Lettre 84 : Pierre Bayle à Vincent Minutoli

A Paris le [3] d’avril 1675
Mon cher Monsieur,

Je reçus hier une lettre de Mr Basnage pour vous, et un exemplaire de l’epitaphe de Mr Beaulieu, dont il me prie de vous faire part [1]. Le voici [2] :

Illustriss[imi] viri

LUD[OVICI] LE BLANC

In Academiâ Sedanensi

S. S. theol[ogiæ] professoris celeberrimi,

V. D. M. vigilantissimi,

TUMULUS.

Luge & mirare

Quisquis ades,

O viator !

En tibi cœleste sidus in terris,

Sol aliis splendens,

Sibimet tenebras offundens,

Et sine liberis parens. / 

Hoc jacet in tumulo, vir inclytus,

LUD. LE BLANC.

Egregiâ stirpe nobilis, doctrinâ clarus, sed pietate

Præstantior,

Vigiliis, studio, pervenit,

Quò progredi vix datur.

Assiduo sibi peperit labore

Quod optari vix potest.

Quodve magis mirandum,

Multas adeptus laudes, noluit vel unam :

Sed partam minuere famam, laudes opterere, debita

Respuere,

Nequaquam destitit.

In proximum charitas, in Deum pietas

Quanta fuerint

Non priora noverunt,

Posteriora vix credent

Sæcula.

Divinis rebus semper intentus,

Humanas neglexit.

Natis orbatus, omnibus orphanis pater.

Fidus egensis quæstor, promptus miseris adjutor.

Amicus habuit bonos omnes, infensum neminem,

Nisi perditum.

Inimicos, si tamen veritas odium parit,

Obruit, sed beneficiis.

Obiit in domino qui soli vixerat Deo,

An[no] Æta[tis] LXI

Sal[utis] suæ M.D.C.LXXV

III kal[endarum] mart[iarum]

Hunc quem vivum venerati sunt omnes,

Mortuum

Luge et mirare,

Quisquis ades,

O viator !

&c.

Sans diverses petites affaires, qui m’apellent en plusieurs quartiers de la ville très éloignez les uns des autres, je vous entretiendrois plus au long, mon très cher Monsieur. J’écrivis à Mr Leger dès mon arrivée en cette ville, et douze ou quinze jours après, je vous écrivis assez amplement [3]. Je souhaite que cette lettre vous ait été renduë : vous y aurez trouvé mon adresse. Je rencontrai hier un des amis de Mr Leger, qui me dit qu’on lui avoit écrit de Saumur que Mrs Leger et Pictet [4] étoient à Paris. J’ai de la peine à le croire, et je ne laisse pas de lui envoier la lettre que Mr Basnage lui écrit.

Les François sont maîtres de la citadelle de Liege [5]. Le Roi ne se mettra en campagne qu’au commencement de mai.

Notes :

[1Voir Lettre 83, n.8. Cette lettre ne nous est pas parvenue.

[2Voir la traduction dans l ’appendice de cette lettre.

[3La lettre à Antoine Léger ne nous est pas parvenue ; quant à celle adressée à Minutoli, voir Lettre 81.

[4Bénédict Pictet (1655-1724) devait par la suite séjourner à Leyde, où il soutint des thèses en juin 1676. De retour à Genève, il y fut consacré pasteur en 1678 et devint professeur de théologie à l’Académie en 1686, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort. Neveu et disciple de François Turrettini, il allait être, lui aussi, un rempart de l’orthodoxie la plus stricte. La peregrinatio academica des deux Genevois se fit de concert pour certaines périodes, en particulier leur séjour à Paris, mais alors que Léger y arrivait de Genève, la lettre de Bayle suggère que Pictet avait d’abord séjourné à Saumur, où Bayle conjecture que Léger l’avait rejoint. Voir M.I. Klauber, « Reformed orthodoxy in transition : Bénédict Pictet (1655-1724) and enlightened orthodoxy in post-Reformation Geneva », in Later Calvinism : international perspectives, éd. W.F. Graham (Kirksville, Mo. 1994), p.93-113.

[5La chute de Liège est annoncée dans la Gazette, n° 32, nouvelle de Liège du 30 mars 1675, n° 37, nouvelle de Liège du 6 avril 1675, et extraordinaire n° 38 du 18 avril 1675.

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