[Leyde, mai-juin 1703]
A Pierre Bayle, homme remarquable, Thomas Crenius adresse son salut,
Celui qui vous a rapporté ces choses se nomme Henri Escher, dont l’aïeul était ce fameux Escherus, bourgmestre à Zurich [1]. J’ai parlé de ces deux personnes dans la dédicace de la dernière partie de mes Animadversiones [2]. Le petit-fils a partagé notre table et fréquenté notre foyer. Comme il est sur le point de regagner son pays et qu’il fait grand cas des gens très cultivés, je lui ai conseillé de vous rendre visite et d’apprendre en vous observant et en vous écoutant combien il est profitable de vous voir [3]. Il apprécie les auteurs et les livres français, par conséquent faites en sorte de lui indiquer les plus utiles et les meilleurs dans chaque discipline. Ce devoir vous est imposé par votre érudition, par votre réputation grandissante en Europe et surtout par notre amitié, qui veut que nous nous rendions des services en ce qui concerne les choses de l’esprit. Mais comme je sais que vous ne me contredirez pas, je n’en dis pas davantage et je vous ordonne de bien vous porter.
Notes :
[1] Malheureusement, la lettre de Bayle à Crenius à laquelle celui-ci répond par la présente lettre nous manque : nous ne saurions donc préciser de quelles « choses » il s’agit. La famille Escher en question est celle d’ Heinrich Escher vom Glas (1626-1710), originaire de Zurich dans le canton de Thurgovie ( Tigurinus), bourgmestre de Zurich de 1678 jusqu’à sa mort. Sa mission diplomatique à la cour de Louis XIV, entreprise en 1687 avec le banneret bernois Niklaus Dachselhofer, amorça un tournant dans les relations avec la France. Son fils s’appelait Hans Jakob Escher vom Glas (1654-1726) et son petit-fils, Hans Caspar Escher vom Glas (1678-1762) : celui-ci fit des études à Nuremberg (1695), puis se rendit à Utrecht en passant par Vienne, Berlin et Hambourg. A Utrecht, il acheva ses études de droit (1697) par une thèse portant sur une question de droit naturel sur la liberté du peuple. De retour à Zurich, il reprit l’affaire familiale, la manufacture de cotonnades Johann Caspar Escher & Sohn. Sa carrière politique débuta en 1701, lorsqu’il représenta la corporation des charpentiers au Grand Conseil. Voir le DHS, s.v. (articles de M. Lassner), C. Keller-Escher, Geschichte der Familie Escher vom Glas (Zürich 1885) ; H.C. Huber, Bürgermeister Johann Heinrich Escher von Zürich, 1626-1710, und die eidgenössische Politik im Zeitalter Ludwig XIV (Zürich 1936). Hans Caspar Escher vom Glas entretint par la suite une importante correspondance avec Jean-Alphonse Turrettini : voir Pitassi, Inventaire Turrettini, s.v.
[2] Le dernier volume des Animadversiones de Crenius à cette date est le tome XI : Thomæ Crenii animadversiones philologicæ et historicæ : novas librorum editiones, præfationes, indices, nonullasque summorum aliquot virorum labeculas notatas excutientes (Lugduni Batavorum, Vander Mijn 1702, 8°), qui est, en effet, dédié à Heinrich Escher et fait allusion à son grand-père homonyme, célèbre bourgmestre de Zurich. L’ensemble des Animadversiones fut recueilli en 1720 : Thomæ Crenii Animadversiones philologicæ et historicæ, novas librorum editiones, præfationes, indices, nonullasque summorum aliquot virorum labeculas notatas, excutientes, etc. (Roterodami, Sumptibus Isaaci van Ruynen 1695-1720, 8°, 19 parties), mais les différentes parties furent publiées par différents imprimeurs et certaines firent l’objet de deux ou trois éditions ultérieures par d’autres imprimeurs, ce qui rend les informations sur ce point assez compliquées. Nous donnons les noms de l’imprimeur de la première édition de chaque volume : vol. I, Rotterdam, Izaak van Ruynen, 1695, 8° ; vol. II, Leiden, David Severinus 1696, 8° ; vol. III, Leiden, Frederik Haaring, 1698, 8° ; vol. IV, V, VI, Leiden, Abraham de Swart, 1699, 1700, 1700, 8° ; vol. VII, Leiden, Abraham van der Mijn, 1700, 8° ; vol. VIII, IX, X, Amsterdam, Sebastian Petzold 1701, 8° ; vol. XI, XII, Leiden, Abraham van der Mijn, 1702, 8° ; vol. XIII, XIV, Leiden, Matthias ter Heyden 1705, 8° ; vol. XV, XVI, XVII, XVIII, Leiden, Abraham van der Mijn 1706, 1708, 1709, 1713, 8° ; vol. XIX, Leiden, Huybert van der Weduwe Boxe 1720, 8°. Nous remercions Christine Jackson-Holzberg de nous avoir permis de rassembler ces informations à partir de la belle collection de la Bayerische StaatsBibliothek à Munich.
[3] Nous n’avons pas trouvé trace d’une éventuelle visite de Hans Caspar Escher vom Glas à Bayle.