Lettre 1267 : Pierre Bayle à Jacques-Gaspard Janisson du Marsin

[Rotterdam, le] 10 juin 1697

L’auteur des notes sur La Confession de Sanci, et sur le Catholicon d’Espagne, demeure à Metz, et se nomme M. Le Duchat [1] ; mais peutêtre ne veut-il pas qu’on sçache qu’il fait ces livres-là. Je sçais que son libraire ne le dit à personne ; ainsi en tout cas ne dites point qui c’est.

J’ai demandé à plusieurs personnes s’il y avoit en cette ville un M. Jacques Fleurrois [2], et personne ne m’en a sçu donner de nouvelles. Comptez que s’il demeure icy, c’est sous un autre nom, et si vous voulez que je le deterre, donnez m’en d’autres indices. Il est certain que l’auteur des Lettres sinceres, et de plusieurs autres livres, se nommoit Fleurrois [3]. Je l’ai fort connu à Geneve et en ce pays. C’est lui qui est mort à Surinam. Fournerod est le nom d’un ministre suisse, qui passa quelque temps à Sedan comme proposant, avant que j’y allasse. Il fut depuis ministre à Berlin, si je m’en souviens bien [4].

Pour le m[anu]s[crit] du P[ère] Buffier, les libraires de ce pays disent que les jesuites le font imprimer en Flandres [5], et que celui qui est aupres de l’un des plenipotentiaires de France à Delft ne manqueroit pas de le faire imprimer bientot si les autres differoient [6]. L’ecrit est bon et curieux.

Les 4 e et 6 e volumes du Thesaurus Antiquitatum Romanorum [7], rimpression ramassée de plusieurs traittés qu’on avoit de la peine à trouver chez les libraires, paroissent depuis quelques jours. Vous scavez que M. Grævius a le soin de cette edition, et qu’il y met de belles prefaces.

Il n’est pas vrai que M. Leers ni aucun autre libraire de ce païs, que je sçache, veuille rimprimer les œuvres de Meursius [8] ; mais j’ai cru en apprenant que / M. Gronovius, professeur de Leide publioit un Thesaurus antiquit[atum] græcarum [9] qu’il imiteroit M. Grævius, c’est-à-dire qu’il ramasseroit tous les traittés de plusieurs sçavan[t]s qui ont travaillé sur les antiquités grecques, et qu’il les insereroit dans son Thesaurus ; auquel cas il seroit indubitable qu’il feroit rimprimer la pluspart des œuvres de Meursius. Mais le premier volume de ce Thesaurus de Gronovius qui vient de paroitre me persuade que ce n’est pas son dessein, il l’a rempli de figures de dieux et de heros du paganisme avec une explication historique et philologique de ce qu’etoient ces personnages. Toute cette explication est de son crû.

J’ai vu deux ou trois fois avec beaucoup de plaisir M. de Tourreil [10] ; c’est un trés honnete homme, plein d’esprit et d’agremen[t]s. Il fait grand cas des écrits de M. Abbadie, et nous l’avons pourvû de sa Relation de la derniere conspiration d’Angleterre [11], ouvrage serré, bien judicieux et bien ecrit.

Notes :

[1Sur Jacob Le Duchat, voir Lettres 922, n.1, et 936, n.14. Bayle répond ici à une question de Janisson du Marsin dans sa lettre du 17 mai (Lettre 1260 : voir n.25, 26).

[2Il s’agit en fait de Gédéon Flournois, qui avait obtenu un poste de pasteur au Surinam : voir Lettre 206, n.9, et 1266.

[3Il s’agit toujours de Gédéon Flournois ; le copiste commet un lapsus et reproduit le nom « Fleurrois » : voir Lettres 1251, n.3, et 1266, n.3.

[4David Fornerod (ou Fournerod), premier pasteur de l’Eglise réformée française de Berlin de 1672 à 1680, puis docteur et professeur honoraire de théologie à l’académie de Lausanne. Comme il l’écrit dans sa dédicace aux seigneurs de Berne, sa méditation sur L’Achat de la vérité (Genève 1687) est une proposition de sermon qu’il avait composée pendant ses études à Sedan.

[5Sur les Difficultez publiées par Claude Buffier contre Jacques-Nicolas Colbert, archevêque de Rouen, voir Lettre 1266, n.2.

[6Comme nous l’apprendrons par sa lettre du 29 novembre 1697 (Lettre 1330 : voir n.1), le jésuite qui était venu aux Provinces-Unies dans l’entourage des plénipotentiaires français des négociations de la paix de Ryswick est le Père Louis Doucin. Il en sera question de nouveau dans la lettre du 26 août 1697 de Bayle à François Pinsson des Riolles : « Un des amis [ Louis Doucin] du mathémat[icien] [ Edouard de Vitry] me dit l’autre jour qu’il devoit aller à Roüen pour la retraite que l’institut impose apres le cours des etudes. » Voir Lettre 1292, n.13.

[7Sur ce recueil de Grævius, voir Lettre 1105, n.30.

[8Johannes Meursius, De luxu Romanorum (Lugduni Batavorum 1698, folio) et De populis atticæ liber singularis in quo antiquitates atticæ plurimæ (Lugduni Batavorum 1698, 4°).

[9Sur cette grande publication de Gronovius, voir Lettre 1250, n.13.

[10Sur l’élection de Jacques de Tourreil à l’Académie française, voir Lettre 866, n.4.

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