[Rotterdam, le 29 mai 1686]

Au très distingué Jean-Georges Graevius Pierre Bayle présente ses compliments

Tous les étrangers qui se passionnent pour les arts libéraux désirent avec empressement vous rendre visite chez vous [1], ce que vous savez par une longue expérience, très excellent et très illustre Monsieur. C’est ainsi qu’il m’arrive aujourd’hui d’avoir l’occasion de vous adresser la parole et de vous saluer par lettre. Près de vous habite maintenant un homme tout à fait exceptionnel d’origine britannique, qui se nomme Monsieur Coningham [2], précepteur d’un jeune homme scoto-britannnique de la haute noblesse, entouré de la gloire et des hauts faits de ses ancêtres. Il désire et n’estime pas petit le bonheur de vous voir, de vous présenter ses compliments et de pouvoir résider chez vous pendant qu’il séjournera à Utrecht, étant donné que c’est son habitude de se faire connaître, dans toute région qu’il visite, des hommes éminents par leur réputation et leur mérite. Il a déjà parcouru maintes régions du globe avec le plus grand profit et il a démontré à beaucoup d’hommes très doctes son assiduité à l’étude, et peu nombreux sont les hommes célèbres à Londres qui ne l’aiment pas et n’en fassent pas grand cas. Notre Allix [3], recommandé, comme vous le savez bien, par sa culture rare et inaccoutumée et l’immense réputation qui lui en vient, aime beaucoup ce jeune homme. Cela ne vous incommodera pas si je vous demande vivement de bien vouloir le gratifier de votre amitié. Il est recommendable de la meilleure manière et, comme je l’espère, vous reconnaîtrez très tôt vous-même que je ne me laisse pas influencer par l’amitié, mais plutôt que j’offre sacrifice à la vérité en diminuant les mérites du jeune homme. Je n’en serai pas moins sensible cependant à l’obligation qui m’incombera de rendre grâces pour la bienveillance que vous lui aurez témoignée. Adieu, très éminent Monsieur, et aimez-moi.

À Rotterdam, le 4 e avant les Calendes de juin, l’an 1686 de l’ère commune.

Je cherche assez anxieusement le Historia Julia de Reiner Reinecchius [4] en trois volumes in-folio, mais l’ouvrage est introuvable. Si je le trouve en vente j’ai l’intention de l’acheter même à un prix assez élevé. Naturellement, donc, si vous connaissez quelqu’un qui le possède et veuille le vendre, je vous prie de me le dire et de m’indiquer le prix demandé ; tout cela à votre convenance.

Je lui ai envoyé Origène De Precibus [5] et Petit De Sibyllis [6].

 

Au très célèbre et très illustre Monsieur Monsieur Jean Georges Grævius, professeur très érudit à l’Académie d’Utrecht.

Notes :

[1Sur Jean-Georges Grævius, qui habitait Utrecht, voir Lettres 85, n.6, et 419, n.6.

[2Sur Alexandre Cunningham , voir Lettre 481, n.6.

[3Sur l’arrivée de Pierre Allix à Londres, voir Lettre 481, n.8.

[4Sur Historia Julia de R. Reineccius (ou Reyneke), voir Lettre 551, n.15.

[6Grævius avait recommandé des ouvrages de Pierre Petit (1617-1687) à Bayle (voir Lettre 428, n.1 et 2). Ici, il s’agit de Petri Petiti philosophi et doctoris medici Parisiensis De Sibylla libri tres (Lipsiæ 1686, 12°).

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