Lettre 553 : Moïse Pujolas à Pierre Silvestre

[Paris, le] 20 avril 1686

Autre difficulté sur le mouvement perpetuel.

[ Objection sur le mouvement perpétuel.] Quant à la difficulté proposée par M. Papin contre la machine du mouvement perpetuel [1], l’auteur se prépare à y répondre ; il y est d’autant plus obligé que plusieurs personnes d’esprit sont persuadées que son experience ne sauroit réüssir. M. Sylvestre [2], dont la capacité a paru plus d’une fois dans nos Nouvelles, et qui est à cette heure à Amsterdam, nous a montré une lettre que M. Pujolas [3] lui a écrite de Paris le 20 avril dernier, où l’on démontre qu’il y a du paralogisme dans l’experience de cet auteur. Nous pourrons une autre fois emploïer la lettre [4] : en attendant nous disons que la principale difficulté de M. Pujolas consiste en ce que les quarante pouces du mercure enfermé dans le souflet, ne peuvent descendre à la hauteur de vingt-sept pouces, sans dilater de telle sorte le haut du souflet, qu’il y demeureroit plus d’espace vuide que n’en occupoient les treize pouces de mercure qui seroient descendus. Or il montre que cet espace ne pourroit être rempli ni par le mercure du tuyau, ni par la matiere subtile ; d’où il s’ensuit que le mercure du souflet ne peut descendre à vingt-sept pouces. La raison pourquoi le mercure du tuyau ne rempliroit pas cet espace, c’est parce qu’il ne seroit contraint de monter au haut du souflet que par la force qui dilateroit le souflet, laquelle ne dependroit pas des quarante pouces de mercure, puis qu’il y en a vingt-sept d’inutiles, à cause de leur équilibre avec l’air ; ce ne seroit donc que par la force des autres treize pouces : or cette force ne pourroit faire monter au haut du souflet que treize pouces de mercure du tuyau, lesquels ne suffiroient pas pour remplir l’espace en question ; donc, etc. La même raison qui borne l’effet du mercure du souflet à ne faire monter que treize pouces de mercure, l’empêche pareillement de pousser aucune matiere subtile au haut du souflet, donc etc. On réfute ensuite une experience que le même auteur a faite avec un souflet de dix pouces de longueur, à la base duquel il a joint un tube de trente pouces : ayant comprimé le souflet, il y a versé du mercure jusques au bout du tuyau, et ayant bien fermé le tuyau, et laissé le souflet en liberté, le mercure est descendu à la hauteur de vingt-sept pouces, et a écarté les ailes du souflet. M. Pujolas montre par plusieurs raisons, qu’il n’y a point de consequence à tirer du petit souflet au grand ; il ajoûte que bien loin qu’il soit possible au grand de se dilater, quand il est dans une situation verticale, il doit se comprimer tout de même que dans la situation horizontale, parce que le mercure en doit couler dans le tuyau ; et comme il prétend que si on ôtoit toute communication entre le mercure du tuyau et les quarante pouces qui sont dans le souflet, ils ne descendroient pas à la hauteur de vingt-sept pouces ; il conclut qu’il n’est pas vrai que l’air ne puisse soûtenir en quelques rencontres plus de vingt-sept pouces de mercure. Il exhorte les curieux à faire cette experience.

Notes :

[1Voir l’article de Denis Papin dans les NRL, avril 1686, art. VII : « Extrait du Journal d’Angleterre [ Philosophical Transactions] du mois de décembre 1685, contenant des remarques sur un imprimé français qui propose un mouvement perpétuel, faites par D[enis] Papin, membre de la Société royale ». Papin réagissait ainsi à la lecture des NRL, novembre 1685, art. VII, sur le « mouvement perpétuel » : voir dans ce volume les figures 9 a et b.

[2Bayle avait publié d’abord une « Observation singulière communiquée par M. Silvestre, Docteur en Médecine à Paris, touchant une fracture dans laquelle il s’est formé une nouvelle articulation » ( NRL juillet 1685, art.II) ; quatre mois plus tard, il avait transcrit verbatim le compte rendu que celui-ci lui a communiqué de la Neurographia universalis de Raymond Vieussens ( NRL novembre 1685, art. III).

[3Moïse Pujolas (?-1729) allait devenir fellow de la Royal Society en décembre 1695.

[4Bayle devait exploiter une autre lettre de Pujolas dans les NRL, janvier 1687, art. II : « Extrait d’une lettre écrite de Londres à M. Silvestre, Docteur en Médecine, par M. Pujolas, touchant l’expérience curieuse d’hydrostatique communiquée par M. Lufneu, et insérée dans les Nouvelles d’avril 1685, art. V ».

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