Lettre 1291 : François Janiçon à Pierre Bayle

• A Paris ce 23 août 1697

Je m’estime bien heureux, Monsieur, d’avoir contribué quelque chose à la connoissance que Mr de Tour[r]eil a eüe de deux personnes d’un aussi grand mérite que vous et Mr de Beauval et je ne doute pas que lorsqu’il sera ici de retour, il ne m’en fasse avoir bien des remerciemen[t]s et par ce moyen je me trouverai avoir receu plus d’un payement du plaisir que j’ai eu dessein de vous procurer aux uns et aux autres. Aussitot qu’il m’aura remis le paquet dont il a bien voulu se charger[,] je ne manquerai point de le porter à Mr l’abbé Du Bos sous le couvert duquel j’ai receu votre derniére lettre du 12 de ce mois. Vous devés aussi être persuadé, Monsieur, que j’aurai soin de faire ce que vous m’y recommandés au sujet de votre Diction[n]aire ; et je le suis aussi moi meme que ceux à qui je la communiquerai me seconderont volontiers pour vous faire ce plaisir. J’avois creu avec plusieurs autres que vous aviés vu une coppie du rapport qui avoit été fait de votre livre à Mr le chancellier, et rien ne pouvoit m’en faire douter que la brievété et la simplicité de la réponse que vous y fites.

Apres vous avoir répondu à cette derniére de vos lettres je me sens obligé de vous témoigner bien de la confusion de ne l’avoir pas encore fait à quelques unes de vos précédentes ; quoique je ne sois pas tout a fait destitüé d’excuses pour justifier mon silence. Vous m’aviés recommandé de presser Mr Baluze de votre part, pour le porter à faire quelques remarques sur votre Diction[n]aire dont vous pussiés vous prévaloir dans une seconde edition, et c’est à quoi je n’ai point manqué, et s’il ne l’a pas encore fait, c’est sans doute parce qu’il n’a pas encore en sa possession votre livre, ou qu’il en a été détourné par quelqu’autre cause ; car je sçai qu’il aime fort à faire plaisir, et que d’ailleurs il a une fort grande estime pour vous.

Vous m’aviés chargé de faire des complimen[t]s de votre part à Mr Corbinelli ce que j’ai fait, et il m’a prié / de vous en bien remercier de la sienne. Ce bon homme a été bien aise de voir ce que vous avés dit de lui, ou de sa famille en quelque endroit de votre Diction[n]aire ; et comme il a entendu parler de la seconde édition qui s’en doit faire il m’avoit parlé de quelque addition qu’il souhaitteroit d’y faire mettre, mais il ne me l’a point encore envoyée. Monsieur d’Hosier qui a de pareils sentimen[t]s de reconnoissance et d’estime pour vous m’a baillé* ce que vous trouvés dans ce paquet sur son sujet.

Si votre article touchant Erasme n’étoit pas déja aussi long qu’il est vous pourriés bien y ajouter ce qui m’a été communiqué par un de mes amis nommé Mr Bachelier Des Marais qui aime extremement les lettres et qui a une fort belle bibliot[h]éque dans la ville de Reims, d’où il est originaire, quoiqu’il fasse à Paris son sejour ordinaire.

Je vous aurois mandé l’éclaircissement que vous aviés demandé à Mr l’abbé Dubos sur Æquicola, si je n’avois appris que Mr Clement m’avoit prévenu d’office et sans en être prié. Il m’a fait une priére pour vous dont j’ai été surpris, c’est qu’ayant veu que vous avés parlé de lui sur le sujet de ceux qui ont porté un nom, dont vous m’aviés chargé de vous donner quelque éclaircissement (c’est si je ne me trompe sur le nom de Morin) il m’a témoigné n’en avoir pas été bien aise, ce que je ne puis attribuer qu’à la liaison qu’il a depuis long temps avec Mr l’ abbé Ren[audot]. Vous avez pu, je pense, vous appercevoir de cette liaision [ sic], par quelque lettre qu’il a cy devant ecrite ou à vous, ou à Mr Leers sur le sujet de votre Diction[n]aire. Il occupe à présent • dans la bibliothéque du Roi, sous Mr l’abbé de Louvoi qui en est le garde en titre d’office, une place qui a été remplie / autrefois par des personnes illustres tels que M rs Dupuy frères . Cependant il plait à certaines gens qui croyent le bien connoitre de ne le regarder que comme un libraire renforcé, à cause de la connaissance qu’il a acquise des livres, depuis plus de 20 ans qu’il est dans cette bibliot[h]eque. Il a sous lui un jeune homme de Roüen nommé Boivin qui a beaucoup de litterature, et qui est fort • honnête.

Il me souvient que vous aviés aussi demandé un autre éclaircissement à Mr l’ abbé Dubos, qu’il m’a dit vous avoir envoyé. Cependant je ne laisserai pas de vous dire ici ce que j’en avois appris dans le temps, soit du s[ieu]r de La Croix, soit de Mr l’abbé Renaudot qui est fort scavant dans les langues orientales. Le premier me dit que le livre dont le comte de Portsmouth vous a demandé des nouvelles, a été traduit par lui en français et qu’il n’a jamais été imprimé. L’auteur est, dit il, Moulla Cherefeddin Aly natif d’Yesde et le titre Histoire des conquetes de Timur gourcan, vulgairement appellé Tamerlan. Mr de La Croix dit qu’il a dessein de le donner au public, s’il trouve un libraire qui lui en veuille faire une honnete gratification ; mais qu’il veut qu’il soit precedé d’un que feu son pere avoit fait • composé [ sic] qui selon l’ordre des temps doit paroitre le premier. Je joins à cecy le billet que je receus de Mr l’abbé Ren[audot] après lui avoir envoyé en extrait d’une de vos lettres. Peut etre y trouverés vous quelque • chose outre ce que Mr l’abbé Du Bos vous en a mandé*.

Vous aviés demandé un troisieme eclaircissement à cet abbé sur la Dissertation • sur la trage[die] de Mr Heinsius, laquelle est asseurement parmi les œuvres in fol[io] de feu Mr de Balzac. Voici ce que j’en ai trouvé dans la bibliot[hèque] Mazarine.

Vous en avés demandé ce me semble un 4 e, ou bien vous avés dit quelq[ue] chose dans votre Diction[n]aire, touchant Diane de Brézé, surquoi j’ai tiré cette epitaphe d’un livre, intitulé Histoire de la ville de Rouen 1668 3 tom[es] in 12 : dans le 2 e tome il y a que Diane de Poitiers a été enterrée dans son chateau d’Anet qui appartient à présent au duc de Vendome. /

Au reste je n’ai point fait difficulté de communiquer à Mr l’ abbé R[enaudot] votre derniere lettre du 12 de ce mois, et voici ce qu’il m’a répondu il y a quatre jours,

« Vous scavés assés, Monsieur, mes sentimen[t]s passés et presents pour repondre à Mr Bayle qui ignore ou fait semblant d’ignorer ce que je vous ai dit pour lui mander, et que je vous repete, qui est que je n’ai jamais eu dessein de faire courir ce que je donnai à Mr le chancellier, puisque je n’en avois pas de coppie. Je ne le desavoüe pas pas [ sic] pour cela ; qu’il écrive, qu’il m’attaque, qu’il crie, je m’en consolerai. Ne devroit-il pas etre content de l’approbation de tant de gens ? et ne m’est-il pas permis d’être de mon avis ? S’il veut s’engager d’obtenir permission des Etats d’imprimer chez eux autant de choses contre la Hollande et le pr[ince] d’Orange et contre les protestan[t]s, qu’il en dit contre la France, et la religion catholique, je lui ferai reparation. S’il pretend justifier ses obscenités, il entreprend une mauvaise cause. Je vous prie de lui mander là dessus tout ce que vous voudrés, et je vous en ai assés dit ».

Je tiens de Mr d’Hosier ce que je vous envoye sur la famille des Arnaud. Le petit imprimé qu’il m’a donné pour vous, intitulé Eloge historique et genéalogique de feu Messire Pierre d’Hozier, cons[eiller] du r[oi] en ses conseils, ch[evali]er de son ordre de s[ain]t Michel genealogiste de sa maison et juge general des armes et blazons de France me paroit trop gros pour vous etre envoyé par la poste. Ainsi je le reserverai pour quelque autre • voye.

J’atten[d]s avec impatience l’effet des promesses de Mr Léers touchant votre Diction[n]aire, dont je vous supplie de lui rafraichir la mémoire, et de me croire toujours Monsieur, votre tres humb[le] et tres obeissant serviteur.

Il y a deja long temps qu’une coppie fut envoyée par Mr de La Combe à son fils qui est à Utrecth [ sic] avec ordre de le faire voir à mon frere.

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