Lettre 255 : Joseph Bayle à Salomon d’Usson

de Paris le 11 mars 1684

J’accompagne de ce billet la lettre in folio de Mr votre fils [1]. Elle m’empechera de vous escrire plus au long. Vous verrés son caracthere qui est fort beau, et son orthographe qui depuis que je suis icy est un peu meilleure, car avant cela, elle ne vouloit rien dire. Vous jugerés aussi du tour de son esprit qui est fort bien fait jusques icy à ses deffauts prés qui ne sont pas fort considerables. Lastours [2] vous escrira au premier jour. Il ne manque pas de vivacité, peut etre mesme qu’il en a plus qu’il n’en faut mais cela change avec l’âge. Il se faut servir de mille stratagemes pour leur donner de l’amour pour les lettres. C’est l’ordinaire des enfans de ne les aymer point et de fuir tout ce qui mene tant soit peu à la peine, et à l’ attachement*. On relie vos livres incessam[en]t. Mr de Bonrepeaux [3] est parti depuis 2 jours p[ou]r aller à Marseille faire partir une armée navalle. Je me suis souvent estonné de ce que vous qui etes si curieux pour toutes choses, ne veuilliés pas avoir dans v[ot]re bibliotheq[ue] 2 livres fort necessaires qui sont le Mercure francois, et le Mercure galand [4], ce sont des ouvrages excellens qu’oy qu’on en puisse dire et qui seront extremement rares, car le premier qui contient 25 tomes coutte 20 pistoles et on n’en trouve plus[.] Je say que sans la lecteure du premier, on ne peut guere bien savoir l’histoirë des siecles passés, et le second quoy que fort differend de celuy cy, ne manque pas d’avoir de fort grands usages. J’estime heureux m[on] f[rere] l’aisné d’avoir accompli* le premier car il en trouvera* quand il voudra 200 l[ivres] t[ournois.] Je suis toujours avec respect, et salue Madame votre chere femme. Apprenés moy quel est le regiment que vous avés en garnison au paÿs.

Notes :

[1Cette lettre de Claude-François d’Usson, marquis de Bonac, ne nous est pas parvenue.

[2Jean-Louis de Lastours, fils cadet de Salomon d’Usson et frère de Bonac, était un autre élève de Joseph.

[3Sur François, sieur de Bonrepos, voir Lettre 253, n.7.

[4Sur le Mercure françois, voir Lettre 103, n.17, et Lettre 177, n.8. Rappelons que Pierre Bayle et les lettrés en général ne partageaient en rien le jugement favorable de Joseph Bayle sur le Mercure galant, périodique de Donneau de Visé.

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