Lettre 124 : Vincent Minutoli à Jacques Basnage
Vous aurez receu mon tres-cher Monsieur apres celle qui alla en Normandie celle que je vous écrivis encore il y a 15 jours [1] si bien que vous voyez que je tache de vous payer vos arrerages afin que vous ne craigniez plus que j’en laisse accumuler de nouveaus : Je recommence aujourd’huy par où j’achevay ma derniere. C’est qu’aya[n]t fait reflexion sur le petit impromptu que vous y pûtes voir et consideré que vôtre vocation* a été faite non pas sur la fin de l’année passée mais au commencem[en]t de celle cy [2] j’ay crû qu’il falloit le reparer de cette sorte
intra unius anni limites donatorum
Copia Minutolo vix est data græca Genevæ
tractandi ac mores historiasve simul
cùm statim Baili te ut philosophêre Sedani
de multis unum turba sacrata vocat
Banagium cœtus paulò post Rhotomagensis
pastorem patrii præcipit esse gregis
sic quod tres arcto connectit fœdere sidus
dissimile inter eos nil sinit esse diu
æternùm vigeat pax inter dulcis amicos
unus ad officium quos vocat annus, amen [3].
Je me suis quasi fait malade à chercher ces jours des anagrames sur Ruiter autres que celle du Terruit que vous avez assurém[en]t vüe mais q[ue] je ne comprens pas bien
Notes :
[1] Ces lettres de Minutoli à Basnage ne nous sont pas parvenues. La seconde contenait visiblement un poème latin par lequel Minutoli célébrait la vocation de son ami à Rouen, celle de Bayle à Sedan et la sienne propre à Genève, tous événements survenus au cours d’une seule année (1675-1676).
[2] Basnage avait prononcé un sermon à Quevilly le 22 décembre 1675, et avait été choisi pour y remplacer Etienne Le Moine comme pasteur. Cette décision fut connue officieusement dès le mois d’avril 1676, mais elle ne devait être rendue officielle qu’en octobre de la même année. Basnage s’installa à Rouen le 11 octobre : voir G. Cerny, Theology, politics and letters, p.28-29.
[3] « Les trois amis. A peine un don public a-t-il permis à Minutoli de professer littérature, mœurs et coutumes et histoire grecques à Genève, qu’immédiatement, ô Bayle, le corps des ministres vous choisit entre de nombreux candidats pour enseigner la philosophie à Sedan. Peu de temps après, l’assemblée ordonne de nommer Basnage pasteur du troupeau de Rouen. Ainsi, l’astre qui nous unit d’un lien étroit ne permet qu’aucune différence dure entre nous. Que la douce paix règne entre des amis qu’une seule et même année appelle à un ministère éternel. »
[4] Cette lettre de Bayle à Minutoli était probablement la Lettre 122 ou 123, à laquelle Bayle aurait joint d’autres lettres adressées à des gens de Genève ou des environs de la ville.
[5] Voir Lettre 123, p.339, une allusion à un accident survenu à la comtesse de Dohna. C’est apparemment pour en soigner les suites que celle-ci, accompagnée de sa dame de compagnie, Louise Marcombes, s’est rendue en Auvergne, où les eaux de Saint-Myon, dont Mazarin et Colbert avaient fait usage, étaient réputées. Voir A. Rudel, Sources merveilleuses d’Auvergne et du Bourbonnais (Clermont-Ferrand 1974), p.140. Cette source au débit réduit n’appartient plus au thermalisme d’aujourd’hui.
[6] « Les Espagnols furent terrifiés par Ruyter, qui terrifia les Anglais. Trois fois il fondit sur les Français, terrifié il tomba. »
[7] C’est-à-dire, avant la Paix de Westphalie.
[8] terrui : « j’ai répandu la terreur ». Ruyter aurait pu le dire avec justice de sa carrière comme fléau des Anglais et des Français et comme terreur des barbaresques.
[9] Nous ignorons qui était ce lettré au jugement de qui Minutoli déférait et qui, apparemment, ne résidait pas à Genève même.
[10] Voir Lettre 118, n.13.
[11] Il s’agit du théologien zurichois Johann-Heinrich Otte : voir Lettre 117, n.12.
[12] Trajano Boccalini, Commentarii sopra Cornelio Tacito, come sono stati lasciati dall’autore. Opera non stampata (Cosmopoli [Amsterdam] 1677, 4°).
[13] Michel Antoine Baudrand (1633-1700), S.J., Lexicon geographicum in quo universi orbis urbes, provinciae, regna, maria et flumina recensentur. Illud primum in lucem edidit [1627] Philippus Ferrarius – Nunc Michael Antonius Baudrand – hanc editionem emendavit, illustravit, et dimidia parte auctiorem fecit. Accessit Mantissa correctionum Dominici Magri nunc primum edita (Patavii 1674, folio, 2 vol.). Plusieurs fois réimprimé jusqu’au siècle. L’ouvrage reprend et complète, non sans bévues additionnelles d’ailleurs, les travaux de prédécesseurs : Philippe Ferrari (?-1626), servite, et le Père Domenico Magri (1604-1672).
[14] Sur ce livre, voir Lettre 135, n.28.
[15] Lettre écrite de Varsovie à Hanovre : nous n’avons su identifier cette pièce fugitive.