Lettre 1015 : Pierre Bayle à François Pinsson des Riolles
Pour Monsieur Pinsson
Je continuë Monsieur, à vous rendre mille et mille actions de graces pour tous vos soins obligeans. Je n’ai point parlé à Mr Leers depuis la reception de votre derniere lettre [1], mais je lui envoie ce billet ouvert, il y joindra ce qu’il trouvera à propos [2]. Pour moi pour l’usage de mon livre[,] il me suffit d’avoir un exemplaire des Vies que Mr Allard a publiées [3], et un de son nobiliaire [4] ; j’ai deja sa Bibliotheque de Dauphiné [5]. Je n’ai point La Vie de Boissat, je ne sai si elle est de Mr Allard, ou de Mr Chorier [6], c’est tout un pourveu qu’on l’ait[.]
Je suis surpris d’avoir eté si long tems sans recevoir aucune lettre de notre ami Mr de Larroque [7] ; je vous sup[p]lie de lui faire mes complimens, comme aussi à Messieurs Perrault [8] et Piques [9]. Nous n’avons rien ici de nouveau concernant la Republique des Lettres. Beaucoup de mechantes petites pieces satiriques sur les affaires du tems, et contre feu Mr de Louvois [10], que les gens de bon gout ne pren[n]ent point la peine de lire.
Je suis Monsieur votre tres humble etc.
Si la Bibliotheque de Dauphiné est d’une edition augmentée [11], il nous en faut un exemplaire. Celle que j’ai est un in 12° imprimée l’an 1680.
Notes :
[1] Cette lettre de Pinsson des Riolles est perdue ; seules deux lettres de sa main ont survécu, toutes deux datées de l’année 1686.
[2] Reinier Leers n’a apparemment rien ajouté à l’envoi de Bayle à Pinsson des Riolles ; rappelons que Leers était revenu fin octobre de son voyage à Paris, où il avait été très bien reçu par Pinsson : voir Lettres 985, n.3, 995, n.1, 1000, n.7, et 1005, n.1. Bayle ne découvrira que par la suite que Reinier Leers détient pour lui un paquet de livres envoyé par Pinsson des Riolles : voir Lettre 1022, n.4.
[3] Guy Allard (1635-1716), avocat au parlement de Grenoble, historien du Dauphiné, publia plusieurs biographies, telles que Les Vies de François de Beaumont, baron des Adrets ; de Charles Dupuy, seigneur de Montbrun ; et de Sofrey de Calignon, chancelier de Navarre (Grenoble 1675, 12°) ; Histoire de Humbert II (Grenoble 1688, 12°). D’autres de ses compositions biographiques ont été publiées au XIX e siècle.
[4] Guy Allard composa d’innombrables ouvrages généalogiques consacrés à des familles particulières après avoir publié en 1671 son Nobiliaire du Dauphiné, ou discours historique des familles qui sont en cette province, avec le blason de leurs armoiries (Grenoble 1671, 12°).
[5] Guy Allard, La Bibliothèque du Dauphiné, contenant les noms de ceux qui se sont distingués par leur sçavoir dans cette province et le dénombrement de leurs ouvrages, depuis XII siècles (Grenoble 1680, 12°).
[6] C’est Nicolas Chorier (1612-1692), avocat de la ville de Grenoble à partir de 1665, historien du Dauphiné, qui avait composé la biographie de Pierre de Boissat (1603-1662), De Petri Boessatii equitis et comitis palatini viri clarissimi vita amicisque litteratis libri duo (Gratianopoli 1680, 12°).
[7] Daniel de Larroque, après avoir abjuré à Copenhague à l’automne 1690, était revenu à Paris en décembre et s’était engagé dans différents travaux littéraires. Le 25 novembre 1694, à la date même de la présente lettre, il fut accusé d’avoir trempé dans la composition d’un « libelle satyrique » et enfermé au Châtelet : voir Lettre 1022, n.1.
[8] Sur les échanges entre Bayle et Charles Perrault, voir Lettre 1002.
[9] Sur Louis Picques, l’orientaliste, bibliothécaire du collège des Quatre Nations, qui faisait partie du réseau de Pinsson des Riolles, voir Lettre 984, n.2.
[10] Il s’agit sans doute de la composition de Gatien Courtilz de Sandras, Testament politique du marquis de Louvois, premier ministre sous le règne de Louis XIV, où l’on voit ce qui s’est passé de plus remarquable en France jusqu’à sa mort (La Haye 1693, 12°) : voir Lettre 936, n.16.
[11] Voir ci-dessus, n.5. Nous n’avons pas trouvé de nouvelle édition de cet ouvrage avant celle établie par V.-P. Chalvert (Grenoble 1797, 8°).