Lettre 812 : un correspondant anonyme à Pierre Bayle

[Genève, juin-juillet 1691]

[Extrait d’une lettre écrite de Geneve par une personne de grand mérite. L’original est entre les mains de M. Bayle.]

 

L’auteur du projet de paix en a entretenu Monsieur le Résident de France [1], mais ce Résident qui est un homme d’esprit, a toûjours parlé de cet auteur avec peu d’estime, et comme d’un visionnaire. J’ajoûte que je ne croi pas que jamais Madame de Maintenon [2] ait écrit ou répondu à cet auteur, que personne ne l’a cru icy, et qu’il n’a point osé s’en vanter, et ainsi vous voïez si cela peut s’apeller commerce*. La Cour de France à le gout trop bon pour n’avoir pas veu d’abord qu’une affaire comme la paix passoit la capacité de cet homme. Aussi notre Résident n’a jamais parlé de luy qu’en riant et avec une espece de mépris. Il est donc très-faux aussi que M. L. P. S. D. G. ait concerté avec luy le projet [3] ; s’il luy en a parlé, comme cela peut être, ce n’a été qu’en raillant et en se moquant des chiméres de son neveu.

Notes :

[1Sur la nature de la présente lettre, voir Lettre 810, n.1. Il s’agit d’une nouvelle lettre invoquée par Bayle dans sa défense contre Jurieu. Il s’applique ici à démontrer que le projet de paix de Goudet n’a jamais été pris au sérieux par ceux qui avaient pu le connaître : en le discréditant ainsi, il compte désamorcer l’accusation de « cabale » et de « complot » anti-orangiste lancée par Jurieu. Le Résident en question est Michel-Jean Amelot, baron de Brunelles, marquis de Gournay : voir Lettres 769, n.17, et 775, n.4.

[2Dans ses Nouvelles convictions contre l’autheur de l’« Avis aux réfugiés », avec la nullité de ses justifications par un amy de Mr Jurieu et sa Dernière conviction contre le sieur Bayle [...] pour servir de factum sur la plainte portée aux puissances de l’Etat, publiées à la suite de son Examen au mois de juillet 1691, Jurieu accusait Bayle et Goudet d’être en correspondance (« commerce ») avec la cour de France et d’avoir concerté le projet de paix avec le Résident de France à Genève. Bayle s’applique à réfuter ces accusations, qui faisaient déjà l’objet des remarques aigres de Robethon : voir Lettre 808, n.54.

[3Il s’agit apparemment de « Monsieur le Premier Syndic de Genève » : voir la lettre du syndic de Genève invoquée par Bayle dans sa Chimère de la cabale, Lettre 810.

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