A Pierre Bayle, Rotterdam
Je me réjouis que ma bonne disposition à votre égard ait reçu manifestement votre approbation, surtout étant donné que je ne souhaite rien de plus ni autre chose, [même] si je dois toucher les astres du haut de la tête. Je vous félicite pour l’achèvement de votre ouvrage [1], savant au point d’être recherché et apprécié par les érudits, mais que nous ne sommes jamais arrivés à voir, malgré notre grande envie. Je vous permets sans difficulté, avant d’accourir vers moi, de répondre à tous les amis [2] pour pouvoir séjourner chez moi d’autant plus enrichi et libéré.
J’ai fait part aux imprimeurs d’Utrecht de votre conseil [3], qui a plu tout à fait, puisque dix-sept feuilles en sont même déjà imprimées, et ils désirent ardemment terminer le reste le plus vite possible. C’est pourquoi je vous prie de presser l’ ami parisien [4], si le temps manque, de bien vouloir confier l’affaire à un autre, afin que les ajouts de Bergier, très vivement désirés, ne retardent pas l’achèvement de l’œuvre ou plutôt de ce volume. Les deux volumes d’ Hilarion de Coste [5] ont été les bienvenus et je prendrai soin que vous les receviez très tôt à moins que mon attention n’en soit pas détournée. Utilisez comme il vous convient les dissertations germaniques que je vous ai envoyées [6], de même que tout mon apport quelque maigre qu’il soit. Mais dites-moi si Leers ne va pas vendre votre Dictionnaire avant que vous n’ayez ajouté la troisième partie [7]. Portez-vous bien, même quand le très distingué Bernard, ornement de l’Angleterre, vous a quitté [8].
Au revoir, notre très aimé, et continuez à m’aimer comme vous faites.
Donnée à Gouda le 7 e jour avant les Ides de novembre 1696.
Notes :
[2] Almeloveen répond aux remarques de Bayle dans sa lettre du 26 octobre (Lettre 1167).
[3] Bayle avait suggéré que le supplément, constitué par les notes de l’auteur, soit ajouté sous forme d’appendice à la traduction latine par Henninius du livre de Nicolas Bergier, Histoire des grands chemins de l’empire romain (Paris 1622, 4°) : voir Lettre 1167, n.3. En effet, Oudinet, qui devait fournir les notes de Bergier, était pris par ses fonctions et par ses obligations à Fontainebleau : voir Lettre 1193.
[5] Sur l’ouvrage d’ Hilarion de Coste, voir Lettres 1051, n.2, 1121, n.6, 1123, n.4 et 1167, n.4.
[6] Sur ces dissertations, qui ne sont jamais nommées explicitement, voir Lettre 1167, n.7.
[7] Almeloveen ne désigne pas ainsi, comme Reinier Leers dans sa lettre adressée à William Trumbull (Lettre 1104, Appendice : voir n.2), les lettres
[8] Il s’agit apparemment d’ Edward Bernard (1638-1697), spécialiste de l’astronomie et des mathématiques anciennes, savant éditeur du traité De mensuris et ponderibus antiquis (1688) et de Flavius Josèphe : voir Lettre 75, n.8. On aurait pu penser à John Augustine Bernard, ancien