Votre grand ou plutôt votre immense Dictionnaire, bibliothèque à lui seul plutôt que simple livre, très savant Bayle, je ne sais pas si je l’ai reçu avec plus de plaisir que d’admiration [2]. Et le fait est qu’il vous a fallu bien de l’esprit pour avoir conçu cet ouvrage si vaste et si varié, pour en avoir entrepris l’écriture, et encore pour avoir terminé cette heureuse entreprise et jouir de la gloire de l’avoir terminée. Cet ouvrage à ce point immense, à ce point étonnant, et appelé à durer dans le temps, semblait difficilement pouvoir être mené à terme. Vraiment, je ne trouve pas facilement les mots pour vous remercier de ce cadeau si magnifique. C’est pourquoi vous ne devez pas vous étonner si je les ai un moment remis à plus tard et si je ne me suis pas épanché aussitôt après avoir reçu votre livre. En effet, pendant que je restais absorbé dans la contemplation et la lecture de votre ouvrage, plusieurs jours ont passé. Il ne m’a pas été encore tout à fait possible de payer un tel cadeau de retour. Mais s’il y a quelque chose en ces contrées qui pourrait vous être utile ou qui soit digne de votre curiosité, que je puisse vous procurer soit en l’achetant, soit de bonne grâce, je vous prie de bien vouloir me l’indiquer. Le grand empressement et toute la bonne volonté qui m’inspirent se manifestent bien clairement dans mon désir de vous faire plaisir à votre tour ; je suis, sincèrement, votre très dévoué
Notes :
[1] Cette lettre est datée du 5 janvier par William Trumbull, mais, comme l’a remarqué E. Labrousse dans la révision de son Inventaire, n° 1144, cette date est en style ancien : la date d’après le calendrier grégorien est donc le 15 janvier.
[2] Michel Le Vassor et Pierre Silvestre avaient essayé de convaincre Bayle de dédier le DHC à Sir William Trumbull, mais Bayle avait refusé en mettant en avant son désir de publier l’ouvrage anonymement : voir Lettres 1078 et 1104.
