[Rotterdam, le 25 mai 1686]

Au très distingué et très célèbre Monsieur Gisbert Cuper, Pierre Bayle fait ses compliments

Je voudrais que vous sachiez, très illustre Monsieur, que j’avais reçu la lettre que vous m’aviez écrite le sixième jour de mars, et cela ne m’étonne pas médiocrement que la réponse que j’ai envoyée immédiatement à La Haye et que j’ai recommandée au libraire nommé Moetjens ne vous ait pas été remise. Dans cette lettre j’exprimais ma gratitude pour la grande amabilité avec laquelle vous m’avez permis de satisfaire aux désirs du très éminent Monsieur Thévenot [1], et en même temps je révélais qui était l’auteur de la petite dissertation composée contre Arnold [2]. J’étais tellement persuadé vous avoir renseigné par cette lettre qu’à partir de ce moment-là il ne pouvait me venir à l’esprit de répondre une seconde fois. Également perdue est la lettre où était donnée satisfaction aux désirs de Monsieur Thévenot ; comme elle avait été écrite à Monsieur de Witt, par l’intermédiaire de qui Monsieur Thévenot me l’avait demandée [3], et que j’avais pour ma part adressé le fascicule comme Monsieur Mouwen, légat du Conseil privé des Hautes Puissances [4], me l’avait indiqué, elle n’a tout simplement pas été livrée, peut-être parce qu’au moment critique ce Monsieur du Conseil privé était parti. Mais j’ai espoir que le sort de la seconde lettre [5], où ce même secret a pu être révélé avec votre permission, a été plus heureux. Et il me plaît encore plus de savoir que la lettre qui circule sous le nom de la Reine Christine est une pièce authentique ; je ne m’en cacherai pas dans le volume de ce mois où s’insérera la lettre entière [6]. Je vous envoie très volontiers la lucubration de Baudelot [7]. Utilisez-la à votre convenance, je ne crois pas qu’il en existe un autre exemplaire dans ces parages. Il y a en elle un fonds non médiocre d’érudition et d’antiquités, mais peut-être insuffisamment succinct en fait de style et de jugement. Quoi qu’il en soit, je crois que, pendant que vous méditerez un ouvrage de la plus haute excellence et dont je souhaite ardemment qu’il tombe entre les mains d’un imprimeur très expéditif, vous serez content d’être débarrassé de vos soucis parisiens [8].

Adieu très illustre Monsieur, et continuez à me favoriser de la protection de votre bienveillance et de votre patronage.

Donnée à Rotterdam le 25 mai 1686.

Notes :

[1Sur cet échange de lettres, dont certaines se sont perdues, voir Lettre 559, n.1.

[2Sur la Lettre 411, publiée dans les NRL, juillet 1685, art. IV, où Jacques Basnage contestait l’attribution du Syntagma doctrinæ à saint Athanase, voir Lettre 559, n.2.

[3C’est par M. Mouwen et Johan de Witt que Thévenot avait fait parvenir sa demande initiale à Bayle concernant la « carte de Tartarie » : voir Lettre 504 ; la réponse de Bayle est, en effet, perdue.

[4Sur Christophe Mouwen, secrétaire de l’ambassadeur hollandais à Paris, voir Lettre 504, n.4. 

[5Cette autre lettre, adressée également à Johan de Witt ou directement à Thévenot, est également perdue.

[6Bayle avait mis en doute l’authenticité de cette lettre, où la reine Christine de Suède faisait part au chevalier de Terlon de ses réticences à l’égard de la répression des huguenots ; rassuré sur ce point par Kuiper, il devait la publier dans les NRL, mai 1686, art. IV, in fine : voir 559, n.3.

[7Sur l’éloge de Kuiper dans le compte rendu par Bayle de l’ouvrage de Baudelot de Dairval dans les NRL, avril 1686, art. V, voir Lettre 559, n.6.

[8Nous ne saurions préciser la nature des « soucis parisiens » de Kuiper.

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