Lettre 839 : Pierre Bayle à Alexandre Cunningham

• [Rotterdam, le 14 décembre 1691]

Monsieur
La bonté que vous m’avez temoignée toutes les fois que j’ai eu le bonheur de vous voir quand vous avez passé par Rotterdam [1], et vos manieres genereuses et obligeantes qui se font conoitre d’abord pour peu qu’on vous parle, me font prendre la liberté de vous ecrire en faveur du gentilhomme qui / vous rendra cette lettre. Il est d’une famille etroitement alliée avec la mienne, et mon ancien ami. Il s’apelle Mr Bayze [2], il a de l’etude, et de fort bonnes qualitez, a laissé beaucoup de bien en France, d’où il n’a pu que tirer sa femme et une partie de ses enfans ; il a servi en Irlande en qualité de lieutenant reformé jusques à ce que la blessure qu’il recut au siege de Limeric en 1690 l’ait mis hors d’etat de continuer le metier des armes. Il seroit fort propre Monsieur, à conduire quelque seigneur anglois soit qu’on voulust l’envoier dans les pays etrangers, soit pour l’elever dans Londres memes ou ailleurs. Je sai que vous avez de parfaitement bonnes habitudes*, et qu’il vous sera aisé / de lui procurer quelque bonne condition*, si vous avez la bonté de lui vouloir rendre du service. Je vous en serai Monsieur, infiniment obligé, et autant que pour les bons offices que vous me rendriez à moi meme. Permettez moi de vous suplier tres humblement d’agréer que Mr Bayze se donne l’honneur de vous aller solliciter lui meme.

Je suis avec toute sorte d’estime et de passion Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur
Bayle

A Rotterdam le 14 dec[embre] 1691

Notes :

[1Sur Alexandre Cunningham, voir Lettre 617, n.1, et surtout 1420, n.3, et la lettre de Locke à Edward Clarke du 7 décembre 1691 (éd. E.S. de Beer, n° 1435). Cunningham eut par la suite des contacts avec Nicolas Fatio de Duillier à Londres : voir la lettre de celui-ci à Locke du 25 janvier 1694 (n° 1697).

[2Sur Jean de Bayze, cousin germain de Bayle, qu’il avait déjà été recommandé auprès de Gilbert Burnet, évêque de Salisbury, et qui poursuivit en Irlande sa carrière militaire, voir Lettres 722, n.1, et 737, n.3.

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