[Gouda, le 1 er mai 1696]

A Pierre Bayle, Rotterdam

Notre ami Monsieur Frescarode [1] devant partir pour Rotterdam, je l’avais chargé de remettre un paquet ; vous devez m’écrire quant à ce qu’il faut que celui-ci contienne, vu l’importance de l’envoi. Je ne peux cependant m’empêcher de charger aussi Monsieur Frescarode de vous faire le reproche de laisser échapper encore une fois les jours de vacances qu’il aurait été préférable de passer chez nous en d’agréables entretiens. C’en est fait de l’espoir de vous revoir chez nous. Vous avez ordinairement l’habitude de nous donner de nouvelles espérances et de les confirmer, mais nous souhaiterions beaucoup que vous remplissiez votre promesse.

Nous regrettons avec raison la mort du très distingué Monsieur Deinhot [2], car s’il est vrai que la République des Lettres va faire en lui une grande perte, il est évident que je ne vois franchement pas du tout ce qu’on peut espérer de l’œuvre savante et laborieuse digne de Jupiter, maintenant qu’il est mort et manque de successeur.

J’admire la manière excellente dont vous avez corrigé l’erreur qui est restée longtemps dans Quintilien [3] puisque bon nombre d’hommes doctes semblent l’avoir remarquée. Je vous communiquerai les dissertations de Boileau [4] qui me sont tombées tout de suite entre les mains, et j’y joindrai ce que j’espère recevoir des marchés de Francfort par l’intermédiaire des libraires. Faites-moi savoir où vous en êtes de votre ouvrage [5] que j’attends impatiemment jour et nuit, ou plutôt indiquez-moi en personne que vous ne pouvez avoir rien de plus important à faire pour nos Goudaiens, et dites-le à moi avant tous les autres.

Donnée à Gouda le jour même des Calendes de mai 1696

Notes :

[1Jean Frescarode, ministre de Gouda ; il devait confier son fils aux bons soins d’ Almeloveen en 1698 : voir S. Stegeman, Patronage and Service in the Republic of Letters. The Network of Theodorus Janssonius van Almeloveen (1657-1712) (Amsterdam-Utrecht 2005), p.486-489.

[2Pieter Deynoot, dit Petrus Deinoot, avocat rotterdamois, voir Lettre 1103, n.4. Almeloveen avait vite conclu, à tort, qu’il allait mourir, quoique Bayle eût déjà signalé que Deinoot s’était remis de sa maladie : voir Lettre 1108, n.6.

[3Sur Quintilien corrigé par Isaac Vossius et par Turnèbe, voir Lettres 1103, n.7, et 1108, n.4.

[4Sur ce livre de dissertations de Jacques Boileau, voir Lettre 1103, n.9.

[5Almeloveen demande des nouvelles de l’impression du DHC.

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