Lettre 1254 : à

Rotterdam

Je me félicite de l’attachement que depuis longtemps vous me montrez et qui est confirmé par bien des preuves. Je vous prie seulement de le conserver inviolable et perpétuel. Je promets volontiers pour ma part la même chose. Il est pénible d’être séparé de vous pendant de longues périodes de temps, mais peut-être que cette séparation servira-t-elle à encourager de plus fréquents colloques et réunions, ce que je doute pouvoir me promettre de votre part, étant donné que vous êtes de tous les hommes le plus porté au dissentiment, donc continuellement accablé par la controverse, au point qu’il ne vous reste pas un moment pour respirer. Prenez garde, homme des plus irréprochables, qu’en conséquence de cet excès de labeur et d’application, cette maladie très difficile à soigner ne se renouvelle et ne vous rende tout à fait inguérissable [1]. Mêlez de temps en temps des joies parmi vos soucis et reposez-vous un peu en rendant visite aux amis ou en leur écrivant une lettre, car vous ne pourrez rien faire de plus utile pour vous-même ou de plus agréable pour les amis. S’il devait arriver des choses que vous croiriez dignes d’être portées à mon attention, écrivez-moi promptement. Quant à moi, je ne faillirai jamais à défendre vos intérêts.

Je vous rends Hilarion de Coste [2] et Chevillier [3] avec des remerciements et même une supplication, que si jamais ils me manquaient, il me fût permis de les redemander. Ma bibliothèque sera toujours ouverte pour vous, et ma maison aussi.

Au revoir et continuez assidument à m’aimer comme vous faites.

Donnée à Gouda le jour même des Nones de mai 1697.