Lettre 560 : Pierre Bayle à Jean Rou

A Rotterdam, le 24 de mai, 1686

J’ai lu avec un plaisir extrême, mon cher Monsieur, tous les manuscrits que vous m’avez communiqués [1]. Ils sont écrits, et avec beaucoup de pureté, et avec force, et avec zêle : j’en pourrois dire beaucoup plus de bien, si je voulois égaler par mes expressions ce que j’en pense.

Voici ce que j’ai reçu ce matin de Mr. Rainssant [2], dont je n’avois aucune nouvelle depuis la lettre que vous savez. Je vous copie mot à mot ce qu’il m’écrit, tant sur le chapitre de Mr. Du Vivier [3], que sur le vôtre. Faitez-le lui savoir, je vous conjure.

Extrait d’une lettre de Mr. Rainssant.

Vous me feriez beaucoup de plaisir de donner avis à Mr. Du Vivier, que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour obtenir ce qu’il souhaite : mais, toutes mes tentatives ont été inutiles ; cependant, omnem movi lapidem ; Deos ipsos adii [i]. J’ai fait, en un mot, tout ce qu’on peut attendre d’un ami.

Quant à Mr. Rou, je n’ai pas eu meilleur succes de mes démarches [4]. La diversité de religion est un obstacle invincible, sur tout en ce tems. /

 Mr. Rainssant me marque que Mr. le duc de Montausier [5] lui a parlé de vos Tables en homme bien intentionné pour vous, et qu’il lui a répondu qu’il en falloit parler à Mr. le chancelier, de qui elles dépendoient uniquement. Je croi que vous devez engager ce duc à en parler à Mr. le chancelier.

Tout à vous.

Notes :

[1La lettre de Jean Rou est perdue. On peut penser que les manuscrits qu’il avait envoyés à Bayle concernaient le projet de la nouvelle édition de ses Tables chronologiques, mais il se peut aussi que Rou envoie de nouveaux documents concernant son ouvrage de controverse contre Bossuet, La Séduction éludée : voir Lettre 511, n.1.

[2Cette lettre de Rainssant est perdue : nous n’en connaissons le texte que par cet extrait que Bayle fait suivre à Jean Rou : l’extrait constitue donc notre Lettre 558.

[3Sur le pasteur Abraham Couet du Vivier, voir Lettres 480, n.7, et 558, n.2.

[iomnem movi lapidem : « il n’y a pas une pierre que je n’aie retournée ». Deos ipsos adii : « J’ai consulté les dieux mêmes ». C’est l’oracle de Delphes qui donna à Polycrate le conseil de chercher un trésor enfoui en retournant toutes les pierres.

[4Sur les tentatives timides de Rainssant pour faire publier les Tables chronologiques de Rou, voir Lettres 540, 548, et 558.

[5Selon les termes de Bayle dans la Lettre 548, Jean Rou avait déjà contacté le duc de Montausier et M. de La Reynie afin de les engager à favoriser la publication de ses Tables chronologiques. La position de Rainssant n’a pas changé : il suit le souhait du roi ; il est intervenu auprès du chancelier Louis de Boucherat et il incite Rou à obtenir de Montausier qu’il fasse de même : voir Lettre 548, p.

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