Lettre 333 : Pierre Bayle à Jean-Paul de La Roque

A Rotterdam le 14 de septembre 1684

Monsieur

Je m’estime le plus heureux du monde de ce que la liberté que j’ai prise de vous faire donner les Nouvelles du mois de mars par votre libraire, et la justice que j’ai renduë à vos journaux [1] ne vous ont pas eté desagreables. J’aurois continué Monsieur, à vous envoier la suite de mes Nouvelles, si je n’eusse attendu de jour à autre qu’une personne qui devoit s’informer de vous si vous l’agréeriez, m’esclaircist de cela. Mais je n’ai plus besoin à present d’attendre qu’on m’en eclaircisse, vous l’avez fait vous meme Monsieur de la maniere la plus obligeante, puis qu’outre la belle lettre dont vous m’avez honoré, vous l’avez accompagnée / de vos trois derniers journaux [2] avec l’offre de me faire tenir la suitte. Je suis confus Monsieur d’une si grande honneteté* dont [je] me reconnois si peu digne, et je n’aurois jamais osé espérer qu’un jour je lirois ce bel ouvrage ex dono autoris [3]. J’ai bien toujours esperé qu’en quelque lieu que j’allasse, je continuerois de profiter d’une si agreable lecture, comme j’ai toujours fait depuis que vous donnez au public cette production ; on la trouve par tous les pays où les lettres sont cultivées, et si elle n’y etoit pas, la passion que j’ai de la voir seroit capable de la faire venir partout où je me trouverois. J’etois donc assuré de ce coté là, mais voici un bonheur que je n’avois garde de me promettre, c’est Monsieur que vous me procurent [ sic] vous meme vos journaux. Jamais je n’ai eu tant de besoin de les etudier qu’à present, afin de tacher sur un si parfait /

modele d’acquerir l’art de breveté. J’admire comment vous pouvez en si peu de paroles toucher tout ce qui est essentiel à un ouvrage au lieu qu’il me faut de grands discours. Je tacherai Monsieur de devenir votre disciple en imitant le mieux qu’il sera en mon pouvoir votre grand art, et puis que vous me faites l’honneur de ne pas refuser les lettres que je prendrai la liberté de vous ecrire, ni les Nouvelles que je publierai, je joins à cette lettre tout ce qui en a paru depuis celles que vous avez receües par votre libraire. Le paquet partira pour Roüen par le premier bon vent d’où je donnerai bon ordre qu’il vous soit rendu promptement, mais ce ne sera jamais assez tot pour l’impatience où je suis que vous sachiez avec quelle reconnoissance, et quel respect j’honore votre merite.

Je suis Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur
Bayle

Notes :

[1Bayle répond ici à la lettre de l’ abbé de La Roque, à qui il avait envoyé un exemplaire des NRL du mois de mars 1684 : voir Lettre 325, n.1.

[2La Roque avait répondu à Bayle en lui envoyant des exemplaires du JS : voir Lettre 325.

[3« don de l’auteur ».

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