Lettre 101 : Pierre Bayle à Jacob Bayle
Apparemment vous avez receu un assez gros paquet que je vous ecrivis le 15 du courant [1]. La cause pourquoi mes lettres ne partirent point dés le lendemain du jour que je receus la facheuse* nouvelle qui fera long tems mon affliction, est que j’attendois de jour à autre d’apprendre votre arrivée à Mont[auban]. Mais voyant que cette nouvelle tardoit trop à venir, j’ecrivis sans plus l’attendre. Ne mesurez pas mon affliction au pied* de ce que je vous en exprime. Elle est cent fois plus grande que tout ce que je vous en ay dit. J’en ay le cœur si serré presentement que je suis tout rempli de cette funeste idée en vous ecrivant, qu’il me seroit impossible de continuer cette lettre, si je ne changeois de matiere. Permettez moi donc de faire diversion à ma douleur.
Le cadet temoigne tant de curiosité pour le Journal des scavans de cette année, que je lui en envoye quelques cahiers ; ce sera un paquet que j’adresserai à • la personne qui a retiré la boitte [2] (je vous prie de la saluer de ma part) et que je remettrai ce soir meme au messager de Thoulouze. Il y a aura une lettre pour m[on] p[ere], une autre pour Joseph, et une troisieme pour Mr Naudis [3]. Je repons à celle qu’il m’a ecritte ; mais si vous jugez qu’il ne soit pas bon qu’il ait une de mes lettres, vous la supprimerez [4]. Ainsi c’est à votre prudence que je l’abandonne. Je ne parle point des livres nouveaux à Joseph, quoi qu’il en ait une soif ardente. C’est pour quoi je vous prie de luy faire part de ce que je vous en dirai.
Mr Baluze bibliothecaire de Mr Colbert fit imprimer l’année passée la vie de Petrus Castellanus ecrite en latin par Petrus Gallandus, et l’accompagna de plusieurs notes de sa façon [5]. Castellan etoit un des premiers hommes de la cour de Charles IX et de son successeur. Il fut eveque de Macon, employé dans les affaires d’etat, il se piquoit d’une grande literature*, jusques là que l’erudition vaste et universelle de Postel, luy donnant de la jalousie, il luy suscita diverses persecutions, comme l’a remarqué Thevet dans ses eloges des hommes illustres, parlant dudit Postel [6]. / Au reste, Castellan etoit un de ces eveques qui sentoient le fagot, et on conte de luy que faisant l’oraison funebre d’ Henry III il parla de ce prince comme ayant eté receu au paradis de plein vol. On l’accusa d’avoir par ce moyen nié l’existence du purgatoire. Il leur donna* d’une bourde*, et dit à ces / grands zélateurs, qu’il n’avoit jamais doutté qu’ Henri n’eut été au purgatoire, mais qu’il etoit d’une humeur si impatiente, qu’il ne s’y etoit arreté que pour y gouter le vin. Il y a dans cette vie des choses tres particulieres concernant les intrigues et les affaires de ces regnes là.
Mr de Valois le jeune (il s’appelle Henricus Valesius, et son ainé Hadrianus Valesius tous deux extremement savans) a fait imprimer un fort savant livre qu’il nomme Notitia veteris Galliæ [7]. Il ne se debite pas encore parce qu’il ne fut pas possible à l’autheur d’en presenter un exemplaire au Roy avant son expedition [8]. Des que S[a] M[ajesté] sera revenue, on luy en portera un exemplaire, et en suitte le livre se vendra. Ceux qui l’ont veu disent qu’il y a une profonde erudition dans l’histoire.
Mr Menage a donné ses remarques sur la langue francoise en 2 tomes in 12[°] [9]. On y apprend beaucoup de choses à ce que disent ceux qui les ont leues. J’en ay ouy lire un chapitre qui traittoit des inventeurs des mots ; et j’y appris que Mr Balzac avoit inventé le mot d’urbanité. Le même Mr Menage compose en latin les vies des hommes illustres du pays d’Anjou [10], d’où il est.
Il paroit depuis deux jours un petit poeme latin intitulé Actio oratoris sive de voce et gestu. L’autheur est le Pere Lucas jesuite et regent de rhetorique en cette ville [11]. C’est une paraphrase de tout ce que Quintilien, Ciceron et autres, dont il rapporte les passages au bas de chaque page, ont dit sur l’action de l’orateur.
Mr de Launoi, dont le 12. Journal des scavans de cette année fait mention, a publié un traitté De simonia , dans lequel ayant dit par occasion qu’il y avoit lieu de doutter que la Somme de theologie fut un ouvrage de St Thomas, les jacobins ont d’abord pris feu, pour revendiquer cet ouvrage à leur docteur angelique [12]. Ainsi on voit paroitre depuis quelques jours une reponse aux douttes de Mr de Launoi sur le veritable autheur de la Somme de theologie, avec un examen severe de la doctrine debitée par Mr de Launoi sur le chapitre de la simonie. C’est un jacobin nommé Natalis Alexander docteur de Sorbonne qui a ecrit cette reponse [13].
• Je ne sai si je vous ay parlé d’un livre assez nouveau qui traitte des Ceremonies funebres de toutes les nations. Il y a beaucoup de lecture et de science dans ce traitté. L’autheur se nomme Mr Muret [14].
• Il me semble que dans ma derniere je vous disois que le Pere le Bossu, chanoine de S[ain]te Genevieve, a fait un Traitté du poeme epique [15], qui a eu beaucoup d’approbation, de sorte qu’on a admiré qu’un religieux ait peu ecrire si poliment.
• Mr Perrault de l’Academie francoise a donné un recueil de diverses pieces en vers et en prose, qu’il a composées en divers tems [16]. J’ay eté surpris d’y voir / Le Miroir ou la metamorphose d’Orante, que nous avons creu etre de Mr Pelisson [17]. Il y a parmi ces pieces un Dialogue de l’amour et de l’Amitié • Le Parnasse poussé à bout [18], qui est une fiction fort ingenieuse à la louange de la conquete de la Franche Comté. Une autre, intitulée La Critique de l’opera, c’est à dire de l’ Alceste ou du Triomphe d’ Hercule [19]. Mais ce n’est pas tant une critique de cette tragedie, que de celle de meme nom qu’ Euripide a autrefois composée, car on affecte de faire voir combien la moderne l’emporte sur l’ancienne. Mr Racine qui est de l’Academie francoise et tres excellent faiseur de tragedies, n’a peu souffrir qu’on ait fait le proces à Euripide, il a repondu pour luy dans la preface de son Iphigenie [20] qui a eté tant applaudie l’hyver passé à l’Hotel de Bourgogne pendant 40 representations consecutives. Cette preface a des grandes beautés, quoi que courte, et la piece elle meme est des plus achevées. Neantmoins on vient d’en publier une critique sous le titre d’ Entretien sur les tragedies de ce tems [21]. Le lieu est beau de vous parler de Circé [22]. C’est une piece en machines qui se represente depuis assez long tems à l’hotel de la rue Guenegaud par la troupe de feu Moliere. Les machines sont de l’invention du marquis de Sourdeac [23] qui est incomparable en cela n’en deplaise à Baptiste et à Vigaranni et à tous les autres Italiens qui ont la direction de l’opera [24]. S’il etoit permis à la troupe de Moliere de representer avec musique et danse, et les instrumens selon leur fantaisie •, Circé defairoit hautement tous les opera qui se sont joués jusques icy. Je fus hier au soir par hazard à la representation de cette belle piece. Elle est tres bien conduitte, tres bien actionnée*, les pensées fines et delicates y sont frequentes et bien exprimées. C’est Mr Corneille le jeune qui a fait les vers [25].
Un certain Mr Bruneau a fait un Traitté de l’etat present de l’Allemagne, avec une petite relation de la dernière campagne de Mr de Turenne, où on voit bien exactem[en]t decrits les combats qu’il a livrés aux troupes confederées. Je croi que le Journal que j’envoye en parle [26]. Au reste les 6 journaux que j’envoye [27] ne se suivent pas, parce que j’ay choisi ceux où il y avoit moins de matieres philosophiques qui ne sont pas encore du gibier josephien.
On m’a dit qu’il y a un roman nouveau, intitulé La Citerie ou L’Asterie, (je ne m’en souviens pas bien) dont le heros est le fameux Tamerlan. Je croi qu’il est de la facon de mademoiselle de La Roche, qui a composé l’ Arioviste autre roman [28]. Cette demoiselle est de Rouen, de la religion, soeur d’un gentilhomme verrier [29], et a beaucoup d’esprit. / Mr Bernier celebre medecin, qui commencea l’année dernière de donner l’ Abregé de la philosophie d’Epicure, en vient de publier un second tome [30]. Cela dispensera de feuilleter les grands volumes de Gassendi.
Mr de Launai qui enseigne depuis long tems cette même philosophie, par des conferences où il fait admirer la facilité qu’il a de bien parler et de dire mille choses tournées agreablement, a donné au public un petit traitté, de l’ Introduction à la philosophie [31], et on espere qu’il fera imprimer bien tot ses conferences.
L’histoire d’ Herodien un des plus polis historiens grecs, et qui a ecrit la vie de 9 ou 10 empereurs commenceant à la mort de Marc Aurele, a eté traduitte en francois par Mr de Bois Guilbert [32], qui est un jeune homme de Caen, le meme, si je ne me trompe qui a fait imprimer l’ Histoire de la reyne d’Ecosse Marie Stuart en 3 volumes in 12°. N’allez pas croire que ce soit la veritable histoire de cette reyne infortunée, ce n’est qu’un roman [33].
On m’a parlé d’un livre assez curieux qui traitte des Ceremonies et coutumes qui s’observent aujourd’huy parmi les juifs. Il est traduit de l’italien du rabbi Leon di Modena, par le P[ere] Simon Recarede pretre de l’Oratoire, le meme qui a traduit le Voyage du mont Liban, et accompagné de plusieurs observations. Le Journal des savans en parle [34]. C’est une plaisante chose que le livre d’un jesuite traduit et commenté par un pretre de l’Oratoire, et je vous asseure que la Société ne se sent guere plus obligée à la peine que s’est donnée le traducteur qu’elle le fut autrefois au petit Pere André [35] pour avoir prononcé le panegyrique de s[ain]t Ignace.
Madame La Valiere ayant fait sa profession de carmelite le 6 du courant [36], en presence de la reyne, Mr l’eveque de Condom precepteur de Mgr le Dauphin, fit le discours [37]. C’a eté autrefois le coryphée des predicateurs, j’ay pourtant ouy dire qu’il ne reussit guere, et qu’il ne fit que rebattre les pensées dont s’étoit servi Mr l’eveque d’Aire [38] il y a un an le jour de la prise d’habit de la dite penitente. J’ai leu le discours de ce dernier, il est asseurement beau. Je ne suis guere satisfait de cet indice que je vous baille*. Vous et vos illustres amis que je salue de tout mon coeur, meriteriez des particularitez plus precises. Mais je suis attaché par le pied, et ne puis aller aux nouvelles chez les curieux pour en apprendre.
Je suis connu de Mr Justel et de Mr Conrart [39]. Si quelqu’un de vos amis me vouloit procurer la connoissance de quelque autre savant, je ne refuserois pas une lettre de recommendation. J’enrage que votre hoirie* ait de si facheus contre tems. Grand mercy de vos offres genereuses. Mon etoile ne veut pas que je trouve encore où asseoir commodement la plante du pied. Il me faudra encore voltiger autour de l’arche [40].
Notes :
[1] Voir les Lettres 91, 94 et 97, qui furent envoyées à Montauban.
[2] La boîte mentionnée ici pourrait bien avoir été l’emballage du portrait que Bayle envoyait à sa mère par Toulouse : voir Lettre 80, p.98 et n.8. Il est possible que l’obligeant Toulousain qui se chargea de retirer l’envoi soit Paul Falentin, sieur de La Rivière, pasteur de la communauté réformée de la ville depuis 1672. Neveu de Jean Baricave, pasteur du Mas d’Azil (sur celui-ci, voir Lettres 13, n.66, et 77, n.19), Falentin de La Rivière se trouvait bien placé pour servir d’intermédiaire entre Toulouse et le comté de Foix.
[3] Voir Lettres 96, 98 et 99.
[4] On voit ici les précautions anxieuses que suggère à Bayle le désir que sa situation présente ne soit connue que d’aussi peu de gens que possible. Il laisse Jacob juge de la discrétion qu’on peut attendre de leur cousin.
[5] Sur ce livre, voir Lettre 93, n.24, 25 et 26. Bayle commet ici la même inadvertance que dans cette Lettre 93 : voir n.26, et Lettre 105, p.247.
[6] André Thevet (1502-1582), Les Vrais pourtraits et vies des hommes grecs, latins et payens recueilliz de leurs tableaux, livres, medalles antiques et modernes (Paris 1584, folio). Cet ouvrage connut une nouvelle édition, sous un nouveau titre : Histoire des plus ilustres et scavans hommes de leurs siecles, tant de l’Europe que de l’Asie, Afrique et Amerique, avec leurs portraits en taille douce, tirez sur les veritables originaux (Paris 1671, 12°, 9 vol.) : sur Guillaume Postel, voir VIII.iv.37 et Lettre 29, p.168, n.102. Sur André Thevet, voir F. Lestringant, André Thevet, cosmographe des derniers Valois (Genève 1991).
[7] Les frères Henri (1603-1676) et Adrien (1607-1692) de Valois, humanistes et érudits de grande classe, étaient devenus historiographes du roi en 1660. Bayle se trompe sur leur âge respectif. L’ouvrage dont il parle est : Hadriani Valesii […] Notitia Galliarum ordine litterarum digesta, in qua situs, gentes, opida [sic] portus, castella, vici, montes, selvæ, flumina […] pagi provinciæque Galliæ illustrantur ; locorum antiquitates, varia eorum nomina, vetera ac nova episcopatuum ac monasteriorum origines, aliaque ad historiam francicam pertinentia notantur : geographi et historici græci, romani ac nostri explicantur et emendantur (Parisiis 1675, folio).
[8] Louis XIV, qui était parti de Saint-Germain le 11 mai, regagna la Cour dès le 21 juillet 1675 : Gazette, n° 76, nouvelle de Versailles du 26 juillet 1675.
[9] Le titre exact de l’ouvrage est Observations de M. Ménage sur la langue française (Paris 1672, 12°). Voir le §225, intitulé « Inventeur de quelques mots françois » ; dans l’édition de 1675, voir §§229 et 230.
[10] En fait, Ménage publia seulement Vita Matthæi Menagii, primi canonici theologi Andegavensis (Luteciæ Parisiorum 1674, 4°) et, ouvrage moins court, Vita Petri Ærodii quæsitoris Andegavensis, et Guillelmi Menagii advocati regii Andegavensis (Parisiis 1675, 4°).
[11] Jean Lucas, S.J. (1638-1716), enseignait la rhétorique à Paris en 1675. Il publia Actio oratoris, seu gestu et voce, libri duo (Parisiis 1675, 12°).
[12] Voir le JS du 12 août 1675 et Lettre 93, n.20.
[13] Voir Lettre 93, n.22, sur le livre du Père Alexandre.
[14] Sur cet ouvrage, voir Lettre 93, n.33.
[16] Charles Perrault, de l’Académie française depuis 1671, Recueil de divers ouvrages en prose et en vers, édité par Jean Le Laboureur (Paris 1675, 4°, et 1676, 12°) ; la seconde édition était moins coûteuse, car le prix du papier entrait pour beaucoup dans le prix d’un livre.
[17] Le Miroir ou la métamorphose d’Orante (Paris 1661, 12°). Les frères Bayle étaient assez mal placés pour percer un anonymat littéraire, mais leur conjecture erronée les montre, comme si souvent, particulièrement attentifs aux écrivains huguenots ou d’origine huguenote et aussi méridionaux ( Pellisson était né à Béziers).
[18] Comme Perrault, Pellisson était l’auteur de vers sur ce même thème – qui s’imposait aux poètes pensionnés ; Bayle y faisait allusion en 1672 : Lettre 29, n.49 et 50. En 1668, Molière avait également dédié un sonnet « Au Roi sur la conquête de la Franche-Comté » : « Mais nos chansons, Grand Roi, ne sont pas si tôt prêtes ; / Et tu mets moins de temps à faire tes conquêtes / Qu’il n’en faut pour les bien louer » ( Œuvres complètes, éd. G. Couton, Paris 1971, ii.1185-1186).
[19] Alceste, ou le triomphe d’Alcide, tragédie (Paris 1674, 4°), opéra de Lully sur un livret de Quinault, présenté à Paris le 19 janvier 1674.
[20] Charles Perrault allait être le chef des « Modernes » ; sa critique porte sur Alceste de Lully et Quinault ; la réponse de Racine parut dans son Iphigénie (Paris 1675, 12°).
[21] Pierre de Villiers, S.J., Entretiens sur les tragedies de ce temps (Paris 1675, 12°).
[22] Thomas Corneille, Circé, tragédie ornée de machines, de changemens de theatre et de musique (Paris 1675, 4°).
[23] Alexandre de Rieux, marquis de Sourdéac, baron de Neufbourg, qui mourut en 1695, avait aménagé une salle de spectacle dans son hôtel particulier et joua un rôle essentiel dans la vogue de l’opéra.
[25] La troupe de Molière, ou du Palais-Royal, fut fondue par autorité royale avec celle du Marais en 1673, et la Circé jouée en mars 1675 (voir ci-dessus, n.22) fut un succès considérable. Bayle avait probablement escorté ses élèves rue Mazarine, au théâtre Guénégaud. Sur le monopole obtenu par Lully sur les pièces avec musique, voir R. Duchêne, Molière (Paris 1998), p.632-636.
[26] Sur ce livre, voir Lettre 90, n.24, et le compte rendu dans le JS du 3 juin 1675.
[27] Des fascicules du JS, apparemment : voir ci-dessus Lettre 101, p.210.
[28] Anne de La Roche-Guilhen publia Arioviste, histoire romaine (Paris 1674, 12°), et, l’année suivante, Astérie, ou Tamerlan (Paris 1675, 2 vol. 12°). Ce dernier roman est parfois attribué, mais à tort, semble-t-il, à Mme de Villedieu : voir A. Calame, Anne de La Roche-Guilhen, romancière huguenote (1644-1707) (Paris 1972), p.91.
[29] Sur les gentilhommes verriers, voir Lettre 5, n.1.
[30] François Bernier (1625-1698), médecin qui avait longuement voyagé en Orient et aux Indes (1656-1669), devint plus tard un correspondant de Bayle. Il publia un Abrégé de la philosophie de M. Gassendi (Paris 1674, 12°, et 1675, 4°). Le lapsus calami commis ici par Bayle s’explique par le fait que Gassendi avait adopté l’atomisme et s’inspirait avec originalité d’ Epicure. Bernier devait reprendre et développer son Abrégé en sept volumes (Lyon 1684, 12°) : voir Lettre 135, n.13, et l’éloge appuyé des ouvrages de Bernier dans les NRL, déc. 1685, art. VII.
[31] Gilles de Launay, disciple de Descartes, publia une Introduction à la philosophie (Paris 1675, 12°), qui se présente comme une seconde édition, corrigée et augmentée, bien qu’elle ne comporte que 116 pages. Comme Launay avait fait paraître, entre 1667 et 1673, divers petits ouvrages de philosophie, il se pourrait qu’il les ait considérés comme une « première édition » de son Introduction de 1675. Il est très possible aussi qu’il ne subsiste plus d’exemplaires d’une première édition de cet ouvrage.
[32] Pierre Le Pesant de Boisguilbert (1646-1714), ancien élève des Petites Ecoles de Port-Royal, était cousin de Fontenelle et des frères Pierre et Thomas Corneille : voir Dictionnaire de Port-Royal, s.v. Il fit paraître une Histoire romaine escrite par Hérodien, traduit du grec en françois (Paris 1675, 12°, 2 vol.). Sa réputation posthume se fonde cependant sur sa critique anonyme de la politique de la Cour de France : Le Détail de la France (s.l. 1695, 12°), où il proposait le rétablissement de l’Edit de Nantes et des réformes fiscales profondes.
[33] Pierre Le Pesant de Boisguilbert, Marie Stuart, reyne d’Ecosse, nouvelles historiques (Paris 1675, 12°, 3 vol.).
[34] Voir Lettre 69, n.5 et Lettre 93, n.31 ; pour le compte rendu, voir le JS du 20 mai 1675.
[35] On désignait souvent ainsi le Père André Boullanger (vers 1580-1657), prédicateur de l’ordre des augustins réformés, qui avait conservé certains traits de l’éloquence du temps de la Ligue par la verve populaire et la véhémence de ses sermons – d’ailleurs appréciés dans tous les milieux. On peut conjecturer que sa réputation un peu bouffonne auprès des frères Bayle provenait d’un controversiste protestant qui avait stigmatisé l’orateur. Ignace de Loyola avait été béatifié à Rome en 1623.
[36] Louise-Françoise La Baume-Le Blanc (1644-1710), duchesse de La Vallière, était initialement une jeune dame d’honneur de la veuve de Charles , Henriette-Marie d’Angleterre, établie en France. Louis XIV la remarqua chez sa tante. Elle devint maîtresse du roi, dont elle eut quatre enfants ; dès 1667, elle fut évincée par Mme de Montespan, mais cruellement obligée de jouer le rôle de paravent pour une liaison qui était un « double adultère », comme s’en indigna Saint-Simon. Louise de La Vallière demeura donc à la Cour, en dépit de son désir de la quitter, et ce fut uniquement après la séparation de corps juridiquement intervenue entre M. de Montespan et sa femme que la duchesse put satisfaire sa soif de pénitence en entrant dans un ordre particulièrement ascétique, le Carmel. Elle s’y retira le 21 avril 1674 et y commença son noviciat le 2 juin de la même année. Bayle commet une légère erreur sur la date de sa profession, qui est du 4 juin 1675 (et non du 6).
[37] Le sermon de Bossuet pour la profession de la duchesse de La Vallière est en général jugé beaucoup plus favorablement que ne le fait ici Bayle, qui donne probablement écho à l’opinion de protestants parisiens, malveillants et hostiles.
[38] Jean-Louis de Fromentières, sieur des Etangs (1632-1684), était devenu évêque d’Aire en 1673 ; il était prédicateur du roi et il avait prêché, pour la prise d’habit de la duchesse le 2 juin 1674, un sermon qui fut imprimé (s.l. 1675, 16°). Ce prédicateur avait connu, à son époque, un certain renom.
[39] Sur Henri Justel, voir Lettre 79, n.13 ; sur Valentin Conrart, voir lettre 72, n.5.