Lettre 1171 : Marc Vincent Coronelli à Pierre Bayle
[Lettre perdue.]
DHC, 2 e édition (Rotterdam 1702, folio, 3 vol.), art. « Aretin (Pierre) », rem. H :
« Dans les entretiens que j’eus l’an 1696, avec le Pere Coronelli [1], qui accompagnoit les ambassadeurs que la République de Venise envoioit en Angleterre, je lui demandai ce qu’il pensoit de l’epitaphe de l’Aretin. Il me répondit qu’il ne la croioit pas telle que Moréri la rapporte [2], et il me promit de s’en informer. Il m’écrivit de Venise, le 2 de novembre de la même année, et me marqua qu’il étoit très-vrai que l’Aretin fut enterré dans l’Eglise de S[ain]t Luc ; mais qu’il n’avoit pu encore rien découvrir touchant l’épitaphe. Il m’envoia un passage tiré (de la page 120) du Venetia descritta dal Sansovino, coll’Additioni del Martinioni [3] : voici ce qu’il contient. “
De’ Prencipi, il divin Pietro Aretino.” »
Notes :
[1] Le Père Vincenzo Maria Coronelli (1650-1718), mathématicien et géographe qui avait accompagné les ambassadeurs vénitiens à Londres en 1696, et s’était entretenu avec Bayle lors de son passage à Rotterdam : voir Lettres 611, n.11, et 1163, n.14.
[2] A l’article « Aretin (Pierre) » de son Grand dictionnaire, Moréri donne, en effet, l’épitaphe suivante : «
» avec cette traduction – ou plutôt expansion : « Le tems par qui tout se consume, / Sous cette pierre a mis le corps / De l’Aretin, de qui la plume / Blessa les vivans et les morts. / Son encre noircit la mémoire / Des monarques de qui la gloire / Est vivante après le trépas : / Et s’il n’a pas contre Dieu même / Vomi quelqu’horrible blasphème, / C’est qu’il ne le connoissoit pas. »
[3] Giustiniano Martinioni, Venetia, citta nobilissima et singolare, descrittà in XIV libri da M. Francesco Sansovino [...] con aggiunta di tutte le cose notabili della stessa città, fatte e occorse dall’ anno 1580 sino al presente 1663 (Venetia 1663, 4°). Traduction du passage cité : « Dans une tome placée en haut repose Pierre Arétin, surnommé le fléau des princes à cause de la licencieuse présomption de sa très mordante plume et qui perdit en mourant toute sa réputation : car, étant ignorant des lettres et agissant par la force de la nature dans ses caprices, il reçut après sa mort le juste prix de son impudence. Ses écrits étant réputés peu chrétiens par l’Eglise, ils furent totalement interdits aux lecteurs, et sa mémoire aurait été à jamais effacée si l’Arioste, en se moquant du titre qu’il lui avait indûment pris, n’avait dit dans son [Orlando] Furioso : “Voici le fléau des princes, le divin Pierre Arétin”. »