[Rotterdam, le 17 février 1694]

A son très érudit et très célèbre Almeloveen, docteur en médecine très habile et très instruit dans les trésors de la philologie, Pierre Bayle adresse ses salutations.

La sécheresse de mon esprit et de mon éloquence me cause une peine extrême, homme très cher, puisque je ne suis pas capable de vous exprimer d’une part une gratitude digne de l’ouvrage si brillamment composé de délices exceptionnelles que vous m’avez envoyé [1], et d’autre part, et surtout, la reconnaissance que je vous dois d’avoir voulu mettre mon nom en évidence au seuil du Plagiarorum Syllabus. Je ne me crois guère digne, à la vérité, de tant d’honneur ; qu’il me soit permis, cependant, de me réjouir de savoir combien est exceptionnelle votre bienveillance pour moi ; vainqueur, on parlera de moi partout où votre livre circulera. A la vérité, vous déversez sur moi la lumière glorieuse de votre soleil, dont le sentiment restera aussi longtemps que je vivrai dans mon âme des plus reconnaissante.

Encore bien d’autres commentaires sur vos pensées remarquables et vos sentences d’une littérature polie quand nous serons honorés de votre présence, une présence que vous avez promise pour très bientôt et qui ne pourra jamais arriver si tôt qu’elle ne doive me sembler arriver tard, y ayant une abondance de bonne matière qui presse. Adieu, homme très distingué qui vous souvenez toujours de moi qui me souviendrai toujours respectueusement de vous.

Quant à la lettre au très distingué Hyde [2], vous pouvez dormir sur les deux oreilles ; je m’en occuperai avec soin.

Faites, s’il vous plaît, en sorte que la page ajoutée soit passée sans délai au très distingué Monsieur Mey, et s’il a quelque chose à dire en réponse, que cela me soit envoyé tout de suite par le premier courrier [3].

Donnée à Rotterdam le 17 février 1694.

 

À Monsieur/Monsieur Almeloveen docteur en médecine à Tergou.

Notes :

[1Il s’agit du livre d’ Almeloveen, Amœnitates theologico-philologicæ, qui comporte en appendice le Plagiariorum Syllabus : voir Lettre 998, n.12. L’ouvrage est recensé dans les Acta eruditorum d’août 1694, p.339-343.

[2Il s’agissait sans doute de faire suivre une lettre d’ Almeloveen au célèbre Thomas Hyde (1636-1703) ; celui-ci fit ses études à Eton College et au King’s College, Cambridge ; sous la direction d’ Abraham Wheelock, il fit de tels progrès dans l’apprentissage des langues orientales qu’il fut invité à collaborer à la Bible polyglotte de Brian Walton (voir Lettres 616, n.2, et 636, n.7). En 1658, il fut élu lecteur d’hébreu au Queen’s College, Oxford ; en 1665, il fut nommé bibliothécaire de la Bodléienne et publia le troisième catalogue des collections d’imprimés, Catalogus impressorum librorum bibliothecæ Bodleianæ in Academia Oxoniensi (Oxonii 1674, folio). En 1691, à la mort d’ Edward Pocock, il fut nommé professeur d’arabe et, en 1697, professeur d’hébreu et chanoine du collège de Christ Church. Il servit également comme interprète officiel de la cour pour les langues orientales. Voir P.J. Marshall, Thomas Hyde, stupor mundi (London 1983), et, sur ses contacts avec Almeloveen, S. Stegeman, Patronage and service, p.379.

[3Cette page ne nous est pas parvenue : il s’agissait de questions que Bayle adressait à Willem de Mey, concernant l’article « Amama (Sixtinus) » du DHC sur le point d’être imprimé, d’où sa hâte : voir Lettre 968, n.1. Sur Willem de Mey, voir Lettre 851, n.5.

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