Lettre 857 : Barthélemy Franconis à Bénédict Pictet

[Rotterdam, le 21 février 1692]

Monsieur et tres honoré frére [1]

Il y a fort long temps que je fais dessein tous les jours de me donner l’honneur de vous écrire [2], et je n’aurois pas tant tardé à m’aquitter de ce juste devoir, s’il s’etoit passé en ce pays des choses dignes de vous etre mandées*. J’ay fait conscience de vous faire perdre du temps à la lecture d’une lettre, pour vous dire seulement qu’on ne peut pas avoir plus d’estime, plus de vénération, et plus d’attachement pour une personne que j’en ay pour vous ; car je me persuade que vous me faittes la justice de le croire, et que si j’ay gardé un si long silence à votre égard, ce n’est point du tout par oubly ny par ingratitude, puis qu’on ne peut pas au monde avoir une personne plus présente à l’esprit, que vous l’etes continuellement au mien, ny avoir plus de reconnoissance pour toutes les bontez dont vous m’avez regallé, et dont je me suis prévalu avec tant de liberté. Je me suis toûjours un peu reposé sur Monsieur Turrettin [3], que je crois qui vous ecrit souvent, et qui vous aura pû tenir informé de ce qui se passe parmy les scavans. Son merite augmente tous les jours, et il s’est fait admirer icy par trois fois qu’il y a proposé [4]. Monsieur Jurieu en est fort content et il faut avouer que s’il va toujours en augmentant comme il a fait jusqu’icy, il ira bien loin. Il me semble qu’il cultive beaucoup plus Monsieur Jurieu à présent qu’il ne faisoit il y a quelques mois ; et il a si bien sceu faire que la grande liaison qu’il y a entre Mons r et Mad e Basnage et luy n’y est point du tout un obstacle.

Pour vous dire des nouvelles de Mons r Jurieu, il a eté assez malade pendant quelque temps [5], pour ne pouvoir point précher, et depuis sa derniere semaine qu’il voulut remplir, il se trouve encore languissant, de sorte qu’à présent il est encore attaqué d’un certain étourdissement de teste, qui ne luy permet pas de s’appliquer comme il voudroit, il se dispose pourtant à précher encore dimanche prochain qui est son tour. Je luy parle, Monsieur tres souvent de vous, et il y prent beaucoup de plaisir ; il a une estime toute particuliere pour votre merite, et il me charge ordinairement de vous faire ses compliments. Mad elle Jurieu [6] qui me fait la grace de m’aymer s’informoit encore hier pour la 2 e ou 3 e fois de moy de votre aage, du nombre de vos enfans, et d’autres choses de cette nature ; et / sur ce que je luy appris que depuis quelque temps votre famille etoit augmentée, elle me chargea avec Mons r Jurieu de vous en faire ses complimens. Je m’acquitte donc, Monsieur, de la promesse que je luy en fis et j’y joins les miens s’il vous plait.

Je ne scay si je dois vous entretenir de l’état du different de Mons r Jurieu avec Mons r Bayle et si Mons r Turrettin ne vous l’aura point écrit ; mais comme peut etre il n’en scait pas certaines circonstances, je vay hazarder une repétition. Je ne parleray pas des livres qui se sont faits de part et d’autre, ny des accusations reciproques, vous les aurez peu voir et apprendre, au moins une grande partie ; les sentimens sont partagez et chacun a ses partisans ; cependant le grand nombre va a charger Mons r Bayle d’etre l’autheur de l’ Avis [7], et à l’égard de la cabale de Geneve [8], il y a peu de personnes qui entrent absolument dans toutes les veües de Mr Jur[ieu] qui commence mesme à en revenir un peu, et à s’expliquer ; j’ay escrit sur ce sujet assez amplement à mon oncle le sindicq qui m’en avoit parlé dans une lettre. Mons r Jurieu m’a chargé lors que je vous ecrirois de vous demander aussi ce qu’on pensoit en nos cartiers* sur ce chapitre, et où alloit la plus grand[e] voix[.]

Ce dont je vous veux informer regarde ce qui se passe de particulier icy sur ce suject. Sur la fin de l’année passée, le consistoire qui etoit composé en partie de personnes opposées à Mr Jur[ieu] se mit en tête qu’il falloit obliger Mr Jur[ieu] à se reconcilier avec Mr Bayle et à assoupir tous leurs différents [9]. Il fit pour cet effect une invitation à Mr Jur[ieu] qui répondit qu’il étoit pret à le faire pourveu qu’on luy fit voir que Mr Bayle étoit innocent, mais que tandis qu’il seroit chargé de trahison contre l’Etat et la religion et accusé d’avoir des sentimens pernitieux, il n’y avoit pas de la justice à l’obliger à se réconcilier avec luy[.] Il se passa bien des choses de part et d’autre qu’il seroit trop long de rapporter ; mais enfin Mons r Jur[ieu] a si bien fait qu’il a poussé jusqu’à la fin de l’année sans qu’on ait rien décidé, et apres cela le consistoire s’est renouvelé de 8 personnes qui ne luy sont pas si opposées, outre qu’il a eté augmenté depuis quelque temps de Messieurs Basnage et Superville [10] qui ont eté faits ministres ordinaires. Presentement la chose reprend son cours, on fait les mesmes propositions à Mons r Jurieu, et il faut remarquer que c’est Mr Piélat [11] ancien ministre de cette Eglise, intime de Mons r Bayle et opposé, quoy qu’il en dise, à Mr Jurieu, qui pousse la chose. Mr Jurieu répond la mesme chose qu’auparavant, mais avant que d’entrer plus avant en matiere, il a fait prier Mr Basnage de se souvenir de ce qu’il luy promit entrant dans la charge de pasteur ordinaire qui etoit de ne point juger de ses diferens avec Mr Bayle, Mons r Basnage repond qu’il ne se souvient point de cela, et que tandis que Mr Jurieu ne seroit que denontiateur il pretendoit se servir de ses droits, que s’il se declaroit partie, il s’abstiendroit[,] comme beau frere[,] du jugement. Mons r Jurieu pour écarter Mr Basnage se déclare partie contre Mr Bayle, puisqu’au fond denontiateur ou partie c’étoit à peu prés la mesme chose ; sur quoy Mr Basnage déclare à Mr Jur[ieu] qu’il n’en jugera point. Apres cela Mr Pielat et Mr Bayle font si bien aupres de Mr Basnage qu’ils le font rétracter, ou du moins luy font inventer une distinction pour ne le pas eloigner du jugement ; c’est, dit-il, qu’il veut bien ne pas juger des faits, mais que pour ce qui regarde la doctrine, sur laquelle Mr Jur[ieu] a accusé Mr Bayle, Mr Basnage prétend comme pasteur et membre du consistoire en juger. Voila précisement où les choses en sont, et à cause de l’incommodité de Mr Jurieu / le consistoire n’a pas encore prononcé.

Je ne crois pas necessaire de vous dire les raisons qui obligent Mr Jurieu à eloigner Mr Basnage du jugement de son affaire car outre qu’il est parfaitement bon amy de Mr Bayle, il n’est pas fort bien avec Mr Jurieu à cause entr’autres choses des disputes de Mr de Beauval avec Mr Jurieu [12], dès ce temps là pourtant Mr Jur[ieu] et Mr Basn[age] se sont reconciliez et se visitent quelque fois. Mais vous pouvez avoir sceu que ce qui a le plus contribué à aigrir Mons r et Mad e Basnage contre Mr Jurieu est ce qui l’obligea avant que d’etre receu pasteur ordinaire icy, de legitimer une fille de 15 à 16 ans qu’ils avoyent eu avant leur mariage [13], ils se marierent l’an 1684, laquelle ils faisoient élever incognitò en Frise, ce qui n’etoit connu de personne presque que de Mons r Jurieu, si bien qu’il la fallu faire, et recevoir tout d’un coup dans leur maison un enfant de 15 à 16 ans dans le temps qu’ils n’en avoyent point. Cela a un peu mortifié Mad e Basnage, mais il a pourtant fallu avaler cette pilulle. Mr Jur[ieu] s’est creu en conscience obligé de rendre cet office à sa niece, il y avoit long temps qu’on sollicitoit Mr Basnage qui avoit toujours reculé, mais il ne le peut plus faire lorsqu’il fut question d’entrer dans la charge de pasteur ordinaire, parce que sans cela Mr Jurieu s’y seroit opposé ; et d’autre costé Mr Jurieu a osté à Mr de Beauval par ce moyen l’espérance de l’heritage de Mr Basnage son frere, qui n’avoit point d’enfans, et qui est assez considerable [14]. Je vous fais icy une histoire, Monsieur, qui etant deja arrivée depuis quelques mois vous sera sans doute* connue ; tout le mal qu’il y aura sera la perte du temps que vous aurez employé à en faire la lecture.

Toutes ces affaires chagrinent beaucoup Mr Jur[ieu], parce qu’il les prent entierement à cœur, et le but de ses adversaires est de le faire mourir. Je doute qu’il puisse jamais à peu pres autant travailler qu’il a fait, je le trouve fort usé pour un homme de 50 à 55 ans. C’est pourtant une chose admirable de voir la facilité avec laquelle il compose, il fait plus en deux ou 3 heures de temps qu’un copiste n’en peut transcrire d’un jour. Nonobstant tous ces tracas, il a fait une apologie de sa doctrine [15], dont il a envoyé il y a plus de cinq semaines deux coppies aux Eglises de La Haÿe et d’Utrecht pour y etre examinée selon l’ordre du synode, c’est une fort bonne piece de theologie dans laquelle il repond aux objections qu’on luy a faittes sur ses ouvrages, et où il s’explique, en peu de mots ; il me la donna à lire et me pria mesme de la luy copier. Il attend avec impatience qu’on la renvoye à fin de la donner à l’imprimeur.

Mons r Rocca [16] m’ecrivoit il y a quelque temps au sujet de Mr Jurieu qu’il avoit imprimé un livre contre Mons r Bayle intitulé Le Philosophe dégradé ; mais cela n’est pas de sa facon, c’est un livret d’un inconnu [17], comme il en a deja paru divers autres de cet ordre, lequel répond au second livre de Mr Bayle intitulé La Chimere de la cabale [18] ; Mr Jurieu n’a mis au jour sur ce sujet que ses Nouvelles et Dernieres Convictions, avec son Apologie ; et La Religion de Mr Bayle tirée de ses ouvrages d’une feuille ou deux [19].

Il paroît depuis quelque temps un premier tome d’ Essais de morale de Monsieur de La Placette [20], ministre à Coppenhague, qui doivent etre suivis bien tost de quelques autres, ils ont eté generalement assez bien receus, et effectivement ils sont assez bons.

Il arriva un accident à Mr Le Gendre [21] il y a quelque temps qui fut assez heureux, revenant un soir à six heures de chez Mr Leers par un brouillard fort épais, il tomba dans un des plus grands canaux de la ville / nonobstant les lanternes, et comme par bonheur l’eau etoit gelée, et que la glace ne venoit d’etre couverte que d’un peu d’eau de la marée, on l’en tira fort heureusement et sans s’etre fait aucun mal, quoy qu’il fut tombé de bien haut, et il en fut quitte pour la peur et pour le froit. Monsieur Basnage[,] qui me venoit rendre une visite ce mesme soir là à peu pres aux mesmes heures[,] faillit à se faire du mal sur du canon de vaisseau qui etoit dans la rue, parmy lequel il s’embarassa et qu’il ne voyoit point, tant le brouillard etoit épais. Il fait extremement froid à present et tout est gelé en ce pays. Mr Jurieu me disoit encore tantost que dès qu’il y etoit, il n’avoit pas encore veu un si rude hyver ; cepend[ant] je ne trouve pas qu’il fasse plus froid ordinairement que chez nous. Je vous dema[nde] pardon, Monsieur, si je vous entretiens de semblables choses, je voudrois en avoir de plus considerables à vous mander, je le ferois avec beaucoup de plaisir et d’inclination.

Faittes moy la grace, Monsieur, de me conserver vostre amitié, dont je fais un cas si prétieux et qui m’est d’une si grande utilité. Jamais je ne reconnus mieux le besoin que j’en ay qu’à present que je ne suis pas en pouvoir de m’en prévaloir en vous consultant. J’espere, s’il plait à Dieu, profiter encore de vos lumieres lors que je seray de retour au pays et que j’auray l’avantage de vous approcher, le temps de mon eloignement me paroit toujours long par rapport à vous sur ce suject, et je me flatte que vous me permettrez de le récompenser lors que je seray de retour. Apres avoir bien veu et entendu des pasteurs, je n’en trouve encore aucun qui ait toutes les qualitez que vous possedez, aussi ne scaurois je me taire sur ce suject toutes les fois que l’on parle de bons et habile[s] prédicateurs et de scavans hommes, et il faut que je vous mette toujours sur le tapis, de l’abondance du cœur, la bouche parle [22].

Je suis heureux, Monsieur, d’avoir l’avantage d’etre aymé de vous, et il n’y a rien au monde que je ne fasse pour le meriter, et pour vous prouver dans toutes les occasions qu’on ne peut pas etre avec plus de respect Monsieur et tres honoré frere vostre tres humble et tres obeissant serviteur
B. Franconis

A Rotterdam ce 11 e/21 e fev[rier] 1692.

Permettez Monsieur, que Madame et Mademoiselle Pictet [23] trouvent icy l’assurance de mes respects.

Notes :

[1Sur Bénédict Pictet, que Bayle avait connu lors de son séjour à Genève et qui, après sa peregrinatio academica effectuée en compagnie d’ Antoine Léger, était devenu en 1686 pasteur et professeur de théologie à Genève, voir Lettre 84, n.4. Il allait devenir pasteur de l’Eglise italienne de Genève en 1709.

[2Barthélemy Franconis (1664-1709), Genevois, avait fait ses études à Genève et soutenu ses thèses en 1690 ; il avait alors accompagné son parent Jean-Alphonse Turrettini dans son voyage en Hollande. Il allait devenir diacre de l’Eglise française à Bâle en 1696, puis pasteur en 1699. Quelques lettres échangées entre Franconis et Turrettini ont survécu : voir Stelling-Michaud, iii.357 ; Pitassi, Inventaire Turrettini, v.91.

[3Jean-Alphonse Turrettini, cousin germain de Pictet. Très peu de lettres ont survécu de leur correspondance : deux par an seulement pour les années 1691, 1692 et 1693 : voir Pitassi, Inventaire Turrettini, v.184-185.

[4Sur l’une des visites de Jean-François Turrettini à Rotterdam, voir Lettre 819, n.18.

[5Sur cette maladie de Jurieu, due sans doute, comme celle de Bayle à la même époque, au surmenage, voir Lettre 715, n.4.

[7Point de vue intéressant sur la réaction du public à la lecture de l’ Examen de Jurieu et à la querelle qui avait suivi.

[8Bayle avait apporté beaucoup plus d’énergie et beaucoup plus d’arguments convaincants – et pour cause – à rejeter les accusations concernant la « cabale chimérique » qu’à combattre les indices qui pouvaient le faire soupçonner d’être l’auteur de l’ Avis aux réfugiés et, sur ce dernier point, les « petits livrets » de Jean Robethon avaient sans doute pesé leur poids.

[9Sur les démarches du consistoire dans la bataille entre Bayle et Jurieu, voir en annexe au présent volume la liste chronologique des actes pertinents enregistrés par le consistoire au cours de cette période.

[10Sur Daniel de Superville, voir Lettre 584, n.3.

[11Phinéas Piélat (1645-1700), pasteur de l’Eglise wallonne de Rotterdam depuis 1673 ; il devait partir en 1698 à Orange, sa ville natale ; il y mourut deux ans plus tard.

[12Sur les interventions de Basnage de Beauval dans la querelle entre Bayle et Jurieu, voir Lettre 745, n.6, 781, n.6, 813, n.1.

[13Franconis, partisan de la cause de Jurieu, brode ici sur un fond historique authentique. Sur le mariage de Jacques Basnage avec Suzanne Du Moulin en 1684 et sur la naissance « précoce » de leur fille, voir Lettre 831, n.3. Franconis se trompe donc sur l’âge de la fille légitimée. On remarque que Franconis attribue des motifs honnêtes à Jurieu et des motivations honteuses à Basnage, son adversaire. Bien entendu, Bayle attribue à un tout autre motif l’opposition de Jurieu à la nomination de Basnage comme pasteur ordinaire : voir Lettre 802, n.9, H. Bost, Le Consistoire de l’Eglise wallonne de Rotterdam, p.14, 121-122, et notre Annexe III à la date du 16 et du 17 août 1691.

[14La querelle entre Jurieu et Basnage de Beauval avait été déclenchée par un compte rendu des quatre Avertissements aux protestants de Bossuet où le journaliste considérait que la réplique de Jurieu dans ses Lettres pastorales était si faible et insuffisante qu’il avait fourni des armes au prélat ( HOS, mai 1690, art. xiii, p. 386-407). Piqué, Jurieu avait publié un Avis de l’auteur des « Lettres pastorales » à M. de Beauval auteur de l’« Histoire des ouvrages des savants », où il prétendait non seulement donner à Beauval des leçons de théologie et de journalisme (voir OD, v-2, p. 179-186), mais où il cherchait aussi à le discréditer en le soupçonnant de lui en vouloir pour de basses raisons. Beauval avait aussitôt publié chez Leers une Réponse de l’auteur de l’« Histoire des ouvrages des savants » à l’« Avis » de M. Jurieu auteur des « Lettres pastorales » (voir OD, v-2, p.187-239) où il montrait que sa défense de la tolérance n’avait rien à voir avec le socinianisme. En mai ou juin 1692, Basnage de Beauval devait publier un pamphlet intitulé Examen de la doctrine de Mr Jurieu (voir OD, v-2, p.585-616). Mais les relations entre les deux hommes s’étaient peut-être dégradées dès l’année précédente, Jurieu ayant soutenu la candidature de Jean Rou pour la place d’interprète des Etats-Généraux à laquelle Basnage de Beauval aspirait (voir E. Labrousse, « Introduction historique », dans OD, v-1, p.xxiv-xxvii ; H. Bost, Pierre Bayle, p.313, 324-325).
A l’époque de la présente lettre, la question de l’examen des livres de Jurieu a été abordée par les synodes wallons de Leyde (mai 1691 : art. xix) et de Naarden (août 1691, art. xxii) ; mais à ce synode de Naarden, l’Eglise de Zutphen se plaint qu’on ait omis de mettre, dans les actes du synode précédent qu’on avoit arrêté à la pluralité des voix, et qu’il fut même déclaré à Monsieur Jurieu qu’on nommeroit un commissaire pour examiner plusieurs propositions de ses livres, que beaucoup d’honnêtes gens n’approuvent pas » (art. xiii). Le synode déboute les délégués de Zutphen de leur plainte « injuste et mal fondée ». Il n’y aurait pas eu nomination de commissaires, mais demande d’explication adressée à Jurieu (synode de Naarden, art. xxii). Pourtant, il y a bien examen de la 2 e Apologie de Jurieu puisque Saurin et Basnage de Flottemanville s’indignent de ce qu’elle lui soit favorable (voir Lettre 876, n.2).
Au synode wallon de Zierickzee (mai 1692), l’examen des écrits de Jurieu et diverses contestations de sa part devaient faire l’objet d’une très longue délibération et susciter la rédaction d’une article d’une longueur exceptionnelle ; le pasteur et théologien de Rotterdam était également impliqué dans plusieurs autres points à l’ordre du jour (art. xl, xli, xlv) ; il récusait l’autorité du synode et annonçait son intention de se pourvoir devant leurs Hautes Puissances les Etats Généraux (art. xliv) et se trouvait mis en cause par Elie Saurin et Basnage de Flottemanville pour son Ouverture de l’Epître aux Romains et pour son Apologie (art. xlvi : voir Lettre 867, n.2) ; Livre synodal contenant les articles résolus dans les synodes des Eglises wallonnes des Provinces-Unies du Païs-Bas, t. II.
L’affaire devait revenir au consistoire six semaines plus tard : « Du dimanche 24 août 1692. – Monsieur Basnage ayant presenté une lettre de Mr Basnage Beauval par laquelle il demande que la compagnie prenne cognoissance d’une affaire qu’il a avec M. Jurieu et luy marque un jour pour l’entendre, la compagnie a resolu de donner cognoissance à Mr Jurieu de sa demande et de faire sçavoir à Mr de Beauval par M. Basnage, pasteur, qu’elle l’escoutera dès dimanche prochain s’il veut se presenter en personne et que Mr Jurieu quy est absent puisse aussy estre present. »

[16Il s’agit sans doute d’ Etienne Rocca (1659-après 1703), élu au Conseil des Deux Cents en 1684, capitaine en Piémont, condamné en avril 1692 pour avoir procédé à des enrôlements forcés (Stelling-Michaud, v.360) : lors de son arrestation, François Pictet était parti pour lui venir en aide. Etienne était membre de la famille Rocca originaire d’Ivraie, venue en dernier lieu d’Avigliano, au marquisat de Suse. Il avait un frère cadet : Jean (1664-1752), qui venait d’achever ses études de théologie en 1690 et qui devait être agrégé à la Compagnie des pasteurs en 1696 (Stelling-Michaud, v.360-362). Voir aussi Pitassi, Inventaire Turrettini, vi, s.v., et Galiffe, Notices généalogiques, ii.619-626.

[17Jean Robethon, Le Philosophe dégradé : voir Lettres 832, n.6, et 835, n.6.

[18A cette date, venait de paraître un nouveau pamphlet de Robethon intitulé Lettres sur les différens de M. J[urieu] et de M. B[ayle] où l’on découvre les contradictions de ce dernier (s.l. [janvier-février 1692], 12°).

[20Sur cet ouvrage de Jean de La Placette, voir Lettre 856, n.13.

[21Sur Philippe Le Gendre (1636-1725), pasteur extraordinaire de l’Eglise wallonne de Rotterdam depuis 1686, voir Lettre 166, n.2.

[22Citation de Matthieu 12, 34.

[23Franconis salue très probablement la mère (« Madame »), Barbe (?-1711), et la femme (« Mademoiselle »), Catherine (1659-1746), de son correspondant. Bénédict et Catherine Pictet eurent trois filles : Elisabeth, née en 1687, dont on ne connaît pas la date de la mort ; Louise, morte en 1694 à l’âge d’un an ; et Angélique (1691-1736). Voir J.-D. Candaux, Histoire de la famille Pictet, 1474-1974 (Genève 1974) ; Pitassi, Inventaire Turrettini, v, vi, s.v.

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