Lettre 361 : Jacques Du Rondel à Charles Drelincourt

• [Maestrich, octobre-décembre 1684] [1]

Hier au soir j’ay receû vos Œufs [2]. J’ay employé une partie de la nuit à les lire, et je viens d’achever. Ne me demandez point, comment je les trouve. Ils sont, comme vos autres ouvrages, tous beaux et bons, avecque cette difference pourtant, que ce dernier sera toujours tout frais, et aura toujours les graces de la nouveauté. Selon moy, le style en est plus ferme, les liaisons plus naturelles, et les pensées plus jolies, que tous ceux dont vous avez jusqu’icy régalé le public. Mais vous mocquez vous de moy de m’en envoyer un exemplaire. Avez vous oublié que je fais part de ce que vous m’envoyez. Ne savez vous pas qu’à Metz, à Sedan, à Chalons, j’envoye toujours ce que vous faites ? Hardiment donc, mon cher Monsieur, envoyez moy au plustost une demy douzaine de vos œufs, avec un petit livre des Dialogues de Platon  [3], qui est à main droite vers la fenetre de vostre cabinet, de l’edition d’Angleterre. /

Joignez y, s’il vous plait, quelques autres petits livres d’humanités, comme Critica sacra [4], Diogéne Laerce [5] de Ménage [6], Saumaise sur Solin [7], Platon de Serranus [8], Hippocrate de Foesius [9], Galien de Chartier [10], Eussathius sur Homere [11], et cent autres petits livres de poche, que vous connoissez mieux que moy m’estre agréables, et qui sont tous de la Bibliotheque volante de vos duodecimo ! Mais n’oubliez pas de mettre sur le pacquet que ce sont des boeck hollandais [12] ; car autrement j’en auray pour un régiment d’ escalins*, comme il m’en cousta hier, pour vos œufs. A qui adresseray je tous ces bustes de l’antiquité, me direz vous ? Ma foy, mon cher Monsieur, je n’en scay rien, si ce n’est à M lle Breugel au bureau des Postwaguen à Bolduc [13]. C’est une des plus jolies femmes du monde, et que j’ayme comme si je l’avois veuë. On m’en a dit mille biens et il faut qu’il soit vray ce qu’on m’en dit, puis qu’elle agit le plus honnestement du monde avecque moy quoy qu’elle ne me connnoisse point du tout. Je vous supplie tres humblement d’envoyer un de vos Œufs à / Mr Bayle professeur à Roterdam[.]

Notes :

[1Le destinataire est identifié et la date approximativement déterminée par le fait que Du Rondel engage l’auteur du traité De feminarum ovis à en envoyer un exemplaire « à Mr Bayle » : ce livre est recensé dans les NRL de décembre 1684, art. XIII (parues le janvier 1684).

[2Charles Drelincourt (1633-1697), De feminarum ovis, tam intra testiculos et uterum, quam extra (Lugduni Batavorum 1684, 12°) : voir NRL, décembre 1684, art. XIII. L’auteur, fils de Charles Drelincourt (1595-1669), naquit le 1 er février 1633 à Charenton ; il fit ses études à Saumur, où il devint maître ès arts et docteur en philosophie. Reçu docteur en médecine en 1654, il devint, en 1655, le médecin particulier de Turenne et, en 1659, fut nommé médecin ordinaire du roi. En 1668, il partit pour Leyde, où il devint professeur de médecine à l’université. Médecin réputé, anatomiste de renom, il mourut le 31 mai 1697. Bayle le mentionne dans l’article du DHC consacré à son père : « Drelincourt, Charles », rem. C.

[9Voir C. Galeni in aphorismos Hippocratis commentaria : ex interpretatione A. Foesii, et G. Plantii, cum annotationibus ejusdem. Editio novissima, ... repurgata ab A. Tollius (Lugduni Batavorum, 1633, 12°) ; Liber de aeribus, aquis et locis, traduction de J. Cornarius, annotations d’ A. Foësius (Lugduni Batavorum 1658, 12°) ; Coacæ prænotiones, traduction d’ A. Foësius, annotations de J. Jonston (Amstelædami 1660, 12°).

[10Voir René Chartier (éd.), Hippocratis Coi, et Claudii Galeni Pergameni archiatr[o]n opera (Lutetiae Parisiorum, 1639-1689, folio, 13 vol.).

[12« des livres hollandais ».

[13M lle Breugel au bureau des Postes à Bois-le-Duc : nous ne savons rien d’autre d’elle.

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