Lettre 207 : Pierre Bayle à Louis Tronchin

A Rotterdam ce 9 de juillet 1682

La bonté que vous avez euë toujours pour moi ne me permet pas de croire que je vous sois devenu indifferent, c’est pourquoi je me serois donné l’honneur de vous apprendre mes avantures depuis l’extinction de l’academie de Sedan où je professois la philosophie, si je n’eusse attendu que mon frere le proposant* qui se disposoit au voyage de Geneve de jour en jour, • y fust arrivé. C’etoit afin de vous le recommander en meme tems, et de ne vous point fatiguer de deux lettres. Ainsi Monsieur, dans un seul billet que je me donne l’honneur de vous ecrire, je vous asseure de la continuation de mes tres humbles respects dans le nouveau poste que la providence de Dieu m’a fait trouver en cette / ville, et je vous supplie tres humblement d’avoir pour recommandé le frere que j’ay à Geneve [1]. Ce nouveau poste est une double charge de professeur en philosophie et en histoire dans une Ecole illustre que le magistrat de Roterdam a erigée depuis 7 ou 8 mois ; double charge à juste titre, car il n’y a rien de plus opposé que les diverses etudes qu’il me faut faire pour rendre alternativement des lecons en philosophie et en literature* ; mais, quoi, il faut prendre en ce monde ce que l’on trouve. A l’egard de mon frere je vous puis dire Monsieur, qu’il y a long tems qu’il soupire apres vos savantes leçons, desquel[les] moi et une infinité d’autres personnes lui ont [don]né une haute idée. J’espere que vous aurez la bonté de le favoriser dans les occasions, de l’honnorer de vos sages conseils, de vos avis, de vos censures*, et de tout ce en quoi vous jugerez qu’il aura besoin de vos lumieres. Je le recommande par votre intervention à monsieur le syndic de Normandie [2], à qui je souhaitte qu’il aille faire la reverence, et renouveller la memoire du frere qui a eu l’honneur de loger ches lui, et qui a pour lui et pour tous les siens un zele et un attachement incomparable. Ayez la bonté / s’il vous plait aussi Monsieur, de le recommander à monsieur le professeur Choüet [3] de votre part, qui lui sera justement de plus grand poids que la mienne, et je ne laisserai pas de lui etre tres redevable de tout ce qu’il aura la bonté de vous accorder. Je prie Dieu pour votre prosperité, et que vous puissiez longuement employer à l’utilité publique les rares et excellens dons qu’il vous a si liberalement departis. Je suis

Monsieur

votre tres humble et tres obeissant serviteur

Bayle

A Monsieur/ Monsieur Tronchin f[idele] m[inistre] d[u] s[aint] E[vangile]/ et professeur en theologie/ A Geneve

Notes :

[1Joseph Bayle : on a ici la lettre d’introduction que Bayle lui avait écrite pour Louis Tronchin : voir Lettre 206, n.4.

[2Michel de Normandie qui avait autrefois employé Bayle comme précepteur de ses enfants : voir Lettre 11, n.4.

[3Sur Jean-Robert Chouet, voir Lettre 5, n.11.

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