Je ne connais parmi les mortels personne de plus qualifié que vous ni que j’accepte plus volontiers pour m’informer de ce que me demande Monsieur Hartsoeker [1], car personne ne vous égale pour fournir ce qui peut servir la République des Lettres. Hartsoeker, vivant à Paris, comme certainement vous le savez, fait une contribution exceptionnelle en physique et en astronomie, ce qui est attesté par les travaux nombreux qu’il a publiés. Il est maintenant sur le point de donner à imprimer un traité des météores [2]. Il veut d’ailleurs faire mention de cette tempête ou très violent tourbillon qui a tant endommagé le temple de votre ville il y a vingt ans ou plus [3]. J’ai consigné les choses qu’il veut savoir sur la feuille qui se trouve ci-jointe [4]. Veuillez, je vous en prie, homme très distingué, m’informer de ce qu’il importe à cet auteur de savoir. Si cela devait vous donner du travail, il y aura certainement quelques-uns de vos collègues qui répondront sans difficulté à cette question et qui ont dans leur cahier de notes quelque chose qui la concerne, ou bien qui l’ont mentionnée dans une publication.
Notre Nicaise, qui vous tient dans la plus grande estime, vit heureux dans une vieille ville de Bourgogne vraiment charmante, et comme beaucoup d’autres verrait très volontiers, par une délicate ambition de gloire, son nom dans la préface de l’ouvrage sur la peinture des anciens, ayant fait une contribution non négligeable à la recherche du manuscrit qu’une fois découvert il a offert à l’imprimeur [5]. Il se réjouit beaucoup de ce que Monsieur Nicole, récemment décédé, en a fait mention non sans de grands éloges dans la préface de son ouvrage contre les hérésies et les délires des quiétistes [6], ouvrage qui a vu le jour un peu avant la mort de l’auteur.
Adieu, homme très célèbre et très distingué, ornement de notre siècle, et aimez-moi qui vous suis en toute déférence entièrement dévoué.
Rotterdam, 24 décembre 1695, style grégorien
Je voudrais savoir si le Callimachus [7] sera bientôt publié comme aussi les lettres de la bibliothèque de Marquardus Gudius [8].
Notes :
[1] La lettre de Nicolas Hartsoeker (1656-1725) à Bayle ne nous est pas parvenue. Hartsoeker, le célèbre biologiste, mathématicien et physicien (voir Lettre 750, n.36), séjourna en France en 1679 avec Christian Huygens, avec qui il engagea une querelle sur son rôle dans les améliorations apportées au microscope. Entre 1684 et 1696, il séjourna de nouveau à Paris et publia ses Principes de physique (Paris 1696, 4°), qui entraînèrent une querelle avec La Montre. En 1694, il présenta sa théorie de l’«
[2] Nicolas Hartsoeker n’a pas publié d’ouvrage sous le titre Traité des météores ; il s’agit sans doute d’une section de ses Principes de physique (Paris 1696, 4°).
[3] Le 1 er août 1674, une tempête terrible frappa la cathédrale (
[4] Cette feuille est perdue.
[5] Bayle insiste auprès de Grævius sur sa dette à l’égard de Nicaise dans sa biographie de Junius : voir Lettre 1066, n.3.
[6] Sur la mention de Nicaise dans la préface de l’ouvrage de Nicole, Réfutation des principales erreurs des quiétistes contenues dans les livres censurés par l’ordonnance de M gr l’archevêque de Paris (Paris 1695, 12°), voir Lettre 1066, n.2.
[7] Cette édition ne parut qu’en 1697 : Ezéchiel Spanheim, In Callimachi Hymnos observationes (Ultrajecti 1697, 8°).
[8] Petrus Burman (1668-1741) publia une édition des lettres de Marquard Gudius (1635-1689) et de Claudius Sarravius (vers 1600-1651) chez François Halma et Guillaume van de Water : Marquardi Gudii et doctorum virorum ad eum epistolæ : quibus accedunt ex Bibliotheca Gudiana clarissimorum et doctissimorum virorum, qui superiore et nostro sæculo floruerunt : et Claudii Sarravii epistolæ ex eadem Bibliotheca auctiores curante Petro Burmanno (Ultrajecti 1697, 4°). Sur la carrière et sur la publication des inscriptions de Gudius, voir Lettre 1095, n.10.