Lettre 717 : Jacques Parrain, baron Des Coutures à Pierre Bayle
Notes :
[1] Cette lettre est postérieure à la lettre 667 puisque l’auteur fait allusion à une deuxième lettre contre les automates.
[2] Nous ne connaissons aucune lettre de Des Coutures à Bayle depuis celle du 1 er juin 1688 (Lettre 713) ; la réponse de Bayle à celle-ci est perdue. La lettre perdue de Des Coutures pourrait être celle qui accompagnait l’envoi de sa première « Lettre » sur les animaux-machines : voir Lettre 713, n.5, et ci-dessous, n.7. Il est possible aussi qu’il y ait ici un malentendu, puisque la présente lettre reprend des nouvelles déjà données dans celle du 1 er juin (Lettre 713) : il se peut que, dans l’incertitude à l’égard d’un Des Coutures très pointilleux, Bayle lui ait déclaré qu’il n’avait pas reçu sa dernière lettre, alors qu’il l’avait bien reçue. Des Coutures, ayant consulté Daniel Horthemels, leur intermédiaire, ne cache d’ailleurs pas qu’il croit que Bayle a bien reçu sa lettre. Un nouveau malentendu semblable surgira à propos de la lettre (perdue) de Des Coutures envoyée par l’intermédiaire du libraire Jean Ribou en réponse à la lettre (perdue) de Bayle du 20 septembre 1688 : voir Lettre 719, n.2.
[3] Sur Daniel Horthemels, imprimeur-libraire de Des Coutures, voir Lettres 260, n.11, 631, n.2, et 712, n.11.
[4] Sur l’opinion de « vostre ministre qu’il n’ÿ a qu’un diable », voir ci-dessous, n.10.
[5] Nous ne saurions identifier cette « bigotte » ni même préciser son rôle dans l’acheminement des lettres de Des Coutures de Paris à Rotterdam.
[6] Des Coutures se présente avec hauteur comme un philosophe épicurien qui prend ses distances à l’égard de l’aristotélisme, du cartésianisme et du malebranchisme – dans l’esprit de l’ Arrêt burlesque de Molière, Bernier et Boileau. Comme on le voit par une lettre ultérieure, il calque cette posture sur celle de Bayle lui-même : voir Lettre 719, n.9.
[7] Sur le projet de Des Coutures de s’opposer à la philosophie cartésienne sur la question des animaux-machines, voir Lettre 713, n.5. Il ne semble pas que ces lettres aient été publiées.
[8] Saisissant raccourci du « mécanisme cartésien » légué au XVIII e siècle : voir A. Vartanian, Diderot et Descartes, a study of scientific naturalism in the Enlightenment (Princeton 1953), et J. Roger, Les Sciences de la vie dans la pensée française du XVIII e siècle (Paris 1963, 1993).
[9] Des Coutures avait demandé à Bayle de lui donner le nom de deux de ses amis, à qui il promettait de dédier des lettres du recueil projeté : voir Lettre 713, p.458, et n.5.
[10] Des Coutures ne précise pas le titre de cet ouvrage où « votre ministre » exprime sa croyance en un « diable unique », opinion que Bayle aurait évoquée dans sa réponse à la Lettre 713. Il s’agit de Benjamin de Daillon, ancien ministre de La Rochefoucauld, ensuite pasteur à Londres et puis à Catterlough en Irlande, dans son Examen de l’oppression des réformez en France, où l’on justifie l’innocence de leur religion avec l’explication de la doctrine des démons, où l’on prouve qu’il n’y a qu’un Diable, dont on examine le pouvoir (Amsterdam 1687, 12°). Le second sermon dans cet ouvrage s’intitule, en effet : La Révolte de la foi, ou la doctrine des démons. Sermon sur I Timothée, 4, 1 : « Quelques-uns se révoltèrent de la foi, s’adonnant aux esprits abuseurs, et aux doctrines des démons », et il est suivi par des Réponces à diverses difficultez touchant l’explication du passage I Tim. 4, 1, où Daillon soutient que l’Ecriture ne parle jamais du diable que comme un être unique et que par conséquent « il n’y a qu’un seul diable ». Voir aussi Lettre 856, n.12.
[11] Denis d’Halicarnasse, historien et critique grec qui vécut longtemps à Rome à partir de l’an 30 av. J.-C., est connu surtout pour ses Antiquités romaines, dont les neuf premiers volumes et en grande partie les dixième et onzième ont survécu. La traduction de Des Coutures ne vit apparemment jamais le jour.
[12] Par sa Genèse, avec des réflexions (Paris 1687, 12°), Des Coutures avait lancé son projet de commenter l’Ecriture Sainte entière, mais les critiques des « jansénistes » – ou « amis de M. de Saci » – et des jésuites l’ont dissuadé de poursuivre ce projet : voir Lettre 713, p.456-457.
[13] Nous ne savons pas qui était le mécène de Des Coutures : s’agirait-il de l’abbé Cocquelin, son ami très cher ? ou bien d’un épicurien tel que François Bernier, très confortablement installé chez M me de La Sablière ?
[14] Des Coutures avait déjà exprimé l’envie de chercher fortune à l’étranger : voir Lettre 647.
[15] Cette jeune femme intrépide est sans doute M lle de Blessebois, à qui il est fait allusion quelques lignes plus loin.
[i] Qui siccis oculis monstra natantia / Qui vidit mare turgidum : voir Horace, Odes, I.iii.18 : « Qui les yeux secs a vu nager des monstres dans la mer houleuse ».
[16] Cette visite de Des Coutures à Spinoza n’a pas laissé de traces : elle a pu avoir lieu lorsque Des Coutures était soldat, à l’époque de la visite ratée de Condé, guidé par Stouppe, à Spinoza en juillet 1673 à Utrecht ou à La Haye ; on sait que, à La Haye, où il passa les dernières années de sa vie, Spinoza reçut la visite de différents « esprits forts », parmi lesquels Saint-Evremond : voir G. Cohen, « Le séjour de Saint-Evremond en Hollande et l’entrée de Spinoza dans le champ de la pensée française », RLC, 5 (1925), p.431-454, 6 (1926), p.28-78, 402-423, article publié à part (Paris 1926) ; M. Francès, Spinoza dans les pays néerlandais (Paris 1938) ; P. Vernière, Spinoza et la pensée française avant la Révolution (Paris 1954), p.15-23.
[17] La citation se poursuit : Merito ergo pietas vestra invitat nos ad talia, quæ nobis præcipiunt divina mandata. Voir Flavius Magnus Aurelius Cassiodorus (c. 490-583 ap. J.-C.), homme d’Etat et écrivain romain, auteur de douze livres de Variæ Epistlulæ, dont Des Coutures cite le livre X, lettre 26 (plutôt que 28), de Theodat (ou Theodahad), roi des Ostrogoths, à l’empereur Justinien : « Car, étant donné que la Déité souffre l’existence de nombreuses religions, nous n’oserions pas en imposer une à tous nos sujets. Nous nous souvenons avoir lu qu’il faut sacrifier volontairement au Seigneur et non à quelque pouvoir contraignant. Car qui aura tenté de faire autrement aura contrevenu aux commandements divins. Il est juste donc que votre piété nous invite à faire ce que nous prescrivent les mandements divins. »
[18] Des Coutures pense aux remarques hostiles aux réformés contenues dans ses ouvrages « dévots », c’est-à-dire ceux composés depuis sa rencontre avec l’abbé Cocquelin : voir aussi Lettre 692, n.3. En effet, son profil intellectuel semble avoir changé du tout au tout depuis 1686. Ayant publié, avant cette date, différents ouvrages favorables à l’épicurisme, il ne publiait plus que des ouvrages de piété : L’Esprit de l’Ecriture Sainte, avec des réflexions (Paris 1686, 12°, 2 vol.) ; La Genèse, avec des réflexions (Paris 1687, 1687, 12°, 4 vol.) ; La Morale universelle, contenant les éloges de la morale, de l’homme, de la femme et du mariage (Paris 1687, 12°) ; La Vie de la très-sainte Vierge, Mère de Dieu, tirée de l’Ecriture, de la tradition des conciles et des docteurs (Paris 1688, 12°).
[19] D’après la légende, c’est Romulus qui institua la distinction des classes sociales romaines. Voir Cornelius Nepos, De viris illustribus urbis romanæ, qui dit de Romulus : Plebem in triginta curias distribuit. On traduit bien par « curie » le latin curia.