Tome VIII : lettres 720-901

En 1689, dans le contexte politique international créé par le sac du Palatinat et par la Glorieuse Révolution, Bayle entre dans l’ère du soupçon.

Après la Réponse d’un nouveau converti (datée du 20 décembre 1688), il publie, en avril 1690, l’Avis aux réfugiés, terrible pamphlet qui met en cause de façon radicale les options politiques du « parti » des réfugiés huguenots aux Provinces-Unies. Cette mise en cause s’appuie sur une conception très ferme de l’autorité absolue du souverain et sur une conception sans concessions de la soumission chrétienne à la volonté divine. Non seulement Bayle s’insurge contre la mise en scène par Jurieu de la politique de Guillaume III comme celle d’un nouveau David, d’un homme providentiel qui agit selon le cœur de Dieu, qui réalise Ses volontés et qui, du même coup, ouvre la voie au retour des huguenots réfugiés en France, mais plus fondamentalement il dénonce toute alliance entre les Eglises et la politique. La religion a ses « espèces à part » ; elle ne doit pas, par définition, se réduire à un calcul d’intérêt séculier ; la morale chrétienne est incompatible avec les ruses et les manœuvres du « monde ». Or, la Glorieuse Révolution a levé le voile sur la réalité des rapports de forces politiques qui déterminent la vie de toutes les Eglises. Tant qu’elles sont minoritaires, les ecclésiastiques sont tolérants, tous prêchent la charité chrétienne, tous se soumettent à l’autorité du souverain ; dès qu’elles deviennent majoritaires, le clergé s’arroge le droit de fouiller et de forcer les consciences, de persécuter les dissidents, d’interdire toute contestation. L’Eglise réformée ne peut plus se targuer de sa différence, puisque celle-ci ne tenait qu’aux péripéties des conditions historiques de sa vie minoritaire en France. La Glorieuse Révolution a démontré que les réformés ne valent pas mieux que les catholiques sur ce plan.

La pensée de Bayle dépasse-t-elle, en 1690, la forte objection qu’il exprimait déjà dans son pamphlet de 1685, lorsqu’il s’en prenait aux autorités catholiques ?

« Je voudrais que vous entendissiez ceux qui n’ont d’autre religion que celle de l’équité naturelle. Ils regardent votre conduite comme un argument irrefutable, et lorsqu’ils remontent plus haut et qu’ils considerent les ravages et les violences sanguinaires que vôtre religion catholique a commises pendant six ou sept cens ans par tout le monde, ils ne peuvent s’empêcher de dire que Dieu est trop bon essentiellement pour étre l’auteur d’une chose aussi pernicieuse que les religions positives, qu’il n’a révelé à l’homme que le droit naturel, mais que des esprits ennemis de nôtre répos sont venus de nuit semer la zizanie dans le champ de la réligion naturelle, par l’établissement de certains cultes particuliers, qui savoient bien qui seroient une semence éternelle de guer[r]es, de carnages et d’injustices. Ces blâfemes font horreur à la conscience ; mais vôtre Eglise en répondra devant Dieu, puisque son esprit, ses maximes et sa conduite les excitent dans l’ame de ces gens-là. » (Ce que c’est que la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand, éd. E. Labrousse, p.36-37)

Bayle dénonçait depuis longtemps « l’esprit de persécution qui a fait tant de ravages, et qui finalement a converti le christianisme en Eglise romaine, c’est-à-dire en Eglise meurtrière et menteuse » (ibid., p.61) ; il dénonçait chez les catholiques « une si furieuse disproportion de l’esprit du christianisme » (p.71), ce « zèle » qui « fait faire tant de choses contraires aux idées de l’équité » (p.77), contraires à « cette charité généralle que nous devons à tous les hommes, par les devoirs indispensables de l’humanité » (p.72). La mise en évidence par la Glorieuse Révolution du véritable esprit du « parti » huguenot n’est-elle, après tout, qu’un nouveau « triomfe [...] pour ceux qui disent, que Dieu ne nous a point révelé d’autre religion que la lumiere naturelle, qui ne manqueroit pas de nous montrer sûrement l’équité et l’honnêteté, et notre devoir envers Dieu et le prochain, si nous ne l’obscurcissions pas par tant de cultes et par tant de dogmes, dont un Etre ennemi, sans doute, de nôtre répos, disent-ils, nous a subtilement et imperceptiblement coiffez » (p.61-62) ? Ou bien s’agit-il d’une crise plus profonde : d’une rupture non seulement avec toutes les Eglises établies, mais avec la foi même, d’un écœurement qui l’éloigne non seulement des institutions mais aussi de la foi qu’elles professent ? Ce débat est encore ouvert.

Bayle commet une nouvelle imprudence. Il fait copier, à la demande de Vincent Minutoli, un projet de paix en Europe, rédigé par un commerçant genevois nommé Goudet, et le communique à différentes personnalités politiques. Jurieu découvre avec indignation cet écrit. Il le met en rapport avec l’Avis et, avec un instinct accusateur dont on ne peut qu’admirer la précision, se tourne vers Bayle. Violemment dénoncé comme un traître à l’Etat et à sa confession, Bayle se défend vigoureusement. C’est une véritable explosion de pamphlets d’un côté et de l’autre. Jurieu s’en prend à tous ceux qui n’épousent pas ses convictions politiques et religieuses : les polémiques se multiplient autour du fougueux théologien, qui a maille à partir avec La Conseillère, Basnage de Beauval, Jaquelot, Le Gendre, Basnage de Flottemanville, Elie Saurin, Noël Aubert de Versé, et se trouve lui-même mis en cause devant le consistoire de Rotterdam et au synode des Eglises wallonnes. Jurieu élabore sa défense et change de tactique d’un synode et d’un consistoire à l’autre. Il mène une véritable campagne contre son ancien protégé, qui incarne désormais, à ses yeux, et la trahison politique, la « complicité » avec la cour de France, et l’hérésie religieuse, la tentation du socinianisme conduisant tout droit au déisme et à l’athéisme. Il va jusqu’à faire dérober une lettre de Bayle, espérant pénétrer dans le secret de ses intentions et de ses arrière-pensées. Et il invoque le témoignage de Jacques Sartre, qui lui fournit un récit fort partial de la conversion de Bayle au catholicisme et de son séjour à Toulouse chez les jésuites. Cet harcèlement n’atteint pas cependant son but.

Toutes ces affaires sont évoquées dans la correspondance et trouvent également écho dans les actes du consistoire de l’Eglise wallonne de Rotterdam, dont nous reproduisons les passages pertinents en appendice. Les délibérations du consistoire traduisent le désarroi et la détresse de la communauté wallonne, incapable d’imposer la paix – ou du moins le silence – à ses deux membres les plus éminents.

Bayle se défend en invoquant sa distraction et son indifférence à l’égard du projet de paix, qui lui paraît, assure-t-il, ridicule. Or, il constitue, aux yeux de son adversaire, un véritable programme européen rival de la politique de Guillaume III. En effet, selon la perspective des orangistes, toute contestation du bien-fondé de la Glorieuse Révolution implique une option politique d’alliance objective avec Louis XIV ; de même que, pour les autorités françaises, tout obstacle au pouvoir absolu du Roi constitue un geste favorable à l’ennemi habsbourgeois. Dans ce contexte européen, qui constitue un véritable champ de mines pour les huguenots réfugiés, Bayle est conscient des enjeux mais il semble prendre progressivement conscience que les options politiques du parti « républicain » – celles de son ancien patron Adriaan Paets, qui avait œuvré pour rétablir l’alliance entre les Pays-Bas et la France – sont vouées à l’échec. En ce sens, l’Avis est un acte de désespoir, le geste d’un huguenot qui a compris que les réfugiés ont définitivement perdu la partie, qu’ils ne pourront plus jamais retourner en France. Or, ce geste désabusé l’isole – intellectuellement, intérieurement – dans sa propre communauté. Il ne semble pas prendre la mesure de cet isolement dans l’immédiat, tout au combat contre le détesté « Orkius » : il se contente de démontrer que les arguments allégués pour lui attribuer l’Avis aux réfugiés sont légers et vulnérables sur le plan logique et historique ; il multiplie les ruses pour contrer ces accusations et pour dénoncer la mauvaise foi de ses adversaires sans leur faire face directement par un démenti catégorique. Il se contente d’arguments ad hominem, laborieusement énumérés et répétés d’un pamphlet à l’autre. Que ce soit sous l’effet des accusations retentissantes de Jurieu ou sous celui de la faible – mais virulente – défense de Bayle, en peu de temps les huguenots réfugiés et les observateurs réformés savent qu’il a, en effet, recopié un programme politique hostile à la stratégie de Guillaume III et ils sont convaincus qu’il est l’auteur du terrible Avis aux réfugiés. Sur cette conjoncture pénible, nous avons le commentaire d’observateurs attentifs et intéressés : Louis Tronchin, Jean-Robert Chouet, Jean-Frédéric Ostervald, Barthélemy Franconis, Bénédict Pictet disent leurs impressions sur une querelle dont toute la République des Lettres est le témoin. Bien des aspects de cette affaire restent mystérieux. Nous savons fort peu de chose – au-delà des élucubrations ultérieures de l’abbé Desfontaines (Lettre 750) – des lettres échangées entre Bayle et Pellisson, entre Bayle et Larroque. Bayle fait état des réfutations de l’Avis – par Gédéon Huet, Jacques Abbadie, Isaac de Larrey et Elie Merlat – mais il garde le secret sur son propre rôle. Désormais, il est isolé sur le plan politique et religieux ; il ne peut s’expliquer sincèrement sur ces différents plans, même avec ses meilleurs amis. A son cousin, Gaston de Bruguière, il fait la confidence de son désenchantement et de la conscience qu’il a prise de sa position paradoxale au sein de la communauté des huguenots réfugiés :

« Au fond je me soucie peu de cette reconciliation [avec Jurieu] ; c’est un homme qui est desormais le mepris et l’horreur des personnes les plus eclairées, et son parti ne se soutient que par le peuple des refugiez. » (Lettre 844)

Et dans sa correspondance avec un des « secrétaires » de la République des Lettres, l’abbé Claude Nicaise, il semble prendre ses distances par rapport à sa querelle avec Jurieu, cependant sans pouvoir s’abstenir d’apporter le démenti à chaque nouveau pamphlet du fougueux théologien :

« La Cabale chimerique ne vaut pas la peine d’etre mentionnée dans le Journal des scavans, c’est une production de procez informe ; la 2e edition est plus souffrable, mais tous les ecrits qu’il a fal[l]u faire là dessus, ne roulant que sur des differens personels, et sur des faits de peu d’importance, ne sont que barbouillage de papier à quoi le public prend peu d’interet. » (Lettre 847)

Au cours de ces années, Bayle prépare le Projet d’un dictionnaire critique, dont certains traits risquent de le trahir comme auteur de l’Avis aux réfugiés : la Dissertation sur les libelles diffamatoires et l’article consacré au pseudonyme d’Etienne Junius Brutus et à ses Vindiciæ contra tyrannos constituent, en effet, des indices compromettants, comme Jurieu le relèvera rapidement. De plus, Bayle ne peut pas s’empêcher d’insérer dans les esquisses d’articles de petites remarques piquantes à l’égard de Jurieu. Il sait qu’il devrait renoncer à ces traits d’humour polémique, mais il les maintient et, plus tard, il les multipliera dans le Dictionnaire définitif. C’est un trait de tempérament qu’il tente de justifier par une tactique de controversiste :

« Quant aux petits coups de fouet qu’il [Jurieu] a eus dans le Projet du dictionaire, j’avouë que tous les lecteurs autant que j’ai pu decouvrir, les ont trouvez mal placez, et je ne saurois disconvenir qu’il n’eut mieux valu que cet ouvra[ge] eust eté exempt de ces petites hostilitez. Contre tout autre ad[versai]re je les aurois evitées avec soin, mais c’est un homme qui semble etre d’une espece toute particuliere, et qui fait exception à tout engagement d’honneteté ; il tire avantage principalement lui et ses creatures de ce qu’on ne lui repond pas vertement ; il en prend matiere d’insultes, c’est pourquoi j’ai cru qu’il faloit le traitter comme à coups de fourche. » (Lettre 887)

Bayle se découvre dans tous les sens du terme dans cette interminable polémique. Enfin, sa lettre malencontreusement adressée à Jacob van Zuylen van Nijevelt, un partisan éminent de la politique orangiste, annonce sa destitution de la chaire d’Histoire et de Philosophie à l’Ecole Illustre de Rotterdam. C’est un tournant capital dans la carrière de Bayle.

C’est aussi un moment intense et complexe de son évolution intellectuelle, politique et sociale. Certains de ses correspondants sont devenus des acteurs politiques d’importance : Gilbert Burnet a suivi Guillaume III en Angleterre et a été récompensé par l’évêché de Salisbury ; Alexandre Cunningham est devenu un diplomate éminent ; François d’Usson de Bonrepaux – membre d’une famille proche des Bayle au Pays de Foix – est devenu le bras droit du secrétaire d’Etat aux affaires étrangères. Au même moment, les événements et les décisions politiques font l’objet de commentaires critiques dans de nouveaux périodiques lancés par des réfugiés et par des transfuges : le journalisme politique se réveille sous l’influence de Gatien Courtilz de Sandras, de Jean Tronchin Dubreuil, de Claude Jordan et de Jacques Bernard, et la propagande de la Gazette est systématiquement contrée par leurs analyses. Sur le terrain du Refuge, Bayle continue à servir d’intermédiaire pour les réfugiés qui cherchent un abri : Jean de Bayze, son cousin, M. Dartemont, de Saverdun, les frères Le Gendre, Abel Boyer, Rémi Oudin, Daniel Chamier et Michel Le Vassor entrent en contact avec lui à Rotterdam en route les uns pour l’Angleterre, les autres pour le Brandebourg.

Pendant ce temps, les contacts intellectuels et les lectures se multiplient : nous assistons à la préparation des derniers ouvrages de Ménage, peu avant sa mort ; Emeric Bigot, qui avait introduit Bayle auprès de Ménage, meurt lui aussi ; par l’intermédiaire de Janiçon, Bayle entre en contact avec Etienne Baluze et reste en relation avec Nicaise ; lors du passage de Jean-Alphonse Turrettini à Rotterdam, au cours de sa peregrinatio academica, Bayle peut s’entretenir avec le jeune théologien. Le rythme de sa correspondance s’accélère au moment où il commence à rédiger son Dictionnaire, car il a besoin de quantité de petites informations pour tel ou tel article. Outre mille et une allusions à des personnes et à des ouvrages importants : Spener, Labadie, Mayer et son Traité des trois imposteurs, Antoine Arnauld toujours en exil à Bruxelles, son pamphlet virulent contre Guillaume III, l’affaire du « faux Arnauld » de Douai, Adrien Baillet, Perizonius, Leickher, Colomiès, Placcius, Deckherr, Balthazar Bekker... et, enfin, les savants et les philosophes : Leibniz, Huygens, Malebranche, il écrit même à son cousin pour s’informer du Tabe, un mont pyrénéen visible du Carla : en effet, il a prévu un article « Auriège ». D’autres lettres témoignent de la rédaction en cours des articles « Balzac » et « Morus ».

Une autre affaire occupe la correspondance entre Bayle et Minutoli. On sait qu’en 1686 les vaudois ont été expulsés du Piémont par le duc de Savoie à la demande de Louis XIV. En 1689, Victor-Amédée II renverse son alliance avec la France et se lie avec Guillaume III, le nouveau roi d’Angleterre. Les vaudois, conduits par Henri Arnaud, retournent dans leurs vallées au cours d’une expédition qui reçoit le nom de « Glorieuse Rentrée ». Paul Reynaudin les accompagne et enregistre les événements militaires dans son journal. Le 6 novembre 1689, les vaudois se nichent dans les grottes de l’Aiguille de Giaussarand et doivent s’enfuir de peur d’être cernés par les dragons du maréchal Nicolas de Catinat. Dans la hâte de cette retraite, Reynaudin perd son journal, qui est retrouvé le lendemain par un officier des troupes savoyardes ; celui-ci le prend pour le journal d’Henri Arnaud lui-même et le fait porter à la cour de Turin. De là, comme le raconte Henri Arnaud, il est envoyé à « un homme de lettres de Genève ». Or, les lettres que Minutoli adresse à Bayle sont remplies des nouvelles de la « Glorieuse Rentrée » des vaudois ; il donne le détail des événements militaires et politiques presque au jour le jour : c’est lui qui a reçu le précieux journal de Reynaudin et il en tire son récit de l’Histoire de la Glorieuse Rentrée (1698). Comment l’a-t-il reçu ? « Par le moyen d’une espèce de Benting » auprès de Victor-Amédée II. Or, Minutoli nous révèle dans ses lettres l’identité de celui avec qui il est en correspondance régulière et qui a su gagner la confiance du duc de Savoie : c’est l’abbé de Saint-Réal. Ensuite, Minutoli continue à recevoir des nouvelles très précises des mouvements militaires grâce au « réseau vaudois » mis en place par Josué Janavel, le héros de la résistance vaudoise, installé depuis 1664 à Genève. Janavel reçoit des informations sur les événements qui se déroulent dans les vallées piémontaises et les diffuse auprès du « lobby » italien de Genève, auquel appartiennent François et Étienne Turrettini, les pasteurs Antoine Léger et Fabrice Burlamacchi, ainsi que Vincent Minutoli. Henri Arnaud lui-même loge chez Minutoli pendant plusieurs mois à partir du mois d’octobre 1690. Ainsi s’explique la richesse et la précision des informations que ce dernier transmet à Bayle. La correspondance de Bayle révèle ainsi l’arrière-plan et les coulisses d’un événement politique et religieux considérable.

Malheureusement, comme Bayle l’explique lui-même (Lettre 794), la médisance de Jurieu l’a privé de la visite d’Henri Arnaud lors du passage de celui-ci à Rotterdam. Mais cette histoire passionnante, qui a le statut de légende héroïque parmi les vaudois, ne s’arrête pas là. Non seulement on assistera en 1696 au nouveau retournement de l’alliance du duc de Savoie et à la nouvelle expulsion des vaudois, mais dès 1690 Bayle leur consacre un chapitre de l’Avis aux réfugiés, où il les condamne sans réserve. Ils n’ont pas respecté l’autorité souveraine du roi ; ils ont rompu le pacte civil ; et cette rupture est d’autant plus grave qu’ils agissent par un motif religieux, car ils n’ont pas respecté la parole du Christ : « Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez en une autre » (Mathieu, 10, 23) :

« Il est difficile de ne pas sentir, dans toute cette économie, le dessein que Dieu avait de nous apprendre que les sujets ne doivent jamais s’armer contre leur prince, soit pour sortir malgré lui hors de ses Etats, soit pour y demeurer malgré lui ; mais qu’ils doivent espérer de leurs prières et de leur sainte résignation qu’il les délivrera de la tyrannie quand il en sera temps. » (Avis aux réfugiés, éd. G. Mori, p.248)

Bayle applique ainsi sans restriction la distinction radicale entre le monde politique et le domaine spirituel. Et il n’était que trop facile à ses adversaires de tirer la morale de cette leçon en appliquant la même conclusion à l’expulsion des huguenots du royaume de France en 1685. En paraissant ainsi justifier la Révocation – ce qui n’est d’ailleurs qu’une réduction simpliste de sa véritable conviction politique – décidément, Bayle s’isole.

Antony McKenna

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27 septembre 2012
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