Lettre 432 : Dethlev Cluver à Pierre Bayle

• Londres le 8/18 [juin] 1685

Monsieur,

Vostre dessein de publier les Nouvelles de la republique des lettres est si bien approuvé de tout le monde, que les plus rigoureux [ne] trouvent rien à redire en ce Mercure, si non qu’il manque aux ailes, c’est à dire que les libraires luy rognent les plumes et le font marcher trop tard, enfin pour faire parade dans ce païs un peu eloigné. Je laisse à vostre soin, Monsieur, de le precipiter d’avantage, je diray seulement, que j’aye l’intention de vous envoyer quelque chose bien extraordinaire touchant les sciences mathematiques, dont je vous prie de faire une petite relation dans vostre journal [1][,] mais comme j’en doute, que ce mois de juillet ne soit deja trop avancé ou plustost achevé selon vostre anticipation du temps : vous aurez la bonté de me faire sçavoir si le moi[s d’aout] est assez capable de le charger de quelques lignes. La difficulté que j’[ai] de vous envoyer plusieurs nouveautés est, qu’on [ne] paye ici point la poste pour les lettres qui vont en Hollande, mais bien pour celles qui viennent. Et moy, je ne peu[x] pas trouver icy aucun marchand de votre conai[ssance] ou qui aye un semblable commerce pour Rotterdam, pour v[ous faire] tenir le tout affranchi, vous m’obligerez donc de me montrer le chemin qu’il faut tenir. Ce monsieur, qui vous rend celle cy, s’appelle Thomasius, fils d’un professeur à Leipzig [2], qui est bien renommé ayant ecrit beaucoup des livres.

En atendant vostre repónce Monsieur je reste vostre tres humble serviteur.

 
Dethlev Cluvier

La maison où je demeure icy à Londres, est in Newstreet, near Shoelane overagainst Mr Knowles.

On nous a dit que Mr Levenhook a fait imprimer toutes ses observations faites par le microscope [3], je vous en prie de m’advertir, si cela est vray parceque nostre Societé r[oyale] icy a toujours pris le soin de les faire publier.

 

A Monsieur/ Monsieur Baile, professeur/ de la philosophie morale/ à/ Rotterdam •

Notes :

[1Dethlev Cluver, qui signe parfois « Dethlef » et « Cluvier », mathématicien et neveu de Philippe Cluver, né à Sleswig vers 1645, mort à Hambourg 1708, fit ses études à Iéna (1663-1666). Après avoir voyagé pendant plusieurs années, il vécut à Rome (1674), à Venise, à Londres (1676-1688), où il enseigna les mathématiques, enfin à Hambourg. Il fut reçu membre de la Société royale de Londres en 1678, mais ses travaux souffrirent de son attachement aux pratiques astrologiques. Parmi ses nombreuses publications, on peut mentionner des Tabulæ astronomicæ (Londres 1683) ; un Mémoire sur les intervalles des sons (1707) ; Philosophica mathematica (Hambourg 1718). Bayle ne reçut jamais, semble-t-il, l’ouvrage de Cluver : ce n’est qu’en décembre 1685 qu’il mentionne ses travaux sur la nouvelle « science de l’infini » ( NRL, décembre 1685, art. VI, in corp.) ; de nouveau, l’année suivante, il cite le traité De scientia infiniti de Cluver, mais c’est d’après les Acta eruditorum (juillet 1686).

[2Ce fils de Jacob Thomasius (1622-1684), dont Bayle connaît la Dissertatio philosophica de Plagio litterario (Ienæ 1679, 8°), est vraisemblablement Christian Thomasius (1655-1728), qui éditera des dissertations posthumes de son père en 1693 ; sur lui, voir F. Tomasoni, Christian Thomasius. Spirito e identità culturale alle soglie dell’Illuminismo europeo (Brescia 2005).

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