposition où vous me dites qu’etoit votre voix à cause de la course que vous aviez / faitte quelques jours auparavant. C’etoit po[ur] accompagner Mr Rivals dans la censure qu’il alloit faire au pasteur et aux anciens de Mazeres sur ce qu’ils ne deputoient pas au synode [18]. Permettez moi de vous demander 1° comment on savoit qu’ils ne deputeroient* personne puis que le jour de l’ouverture etoit encore eloigné pour donner le tems de s’y trouver à des deputez • 20 fois plus loin de Saverdun, q[ue] ceux de Maseres. 2° de quel droit Mr Rivals pouvoit lancer une censure contre un consistoire voisin, puis que le synode n’etant pas encore formé, n’avoit peu l’autoriser pour faire cela, ni son colloque non plus. 3° d’où venoit le mecontentem[en]t de ceux de Mazeres. Ce que vous me marquez du sermon de Mr Larriviere [19] me paroit un fait si curieux que je vous prie de savoir de luy de quelle relation il l’a tiré, de vous en donner les tenans et aboutissans, et de me les marquer dans v[ot]re p[remi]ere lettre afin que je tache d’en faire la verifica[ti]on.
Ce que vous m’avez indiqué de l’ordonnance et de l’œconomie de votre preche m’en donne une tres grande idée, et j’ay eté fort aise que Mr Dusson [20] vous avertit tous de dire quelque chose à la gloire du Roy. On nous accuse de n’etre pas assez sensibles à la prosperité des armes de notre victorieux p[rin]ce et de ne repandre des eloges sur ses triomphes que d’une façon maigre et contrainte, c’est pourquoi il ne faut pas s’en taire dans l’occasion. Mr de S[ain]t Maurice l’un de nos prof[esseurs] et pasteurs nous fit presque le panegyrique du Roy le jour qu’on fit le feu de joye pour la paix de Hollande [21], et comme il a un stile de roman c’est à dire monté sur des echasses, je ne vous garentis pas qu’il n’y eut du Phœbus * dans son sermon. Il avoit fait une priere d’action de graces le jour qu’on fit les feux de joye pour la victoire remportée sur la flotte de Hollande et d’Espagne dans le port de Pallerme [22], laquelle etoit remplie de mille phrases poetiques à la gloire du Roy : qui est une maniere de prier Dieu bien extraordinaire. Quoi qu’il en soit puis que les anciens Peres ne faisoient pas difficulté de meler dans leurs discours au peuple quelques traits de loüange pour les emper[eurs] pourquoi s’en fairoit on un scrupule dans certains jours de solemnité ? Je loüe Dieu de la tranquillité avec laquelle ceux de dehors* vous ont laissez passer le tems de la tenue du synode, et du radoucissement que le prelat a temoigné à Mrs de Saverdun [23].
J’ay donné votre lettre à Mr Jurieu [24] qui m’a chargé de vous remercier par avance de l’interet que vous prenez à ce qui le concerne. Mr Bruguier fait des remarques sur tout, puis qu’outre celles qu’il a envoyées à Mr Isarn, il en a fait contre les hypotheses que Mr Jurieu a suivies en repondant à Mr Arnaud, et les a remises en manuscrit entre les mains de Mr Baudan [25] ministre d’aupres de Nimes duquel je vous ay parlé dans mes precedentes*. Je croi qu’il est frappé de la maladie de Mr Merlat, et que le grand succez de la reponse de Mr Jurieu au prix de celui de son petit livret • qui luy a attiré une grele effroyable de pesans [c]oups de Mr Arnaud, l’a mis de mauvaise humeur [26]. Sa replique est achevée d’imprimer[.] [N]ous verrons comment il sera remonté sur sa bete*. Je vous ay dit que Mrs de Port Roy[al] / avoient repondu au livre de Mr Merlat, mais ce n’est pas cela, il est vray qu’il y a une reponse, mais elle est de la facon d’un chanoine de Xainctes [27] dont je vous dirai le nom avant que de finir. Mr Jurieu veut faire venir ce livre dont Mr Basnage luy a deja envoyé le plan : il parle de l’ouvrage de Mr Jurieu fort honnetement*, et remarque qu’il a abandonné le sentiment de nos anciens theologiens sur l’inamissibilité de la grace et sa justifica[ti]on ; que Mr Bruguier a marché sur une route toute opposée et que cependant Mr Claude a donné son approba[ti]on à tous les 2[.] De l’air qu’on en parle ce livre n’est pas mauvais.
Je n’entends rien dire des Pseaumes de Mr Conrart, mais je vous diray à cette occasion, qu’il y a un homme de Mets nommé Mr Gauvain si je ne me trompe etabli à Jene en Allemagne ches le duc de Saxe de Weimar au lieu meme où Mr Darassus est ou a eté ministre, qui a fait imprimer à Jene une version des 150 pseaumes en vers [28]. Il suit à peu pres le dessein de Mr Conrart, gardant les memes rimes autant que faire se peut, la meme mesure de vers etc[.] On m’a promis de me montrer cette piece. Ceux qui l’ont veüe et qui se connoissent en poesie, remarquent qu’elle se ressent un peu du terroir où elle a eté produitte, et que l’autheur auroit mieux reussi s’il eut eté habitant de Paris co[mm]e Mr Conrart.
En repondant à ce que je vous avois demandé sur la rupture du canal, vous me dites qu’il est vray qu’il se deborda et creva en plusieurs endroits co[mm]e l’avoit dit la
Je suis bien obligé à n[ot]re c[adet] de ce qu’il m’a ecrit si ponctuellem[en]t pend[an]t son sejour à Mont[auban.] J’ay deja fait reponse à 3 de ses lettres, je reponds icy à celles qui ont suivi celles là [34]. J’ay prié Mr Pagés proposant*, qui e[st] à Paris pour des affaires de famille, de m’envoyer un etat des proposans q[ui] sont à Paris. Il me repond qu’il y a Mrs Terson, Abadie, • de Persode, Perou, Meistre, Brassart, Bosle, Placet fils d’un ministre d[e] Niort [35]. Il devoit ajouter le s[ieu]r Bigos natif de Mauvaisin qui etoit venu chercher icy une con / [di]tion* •, se prevalant de la rencontre d’une recrüe qu’un capitaine du regim[en]t d’Anjou nommé Mr La Balme son compatriote conduisoit sur la Meuse [36], qui etoit la meme voye qu’avoit tenu le s[ieu]r La Migue pour voyager à peu de frais. Le pauvre Mr Bigos ne trouva icy que de personnes qui le plaignoient de ce qu’il avoit eu l’imprudence de s’abandonner à la fortune, et de faire 200 lieües sans savoir s’il trouveroit dequoi devenir. Tout ce qu’on peut faire po[ur] luy fut de luy donner un peu d’argent pour se transporter ches un gentilho[mm]e de la Religion aupres de Chartres, auquel Mr de S[ain]t Maurice le recommanda. Il a demeuré quelque tems ches luy et je croi que les mois luy paroissoient des années tant il etoit mal. Par bonheur il a trouvé une condition à Paris. Pour Mr Pagés il est fils d’un ministre de Champagne natif d’aupres de Bazas[.] Il e[st] fort honnete homme, son nom est dans le Mercure galant parmi ceux q[ui] ont deviné des enigmes [37]. J’ay de la peine à croire que Mrs Du Bes et de Lagger quittent Saumur [38] p[ou]r aller faire leur phi[loso]phie ailleurs, car Mr de Villemandy qui l’enseigne dans cette Academie là, est fort dans l’estime et fait imprimer un cours fort curieux qui faira un perpetuel parallelle des 3 sectes, d’ Aristote, d’ Epicure et de Gassendy ; il m’a fait la grace de m’envoyer un in 4° d’environ 100 pages qui est une introduction à son cours [39]. Cela est bien ecrit, et fait voir une grande lecture, enfin beaucoup plus qu’on ne trouveroit icy, et cela etant ces Mrs seroient mal conseillez s’ils cherchoient loin ce qu’ils ont deja à leur porte. Je ne sai rien du fils de Mr Bertaut [40]. Je m’etonne que Mr Isarn ait osé precher avec des allusions manifestes aux desordres d’Angleterre [41], et cela d’autre coté me rejouit, car c’est une marque qu’on a plus de liberté en vos quartiers* de parler fortement que nous n’avons icy, où à peine dans la conversation osoit on dire son sentiment sur ces affaires là, et montrer en presence des adversaires les nouvelles qu’on en savoit. Il paroit aussi que les adversaires ont plus eclaté dans vos provinces que dans celles cy, temoin ces oraisons de 40 heures, et ces processions en faveur de leurs freres persecutez en Angleterre [42]. Nous n’avons rien veu faire de semblable.
J’ay parlé du regiment d’ Almanny dans ma precedente, mais je ne trouve p[e]r[sonn]e qui me puisse donner des nouvelles de celuy de
Il y a long tems que j’avois veu les theses inaugurales de Mr de Brais, mais ce n’est q[ue] depuis 2 mois q[ue] j’ay veu la nouvelle edition desdites theses avec les leçons inaugurales [45] ; tout cela sent fort son habille homme. Je voudrois savoir dequoi traitte la Lettre de Mr Galathea[u] / sur la mort du marquis de Rabat [46]. Apparemment il y eut dans la maladie de ce fameux debauché quelque chose de rare qui obligea le medecin de l’envoyer avec ses reflexions au gouverneur de la province. Le livre de Flwd est bien different du Cartesius mosaïsans [47], celuy cy e[st] tout nouveau, l’autre est du commencem[en]t de ce siecle ou quelque peu en deça* et n’est qu’un tissu de visions chymiques, car Flwd philosophe anglois enteté de la pierre philosophale, s’imaginoit que Moyse nous avoit enseigné dans son Pentatheuque tous les secrets du grand œuvre ; et il donne la gene à ces livres sacrez pour y trouver ses reveries [48]. Mr de Gassendy et le Pere Mersenne l’ont relancé* vertement [49].
Comme Mr Daliez a plusieurs enfans, je voudrois savoir quel e[st] celuy qui a des sermons de Mr Morus, et qui ayme tant la musique. J’ay deja demandé eclaircissem[en]t sur celuy qui s’appelle Mr de Realville, qui est frere d’un Mr Daliez revolté*, lequel dans l’ Etat de la France est mis parmi les maitres de la chambre aux deniers, sous le nom de Mr Daliés de La Tour. On appelle ainsi ceux qui sollicitent les fonds pour la depense de bouche et pour les livrées de la maison du Roy, et qui payent la dite depense. Je croi que le fils ainé de Mr Daliés s’appelle le baron de Caussade et qu’il a epousé l’ une des filles de Mr Garrisson le financier [50]. Je voudrois savoir ce qui en e[st] et en quel poste e[st] à p[rese]nt ledit Mr Garrisson [51].
S’il y avoit eu un nouvel
Voicy ce que j’ay decouvert des œuvres du P[ere] Rapin. Avant qu’il eut publié son livre De hortorum cura il avoit fait imprimer Templum famæ, Julio cardinali Mazarino ; Armoru[m] trophæum reip[ublicæ] Venetæ, pro debellato turco ; Lacrymæ in alumni sui Alphonsi Mancini tumulum ; Pacis triumphalia ; Pax Themidis cum musis ; Pacifer Delphinus ; Christus patiens, carmen / heroïcum [58]. Je n’ay rien leu de tout cela, mais je m’imagine que ce sont presque toutes harangues et panegyriques. Il a fait imprimer aussi un receuil d’éclogues et d’odes latines, cum disserta[ti]one de carmine pastorali [59]. J’ay ouy aussi parler d’un traitté de sa façon contre les jansenistes, intitulé Evangelium jansenistarum [60] où il introduisoit un janseniste prechant l’Evangile dans une assemblée d’infideles au Nouveau Monde et leur etalant la predestination ; l’impossibilité d’accomplir les commandemens de Dieu, et neantmoins la damnation eternelle à tous ceux qui ne les accompliroient pas ; une grace à laquelle on ne peut resister, et sans laquelle l’homme n’a point de forces pour croire à l’Evangile qu’on luy preche, et que Dieu ne donne qu’à un certain petit nombre de gens. Il concluoit que ces infideles se moqueroient d’un tel predicateur, et d’une grace qui leur seroit presentée sans que Dieu les eut destinez à la recevoir etc[.] S’etant mis en suitte à composer en francois il nous a donné La Comparaison de Virgile et d’Homere ; de Ciceron et de Demosthene ; de Platon et d’Aristote ; des Reflexions sur l’eloquence ; sur la poetique ; sur la philosophie ; L’Esprit du christianisme ; La Perfection du christianisme ; L’Importance du salut [61] ; il est fils d’un bourgeois de Tours.
Si vous voulez que je vous parle des ouvrages du P[ere] Bouhours qui sont venus à ma connoissance, je vous dirai qu’il a fait Les Entretiens d’Ariste et d’Eugene ; Douttes sur la langue francoise ; Remarques sur la langue francoise ; la traduction du traitté italien du marquis de Pianezze, de La Verité de la rel[igion] chretienne ; Lettre à un s[ei]g[neu]r de la Cour sur la requete presentée au Roy par les ecclesiastiques q[ui] ont eté à Port Royal ; Lettre à Mrs de Port R[oyal] contre celle qu’ils ont ecritte à Mr l’archev[eque] d’Ambrun pour justifier la lettre sur la constance et le courage qu’on doit avoir po[ur] la verité ; la traduction du Panegyrique de la bienheureuse Rose prononcé en italien à Rome par le P[ere] Oliva general des jesuites ; la traduction de la Relation de la sortie d’Espagne du p[ere] Nitard jesuite confesseur de la reyne ; l’ Histoire de Pierre d’Aubusson grand m[ait]re de Rhodes ; Sentimens chretiens pour entretenir la devotion pendant la journée [62] ; il e[st] fils d’un bourgeois de Paris. Quand j’oublieray à repondre à quelque article il faudra le remettre sur le tapis.
Apres cette digression je reviens à vous[,] M[onsieur] e[t] t[res] c[her] f[rere][,] pour vous prier de faire tenir à Puylaurens la reponse que je fais à Mr Rivals le neveu, qui m’a ecrit une lettre fort obligeante par le moyen de Mr Perou [63]. Je fais mille vœux au ciel dans ce renouvellem[en]t d’année pour la prosperité de n[otre] t[res] c[her] e[t] t[res] h[onoré] p[ere] et pour celle de vous tous, priant Dieu de vous faire la grace de la passer avec plusieurs autres tranquillement et heureusem[en]t. Depuis ma grande lettre où je vous priois de
Notes :
[1] Allusion au début de la Lettre 160.
[2] Il s’agit de la liste de tous les pasteurs des diverses provinces synodales que Jacob s’efforçait d’établir : voir Lettre 158, p..
[3] Voir Lettre 119, n.18 : il s’agit ici de Philippe de Lambermont, ministre de Villeray.
[4] Voir Lettre 119, n.18 : il s’agit ici d’ Abel de Lambermont, ministre d’Imecourt. Gédéon de Vassignac, sieur d’Imecourt, était colonel d’un régiment de son nom, selon Haag ; il allait abjurer en décembre 1685 avec sept de ses fils. L’aîné, prénommé Jean, né en 1655 et qui avait abjuré à l’exemple de Turenne, devait atteindre plus tard le grade de lieutenant général : voir Pinard, iv.557. Gédéon de Vassignac avait épousé en 1653 Claude de Pouilly.
[5] Le lieutenant du roi à Sedan en 1679 était M. de Termes.
[6] Sur Jacques Alpée de Saint-Maurice, voir Lettre 158, n.7 et 16.
[7] Samuel Bochart avait épousé Suzanne de Boutesluys ; le couple eut une fille, prénommée Esther, qui épousa Pierre Le Sueur, seigneur de Colleville, conseiller au parlement de Rouen. Samuel de Colleville, fils de Pierre, qui lui avait résigné sa charge en 1678, fut durement et longuement emprisonné après la Révocation.
[8] « Nulle injustice n’est faite à qui donne son accord » : voir Justinien, Digeste, XLVII.x.1.§5 : nulla iniuria est quæ in volentem fiat : même sens.
[9] Le fils de Jacques Moisant de Brieux, prénommé Robert, avait été auparavant pasteur à Senlis : voir Lettre 105, n.52. Nous ignorons pourquoi il se trouvait sans Eglise à la date de cette lettre.
[10] Pierre Du Bosc avait épousé Marie Moisant en 1650, et, en secondes noces, en 1657, Anne, fille d’ Etienne de Cahaignes, sieur de Verrières.
[11] Cette lettre ne nous est pas parvenue.
[12] Joseph Bayle avait donc réussi un examen.
[13] Pérou était revenu de Puylaurens et se trouvait à Paris comme proposant, fréquentant assurément les pasteurs de Charenton, et candidat à un poste de pasteur au prochain synode d’Ile-de-France. La rencontre entre Jacob Bayle et Pérou s’était faite au synode provincial tenu à Saverdun (voir Lettre 152, n.11 et 13). Sa lettre à Pierre Bayle ne nous est pas parvenue.
[14] Voir Plutarque, Œuvres morales, I, 2 e partie, iv,3 : Melanthios, parasite d’ Alexandre de Phères (369-358 av. J.-C.), lorsqu’on lui demandait comment on avait poignardé Alexandre, répondit : « en perçant son flanc, en direction de son estomac ». Racontant la même anecdote dans les NRL de mars 1686, article I, Bayle y indiquera que l’historiette est relatée par l’ abbé de Marolles ; nous n’en avons pas trouvé la source.
[15] Sur Jacques Davy, cardinal Du Perron, voir P. Blondel, « Le cardinal Du Perron, archevêque de Sens (1566-1618) », Bulletin de la Société archéologique de Sens, 19 (1900), p.7-46 ; P. Féret, Le Cardinal Du Perron, orateur, controversiste et critique (Paris 1877 ; rééd. Genève 1969).
[16] Horace, Epîtres, I.xv.45-46 : « qui ont ostensiblement placé leur fortune en belles propriétés ».
[17] Sur le synode de Saverdun, voir Lettre 159, n.27-29.
[18] Toutes les communautés réformées d’une province synodale devaient en principe députer un pasteur et un Ancien aux synodes. Souvent, les Eglises les moins riches n’envoyaient qu’un député, mais il arrivait aussi qu’elles s’en dispensassent, sans explication ni excuses, ce qui régulièrement leur valait au moins un blâme. Ce qui étonne Bayle ici, c’est que la censure transmise par Rivals à l’Eglise de Mazères ait précédé le synode : Mazères est situé trop près de Saverdun pour que l’éloignement puisse être invoqué comme excuse, comme Bayle l’explique par la suite. Le colloque était une subdivision interne à une province synodale. On croit deviner que l’Eglise de Mazères avait annoncé par avance sa mauvaise humeur à l’égard des autorités synodales, d’où l’intervention assurément officieuse du pasteur de Saverdun, Rivals, auprès des gens de Mazères, pour tenter de les faire revenir sur leur décision d’indiscipline.
[19] Il s’agit d’un sermon prêché par Falentin de La Rivière pendant le synode dans lequel il avait probablement allégué un fait historique récent (concernant peut-être les guerres de religion) sur lequel Bayle souhaiterait des précisions et qu’il voudrait voir confirmé. Aucun des sermons de Falentin de La Rivière n’a été imprimé.
[20] Salomon d’Usson avait été commissaire royal au synode de Saverdun. L’institution des commissaires remontait à Louis XIII et à une Déclaration du 17 avril 1623. Une nouvelle Déclaration toute récente, du 10 octobre 1679, avait stipulé que le commissaire d’un synode pourrait être un catholique (voir Elie Benoist, Histoire de l’Edit de Nantes, iii.2, p.376 et iii.3, pièce justificative xciv), mais elle ne passa dans les faits que plus tard.
[21] Sur Jacques Alpée de Saint-Maurice, voir Lettre 114, n.9. La Paix de Nimègue avait été signée avec les Provinces-Unies le 10 août 1678 : voir Lettre 155, n.4.
[22] Sur la victoire de la flotte française devant Palerme le 2 juin 1676, voir Lettre 123, n.14.
[23] Le prélat est évidemment l’évêque de qui dépendait Saverdun, à savoir celui de Rieux, Antoine-François de Bertier depuis 1662, qui devait mourir en 1705 en laissant une belle réputation de science et de piété.
[24] Cette lettre est perdue.
[25] Sur Pierre Baudan, voir Lettre 160, n.149.
[26] Jean Bruguier, qui n’aimait pas Jurieu, avait soutenu Isarn dans sa polémique contre la Lettre sur la nécessité du baptême de Jurieu. Il s’agit d’une lettre personnelle à Isarn dont on ne connaît pas la teneur, si on en devine l’orientation. Sur la Réponse sommaire de Bruguier, voir Lettre 74, n.12 ; sur son Apologie du synode de Dordrecht, voir Lettre 133, n.30 ; sur l’ouvrage de Merlat contre Arnauld, voir Lettre 133, n.28.
[27] Bayle précisera plus bas, p., un peu inexactement, qu’il s’appelait Feron : il s’agit en fait de Philippe Le Féron (1639-1693), docteur de Sorbonne, proche de Port-Royal, d’abord chanoine de Saintes, auprès de l’évêque Louis de Bassompierre (1610-1676), et ensuite – à partir de 1676 – grand vicaire de Reims, auprès de l’archevêque Charles-Maurice Le Tellier. Le Féron fut l’un des approbateurs des Pensées de Pascal : voir sur lui le Dictionnaire de Port-Royal, s.v. Bayle reparlera de cette réponse à Merlat dans les NRL (novembre 1684, art. xi) : L’Impiété de la morale des calvinistes pleinement découverte par le livre de M. Bruguier (Paris 1675, 12°).
[28] La langue française subit tant de changements entre le milieu du et le milieu du siècle que la traduction des Psaumes par Clément Marot et Théodore de Bèze se trouva vite vieillie. Jean Diodati fut le premier, semble-t-il, à s’occuper du rajeunissement des Psaumes en français. Sa révision parut en 1646, sans que Diodati ait eu pour autant l’idée de la faire adopter par les Eglises. Ce ne fut qu’une vingtaine d’années plus tard que la nécessité d’une révision s’imposa à l’opinion publique. La personne qui parut toute désignée pour ce travail fut Valentin Conrart, secrétaire perpétuel de l’Académie française : sa révision fut publiée de manière posthume par Marc-Antoine de La Bastide et elle servit de base aux révisions berlinoise, genevoise et hollandaise ultérieures. De son côté, dès 1674, Louis Gauvain, sieur de Montigny, né à Metz, fixé à Iéna, fit paraître sa Version nouvelle des Pseaumes de David en vers françois sur les airs de ceus de Clément Marot et de Théodore de Bèze (Cassel 1674, 12°) ; une seconde édition fut publiée à Iéna en 1677, toujours in-12°, mais les Psaumes de Conrart, qui parurent la même année et qui sont fort supérieurs à ceux de Gauvain, les firent bien vite oublier. Voir F. Bovet, Histoire du psautier des Eglises réformées (Neuchâtel, Paris 1872), p.146-149, 180, 280, et P. Leblanc, Les Paraphrases françaises des psaumes à la fin de la période baroque (1610-1660) (Paris 1960), p.25, 313.
Jean Darassus, de Montauban, proposant en 1670, pasteur à Iéna, le devint à Heidelberg en 1684, puis plus tard à Erlangen ; après avoir été en 1694 chapelain d’ Henri de Ruvigny, résident britannique auprès du duc de Savoie Victor-Amédée, il s’établit en Angleterre, où il mourut en 1717.
[29] Sur ces intempéries, voir Lettre 157, p. et n.4.
[30] Bayle avait séjourné quelques mois à Saverdun, chez sa tante Bayze, en 1668.
[31] Antoine Aubery (1616-1695), avocat au Parlement, De la Régale (Paris 1678, 4°) ; voir le JS du 12 septembre 1678.
[32] François Pinsson des Riolles (1612-1691), avocat au Parlement de Paris, dont un fils et homonyme sera plus tard un correspondant de Bayle. Il s’agit ici de la Dissertation historique de la Regale de France et pour scavoir si elle peut et doit estre étendue sur les abbayes (Paris 1676, folio), qui fait l’objet d’une mention dans le catalogue du JS pour l’année 1676.
[33] Louis-Armand III, vicomte de Polignac, chevalier des ordres du roi en 1661, gouverneur du Puy-en-Velay en 1672.
[34] Nous n’avons aucune des lettres de Joseph Bayle ; les réponses mentionnées ici sont contenues dans la Lettre 163.
[35] Il s’agit sans doute d’un des frères de Jean Terson : voir Lettre 135, n.11 ; sur Jean de Persode, voir Lettre 144, n.8 ; sur Isaac Pérou, voir Lettre 119, n.22. Les proposants dont Bayle n’avait pas encore parlé sont : Jacques Abbadie (1654-1727), le célèbre apologiste, pasteur à Berlin en 1682 et à Londres en 1691 jusqu’à sa mort ; Meistre, sur qui nous ne savons rien ; Samuel Brassard (1655-1679), fils d’ Isaac, pasteur de Montauban, qui n’allait pas tarder à mourir ; Bosle, nom qui pourrait bien désigner Marc Borle, qui allait devenir plus tard un auteur abondant et connu ; Placet, dont nous savons seulement que le père, Pierre Placet, était pasteur de Niort depuis 1660.
[36] On retrouve deux frères Bigos originaires de Mauvezin au Refuge. Bayle corrigera, dans la Lettre 165 (voir n.6), les informations qu’il donne ici. La méthode de voyage, déjà adoptée par Isaac Lamigue, consistait à accompagner un officier recruteur qui ramenait de nouveaux soldats vers le théâtre des opérations. Le capitaine La Balme, ici nommé, était un protestant de Mauvezin.
[37] Salomon Pagès, fils du pasteur de Chateau-Thierry, Jean Pagès, correspondra avec Bayle par la suite, quand il sera réfugié en Angleterre, après la Révocation. Nous n’avons pas trouvé la mention de son nom dans le Mercure galant de l’année 1678.
[38] Du Bes et Latger (ou Lagger) étaient des patronymes réformés de Castres. Il est question ici de collégiens de milieu aisé qu’on a envoyés à l’excellente académie de Saumur, d’un bien meilleur niveau que celle de Puylaurens. Bayle est réaliste en prévoyant que leurs familles n’allaient pas envoyer ces adolescents encore plus loin de chez eux pour le simple avantage d’avoir un professeur méridional en sa personne… Sur la famille Latger, voir R.A. Mentzer, Blood and belief. Family survival and confessional identity among the provincial Huguenot nobility (West Lafayette, Indiana 1994).
[39] Pierre de Villemandy, Manuductio ad philosophiam vetero-novam, in qua triplicis philosophiae Aristoteleae nempe, Epicuriae et Cartesianae placita adducuntur et conferuntur (Salmurii 1674, 4°). Cet ouvrage fut réédité sous d’autres titres : Philosophiae Aristoteleae, Epicuriae et Cartesianae, parallelismus [...] (Salmurii 1678, 4°), et Philosophiae veteris ac novae parallelismus [...] (Amstelædami 1679, 4°). Seules l’Introduction et la Logique ont été publiées. Bayle fera le compte rendu d’une réédition, NRL, octobre 1685, art. IX. Quinze ans plus tôt, fermé à la philosophie nouvelle, Villemandy s’était vu préférer Chouet pour enseigner la philosophie à Saumur (voir Lettre 5, n.11) ; quand le Genevois revint dans sa ville natale en 1669, Villemandy obtint la chaire de Saumur ; il avait cessé d’être un pur aristotélicien et s’était informé sur les recentiores. Il publia plus tard son Traité de l’efficacité des causes secondes contre quelques philosophes modernes (Leyde 1686, 12°) et son Scepticismus debellatus seu humanæ cognitionis ratio, ab imis radicibus explicata ; ejusdem certitudo adversus scepticos quosque veteres ac novos invicte asserta ; facilis ac tota certitudinis hujus obtinendæ methodus præmonstrata (Lugduni Batavorum 1697, 4°).
[40] Il s’agit très vraisemblablement de Charles Bertheau (ou Bertaud), né en 1660, fils de René de Bertheau, un des pasteurs de Montpellier de 1657 à 1685 ; ce dernier avait été étudiant à Puylaurens et était donc connu dans le Sud-Ouest. Charles Bertheau, sujet brillant qui avait étudié à Genève (voir Stelling-Michaud, ii.191), était apparemment éloquent : il fut appelé à Charenton en octobre 1684. Il se réfugia en Angleterre avec son père lors de la Révocation, devint pasteur de l’Eglise londonienne wallonne de Threadneedle Street et le resta jusqu’à sa mort en 1732.
[41] Prêchant à Montauban, Isarn de Capdeville n’avait pas craint de faire des allusions au « complot papiste » récemment démasqué, prétendait-on, à Londres : voir Lettre 160, n.176 et Lettre 163, n.30.
[42] Nous n’avons pas trouvé la source de Bayle pour ces nouvelles.
[44] Voir Lettre 153, n.24. Nous n’en savons pas assez sur ces MM. Castaing – s’ils sont distincts – pour les identifier. Pinard ne nous apprend rien sur eux. Il s’agit d’un patronyme méridional. Le Castaing en question avait tué en duel M. de Saint-Martin, parent, ainsi que M. La Barthe, de M. Malide : ce duel semble avoir été assez récent – et cela en dépit des interdictions royales répétées : voir, sur le duel, M. Cuénin, Le Duel sous l’Ancien Régime (Paris 1982).
[45] Quand Bayle avait mentionné ces thèses d’ Etienne de Brais deux ans plus tôt (voir Lettre 146, n.11), il n’en avait vu qu’un des exemplaires de soutenance. Quand elles furent rééditées, on leur joignit les leçons inaugurales du nouveau professeur ; l’ouvrage dont Bayle parle ici s’intitule Exercitationes inaugurales tres, 1° de necessitate baptismi, 2° de auxiliis, 3° de poena peccati (Salmurii 1678, 8°).
[46] P. de Galatheau, Lettre à Mgr le maréchal d’Albret sur la mort de M. le marquis de Rabat (Bordeaux 1672, 12°). Sur ce médecin protestant, voir Lettre 127, n.5. Son petit livre sur le marquis de Rabat semble surtout une observation médicale, sans que la vie agitée du mourant soit invoquée pour expliquer sa maladie mortelle.
[47] Le Cartesius mosaïsans , imprimé à Leeuwarden en 1669, est l’œuvre de J. Amerpoel ; voir le JS du 30 août 1677, et Lettre 149, n.24.
[48] Jacob avait sans doute entendu parler du Philosophia mosaica, in qua sapientia et scientia creationis et creaturarum sacra vereque christiana […] ad amussim et enucleate explicatur (Gouda 1638, folio), ouvrage posthume du médecin et théosophe anglais Robert Fludd (1574-1637), mais Bayle a raison de renvoyer son frère à des ouvrages de Fludd publiés bien antérieurement. Voir Utriusque Cosmi Maioris scilicet et Minoris Metaphysica, Physica atque Technica Historia. In duo Volumina secundum Cosmi differentiam divisa. Authore Roberto Flud alias de Fluctibus, Armigero et in Medicina Doctore Oxoniensi (Oppenhemii 1617-1619, folio, 2 vol.).
[49] Les Quaestiones celeberrimae in Genesim (Paris 1623, folio) du Père Marin Mersenne (1588-1648), minime, ami de Descartes, avaient fait l’objet d’une réponse de Robert Fludd dès 1629 : S ophiae cum moria certamen, in quo lapis lydius a falso structore Fr. Marino Mersenno monacho reprobatus, celeberrima voluminis sui babylonici (in Genesim) figmenta accurate examinat, authore Roberto Fludd (s.l. 1629, folio) ; Bayle fait allusion ici à la réplique de Mersenne, qui parut dès l’année suivante sous la forme de son édition de Gassendi : Petri Gassendi theologici Epistolica exercitatio, in quo principiæ philosophiæ Roberti Fluddi, Medici, reteguntur et ad recentes illius Libros adversus R.P. Marinum Mersennum […] scriptos respondetur (Parisiis 1630, 8°) ; cet ouvrage devait aussi figurer en 1658 dans le tome des Opera de Gassendi. Fludd réagit en publiant sa Clavis philosophiae et alchymiae Fluddanae, sive Roberti Fluddi ad epistolicam Petri Gassendi [...] exercitationem responsum (Francofurti 1633, folio). Voir R. Lenoble, Mersenne ou la naissance du mécanisme (Paris 1943), p.xviii.
[50] Jean d’Aliès ou Daliès, trésorier de France, avait acheté la seigneurie de Caussade en 1647 ; il était fort riche. Il eut au moins trois fils, dont deux seulement sont relativement connus, à savoir l’aîné Antoine, baron de Caussade (1630-1721), qui épousa Marthe Garrisson (?-1701) et qui réussit à gagner l’étranger après la Révocation, sans sa femme mais finalement avec six de ses sept enfants (le septième, sur lequel nous reviendrons, se prénommait Jean). L’autre fils connu est Samuel d’Aliès de La Tour, qui abjura en 1677 sous l’influence combinée de Colbert et du cardinal Etienne Le Camus : en effet, ce Montalbanais était devenu maître de forge en Dauphiné. Il n’est désigné que par ses initiales dans les Œuvres posthumes de Jean Claude, qui lui écrivit à deux reprises le 12 novembre 1674 et le 6 février 1675, et en reçut deux lettres datées du 22 novembre 1674 et du 16 janvier 1675 (i.147-166). Cette correspondance fait suite au Traité sur la nature de l’eucharistie du cardinal Le Camus, reproduit dans les Œuvres posthumes de Claude (i.1-136) avec la réfutation point par point des thèses de l’ouvrage par le pasteur de Charenton. Beaucoup plus tard, revenu dans sa ville natale, Aliès de La Tour fit des conférences sur divers points de la théologie catholique dans l’espoir d’entraîner de nouveaux convertis à devenir sincèrement catholiques. Lui-même l’était évidemment à cette date et il serait injuste de soupçonner la sincérité de sa conversion initiale, bien que les pressions exercées par Colbert y aient probablement joué un rôle. Un troisième frère (voir Lettre 160, n.93), dont nous ignorons le prénom, s’appelait de Réalville ; il est probablement mort assez jeune ; en tout cas, l’appellation de Réalville revint à Jean, le dernier fils du baron de Caussade, élevé par son oncle Samuel d’Aliès de La Tour. Il épousa M lle de Montbeton en 1704 et devint président de la Cour des Aides de Montauban en 1706.
[51] Jonathan Garrisson, sieur de Lustrac, fut père de onze filles, dont les huit qui se marièrent reçurent une dot de 50 000 livres, énorme pour la région à cette époque.
[52] Bayle revient ici sur sa réponse à Joseph dans sa Lettre 151, p. (voir n.14) ; il y reviendra encore dans la Lettre 165, p. (voir n.19). Il s’agit sans doute de la seconde version (1675) du Carnaval mascarade, ou Mascarade de Versailles (1668) de Lully. La première version avait été composée sur un livret de Benserade. A la seconde version on avait ajouté des extraits musicaux de comédies-ballets de Lully- Molière. Le mot de « rapsodie » appliqué par Bayle à cette œuvre ne doit pas s’entendre dans le sens spécifiquement musical qu’il a pris au siècle, mais dans celui, justement, de la description fournie par Bayle lui-même : « un composé de pièces rapportées ».
[53] Hyacinthe Serroni (1617-1687), dominicain italien, d’abord évêque de Mende, le devint en 1676 d’Albi, qui fut érigé en archevêché en 1678. La nouvelle de sa mort, dont Bayle se fait ici l’écho, était sans fondement.
[54] Sur l’érection en archevêché d’Albi, voir Lettre 153, n.40.
[55] Nous n’avons pas réussi à identifier ce « M. de Rennes », auteur de Noëls. Il s’agit sans doute de vers publiés – sous un pseudonyme – dans le Mercure galant.
[56] Sur Nolet, trésorier du roi à Toulouse, voir Lettre 140, n.13, à propos des conférences tenues chez lui par le cartésien Regis. Bayle semble évoquer ici des souvenirs de son séjour à Toulouse entre février 1669 et août 1670. Depuis 1653, le premier président du parlement de Toulouse était Gaspard de Fieubet (1622-1686), d’une famille qui compta plusieurs hauts magistrats, parisiens ou provinciaux. Nous ne savons rien du fils de Nolet, dont il est question plus loin.
[57] Nicolas Parisot (ou de Parisot), avocat toulousain de grand renom à l’époque.
[58] Œuvres latines de René Rapin, S.J. : Templum Famae, S.R.E. Eminentissimo Cardinali Iulio Mazarino. Carmen heroicum (Parisiis 1657, folio) ; Lacrymae in carissimi Alumni sui Alphonsi Martini tumulum (Parisiis 1658, folio) ; Pacis triumphalia. Ad eminentissimum cardinalem Julium Mazarinum (Parisiis 1660, folio) ; Pax Themidis cum musis (Parisiis 1660, folio) ; Regi christianissimo Ludovico XIV, populorum summo pacificatori, Pacifer Delphinus, carmen heroicum (Parisiis 1662, folio) ; Serenissimae reipublicae Venetae armorum trophaeum, pro debellato Turco, ob restitutam Societatem Jesu (Parisiis 1657, folio) ; son Christus patiens, carmen heroicum (Parisiis 1674, 8° ou 4°) parut à une date sensiblement ultérieure.
[59] René Rapin, Eclogæ sacræ, et Dissertatione de Carmine Pastorali (Parisiis 1659, 4°).
[60] René Rapin, De nova Doctrina dissertatio, seu Evangelium Jansenistarum (Parisiis 1658, 8°).
[61] René Rapin, Discours académique sur la comparaison entre Virgile et Homère (Paris 1668, 4°) ; Observations sur les poèmes de Virgile et d’Homère (Paris 1669, 12°) ; Comparaison des poèmes de Virgile et d’Homère (Paris 1674, 12°) même ouvrage ; Discours sur la comparaison de l’éloquence de Démosthène et de Cicéron (Paris 1670, 8° et 12°) ; Comparaison de Démosthène et de Cicéron, seconde édition revue et corrigée (Paris 1676, 8° et 12°) ; La Comparaison de Platon et d’Aristote, avec les sentimens des Peres sur leur doctrine, et quelques reflexions chretiennes (Paris 1671, 12°) ; Reflexions sur l’usage de l’éloquence de ce temps (Paris 1671, 12°) ; Reflexions sur la poetique d’Aristote et sur les ouvrages des poètes anciens et modernes (Paris 1674, 12°), seconde édition avec nouveau titre : Reflexions sur la poetique de ce temps (Paris 1675, 12°) ; Reflexions sur la philosophie ancienne et moderne, et sur l’usage qu’on en doit faire pour la religion (Paris 1676, 12°) ; L’Esprit du christianisme (Paris 1672, 12°) ; La Perfection du christianisme, tirée de la morale de Jésus-Christ (Paris 1673, 12°) ; L’Importance du salut (Paris 1676, 12°).
[62] Dominique Bouhours, S.J., Les Entretiens d’Ariste et d’Eugene (Paris 1674, 4°) ; Doutes sur la langue françoise proposés à Messieurs de l’Académie françoise (Paris 1674, 12°) ; Remarques nouvelles sur la langue françoise (Paris 1674, 4° et 12°) ; Suite des remarques nouvelles sur la langue françoise (Paris 1687. 12°) ; La Verité de la religion chretienne. De l’italien de M. le marquis de Pianezze (Paris 1672, 12°) ; Lettre à un Seigneur de la Cour sur la Requete presentée au Roi par les ecclesiastiques qui ont été à Port-Royal (Paris 1668, 4°) ; Lettre à Mrs de Port-Royal contre celle qu’ils ont ecritte à M. l’archeveque d’Ambrun pour justifier la Lettre sur la constance et le courage qu’on doit avoir pour la verité (Paris 1668, 4°) ; Panegyrique de la Bienheureuse Rose par le R.P.J. Paul Oliva, et traduit de l’italien par un Pere de la meme compagnie (Paris 1669, 4°) ; La Relation de la sortie d’Espagne du P. Everard Nitard, Jesuite Confesseur de la Reine et Inquisiteur general. Sur un imprimé espagnol envoié de Madrid (Paris 1669, 4°) ; Histoire de Pierre d’Aubusson Grand Maitre de Rhodes (Paris 1676, 4°) ; Sentimens chretiens pour entretenir la devotion durant la journée (Paris 1673, 12°).
[63] « Rivals le neveu » est Elie Rivals, pasteur de Puylaurens, neveu de Laurent Rivals, « l’écclésiaste » de Saverdun ; sa lettre à Pierre Bayle est perdue, ainsi que la réponse.
[64] Bayle avait posé cette question Lettre 160, p..
[65] Les Histoires mémorables et tragiques de ce temps […] de François de Rosset (1570 ?-1619), avocat au Parlement de Paris, parues pour la première fois à Cambrai en 1614 (aucun exemplaire localisé), avaient connu aussitôt une deuxième édition augmentée de quatre histoires (s.l. 1615, 12°) et une troisième, la dernière du vivant de Rosset, augmentée encore de quatre histoires (Paris 1619, 8°). L’année suivante parut une « seconde partie » (Paris 1620, 12°), comportant sept histoires inédites, dont une n’est pas de Rosset, mais de Des Escuteaux. Treize nouvelles éditions parurent entre 1620 et 1679, s’enrichissant d’histoires supplémentaires dues à divers auteurs. L’édition de 1665 (Rouen, 8°) est la première que nous ayons pu localiser contenant le « Récit très véritable de tout ce qui s’est passé depuis que le Sieur de Saint Preuil fut arrêté jusque à sa mort », qui est « l’histoire » à laquelle Bayle fait allusion. Voir l’Introduction d’A. de Vaucher Gravili à son édition récente (Paris 1994), qui, étant basée sur l’édition de 1619, ne comporte cependant pas cette histoire.
[66] Antoine Crégut (?-1681 ?) était sur le point de devenir professeur à Heidelberg. Il venait de faire paraître Apologia necessaria non minus quam æquissima A. Cregutii contra accusationem improvisam, inexpectam et iniquam Fr. Spannheimii (Amstelodami 1678, 8°), expression d’une entremangerie professorale typique, qui avait débuté par une querelle entre Crégut et son collègue à Die, Alexandre d’Yze (ou d’Ise).
[67] Piscator est le nom latin de Johannes Fischer (1546-1625), théologien calviniste né à Strasbourg mais qui dut quitter la ville sous la pression luthérienne et qui joua un rôle décisif dans l’organisation de l’université de Herborn. Il traduisit la Bible et composa des commentaires bibliques. Sa théorie de l’ obedientia activa du Christ fut condamnée au synode national de Gap en 1603 et derechef à celui de La Rochelle en 1607, car on jugea qu’elle diminuait la valeur du sacrifice expiatoire de Jésus. Cependant, des théologiens de poids comme Cameron, Blondel, Cappel et d’autres estimaient un peu plus tard la théorie de Piscator acceptable. Sur les « innovations » d’ Amyraut, voir Lettre 11, n.9 et 14, et sur celles de Pajon, Lettre 143, n.4, et Lettre 147, n.3.
[68] Adrien Chamier, Chamierus contractus, sive Panstratiæ catholicæ […] epitome […], éd. Daniel Chamier (Genevæ 1642, folio) ; Antoine Crégut,
[69] Voir ci-dessus n.27. Il s’agit de Philippe Le Féron, chanoine de Saintes et ensuite vicaire de Reims.
[70] Bayle suit les rapports de la Gazette, n°124, nouvelle de Nimègue du 17 décembre 1678, et n°126, nouvelles de Paris du 31 décembre et de Saint-Germain-en-Laye du 23 décembre 1678.
[71] Lucas Jansse (1624 ?-1686), La Modestie chrétienne. Traitté où l’on travaille à réveiller les Chrêtiens, endormis dans les vanitez du monde. Et à les picquer d’honneur, pour rétablir dans l’Eglise la Modestie qui est la marque des vrais Chrêtiens (Quevilly 1678, 12°). L’ouvrage est dédié (en date du 10 novembre 1678) à Mr de Colleville, conseiller du roi, et s’achève par une longue prière.
[72] Voir Lettre 159, n.42, et Lettre de M. Huet à M. de Segrais, de l’origine des romans. Seconde edition (Paris 1678, 12°).
[73] Jean de Préchac (1647-1720), L’Héroïne mousquetaire, histoire véritable de la vie de Cristine, comtesse de Meyrac (Amsterdam 1677-78, 12°, 4 vol.) ; L’Ambitieuse Grenadine, histoire galante (Paris 1678, 12°) – cet ouvrage est annoncé dans le Mercure galant, novembre 1678, in fine : « Livres nouveaux du mois de novembre » ; Le Voyage de Fontainebleau (Paris 1678, 12°). Au moment où Bayle écrivait, Préchac avait publié une demi-douzaine d’œuvres romanesques. Il allait en publier presque une trentaine d’autres.
[74] Bayle apprécie les romans suivants : Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves (voir Lettre 151, n.17) ; Edme Boursault, Le Prince de Condé (Paris 1675, 12°) ; Saint-Réal, Dom Carlos (voir Lettre 37, n.30) ; Michel Archard Rousseau, sieur de La Valette, Le Comte Ulfeld, grand-maistre de Danemark, nouvelle historique (Paris 1677, 12°, 2 vol.) ; et les Mémoires de Hollande anonymes (voir Lettre 162, n.5).
[75] Courtilz de Sandras (1644-1712), Relation de ce qui s’est passé en Catalogne : voir Lettre 151, n.16. Bayle y relève le passage, i.140, sur M. de Verdelin, « officier d’un mérite et d’une bravoure extraordinaire », qui mourut après une escarmouche à Castillon, près Figuières, au cours des préparatifs du siège de Bellegarde. Verdelin, à Saint-Girons dans le Couserans, est assez proche du Carla, d’où l’intérêt de Bayle.
[76] Sur les malheurs des Dragons, constitués par les régiments de Fimarcon et de Tessé sous la commandement du chevalier d’Aubeterre, voir la Relation de Courtilz de Sandras, ii.68-79.