Lettre 58 : Pierre Bayle à Jacob Bayle
J’ecrivis il y a 2 ou 3 jours un petit billet à mon pere [1]. Mais douttant qu’il face bon voyage, j’en depeche un second. Le fait est que je m’en vai incessamment en Normandie [2] sous la favorable assistance du Ciel, et j’ay bien voulu vous en avertir, de peur que si le desir de m’ecrire vous fut enfin venu, vous n’adressassiez mal mes lettres. Je vous pourrai souvent donner de mes nouvelles, si la necessité ne me force pas d’errer vagabond ; donnés m’en des votres
De Lyon, ce 4 juin 1674
Notes :
[1] Cette lettre ne nous est pas parvenue.
[2] Bayle quitta Coppet le 29 mai 1674 et il arriva à Rouen le 15 juin suivant. Il passa assurément par Paris.
[3] « dans la mesure où cela [vous] semblera opportun ».
[4] Bayle jugeait nécessaire une telle précaution, puisque, comme relaps, il était en principe sous le coup de poursuites judiciaires. Il ne fallait donc pas qu’un renseignement le concernant, tombant dans des oreilles hostiles par suite de bavardages inconsidérés, pût être répercuté auprès des autorités de la province où il allait résider.
[5] Sur le portrait de Bayle que lui a demandé sa mère, Jeanne de Bruguière, voir Lettre 35, n.2, et Lettre 41, p.238-39.
[6] Jean Graverol (1647-1718) était récemment devenu pasteur à Lyon. Il s’agissait d’un homme cultivé qui, cette même année, publia sous le pseudonyme – une anagramme – de Johannes Rolegravius, Tractatus de religionum conciliatoribus (Lauzannæ 1674, 12 o), dans lequel il réfutait la Réunion du christianisme (Saumur [1670], 12 o) de son collègue Isaac d’Huisseau, déposé à la suite du tollé général soulevé par son ouvrage.
[7] Dôle tomba aux mains des Français le 6 juin 1674 : voir Gazette, extraordinaire n o 67 du 13 juin 1674. Le roi revint alors à Paris, où il fêta cette victoire, mais il n’en repartit pas comme le prévoyait Bayle, car il passa le reste de la campagne à Versailles. Ce n’est que le 11 mai 1675 qu’il partit pour la Flandre : voir Gazette, n o 49, nouvelle de Saint-Germain-en-Laye du 17 mai 1675, et n o 53, nouvelle du camp de Gevry du 22 mai 1675.