Lettre 833 : Jacques Du Rondel à Pierre Bayle
M r de Marsilly [2] passa l’autre jour par icy, et ne manqua point de me venir voir et de me parler de vous, à sa mode, c’est à dire en homme d’esprit et en ami. Je luy prestay les Entretiens [3] pour son voyage d’Aix, et il les a trouvés si beaux et si bons, que bien qu’il n’aye pu se determiner sur leur autheur, il les a acheptez à son retour chez nostre de Lessart [4]. Je ne luy ay point voulu dire ce que je sçavois, parce que je crois que c’est assez qu’on estime les Entretiens. M. d[e] S[aint] Maurice [5] est à peu près dans la mesme erreur. Vous verrez icy son jugement. L’un et l’autre vous baise les mains, aussi bien que M r Niset [6] qui est le premier qui a leû les Entretiens, et qui les estime encore plus que M r Le Faucheur [7]. Ce M r Niset m’apporta l’autre jour deux lignes de / vous [8], qui me donnèrent bien de la joye et de la confusion. Je suis bien aise, mon cher Monsieur, que vous me faciez toujours l’honneur de m’aymer, mais de me traiter d’illustre, cela me rend tout honteux, à moins que vostre ancien dessein [9] ne dure encore pour mon immortalité. Au reste,
A Monsieur / Monsieur Bayle professeur / en philosophie. / A Rotterdam •
Notes :
[1] L’année est déterminée par une allusion aux Entretiens sur la cabale chimérique et par une allusion à la lettre de Du Rondel du 25 septembre 1691 (Lettre 823).
[2] Sur Pierre Salbert de Marcilly, désormais en contact fréquent avec Du Rondel, voir Lettres 817, n.12, et 819, n.8.
[3] Bayle, Entretiens sur la « Cabale chimérique » : voir Lettres 808, n.7, et 818, n.7.
[4] Sur les Delassart , libraires imprimeurs à Maastricht, voir Lettre 819, n.13.
[5] Jacques Alpée de Saint-Maurice : voir Lettre 823, n.21.
[6] Sur G. Nizet, avocat à Maastricht, auteur de la première réfutation de l’ Avis aux réfugiés, voir Lettre 300, n.7.
[7] Sur Frédéric Le Faucheur, pasteur à Maastricht, voir Lettre 245, n.8.
[9] Allusion à la promesse de Bayle de dédier le Projet d’un dictionnaire à Du Rondel : voir Lettres 771, n.4, et 864.
[10] Ce terme désigne Jurieu. De son côté, Robethon avait attribué à Bayle un « front d’airain » lors de la réfutation par Bayle du portrait de son attitude ingrate à l’égard de Jurieu, à qui il aurait, selon cet allié du théologien, une dette morale importante contractée lors de son entrée dans l’académie de Sedan et lors du départ à Rotterdam : voir Lettre 814.
[11] Apologiæ Erasmi, omnes adversus eos qui illum locis aliquot in suis libris non satis circunspecte sunt calumniati. In Jacobum Lopim Stunicam apologia I. In quendam de loco qui est apud Paulum ad Corinth. I. cap. XV apologia II ; In Jacobum Fabrum Stapulensem apologia III ; In Jacobi Latomi dialogum apologia IV ; In quendam pro declamatione matrimonii apologia V ; De « In principio erat sermo » apologia VI ; In Eduardum Leum apologia VII (Basileæ 1522, folio).
[13] Sur cette recherche d’un exemplaire d’Eschyle édité par Frédéric Spanheim, voir Lettre 825, n.18.
[14] Jacques Du Rondel, Dissertation sur le Chénix de Pythagore : voir Lettre 763.