A Pierre Bayle, Rotterdam
De retour, à cette heure même, de mon voyage en Gelderland, après plus de trois jours que le Chevillier [1] vous manque, je me vois, d’après vos très agréables lettres, en cause, ce que je voudrais que vous me pardonniez dans votre habituelle indulgence à mon égard, moi qui d’ailleurs n’ai rien plus à cœur que de servir vos intérêts le plus promptement possible. Je l’ai envoyé néanmoins dans l’espoir qu’encore maintenant il arriverait à temps. A Chevillier, j’ajoute Tonjola [2], que j’aimerais que vous utilisiez à votre convenance pourvu que vous ne rabattiez pas les plis marquant les pages.
Je me réjouis de savoir que l’abbé Du Bos a mis la main à l’ouvrage de Bergier [3] et j’attendrai que vous m’indiquiez l’achèvement de l’ouvrage que nous ferons volontiers précéder du poème de Commire [4], si nous pouvons ajouter une copie sans trop de difficulté ; car ses petits poèmes nous manquent. Il suffit que la conjecture au sujet du mois d’ Agrianus [5] vous ait plu ; cette assez modeste suggestion ne mérite pas tant d’éloges, et vous avez l’habitude de nous surestimer, mes propositions et moi. Le poème de Dorat sur l’imprimeur R[obert] Etienne [6] que vous signalez existe aussi comme 32 e frag[ment] dans ma Dissertation sur Etienne l’ancien [7]. Je voudrais réimprimer les centons virgiliens de Proba Falconia [8] puisqu’ils ne sont pas trouvables ou du moins inaccessibles, surtout les éditions avec les notes de Meibom et de Boxhorn, qui semblent peu connues. Si vous avez la Dissertation hist[orique] de Thomas de Simeonibus moine augustinien [9], prière de me la prêter.
Au revoir et continuez à m’aimer comme vous faites. Les très éminents Grævius et Sypesteinius [10], avec qui j’étais hier, vous présentent, comme moi, mille compliments.
Donnée à Gouda le 25 août 1696.
Notes :
[1] Sur l’ouvrage d’ André Chevillier, voir Lettre 1136, n.2.
[2] Sur l’ouvrage Basilia sepulta de Johann Georg Gross et de Johannes Tonjola, voir Lettre 1150, n.20.
[3] C’est par l’intermédiaire de l’ abbé Dubos que Marc-Antoine Oudinet avait signalé les notes de Nicolas Bergier sur un exemplaire de son ouvrage sur les routes de l’empire romain : voir Lettres 1105, n.32, et 1125, n.32. Dubos avait aussi envoyé ses propres notes sur l’ouvrage de Bergier : voir Lettre 1031, n.9.
[5] Pour l’hypothèse d’ Almeloveen concernant le mois d’ Agrianus, voir Lettre 1141, n.9, 10 et 11.
[6] Sur le poème de Jean Dorat à l’éloge de Robert Estienne, voir Lettre 1133, n.7.
[7] Almeloveen, De vitis Stephanorum, celebrium Typographorum dissertatio epistola, in qua de Stephanorum stirpe, indefessis laboribus, varia fortuna atque libris, quos orbi erudito eurundem officinæ emendatissime impresso unquam exhibuerunt, subjecto illorum Indice accuratius agitur : atque obiter multa scitu jucunda adspergunbtur. Subjecta est H. Stephani querimonia artis typographicæ, eiusdem epistola de statu suæ typographiæ. Ad Virum Clarissimum Joan. Georg. Grævium (Amstelædami 1683, 8°).
[8] Sur ces poèmes de Faltonia Betitia Proba imités de Virgile, voir Lettre 1146, n.6 et 8.
[9] Sur la dissertation historique de Thomas de Simeonibus, voir Lettre 1150, n.15.
[10] Henricus (van) Syperstein, pasteur à Doorn et ami intime d’Almeloveen : voir S. Stegeman, Patronage and service, passim.