A Pierre Bayle
J’ai reçu enfin vos Pensées diverses à l’occasion de la comète qui est apparue en 1680 : et comme la Lettre sur le même sujet que vous aviez écrite autrefois [1] m’a merveilleusement plu, de même vous pouvez facilement deviner que votre petit opuscule mis dans un meilleur ordre et complété par de multiples suppléments a plu infiniment. Car pour ne rien dire du style, qui se relève par sa beauté naturelle, ni des phrases qui sont parsemées de pavot et de sésame, la matière même est traitée et illustrée d’une manière si érudite qu’après vos efforts il n’y aura pour ainsi dire personne, je crois, qui se persuade qu’un dieu irrité appelle sur des règnes injustes des comètes fatales, et que celles-ci n’ont pas été vues sans péril dans le ciel, opinion qui doit sembler d’autant plus étrange que les anciens, comme vous le savez, ont estimé que certaines des comètes étaient bénéfiques. Je vous remercie donc pour ce cadeau et espère bientôt vous payer de retour avec un Lactance, De la Mort des persécuteurs, qui, fourni de mes notes et de celles de Jean Columbus, un professeur très érudit parmi les Upsaliens, s’imprime aux pays nordiques [2]. J’ai l’habitude, d’ailleurs, de lire avec le plus vif intérêt ce que vous publiez si utilement dans les catalogues de livres de chaque numéro mensuel de la République des lettres, et tout comme j’ai toujours approuvé les anciennes initiatives françaises de Paris et les nouvelles initiatives allemandes de Leipzig [3], de même les vôtres, encore que très récentes, n’ont pu ne pas plaire, car vous éclairez si bien et faites avec tant de jugement, à l’instar du patriarche Photius [4], les extraits de ce qu’il y a de particulièrement mémorable et digne de remarque dans les travaux des érudits. Je vois même que mon Apothéose y est comprise [5], et je me réjouis en mon coeur de savoir qu’un homme d’une érudition peu superficielle y ait trouvé des choses qui plaisent, et qu’il approuve la voie que j’ai suivie en expliquant ou en clarifiant les mots et sentences des auteurs anciens ou modernes. En tout cas, rien ne me tient plus à cœur que de n’atteindre à la gloire de personne, et non seulement j’ai toujours sous les yeux cette maxime célèbre :
Notes :
[1] Cuper vient de lire les Pensées diverses […] à l’occasion de la comète qui parut au mois de décembre 1680 (Rotterdam 1683, 12°) et les compare avec la première édition intitulée : Lettre […] où il est prouvé que les comètes ne sont point le présage d’aucun malheur […] (Cologne [Rotterdam] 1682, 12°).
[2] Voir L.Cæcilii Firmiani Lactantii de mortibus persecutorum, liber, cum notis Johannis Columbi et al. (Aboæ 1684, 12°) et le compte rendu NRL, août 1685, catalogue.
[3] Le JS, publié à Paris, et les Acta eruditorum, publiés à Leipzig.
[5] Voir Apotheosis, vel consecratio Homeri, sive lapis antiquissimus in quo poetarum principis Homeri consecratio sculpta est, commentario illustratus a Gisberto Cupero. Accedunt : explicatio gemmae augustææ, numismata antiqua explicata (Amstelodami 1683, 4°), et le compte rendu, NRL, mars 1684, art. VIII.