Lettre 693 : Jacques Du Rondel à Pierre Bayle
Lettre à Monsieur Bayle [1] professeur en philosophie, pour la deffense de l’explication de l’antique qu’on a veue dans les Nouvelles de decembre 1684 [2]. C’est un plaisir d’avoir affaire à M. Tollius [3]. Au lieu de s’emporter et dire des injures, comme fait la plûpart des gens quand on les contredit, il ne se plaint pas seulement ni ne murmure. On diroit même qu’il seroit bien aise qu’on l’entreprenne, et qu’il est persuadé que ce n’est qu’à force de disputes, qu’on peut découvrir la verité. Comme cela marque beaucoup de sincerité et de franchise, on ne sçauroit trop l’en loüer ; et si je continue encore aujourd’hui à le contredire, ce n’est que pour me conformer à cette belle et bonne methode. Il m’en sçaura bon gré, sans doute, lui qui sçait si bien que dans les République des Lettres, il y a tant de routes differentes et si fertiles en contrarietez ; Tanta literarum occasio est [4] ! Doncques ; soit bêtise à moi, ou peu de justesse à M. Tollius, je ne sçaurois / encore me persuader que OVARNM signifient ou peuvent signifier, Omnis Vis Amoris Requie Nocturna Mitescit [5]. Ce n’est point le propre de la force de / s’adoucir. Elle peu diminuer, s’abaisser[ ;] s’adoucir, ce n’est point son caractere. Ou elle est toute entière dans ce qu’elle entreprend, ou elle n’y est qu’avec quelques degrez. Et de cette sorte, c’est une machine qui agit avec tous ses ressorts, ou qui n’en employe qu’un ou deux. Dans le premier état, elle aura toute sa plénitude ; dans le second, elle n’y sera qu’à un quart ou demi-quart de ce qu’elle peut être ; et ainsi ce sera amoindrissement ou diminution et non pas adoucissement. On dit Mare mitescit, mitescit hyems, discordiæ mitescunt, ira mitescit [6] ; mais pour la force, cela ne se dit point. On dit enerver, rompre, briser, etc. et point du tout adoucir, si ce n’est peut-être dans les ouvrages de l’esprit, quando luxuriat oratio et fervore putescit [7]. De plus ; mitescere, dans un sens d’agriculture, c’est perdre son aigreur, parvenir à sa maturité et atteindre à la perfection où l’on est destiné par la nature : Sunt nobis mitia poma [8]. Mitis in apricis coquitur vindemia saxis [9]. Or si l’amour venoit à la perfection en dormant et en cessant d’agir, il se trouveroit qu’il seroit dans son défaut, quand il est dans sa force, et qu’il seroit à son comble, lorsqu’il commence à finir ; chose absolument in- / comprehensible. Mais ce qui est sans réplique, c’est que dans un passage d’ Apulée, que M. Toll[ius] allegue contre moi, Genus aliud, ajo, augustius Demonum, qui semper a corporis compedibus nexibus liberi, procurantur certis precatibus, il y a ensuite, quorum è numero Somnus atque Amor Vigilandi, Somnus Soporandi [i] ; par où il paroît qu’il faut que l’amour veille toûjours, ou qu’autrement il n’est pas amour. M. Toll[ius] n’a pas voulu voir la petite malice que je lui disois en renversant ses paroles, Omnis Vis Amantium Requiescens Nullius Momenti [10]. Ce Requiescens touchant un jeune homme auprés de Célimene ou d’Amarante, est un des plus malheureux mots qui soient. On sait ce que c’est que Requiescere, Requietorium, quietalus et quietalis [11] ; c’est en verité la mort toute pure. Cependant je ne l’aurois pas mis, sans le mot de Omnis de M. Toll[ius] car je sçavois bien ce vers de Properce, Illa vel angusto mecum requiescere lecto etc [12]. Mais ce fatal mot de omnis emporte tout et ne laisse rien. Et puis, chez les Anciens, une nuit comprend toutes les faveurs d’une fille ; Protinus ut placuit, misi, noctemque rogavi. etc [13]. / Nam te non viduas jacere noctes, Nequicquam tacitum cubile clamat etc [14]. De sorte qu’il étoit vrai ce que j’avois avancé dans ma premiere lettre ; Militat omnis amans etc [15]. Car suivant le même homme ; Militiæ species Amor est, discedite segnes, Non sunt hæc timidis signa tuenda viris. Nox et hyems longæque viæ, Sævique dolores etc [16]. Aprés cela, qu’est ce que M. Toll[ius] me veut dire avec son Cupidon qui dort auprés de Psyché ? C’est un franc Afriquain que ce Cupidon d’ Apulée, encore moins galant qu’éloquent ; ou pour mieux parler, c’est un lasche et un faineant qui ne songe pas à son immortalité, s’il a peur de se remuer. Il y a long-tems, Monsieur, que vous sçavez que Æterno motu se vegetat Æternitas, et quidquid homines vocamus laborem natura immortalium est [i]. De sorte que, bien loin d’apprehender l’apparition de Vénus, qui pourroit me faire des reproches sur ce que je ne veux point qu’on dorme, je défierois volontiers cette bonne déesse de venir chez moi. Je sçai bien ce que je lui dirois. J’ay de quoi la convaincre d’être la soubrette et la prestresse de la nuit, Noctis Ministram atque Camillam [i]. Vous n’avez pas oublié ce vers, vous Monsieur / qui vous souvenez de tout : Noctis et instituet sacra Ministra Venus [17]. Ces Sacra noctis, comme vous le devinez aisement, sont Sacra Marita Tori [i]. Je ne croi pas encore aujourd’hui que les pavots fussent une chose fort agréable à Vénus. Elle les souf[f]roit à la verité, mais elle ne les aimoit pas. J’en juge par son mariage. Un jour elle rechignoit furieusement à prendre Vulcain ; et comme on n’en pouvoit venir à bout au Ciel, et qu’on étoit las de ses fredaines, Jupiter s’avisa de lui faire boire du pavot ; ce qui la mit en rut à tel point que sans plus se souvenir des gens qu’elle aimoit éperduément, elle s’en tint à ce qu’elle trouva, et reçut ce malotru de forgeron dans son lict : Quum primum cupido Venus est deducta marito, Hoc bibit : ex illo tempore nupta fuit [18]. Mais comme vous sçavez, Monsieur, elle revint à ses dedains, quand son ardeur fut passée, et elle a toûjours fait mauvais ménage avec son miserable boiteux. J’avois donc raison de dire que le pavot n’étoit agréable que pour des gens qu’il faut exciter d’entrer en lice. Je persiste dans l’interpretation que j’ay donnée au passage de Lucien, toûchant la mandragore [19]. On peut dormir / sous cette herbe de plusieurs maniéres ; car quoi qu’en dise M. Toll[ius] que la mandragore est trop basse pour pouvoir dormir dessous, cela n’est pas vrai de toutes sortes de mandragores. J’ay donc à lui dire qu’outre la mandragore masle et femelle si connuës de tout le monde, il y en a une autre qui est une espece de solanum soporiferum, que quelques-uns appellent
Notes :
[1] Cette lettre fut adressée par Jacques Du Rondel à Bayle sans savoir que celui-ci était tombé gravement malade le 16 février 1687 (voir Lettres 702, 705) ; elle fut donc publiée par Daniel de Larroque, qui assura la publication continue des NRL au mois de mars de cette même année.
[2] Pour l’estampe de « l’antique » en question, voir notre cahier d’illustrations (Figure n° 11).
[3] Sur la critique par Tollius de l’explication de « l’antique » par Du Rondel ( NRL, décembre 1684, art. II), voir Lettre 691, n.7.
[4] « tant se présentent d’occasions d’écrire des livres ».
[5] « Toute la force de l’amour s’apaise dans le repos nocturne ».
[6] « la mer se calme, l’hiver s’adoucit, les discordes s’apaisent, la colère s’apaise ».
[7] « quand l’éloquence déborde et se gâte dans la ferveur ». La source de la citation n’a pu être identifiée.
[9] Virgile, Géorgiques, ii.522 : « Là-haut sur les rochers en plein soleil, la vendange achève de mûrir ».
[i] Genus aliud, aio, augustius Dæmorum, voir Apulée, De deo Socratis, xvi : « Il y a un autre genre plus auguste de Démons, dis-je, qui, libres des entraves et liens du corps, se chargent de certaines facultés [ potestatibus curant] parmi lesquels le Sommeil et l’Amour ont des pouvoirs différents, l’Amour celui de veiller, le Sommeil celui d’endormir ».
[10] « Toute force amoureuse en repos est sans effet ».
[11] Requiescere, Requietorium, Quietalus [Orcus], Quietalis : « Se reposer ; Champ du repos, cimetière ; l’Obscurité des Enfers ; les Enfers, le lieu du repos ».
[13] Ovide, Amours, II.ii.3 : « Aussitôt, épris de ses charmes, je lui adressai par écrit la prière de m’accorder une nuit ».
[14] Catulle, vi.6 : « Car le lit vainement muet proclame que vous ne passez pas des nuits veuves ».
[15] Ovide, Amours, I.ix.1 : « Tout amant est soldat et Cupidon a son camp ! Atticus, crois-moi, tout amant est soldat ».
[16] Ovide, Ars amatoria, ii.223-225 : « L’amour est une image de la guerre : loin de lui, hommes pusillanimes ! Les lâches sont incapables de défendre ses étendards. La nuit, l’hiver, les longues marches, les douleurs cruelles, etc. »
[i] Æterno [pour Perpetuo] motu se vegetat Æternitas, voir Latinus Pacatus Drepanius (fl. 388) de Bordeaux, Panégyrique de Théodose, 10 : « L’Eternité s’anime d’un mouvement perpétuel et ce que nous autres hommes appelons labeur est la nature des immortels ». Le texte exact de Drepanius porte non pas « nature des immortels » mais, avec une flatterie extravagante, « votre nature », comme si l’orateur s’adressait à Dieu. Une traduction française du Panégyrique par Florent Chestien fut publiée en 1609 (Paris 1609, 8°) ; une autre par Nicolas Andry de Boisregard fut publiée en 1687 (Paris 1687, 16°).
[i] Noctis Ministram et Camillam : pour noctis ministram, comparer la note suivante ; pour et Camillam, comparer Servius, Commentaire sur Virgile, Enéide, xi.543, « Virgile dit bien que Metabus avait appelé sa fille Camille, c’est-à-dire ministre de Diane ».
[i] Sacra Marita Tori : on trouve vincla marita tori pour l’union maritale.
[18] Ovide, Fasti, iv.153 : « Quand Vénus fut menée pour la première fois à son fougueux mari, elle prit ce breuvage ; à partir de ce moment, elle a été son épouse ».
[20] solatrum soporiferum désignait proprement la belladonne, qu’il ne faut pas confondre avec la mandragore.
[21] Suétone, Vies des douze Césars, « Domitien », xx : Suétone cite Domitien comme ayant dit « j’aurais bien aimé être aussi beau que Metius s’imagine l’être ».
[22] Horace, Odes, III.iv.10 : « Dans mon enfance, sur le Vultur apulien, un jour que, hors du seuil de ma nourrice Pullia, j’étais tombé épuisé de jeu et de sommeil, des colombes de la Fable vinrent me couvrir avec du feuillage nouveau ».
[23] Sur l’édition d’ Harpocrate par Gijsbert Kuiper, voir Lettre 668, n.7. Aux pages 4 et 5 de cet ouvrage, Kuiper identifie Apollon à Horus, à Harpocrate ou au Soleil et fait de lui le fils d’Isis et d’Osiris. Harpocrate est le nom donné par les Grecs au dieu égyptien Horus, fils d’Isis et d’Osiris. Les Grecs le représentaient comme un enfant tenant le doigt contre les lèvres, suggérant ainsi le mystère et le secret ; chez les Romains, il était considéré comme le dieu du silence. Voir aussi l’édition moderne d’ Harpocrate établie par R. Cros et J. Digus (Saint-Georges d’Oléron 2008), où ils entendent montrer, contre l’idéologie de la transparence totalitaire, que la dis/simulation est la condition principale de la liberté civile.
[24] Cette référence paraît erronée ; Du Rondel semble se tromper d’auteur. Tout ce qu’on peut trouver chez Macrobe qui ressemble de près ou de loin à l’identification d’Apollon à une ou à des déesses est un passage dans les Saturnales, i.9, sur les noms divers donnés à Apollon, où on lit qu’« il en est qui disent que Janus est le même à la fois qu’Apollon et Diane, et que ces deux divinités sont voilées sous son seul nom ». Macrobe ne fait aucune mention de simulacre.
[25] Hermeracles dans l’ Anthologie grecque : ces monuments se composaient d’une tête, quelquefois avec les épaules, placée sur un pilier carré. Dans les premiers temps, ils portaient des têtes de dieux. Une tête pouvait avoir deux visages, comme c’est le cas ici.
[26] « ô vous qui passez par ce chemin », incipit de l’anecdote que Du Rondel vient de raconter ; voir Anthologie grecque, ix.316.
[27] Voir l’ Epigramme 30 d’ Ausone, dont les Opera avaient été publiées par Tollius à Amsterdam chez Jean Blaeu en 1671. Il s’agit d’une statue dans la Villa d’Ausone qui représente plusieurs dieux en un seul. L’épigramme en parle énigmatiquement comme d’un myobarbum, littéralement « barbe de souris », et comme désignant, d’après les dictionnaires, une sorte de vase à boire ayant une forme allongée. Plus intelligible est la suggestion qu’il faudrait lire myxobarbaron : « à moitié barbare » ou « mélange barbare ». On comprendra donc : « Les Thébains m’appellent Bacchus, les Egyptiens me croient Osiris, les Mysiens me nomment Phanaces, les Indiens me supposent Dionysus, la Romaine Sacrée Liber, les Arabes Adonaïs, le Lucanien Pantheus ». Le « Lucanien » ou Méridional est sans doute Ausone lui-même.
[lgrec/] ou latin intonsus, « non rasé » ; Intonsum pueri dicite Cynthium, voir Horace, Odes, I.xxi.2 : « Chantez, jeunes garçons, le dieu chevelu du Cynthe [montagne de l’île de Délos] ».
[28] Tibulle, I.iv.38 : « Bacchus et Apollon seuls ont droit à l’éternelle jeunesse, car les cheveux longs siéent à l’un et à l’autre dieu ».
[29] Stace, Thébaïde, i.718-720 : « Que je t’invoque, selon ta préférence, sous le nom du rouge Titan suivant le rite des Achéménides, ou sous celui d’Osiris, dieu de la fertilité, ou de Mithra, qui, sous les rochers de l’antre persienne, tord les cornes du taureau qui refuse de le suivre ».
[30] Tollius, Fortuita, p.176 : Tollius admet que porter une barbe est signe de vie et de virilité et il cite les cas de Jupiter, Esculape, Phoebus et Bacchus.
[34] « Hostanès » ou « Ostanès », personnage persan, compagnon de Xerxès, auquel se rattachent les traditions des magiciens et des alchimistes au commencement de l’ère chrétienne. Ostanès est cité par Pline, Origène et Tertullien entre autres et il existe sous son nom des traités d’alchimie apocryphes en grec et en arabe.
[35] Vers de Stace, Sylvæ, v.4-6 : Crimine quo merui juvenis placidissimum divum, Quove errare miser, donis ut solus egerem, Somne tuis ? : « O Sommeil, dieu des plus cléments, par quel crime ai-je mérité dans ma jeunesse d’errer misérable, le seul à être privé de tes bienfaits ? ». Tollius avait attribué la jeunesse au dieu du sommeil plutôt qu’au jeune malheureux qui en manquait.
[36] Morphéé, Icelos, Phantasos, ce sont trois des mille fils du dieu Sommeil : voir Ovide, Métamorphoses, xi.634-643.
[37] Ovide, Métamorphoses, xi.646 : « le plus âgé passe avant ceux-ci ».
[38] Ovide, Métamorphoses, xi.633-635 : « et le père tire du peuple de ses mille fils un imitateur artificieux de la forme humaine, Morphée ».
[39] Plutarque, Morales, iv.50 : « Nous connaissons tous Cléon, natif de Daulie, qui disait de lui que pendant une longue vie il n’avait jamais rêvé. Et on en dit de même de Thrasymède d’Herea parmi les Anciens ».
[40] Un professeur dont parle Gassendi dans son Commentaire sur la vie d’Epicure par Diogène Laërce : nous n’avons pas trouvé cette anecdote chez Gassendi : voir l’édition et la traduction établies par S. Taussig, Vie et mœurs d’Epicure (Paris 2001). A. Bertrand, dans son Traité du somnambulisme (Paris 1823), prétend l’avoir trouvée chez Epicure : elle concernerait un philosophe stoïcien. On trouve des anecdotes au sujet des somnambules dans la Physique de Gassendi, livre 8, ch. 6, sur les songes et les « noctambules », mais non pas l’anecdote en question.
[41] Hérodote, Histoire, iv.184, « C’est [de l’Atlas] que ces hommes ont pris leur nom ; on les appelle effectivement Atlantes. A ce que l’on dit, ils ne mangent rien qui ait eu vie, et ils ne voient rien en songe ».
[42] Ovide, Métamorphoses, xi.592 : « Il y a près du pays des Cimmériens une caverne profondément enfoncée dans les flancs d’une montagne ; c’est le mystérieux domicile du sommeil paresseux ».
[43] Populos [alii] plebemque pererrant, Ovide, Métamorphoses, xi.645 : « D’autres parcourent les peuples et la plèbe ».
[44] « le sommeil éternel » [de la mort]. Nous n’avons pas rencontré chez Kuiper cette expression, qui n’est pas d’une grande rareté.
[45] « Orestilla, fille du sommeil ». Nous n’avons pas trouvé mention de cette inscription chez Kuiper. Le marbre funèbre représentant le génie de la mort et portant cette inscription existe toujours dans un grand musée à Rome, après avoir appartenu à la collection de marbres installée par le cardinal Albani dans sa villa construite spécialement à cet usage au dix-huitième siècle. L’identité de cette Orestilla est inconnue.
[46] « suggrindaires », subgrundaria : « auvents pour la sépulture des petits enfants des anciens, lorsqu’ils n’avaient pas encore quarante jours ».
[47] Sénèque, Hercule furieux, 856 : « Seuls ceux-ci avaient droit à être précédés d’un flambeau pour qu’ils aient moins peur et pour éclairer les ténèbres ».
[48] « Euclides » : il doit s’agir du philosophe de Mégare ; voir Stobée, Anthologion, éd. Meineke, vi.65 :
[49] Platon fait de la pauvreté et de l’abondance deux divinités : le père et la mère de l’Amour. Voir Platon, Symposium, 203 ; c’est Diotime qui explique cette parenté. Actuellement on traduit plutôt par « pauvreté » et « expédient » (ou « ressource »).
[50] Coluthus (fin du V e siècle), L’Enlèvement d’Hélène, 365 : « le sommeil est semblable à la mort, car en vérité il était ordonné que tous les deux auraient toutes choses en commun et poursuivraient le travail de l’aîné ».
[i] Debile fit corpus […] procubant [pour cubanti] ; voir Lucrèce, De rerum natura, iv.951-952 : « le corps se débilite, tous les membres sont frappés de langueur, bras et paupières tombent et, même si l’on est couché, les jambes se dérobent sans forces ».
[51] Attius (ou Accius), Télephe, frag. 612 : « Maintenant la vigilance des Thessaliens commence à faiblir et cède au sommeil ».
[52] Voir Jacob Tollius, Fortuita (Amstelædami 1687, 12°), p.293, note 3. Si Tollius admet qu’on appelle mandragores bon nombre de plantes différentes, il n’hésite pas à critiquer cette pratique qui prête à confusion. Il qualifie, par exemple, d’erreur assez crasse celle de prendre pour fruit de la mandragore celui des dudaim mentionnés dans l’Ancien Testament, Genèse, 30,14 ; Cantique, 7,13.
[53] « Les forces de tous les êtres vivants sont restaurées par les mandragores douces comme du nectar ».
[54] « [ces pommes] avaient pu retenir par leur prix de lestes jeunes filles et auraient dû être données à Vénus selon le jugement du Phrygien ». Du Rondel adapte ou déforme des vers anonymes ; voir Anonymi Carmina Anthologiæ Latinæ, éd. Riese, 133, De malis matianis : Hæc poterant celeris plantas tardare puellæ, hæc fuerant Veneri iudice danda Phryge.
[55] Antonio Musa Bras(s)avola (1500-1555), médecin italien consulté par plusieurs rois européens et par trois papes. C’est François 1 er qui lui donna le nom de
[56] Léonard Fuchs (ou Fuchsius) (1501-1566), médecin et botaniste allemand, auteur de plusieurs ouvrages importants et surtout d’une Historia Stirpium (Baslæ 1542), qui fut traduite en plusieurs langues, notamment en français par Eloi Magnan en 1540.
[57] Ermolao Barbaro (ou Hermolaus Barbarus) (1457-1493), qui appartenait à une noble famille vénitienne, fut nommé patriarche d’Aquilée par le pape Innocent VIII (Gianbattista Cibo). On lui doit des traductions de Dioscoride et de Themistius et des travaux sur Aristote et sur Pline.
[58] Avicenne (980-1037), traducteur des œuvres d’ Hippocrate et de Galien, et commentateur d’Aristote. Nous ne saurions préciser à quel passage de ses œuvres Du Rondel renvoie ici.
[59] Ibn Ruchd (1126-1198), dit Averroès, philosophe, théologien, juriste, mathématicien et médecin, dont le commentaire d’ Aristote va à l’encontre de l’interprétation christianisée de Thomas d’Aquin. Nous ignorons à quel passage de ses œuvres Du Rondel songe ici.
[60] L’expression de Du Rondel est sans doute métaphorique : il a consulté les livres de « l’illustre M. Goulart ». Il s’agirait de Simon Goulart (1565-1628), natif de Senlis, ministre de Genève. Bayle lui consacre un article dans le DHC, soulignant sa vaste érudition – dont il profite en particulier dans sa Dissertation sur l’attribution des Vindiciæ contra tyrannos de Junius Brutus. Il mentionne également son fils, qui fut un temps ministre de l’Eglise wallonne d’Amsterdam ; n’ayant pas voulu souscrire au synode de Dordrecht, il fut renvoyé et s’exila à Anvers, retourna un temps en France, à Calais, avant de repartir pour le Holstein ; il mourut à Friedrichstadt en 1628.
[61] « Les arcanes du véridique Abraxas se dévoilent ; gardez la mémoire de ses sentences ». C’est du nom d’Abraxas, dieu suprême des gnostiques, que serait tiré le mot
[62] Bien qu’il y ait réellement eu un jus pontificium des Romains anciens, l’assertion de Du Rondel qu’il a tiré ses observations sur le terme noemata de ce qu’il appelle « le droit du pontificat des hiérophantes » ne permet pas de conclure qu’il ait étudié l’ancien droit romain. Toujours à l’affût de curiosités lexicales ou sémantiques, il a sans doute rencontré un emploi isolé de ce terme au cours de ses lectures très variées. Il est cependant impossible de savoir quelle signification précise Du Rondel attribuait au mot savant de noema, dont le sens primaire est « pensée » ou « concept », mais qui avec le temps a acquis une nuance de mystère. Quoi qu’il en soit, Du Rondel voit dans l’inscription énigmatique qui est en cause une espèce de devinette, dont il offre une solution fantaisiste et burlesque qu’on peut lire à la note précédente.