[Rotterdam, le 22 juillet 1696]

Au très savant Théodore Jansson van Almeloveen, Pierre Bayle adresse son salut.

Demain, si Dieu le veut, je ferai savoir aux amis parisiens ce que vous m’avez communiqué sur l’édition de Bergier [1] et je ne cacherai pas par l’intermédiaire de qui je l’ai su. Je ne doute pas que vous n’ayez reçu le livre De l’origine de l’imprimerie [2] en même temps que la lettre où j’accusais réception de la dissertation de Cellarius [3]. Le livre de Cozzandi dont vous avez mentionné l’utilité non seulement pour moi mais pour vous-même, mais je ne vois pas dans les Acta de Leipzig [4] s’il doit être mis au nombre des ouvrages de l’auteur déjà publiés ou de ceux qui sont empêchés, vraisemblablement parmi ces derniers. Je crois bien que c’est un certain Italien nommé Scardeo qui a écrit au sujet des femmes illustres [5], mais ce livre n’est pas en ma possession. Saldenus dans son traité De libris [6] indique certaines choses qu’on pourrait consulter avec fruit. Dans l’ouvrage que vous composez, j’aimerais que vous dressiez un catalogue de tous ceux qui ont écrit des commentaires à la louange des femmes, sans oublier un auteur français, dont le style est par ailleurs assez fluide et qui a publié un ouvrage intitulé La Bibliothèque des dames. Il s’appelle Grenaille [7]. Ce livre figure souvent dans les ventes aux enchères. Vous ne m’avez pas signalé mon erreur ; je croyais vous avoir envoyé la lettre de Noris [8] mais j’avais pris un bien autre feuillet. Vous avez maintenant la vraie lettre et en même temps la réponse que j’ai eue de la part du très distingué et très érudit Monsieur Drelincourt, professeur à Leyde, que j’avais consulté au sujet du mois d’ Agrianus [9]. Il dit, en tant que quelqu’un qui se connaît en de telles matières mieux que personne d’autre dans toute l’Europe, qu’il n’avait rien trouvé qu’il ait pu soumettre à l’avis des autres. Je lui ai demandé s’il veut communiquer sa propre lettre au très distingué et très illustre Franckenau [10] ; dès qu’il aura répondu, je vous indiquerai, homme très distingué, sa décision et puis, si c’est permis, vous pourrez l’envoyer ou non à Copenhague.

Tous mes compliments. Je me suis occupé des Londoniens le jour que je l’ai reçue [11].

Conservez toujours dans votre cœur ce lien d’amitié très intime qui existe entre vous et moi.

Donnée à Rotterdam le onzième jour avant les Calendes d’août 1696

Notes :

[1Bayle avait appris par sa lettre du 16 juillet (Lettre 1132) qu’ Almeloveen était en correspondance avec Henning (Henninius) et lui avait proposé d’inclure dans sa traduction latine de l’ouvrage de Bergier les notes de l’auteur lui-même portées sur un exemplaire découvert par Marc-Antoine Oudinet : voir aussi Lettres 1031, n.9, 1105, n.32, et 1125, n.32.

[2Il s’agit de l’ouvrage d’ André Chevillier (1636-1700), docteur et bibliothécaire de la Maison et société de Sorbonne, L’Origine de l’imprimerie de Paris. Dissertation historique et critique. Divisée en quatre parties (Paris 1694, 4°), publié par Jean de Laulne.

[3Almeloveen avait prêté à Bayle la dissertation de Cellarius contre Hardouin : voir Lettres 1094, n.4, 1095, n.16, 1132, n.1, et 1133, n.1.

[4Sur cet ouvrage et sur l’article des Acta eruditorum, voir Lettre 1143, n.5.

[5Nous apprendrons par la lettre d’ Almeloveen du 30 juillet (Lettre 1141), qu’il s’agit de Bernardinus Scardeonius, auteur de De antiquitate urbis Patavii, et claris civibus Patavinis, libri tres. Eiusdem appendix de sepulchris insignibus exterorum Patavii iacentium (Basiliæ 1560, folio).

[6Guillaume Antoine Saldenus (pseud. Liberius Christianus), De Libris varioque eorum usu et abusu libri duo (Amstelodami 1688, 8°).

[7François de Grenaille (1616-1680), La Bibliothèque des dames (Paris 1640, 4°), publiée chez Anthoine de Sommaville et Toussaint Quinet.

[8La lettre du cardinal Noris communiquée par Nicaise : voir Lettres 1109, n.15, et 1131, n.2. L’extrait qui accompagnait la présente lettre ne nous est pas parvenu.

[9Sur le problème du mois d’ Agrianus, voir Lettres 1129, n.17, et 1141, n.8-12. La lettre de Bayle à Charles Drelincourt et la réponse de celui-ci sont perdues ; Bayle donnera sa réponse dans la Lettre 1145 (voir n.4).

[10Sur Georg Franck von Franckenau, désormais à Copenhague en tant que médecin du roi Christian V, voir Lettre 1129, n.16.

[11Bayle avait fait allusion à une lettre envoyée en Angleterre, sans donner d’autres précisions : voir Lettre 1123, n.14.

Accueil| Contact | Plan du site | Se connecter | Mentions légales | icone statistiques visites | info visites 261850

Institut Cl. Logeon