Lettre 721 : David Constant de Rebecque à Pierre Bayle
[Lettre perdue]
Cette lettre ne nous est connue que par une allusion dans celle adressée le 10 février 1711 par Mathieu Marais à Pierre Des Maizeaux, dont nous donnons ci-dessous le texte complet.
Je vous envoye Monsieur les vers que vous m’avez demandé : ils sont abominablem[en]t meschans et c’est un chef d’œuvre de la plus noire satyre. Mr Saurin en a tres bien parlé dans son memoire [1] : ce que vous dites de son roman m’est bien confirmé par une lettre de Mr Constant dattée à Lausanne du 18 janvier 1689 adressée à Mr Bayle [2] où il luy marque, que Mr Saurin frere de ces M rs d’Utrech[t] a quitté sa cure de Berchich pour une affaire où la corde* luy etoit immenquable. J’ay vû l’original de cette lettre depuis peu de jours entre les mains de Mr de Bruguiere [3]. Mais il faut laisser tomber tout cela, car l’affaire est jugée et Rousseau se sentant coupable apparemment de la subornation a quitté Paris sans qu’on sache où il est allé : des gens disent qu’il est en Suisse auprez de Mr le comte Du Luc notre ambassadeur [4]. Il est là à la source des nouvelles de son ennemi. Cependant l’affaire se poursuit au Parlement, et Monsieur le procureur general a eté receu oposant à l’arrest que Rousseau avoit obtenu avec quelque facilité sur la decharge de l’accusation de Mr de La Faye [5] : ainsy le voilà bastonné, decreté, en fuite, convaincu de subornation, et c’est un grand exemple du malheur des hommes qui abusent de leurs talens, car il en a de grands, et ce mesme poete qui s’est apliqué à faire des impietez et des / infamies a mis dans les vers du monde les plus sublimes quelques Pseaumes de David [6]. Un peintre me disoit le dernier jour qu’il s’etoit joüé de son esprit comme les peintres de leur pinceau qui peignent aujourd’huy une vierge, et demain une Venus. La Moysade, dont il est parlé dans le memoire de Mr Saurin, a paru depuis peu et est sortie de quelque cabinet [7] ; c’est ce que l’on a dit cent fois contre la religion, et il y a beaucoup plus d’impieté que d’esprit : on pouroit mettre cela avec les Origines judaïcæ de Tolland [8] et ce seroit un digne accompagnement des passages de Tite Live et de celuy de Strabon. Les factums faicts dans cette affaire ne valent rien : celuy de Rousseau est pitoyable et la req[ue]te de Saurin ne regarde que l’examen des tesmoins. Cela ne vaut pas la peine d’etre envoyé.
Mr de Bruguieres ne scait point le nom du pere de Monsieur Bayle [9], et pour sa genealogie le pere de Mr de Bruguiere etoit frere de la mere de Mr Bayle : ainsy ils sont cousins. Il ne scait pas le nom du frere aisné [10]. Il est inutile de pousser la genealogie plus loin : les heros des lettres soutiennent noblesse par leur science, et le notre orne si fort ses ancestres, que son nom suffit pour les annoblir [11]. On travaillera ce
Murmure compressii cœlum sed ego magis acrem
Inritant animum [12]
La Reponse d’un nouveau converti [16] m’a fort etonné quand je l’ay eu lüe toute entiere. Et quoyque je ne croye pas le stile de notre ami imitable, j’ayme mieux pourtant penser qu’on l’a imité que de luy attribuer un ouvrage si contraire à toutes les bienseances qu’il devoit garder dans un païs, où il etoit honoré, et au respect mesme dû aux puissances qui regnoient alors. Cela est plein de feu : ce livret ne sera point oublié un jour par nos catholiques qui parleront de la revolution d’Angleterre, et je donne à l’autheur toutes les louanges qu’il merite / pourvû que ce ne soit pas notre ami.
Vous me demandez Monsieur les lettrees [ sic] qu’il m’a escrites. La pluspart sont perdües [17]. J’en ay trouvé quelques unes que je fais copier mais comme il etoit grand nouvelliste, il vouloit toujours me parler de guerre à moy qui ne m’en mesle point et il faut que j’ôte tous ces endroits là où il ne cherchoit qu’à elever ses generaux et à baisser les notres [18].
L’impression des ouvrages de Mr Despreaux a été arrestée [19] : il n’y faut plus compter, et ce ne sera qu’aprez sa mort que nous pourons voir toutes ces nouveautez qu’il nous destinoit. La piece De l’Equivoque, qui interesse bien des gens a eté cause de cette supression, • s’il avoit voulu donner le reste nous en aurions joüy : mais il s’est fasché et ne veut plus rien donner du tout. Ainsy il faut que vos traducteurs s’en tiennent à ce qu’ils ont.
J’ai donné aux libraires la Vie de St Evremont [20] avec les corrections. Cela leur a fait plaisir. On la va imprimer incessamment, tout le reste est fait. L’addition de M lle Queroüalle ne poura etre toute entiere parce que Mad e de Portsmouth est en France, et peutetre ne voudra-t-on pas la choquer si ouvertement [21].
Je prens la liberté de vous adresser une lettre pour Monsieur de Vandome [22] que je vous prie de luy rendre en main propre.
J’ay l’honneur d’etre avec une consideration infinie Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur
Vers qui ont fait la matiere du procez [23]
Quelle fureur saisit mes sens ?
Quel feu dans mes veines s’allume ?
Démon des couplets je te sens,
Le fiel va couler de ma plume.
Livrons-nous à l’esprit pervers :
Quelle foule d’objets divers
Vient se presenter à ma veüe !
Quelle matiere pour mes vers !
De nouveaux faits quelle reveüe !
Je vois La Faye le cadet [24]
Qui se croit monté sur Pegase.
Mais son cheval n’est qu’un baudet
Et son frere n’est qu’un viédaze.
Beaux compliens, discours polis...
Courage Muse tu mollis.
Laisse leur fausse politesse
De leurs cœurs montre les replis
Et les noirs tours de leur souplesse.
Dis que le jeune adroit escroc
Qui f... Madame de Verüe
A les mains plus faites en croc
Que ceux qui volent dans la rüe,
Et que ne dis-tu de l’aisné*
Qu’à son visage boutonné
On reconnaist le mal immonde,
Mal qu’à se femme il a donné
Et qu’elle rend à tout le monde.
A son retour de Dauphiné
Nouvelle province de Suede
Où dans un reduit confiné
Il éprouve le grand remede[.]
Il parut plus doux, plus humain
Canne de Grenoble à la main
Pour faire croire le voyage
Canne à Saurin le lendemain
Qui ne le crut pas davantage.
A ce nom qui vient me fraper
Ma fureur s’irrite et redouble
Pourquoy se laisse-t’on duper
Par ce cœur faux, cette ame double ;
Son zele contre les frondeurs,
Contre nos mœurs ses airs grondeurs,
Dont il veut se faire un merite
Cachent les noires profondeurs
Du plus scélerat hipocrite.
Je le voy ce perfide cœur
Qu’aucune religion ne touche
Rire au-dedans d’un ris moqueur
Du Dieu qu’il confesse de bouche :
C’est sous luy que s’est egaré
L’impie au visage effaré
Condamné par nous à la roüe
Boindin l’athée declaré [25]
Que l’hipocrite desavoüe.
Par l’un et l’autre est debauché
Le jeune abbé de Bragelogne [26]
Petit philosophe ebauché
Au nez fait en bec de cigogne[.]
Quand je dis qu’il est débauché
J’entens aussy le gros peché
Le vray peché philosophique
Aux jesuites tant reproché
Dont Houdart fait leçon publique.
Quel Houdart ? Le poete Houdart [27]
Ce moine vomi de la Trappe
Qui sera bruslé tost ou tard
Malgré le succez qui nous frappe.
•
Quel exemple plus odieux
Des coups de l’aveugle fortune
La Motte a le front dans les cieux
Danchet [28] rampe avec Rochebrune [29].
Je te vois innocent Danchet
Ecouter ces vers que je chante
Te voila pris au trebuchet
Grands yeux ouverts, bouche beante.
J’en mettrois bien mieux mon bonnet
Si je voyois le caffé [30] net
De ce niais plus niais que Jocrisse [31]
Et du fade Rochebrunet
Plus doux que le plus doux reglisse.
Oh mon cher ami Maumenet [32]
Digne d’ailleurs de mon estime
Si je reviens au cabinet
J’y suis entrainé par la rime.
Qu’il est sale ton cabinet !
Que tu peses, cher Maumenet,
Ta seule presence m’assomme
Quand tes vers plairont, Perrinet [33]
Quittera Geneve pour Rome.
Qu’entens-je ? C’est le Roytelet [34]
Qui fait plus de bruit qu’une pie
Mais plus il force son sifflet
Plus il semble avoir la pepie.
Eviteras-tu le couplet
Petit juge du Chatelet
Et fils d’un procureur avide
Qui te laisse un peu rondelet
Mais bourse pleine et teste vuide.
Où va cet Icare nouveau
Et jusqu’où sa raison s’égare ?
Il prendroit transport au cerveau
Pour le fou du divin Pindare.
Qu’incessamment il soit baigné
Qu’apres le bain il soit saigné
Mais saigné jusqu’à defaillance
Des humeurs, s’il est bien soigné,
On retablira l’alliance.
Quel brillant habit, Crebillon [35],
F...teur gagé d’Hogger le Suisse.
Sans tous ses presens un haillon
Couvriroit à peine ta cuisse :
Mais de vices quel bordereau !
B...gre. B...che. M...reau
Il faut qu’enfin l’orage créve
Dans le funeste tombereau
Je le vois trainer à la gréve.
Ainsi finit l’autheur secret.
Ennemis irreconciliables !
Puissiez-vous crever de regret
Puissiez-vous etre à tous les diables !
Puisse le Demon Couplet-gor [36]
S’il se peut embraser encor
Le noir feu qui bout dans mes veines
Pour moy plus precieux que l’or
De pouvoir augmenter vos peines.
Au revoir.
Notes :
[1] Voir les vers ci-dessous. Il s’agit de vers satiriques attribués à Jean-Baptiste Rousseau. Sur sa querelle avec Joseph Saurin, voir ci-dessous, n.4, et P. Bonnefon, Correspondance de J.-B. Rousseau et de Brossette (Paris 1910), I, p.xii.
[2] Seule allusion à cette lettre perdue de Bayle à David Constant.
[3] Charles Bruguière de Naudis, fils de Jean, le cousin de Bayle. E. Labrousse mentionne des raisons qui font croire que Jean Bruguière de Naudis, père de Charles et héritier de Bayle, mourut peu de temps après celui-ci. C’est donc Charles qui reçut les papiers du philosophe, qui furent envoyés de Rotterdam par Jacques Basnage, l’exécuteur testamentaire. A la différence de son père, Charles était catholique sincère et entretenait de bonnnes relations avec les jésuites. Il entra en contact avec Des Maizeaux, à qui il confia différents documents, et négocia par la suite avec Dupuy La Chapelle la vente de l’ensemble des lettres de Bayle. Voir le détail de ces négociations et des projets d’édition auxquelles elles conduisirent : E. Labrousse, Inventaire critique de la correspondance de Pierre Bayle (Paris 1961), p.23-25, et, sur l’identité de Dupuy La Chapelle, Lettre 1781, n.4.
[4] Jean-Baptiste Rousseau (1670-1741) fréquentait la société du Temple en compagnie du marquis de La Fare et de l’abbé de Chaulieu ; il eut quelque succès comme poète et fut protégé par Boileau, par le baron de Breteuil, père de M me Du Châtelet, et par Camille d’Hostun, duc de Tallard. Celui-ci l’emmena avec lui à Londres lors de son ambassade en 1697 et Rousseau y fit la connaissance de Saint-Evremond ; en 1701, il fut élu membre de l’Académie des inscriptions et des lettres. Dépité par l’échec de sa pièce de théâtre intitulée Le Flatteur, Rousseau s’en prit à certains habitués du café de la veuve Laurent, rue Dauphine, près du Théâtre français, qu’il soupçonnait d’avoir monté une cabale contre sa pièce : Houdar de La Motte, Danchet, Saurin, Crébillon et Boindin firent l’objet de vers satiriques. En 1710, il se présenta à l’Académie française contre Houdar de La Motte et fut battu : de nouveaux vers furent envoyés, remplis d’injures et de blasphèmes. Accusé d’en être l’auteur, Rousseau les attribua à Saurin, mais celui-ci put montrer que les témoins cités contre lui avaient été subornés. Saurin fut relaxé par un arrêt du Parlement du 27 mars 1711 qui condamna Rousseau à 4 000 livres de dommages et intérêts ; un nouvel arrêt du 7 avril 1712 condamna Rousseau au banissement à perpétuité « comme atteint et convaincu d’avoir composé et distribué les vers impurs, satiriques et diffamatoires ». Devançant l’arrêt, Rousseau se réfugia en Suisse auprès de l’ambassadeur résidant à Soleure, Charles-François de Vintimille, comte du Luc (1653-1740) ; il accompagna celui-ci au congrès de Bade, où il fut présenté au prince Eugène, et passa trois ans à Vienne ; il s’installa ensuite chez le duc d’Aremberg à Bruxelles, où Voltaire lui rendit visite en 1722. A cette occasion, Voltaire aurait récité son Epître à Uranie devant le poète exilé, comparant son poème à La Moysade qu’il attribuait à Rousseau : la brouille entre les deux poètes fut définitive. Sur l’affaire des couplets, voir H.A. Grubbs, Jean-Baptiste Rousseau. His life and works (Princeton 1941) ; A. McKenna, « La diffusion clandestine des œuvres de Voltaire : un exemple », in Voltaire et ses combats, dir. U. Kölving et C. Mervaud (Oxford, 1997), p.455-466, et du même, « La Moïsade : un manuscrit clandestin voltairien », Revue Voltaire, 8 (2008), p.67-97 ; A. Mothu, « La Moysade ou L’Incrédule [de J.-B. Rousseau] », La Lettre clandestine, 10 (2001), p.199-224. Charles-François de Vintimille, comte du Luc, fut ambassadeur en Suisse entre 1708 et 1715 ; sur lui, voir Relation de l’affaire des gens du comte du Luc, à Soleure (février 1715), Archives du Ministère des Affaires étrangères, Mémoires et documents, Suisse, n° 13 ; H. Mercier, Une vie d’ambassadeur du Roi Soleil. Les missions de Ch.-F. de Vintimille, comte du Luc, auprès des Ligues suisses (1708-1715) et du Saint-Empire (1715-1717) (Paris 1939).
[5] Au cours de l’affaire des couplets, en 1710, lors de l’échec de Rousseau à l’Académie française, de nouveaux vers satiriques furent diffusés ; on accusa La Faye, capitaine aux gardes et poète, de les avoir composés ; il s’en prit à Rousseau et le corrigea publiquement au Palais Royal. Rousseau porta plainte contre La Faye pour violences, mais le lieutenant riposta par une plainte en diffamation ; Rousseau retira alors sa plainte et La Faye fit de même. C’est à la suite de ces accusations que Rousseau chargea Saurin. Voir H.A. Grubbs, Jean-Baptiste Rousseau.
[6] Sur les multiples éditions de la traduction des Psaumes par Jean-Baptiste Rousseau, voir P. Darin, Notice bibliographique sur les dix éditions des Œuvres diverses du sieur R[ousseau] publiées sous la rubrique Soleure, Ursus Heuberger, 1712, in-12° (Paris 1897), informations corrigées et complétées par J.-M. Noailly (en collaboration avec B. Chambers et J.-D. Candaux), Bibliographie des Psautiers imprimés en vers français (Genève à paraître 2011). Cette traduction a connu un succès extraordinaire : entre 1712 et 1900 en ont été publiées 250 éditions distinctes.
[7] Ce poème fut publié pour la première fois dans l’édition des Œuvres de Jean-Baptiste Rousseau (Rotterdam 1712, 12°) imprimée par Caspar Fritsch et Michael Böhm, les successeurs de Reinier Leers ; cette édition s’accompagnait de L’Anti-Rousseau de François Gacon, le « poète sans fard ». Voir A. Mothu, « La Moysade ou L’Incrédule ».
[8] John Toland, Adeisidæmon, sive Titus Livius a superstitione vindicatus [...] Annexæ sunt eiusdem Origines Judaicæ (Hagæ Comitis 1709, 12°). Sur l’œuvre de Toland, voir G. Carabelli, Tolandiana. Materiali bibliografici per lo studio dell’opere e della fortuna di John Toland (1670-1722) (Firenze 1975), et du même Tolandiana. Errata, addenda ed indici (Ferrare 1978) ; sur la place de Toland dans l’histoire des idées européennes, voir John Toland et la crise de conscience européenne, dir. G. Brykman, Revue de synthèse, 2-3 (1995) ; T. Dagron, Toland et Leibniz. L’invention du néo-spinozisme (Paris 2009).
[9] Ignorance singulière de la part de Charles Bruguière de Naudis à l’égard du père de Pierre Bayle, le pasteur Jean Bayle.
[10] Il s’agit peut-être du frère aîné de Pierre Bayle, Jacob, ou encore du frère aîné de la mère de Bayle, Jeanne Bruguière : celui-ci s’appelait François Bruguière de Ros ; il épousa Anne Baluze en 1643 ; de ce mariage sont issus Charles Bruguière de Ros, Gaston de Bruguière et Jean Bruguière de Naudis, père du Charles Bruguière de Naudis qui hérita les lettres de Pierre Bayle.
[11] Dès le mois de janvier 1707, moins d’un mois après la mort de Bayle, Des Maizeaux avait encouragé Reinier Leers à publier une édition des lettres du philosophe ; deux ans plus tard, il chargea son ami Charles Pacius de La Motte, qui vivait de travaux de librairie à Amsterdam, de recueillir les lettres de Bayle dans le milieu des réfugiés aux Pays-Bas ; le projet fut lancé avec détermination en 1711, car Des Maizeaux avait eu vent du projet de Dupuy La Chapelle. Cependant, au moment où le projet de Des Maizeaux semblait devoir aboutir, il fut doublé par Prosper Marchand en alliance avec les imprimeurs Fritsch et Böhm : leur édition des Lettres choisies parut à Rotterdam en 1714 (12°, 3 vol.). L’édition par Des Maizeaux des Lettres parut bien des années plus tard (Amsterdam 1729, 12°, 3 vol.) ; sa Vie de M. Bayle parut dans le premier volume d’une nouvelle édition du DHC (Amsterdam 1730, folio, 4 vol.). Sur cette rivalité entre les éditeurs des lettres, voir E. Labrousse, Inventaire critique, p.13-20.
[12] Lucrèce, De rerum natura, I, 68-70, inexactement cité : « quem neque fama deum nec fulmina nec minitanti / murmure compressit cælum, sed eo magis acrem / inritat animi virtutem ». Traduction : « Loin de l’arrêter, les récits qu’on fait sur les dieux, la foudre, les grondements menaçants du ciel ne firent qu’exciter davantage l’ardeur de son courage. ».
[13] Il s’agit du pamphlet de Bayle paru en septembre 1697 : Réflexions sur un imprimé qui a pour titre : « Jugement du public, et particulièrement de l’abbé Renaudot, sur le Dictionaire critique du sieur Bayle » (s.l.n.d.) ; il fut inclus en appendice au DHC, iv.616-625, et dans les OD, iv.742-752.
[14] Adriaan Paets, De nuperis Angliæ motibus epistola in qua de diversum a publica religione circa divina sentientium disseritur tolerantia (Rotterdam 1685, 12°), lettre traduite par Bayle sous le titre : Lettre […] sur les derniers troubles d’Angleterre, où il est parlé de la tolérance de ceux qui ne suivent point la religion dominante (Rotterdam 1685, 12°) ; Bayle en donna le compte rendu, accompagné d’un vibrant hommage à Paets, dans les NRL, octobre 1685, art. II. Voir aussi, sur le contexte et la portée de la Lettre de Paets, J. Marshall, John Locke, toleration and early Enlightenment culture (Cambridge 2006), ch. 11, p.335-370, ch. 21, p.647-679.
[15] Sur « l’affaire de la reine de Suède », voir Lettres 607, 637, 659 et 674, et S. ben Messaoud, « Bayle et Christine de Suède », BSHPF, 155 (2009), p.625-655.
[16] Pierre Bayle, Réponse d’un nouveau converti à la lettre d’un réfugié (Paris [Amsterdam] 1689, 12° ; éd. G. Mori, Paris 2007).
[17] Comme Des Maizeaux lui-même, Mathieu Marais avait eu vent des tentatives de Dupuy de publier ou de revendre les lettres qu’il avait acquises de Charles Bruguière de Naudis : voir ci-dessus, n.3.
[18] Dix-neuf lettres de la correspondance de Bayle avec Mathieu Marais ont survécu : la première, une lettre de Marais à Bayle, est datée du 25 mai 1698 ; la dernière, du même au même, du 1 er décembre 1706.
[19] La nouvelle édition des Œuvres de Boileau-Despréaux, revue et augmentée par les soins de Valincour et de Renaudot, parut deux années plus tard (Paris 1713, 4°) ; celle procurée par Brossette parut ensuite (Genève 1716, 4°, 2 vol. ; Amsterdam 1718, folio, 2 vol.). La Satire XII Sur l’équivoque est une forte attaque contre le fanatisme religieux et contre les jésuites en particulier.
[20] La Vie de M re Charles de Saint-Denis, sieur de Saint-Evremond parut pour la première fois dans l’édition de ses Œuvres meslées établie par Pierre Des Maizeaux et Pierre Silvestre (Londres 1705, 4°, 2 vol.), dont une nouvelle édition parut l’année suivante (Amsterdam 1706, 12°, 5 vol.) ; une nouvelle édition de la Vie [...] avec sa lettre sur la paix des Pyrénées parut quelques années plus tard (La Haye 1711, 12°).
[21] Louise Renée de Penancoët de Keroual (1649-1734), née en Bretagne, vint à la Cour en 1668 et devint demoiselle d’honneur de Madame, Henriette d’Orléans, la belle-sœur de Louis XIV. Sur le conseil de Colbert de Croissy, ambassadeur à Londres, le roi décida d’exploiter ses charmes sur le plan diplomatique : elle accompagna Madame en Angleterre à l’occasion de la signature du traité de Douvres en 1670 et fut remarquée pour sa beauté (qu’on peut apprécier d’après les portraits peints par Pierre Mignard et Peter Lely). De retour l’année suivante à Londres, elle s’installa à Whitehall et devint la maîtresse de Charles II, sur qui elle exerça une influence considérable jusqu’à sa mort en 1685 – en rivalité, cependant, avec Nell Gwynn et Hortense Mancini. Elle donna naissance en 1675 à Charles Lennox, duc de Richmond, et porta elle-meme le titre de duchesse de Portsmouth, comtesse de Fareham et baronne de Petersfield ; en 1684, à la demande de Charles II, Louis XIV la nomma duchesse d’Aubigny. Après la mort de Charles II, elle résida au château de La Verrerie, près d’Aubigny-sur-Nère (entre le Berry et la Sologne), avant de gagner Paris, où elle mourut, rue des Saints-Pères, le 14 novembre 1734.
[22] Philippe de Vendôme (1655-1727), le « grand prieur », frère du duc Louis Joseph, dit le « Grand Vendôme » (1654-1712) : ils étaient fils de Louis II, duc de Mercœur et de Vendôme, et de Laure Mancini, une des nièces de Mazarin. La Société du Temple, présidée par les frères Vendôme, était connue comme un lieu de plaisir, fréquenté par l’abbé de Chaulieu, La Fare, l’ abbé Courtin, l’abbé Servien et par Voltaire, qui y avait été introduit par son parrain l’ abbé de Châteauneuf. Après s’être conduit avec lâcheté à la bataille de Cassano d’Adda au cours de la guerre de succession d’Espagne, en 1705, Philippe de Vendôme fut exilé à Chalon-sur-Saône, d’où il passa en Italie, puis en Suisse, où il fut retenu prisonnier ; il revint enfin à Lyon, qui lui fut assigné comme lieu d’exil. Il ne devait revenir à la Cour qu’après la mort de Louis XIV, grâce à la clémence du régent. Voir E. Moret, Quinze ans du règne de Louis XIV (1700-1715) (Paris 1851), p.99-106 ; R. Pomeau, D’Arouet à Voltaire, 1694-1734 (Oxford 1985), p.77-78.
[23] Sur le procès de Jean-Baptiste Rousseau contre Joseph Saurin, voir ci-dessus, n.1 et 4.
[24] Jean François Lériget de La Faye (1674-1731), gentilhomme de la chambre du roi, diplomate qui accomplit des missions à Gênes, à Utrecht en 1713, à Londres, se piquait également de poésie ; membre de l’Académie française en 1730, un an avant sa mort, il avait été un des habitués du café de la veuve Laurent : voir ci-dessus, n.5.
[25] Nicolas Boindin (1686-1751), membre de l’Académie des inscriptions en 1706, auteur de comédies, collaborateur de Houdar de La Motte, fréquentait surtout le café Procope, où il professait ouvertement l’athéisme. Interrogé sur la différence entre lui et Nicolas Fréret, il aurait répondu que lui-même était un athée moliniste, tandis que Fréret était un athée janséniste.
[26] Christophe-Bernard de Bragelongne (1688-1744), prêtre, doyen et comte de l’Eglise royale de Saint-Julien de Brioude, étudia les mathématiques sous la conduite de Malebranche et devint élève de l’Académie des sciences en 1711 et associé libre en 1728. On cite parmi ses amis le cardinal de Polignac, Mathieu Molé, Denis Talon, l’ abbé de Rothelin, Fontenelle, Dortous de Mairan, Houdar de La Motte. Il travailla à un Traité des lignes du quatrième ordre, mais ne put l’achever ; il entreprit également une histoire des empereurs romains, qui resta aussi inachevée.
[27] Antoine Houdar de La Motte (1672-1731), membre de l’Académie française en 1710, traducteur et commentateur de L’Iliade (Paris 1701, 1714, 1720, 8°), auteur de la tragédie Inès de Castro (Paris 1723, 8°), principal adversaire d’ Anne Dacier dans la querelle des Anciens et des Modernes : voir N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle (Paris 1968).
[28] Antoine Danchet (1671-1748), membre de l’Académie des inscriptions et de l’Académie française en 1712, auteur de tragédies néo-classiques ; il fut une des premières cibles des couplets attribués à Jean-Baptiste Rousseau.
[29] Le chansonnier Guérin de Rochebrune était reçu chez les Arouet pendant la jeunesse de Voltaire ; celui-ci se disait même le fils du chansonnier : voir R. Pomeau, D’Arouet à Voltaire, p.22-25.
[30] Le café de la veuve Laurent, rue Dauphine, près du Théâtre français.
[31] Jocrisse, un type de valet bouffon, incarnation populaire de la niaiserie et de la maladresse.
[32] L’ abbé Louis Maumenet, chanoine de Beaune, aumônier de la duchesse d’Orléans en 1671, poète et traducteur de Cicéron.
[33] Nous n’avons pas su identifier avec précision ce personnage. Haag signale bien une famille Perrinet, issue de Guillaume Perrinet, procureur général fiscal des ducs de Nevers, originaire du Bourbonnais et qui s’établit à Sancerre, mais cette notice précise qu’il ne sait pas comment faire entrer dans cette généalogie Jean-Etienne Perrinet, fils de Salomon, de Sancerre, qui obtint, en 1727, les droits de bourgeoisie à Genève, et nous ne saurions confirmer si ce Perrinet est bien celui qui est désigné par Rousseau.
[34] Pierre-Charles Roy (1683-1764), conseiller secrétaire du roi, membre de l’Académie des inscriptions, poète, auteur de tragédies, de ballets et de divertissements. Voir E.H. Polinger, Pierre-Charles Roy, playwright and satirist (1683-1764) (thèse Columbia, New York 1930). Vers le 1 er mars 1719, Voltaire écrivit à Jean-Baptiste Rousseau : « J’ai été si malheureux sous le nom d’Arouet que j’en ai pris un autre, surtout pour n’être plus confondu avec le poète Roi. » Celui-ci incarnait, en effet, la condition du poète à cette époque, ayant été bastonné vers le même temps où Voltaire subit ce même sort sur les ordres et en présence du chevalier de Rohan-Chabot, fin janvier 1726. « Voilà nos poètes », constata Mathieu Marais. Voir R. Pomeau, D’Arouet à Voltaire, p.204-206.
[35] Prosper Jolyot de Crébillon (1674-1762), « Crébillon père », membre en 1731 de l’Académie française, où il succéda à La Faye, est connu surtout comme auteur de tragédies mélodramatiques : voir M. Soulatges, Crébillon père et la tragédie « à l’antique » : stratégies et enjeux de la représentation, thèse Université de Paul Valéry Montpellier 3, 2000.
[36] Le démon Couplet-gor : le « démon des couplets ». Voir H. Mattauch, « Le Mirliton enchanteur. Historique d’un mot à la mode en 1723 », RHLF, 101 (2001), p.1255-1267.