Lettre 706 : Pierre Bayle à Gilles Ménage

[Rotterdam, le 10 décembre 1687]

Monsieur Ma longue maladie a esté cause que je n’ai pas eu l’honneur de vous remercier du present que vous m’avez fait de la derniere edition de vos excellentes poesies [1]. J’avois deja dressé dans ma tete l’article que j’en voulois mettre dans les Nouvelles de fevrier, j’avois de quoi satisfaire la passion que j’avois depuis long tems de vous marquer l’estime et la veneration que je sens pour vous[,] l’homme de toute l’Europe qui s’est fait le plus admirer dans les pays etrangers. Mais ma santé ne me permit pas d’executer ce que j’avois projeté. Ce fut pour moi une circonstance tres facheuse. Agréez Monsieur qu’aujourd’hui je m’acquitte pour le moins du remerciement tres humble que je vous dois. La personne qui vous rendra cette lettre est fils et neveu / de deux de nos magistrats, et s’apelle Monsieur Vrouze [2]. Il a beaucoup d’erudition pour son age ; il aime les belles lettres, et il a fait de grands progrez dans la philosophie et dans la jurisprudence. En un mot Monsieur il merite le bonheur qu’il souhaitte de n’aller pas à Paris sans etre con[n]u de l’illustre Monsieur Menage. Je prens la liberté de vous suplier tres humblement d’agréer que pendant son séjour de Paris il vous aille rendre ses hommages de tems en tems, et assister aux conferences qui se tiennent chez vous tous les mercredis. Il est fort aimé de Mr Graevius [3] qui le recommande entre autres savans à votre excellent ami Mr Bigot à qui j’ai l’obligation insigne d’etre con[n]u de vous Monsieur [4]. Je vous souhaitte une longue vie pour le bien et l’ornement de la Republique des Lettres et suis avec un tres profond respect Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur Bayle

A Rotterdam le 10 e dec[embre] 1687 /

 Je ne vous saurois exprimer ma joye Monsieur de ce que j’aprens souvent de vos nouvelles par mon bon ami Monsieur Basnage. A Monsieur / l’abbé Menage / au Cloitre de Notre Dame / A Paris

Notes :

[1Jean Le Clerc avait donné dans la BUH, mars 1687, art. XVI, le compte rendu de la deuxième édition des Poemata de Ménage, qui venait de paraître chez Henrik Wetstein (Amsterdam 1687, 12°).

[2Sur la famille patricienne de Rotterdam,Vroesen, voir Lettre 428, n.5. Puisque Jan Vroesen, qui est vraisemblablement l’auteur du Traité des trois imposteurs, n’avait à cette date que quinze ans, il s’agit ici sans doute de son frère aîné ou de son cousin, tous deux prénommés Adriaen, – très probablement le même dont Bayle signale qu’il a été étudiant à Utrecht et son élève privé en philosophie pendant trois ans. Bayle souhaite qu’il puisse pénétrer dans les « mercuriales » de Ménage comme il avait pu lui-même le faire lors de ses séjours parisiens : voir Lettres 93, n.33, et 193, n.4.

[3Graevius étant professeur à Utrecht, cette allusion semble confirmer notre supposition dans la note précédente.

[4Graevius a recommandé Vroesen auprès d’ Emeric Bigot, que Bayle avait fréquenté à Rouen, ce qui lui avait permis de pénétrer dans les « mercuriales » de Ménage lors de son séjour à Paris en 1675 : voir Lettres 69, n.2, 79, n.20 et 26, et 81, n.33.

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