Lettre 294 : Jean Jacobé de Frémont d’Ablancourt à Pierre Formont de Brévanes

[Paris, le] 25 juin [16]84

Comme vous estes extremem[en]t oblige[a]nt Monsieur, et que vous m’en avez donné souvent des preuves essentielles, permettez moy je vous suplie de me servir de vostre entre mise pour contenter ma curiosité[.] Mais je vous declare d’abord que si vous ne voulez en user* aux conditions que je vous diray, que je pretens ne pas passer outre, suposé que vous conveniez de cela je vous diray que Mr Beele de Sedan qui demeure à Rotredam a entrepris de faire une espece de Journal des savans, sous le titre à peu pres De ce qui se passe dans / l’empire des belles lettres [1]. Or quoy que ce livre ne soit point deffendu on n’ose en faire venir par mer, et il ne nous reste que vostre frontiere de libre pour avoir de ces sortes de curiositez. Pour contenter en cela la mienne je vous demande en grace de vous informer à Sedan aux amis ou correspondans de Mr Beele s’ils ne vous pourroient pas accommoder* d’un de ces livres là. Et en cas qu’ils n’en ayent pas[,] obligez* moy d’en ecrire à Mr Du Rondel [2] et le priez de vous en envoyer trois ou quatre exemplaires et ayez la bonté de faire en sorte que l’argent luy soit rendu et les lettres portées sans port, car c’est la condition que je mets à mon / marché, ne voulant rien de vous que le temps que vous donnerez à ma curiosité. Je ne vous prescris point comment vo[us] les ferez venir chez vous, car je say de vos quartiers* que rien n’est plus facile ; sur tout les livres dont je parle n’estant ni defendus ni suspects, s’il estoit necessaire que j’ecrivisse à M. Du Rondel je le ferois. S’il estoit aussi à propos de m’adresser à Monsieur de La Place [3] vous pouvez croire que je n’y manquerois pas. Car il sait que je suis son serviteur il y a longtemp[s ;] faites luy je vo[us] suplie mes tres humbles baisemains et à Mad le de Brevanes [4], et me pardonnez l’embarras que je vous donne et croyez que je vous rendray la / pareille si jamais l’occasion s’en presente : surtout que je sache ce que je devray car je veus mourir quite[.]

 
Fremont d’Ablancourt

 

Notes :

[1Jean Jacobé de Frémont d’Ablancourt, ancien Résident de France à Strasbourg, était revenu à Paris en 1675, date de la mort de son protecteur Turenne ; il devait s’exiler en 1685 et mourir à La Haye en 1693 : voir Lettre 160, n.127. Pierre Formont de Brévanes est son correspondant sedanais : nous ne savons rien de lui. On assiste ici à la naissance du réseau des correspondants de Bayle, sans lequel la rédaction de son périodique aurait été impossible.

[2On voit que les amis de Bayle jouent un rôle de premier plan dans l’extension du réseau des NRL, que ce soit pour la récolte des informations ou pour la diffusion du périodique.

[3La Place, autre correspondant de Frémont d’Ablancourt à Sedan : nous ne savons rien de lui.

[4C’est-à-dire l’ épouse de Formont de Brévanes.

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