Lettre 571 : Jacques Parrain, baron Des Coutures à Pierre Bayle

[Paris, le 1 er juin 1686]

 [1]
J’ay envoié, Monsieur, chez Ribou dès que j’ay recu vostre lettre [2][.] On a repondu que vous deviez avoir à present mes livres, vous y trouveréez de quoy reparer ce que Lucrece a de trop hardy, c’est un ouvrage de pieté [3][.] Il n’est point scavant, mais dans celuy qu’on imprime [4] il n’en sera pas de mesme, parce que je • m’attache beaucoup plus au sens litteral qu’au mistique où les Peres ont ce me semble un peu trop donné pour n’avoir pas seu les langues[.] Je consulte toutes les versions non seullement grecques et latines mais l’hebreu [...] à tirer des eclaircissements dans la version arabe, sirienne, samaritaine[.] Mais sur tout dans la paraphrase admirable d’ Onkelos [5], car j’ay une forte estime pour cet ouvrage. Cependant on me traverse et le Port Roial est plus en credit que vous ne vous imaginez et quoy que le Roy ne croie pas qu’il y ait aucun janseniste dans son roiaume il ne laisse pas que d’y en avoir[.] Cependant comme je suis sincere et le plus docile de tous les hommes j’ay montré de mes cahiers à ces Messieurs et dans nos disputes qui n’ont pourtant rien que d’agreable j’ose leur demander quelque fois quel ouvrage scavant ont fait les heros de leurs sectes[.] Il y a eu des hommes d’esprit et des giuristes, mais excepté Mr d’ Arnaut [6] je n’y voy point de scavans consommés. Ils ont effleuré les sciences, sans les avoir penetrées, et ils ont donné des termes dont le tour a surpris plus qu’il n’a esté solide.

Comme les livres qui s’impriment pour les nouveaux convertis occupent toutes les presses ma Genese va languissamment, et l’on n’imprime pas ma Moralle [7][.] Je vous envoie cependant deux pseautiers. L’un est de Mr l’abbé Cocquelin [8] qui vous / rend mile graces de l’honneur de vostre souvenir et l’autre est de Mr Ferrand [9], soufrez un petit detail pour vous expliquer cet[te] enigme.

Mr Ferrand est un homme né sur les bords de la Meditteranée[.] Il est avocat sans plaider, son metier est d’etre autheur, • et comme vous dites fort bien sur ma Morale d’Epicure qu’il y a des autheurs qui cherchent des louis [10]. Il est de ce nombre et en a amassé, ingenii largitor venter [11][.] Ces Pseaumes parurent si michants quoy qu’on en eut tiré cinq mil pour les convertis que Mr l’archevesque et le R[everend] P[ere] de La Chaise souhetterent que Mr l’abbé Cocquelin y travaillast[,] ce qu’il a fait, Mr Ferrand fut comme frapé d’un coup de tonnere parcequ’il comprit que ses Pseaumes alloient faire naufrage car il avoit concu l’idée qu’on en tireroit par la suite plus de cent mil[.] A mesure que l’on imprimoit ceux de Mr l’abbé Cocquelin il eut des feuilles alors à critiquer, n’attendés pas qu’il y ait des raisons […]eux marges interpretation p[…] heureuse ou mauvaise, des finesses ou des pauvretés, il ose mesme quelque fois le reprendre sur le language[.] Vous en jugerez ; mon amy qui est modeste et qui meprise ces sortes de critiques • va toujours son grand chemin et laisse au public le jugement de son ouvrage[.] Cependant pour vous rejouir j’ay tirë de ces differents passages une oraison que j’ay composée que je vous prie de metre dans vostre journal [12] ou de la tourner comme il vous plaira, vostre caractere trouvera de quoy se donner carriere en disant qu’il vous a esté envoié de Paris une oraison qui a de grands succes* vous mentez d[...] bien[.] Vous luy pouvez donner un nom comme à la ferrandine ainsy qu’à vos scoliastes[.] / Tout Paris se rit des expressions de cet Iroquois et je vous avoue qu’en le lisant j’ay rit [ sic] aux larmes, j’ose gager que vous ferez la mesme chose[.]

Je ne scavois point que ma Morale eu[t] esté imprimée en Hollande [13][.] J’en suis rejoui et je souhette que vos libraires en ayent une bonne issue. J’ay lu les dissertations de Mr Gaillard sur Melchisedec [14] mais apres un serieux examen je ne trouve nul[le] vraysemblance à son sentiment car comme dit s[ain]t Augustin ce • qu’escrit Moise n’est pas tellement historique qu’il ne soit misterieux et il n’est pas tellement misterieux qu’il ne soit aussi historique, ainsy dans ma Genese je dis ce que je pense sur cette matiere et je trouve avec Cajetan que Melchisedec n’a esté que Sem fils de Noé[.] Le calcul de l’hebreu, la suite, l’histoire, et le mistere semblent prouver • qu’il a esté le tipe de [...] souverain pontife de mesme que Noe son pere a esté celuy de J[ésus] Ch[rist] persecuté[.]

Je vous prie à vostre loisir d’examiner mon stile et de me marquer sincerement ce qu’il y a de deffectueux affin que je m’en corrige [15], il y en a qui m’ont dit que le stile de Lucrece etoit trop pompeux, et celui de la Morale[.] J’ay cherché un milieu dans L’Esprit de l’Ecriture [16][.] Mandez* moy aussi ce / que vous dites de mes prefaces, il y en a qui pretendent qu’elles vallent bien celles de Mr Varillas, mais c’est peut estre par amitié[.] Je me deffie toujours de mes connoissances, mais comme j’espere avoir bien tost l’honneur de vous aller embrasser [17] nous parlerons à fond de cela et d’autres choses vous me marquerez s’il vous plaist dans quel mois vous metrez ce que je vous marque, cela rejouira vos Mrs [18] avec qui il voulu[t] contester sur saint Augustin, les chifres sont les pseaumes dont j’ay tiré les versets [19][.] Je vous demande en grace de ne me point metre de blanc* quand vous m’escrirez[.] C’est autant de perdu pour moy[.] Je profite de tout et jamais homme de ma profession n’a esté si avide d’aprendre[.] Je vous prie Monsieur de m’aider de vos conseils dans un dessein qui est ce qui fait l’homme raisonner et de me croire vostre tres humble et tres obeissant servit[e]ur[.]
Des Coutures

Je me sers de la voie de Mr Leonard [20] qui est le libraire de Mr l’abbé Cocquelin pour vous envoier ces livres et cette lettre car je n’ay plus de commerce avec Ribou[.] Je m’etonne qu’on ait plutost contrefait ma Morale que Lucrece [21][.]

A Paris ce 1. juin.

 
Oraison [22] P[saume]. 3 J’ay crié, Seigneur, à vous avec ma voix et
P[s.] 17 Comme vous estes ma corne et mon protecteur
P[s.] 4 Vous m’avés mis au large dans l’affliction
aussi je vous ay faict une louange acharnée
P[s] 8 Ainsy que la bouche des enfants et de ceux qui
70 tetent et je vous confesseray vostre verité dans
des vases de pseaumes et les restes de mes pensées
75 Vous feront un jour de feste aussi ; je ne
61 transmigreray point hors de mon pays pour
idemaller ecouter autre part les enfans des hommes qui sont menteurs dans leurs balances, mais
48 j’abaisseray icy mon oreille à la parabole et
67 je diray en tous lieux faictes chemin à celuy qui est monté sur le cou[...]hant son nom est le
65 Seigneur, je l’ay exalté sous ma langue par ce qu’estant enfoncé dans le bourbier du
17 fond, il a rendu ma voix immaculée, et m’a
21 sauvé de la gueulle du lion, et ma bassesse
44 des cornes de la licorne et qu’il m’a donné la verge de droicture qui est la verge de son regne[.]
48 Je vous ouvriray donc Seigneur ma proposition sur le psalterion parce que la
51 langue de mes ennemis a pensé croire ici
7 que je ne suis point tombé vuide devant eux et que vous les avés mis comme un four de feu dans le tems de vostre face /
20et qu’au contraire vous avés engressé ma teste
27avec de l’huille et que mon calice qui ennivre
idem est beau vous avés fait refleurir ma chair, vous n’avés point coupé en ma faveur vostre misericorde
76et vous avés rempli mon ventre de vos choses les plus cachées aussi je vous immoleray
28les enfans du mensonge et quand vostre [...] interrogera les fils des hommes ils • diront tous d’une voie nostre cœur s’est
88esleve par vostre bon plaisir
.

Il avoit tourné eructavit cor meum « mon cœur a ro[u]lé à Dieu » et lucerna pedum etc. « la lanterne de mes pieds »[.] Tous ses amis en vain luy ont remontré que cela etoit ridicule. Il y seroit resté mais le libraire dont vous scavés le pouvoir sur les autheurs l’a rayé l’a raié [ sic] de son authorité [23]. Cet homme dit qu’il faut parler comme le Sainct Esprit qui a dit le terme de [...]. Sa preface est une impertinence* continuelle. Mr Claude trouvera dans ce livre de quoy se rejouir.

Peutestre que cette lettre vous sera rendüe avant les livres mais comme l’oraison est fidellement extraite vous pourrés la metre sur ma parole dans vostre journal vous verrés qu’elle n’est que l’abregé • de mon expression de ceste maniere.

9838081,7870081,8038081,8200081,9858083,9858083,9677082,9676082,9859082,8966082,9768082,9860082,9675082,

35216089 7 Lettre 572 : Pierre Bayle à Robert Boyle Bayle16860606*572 1 Bayle Pierre

Boyle Robert

[Rotterdam, le 6 juin 1686]

Monsieur

Je suis tout à fait inexcusable de n’avoir pas eu encore l’honneur de vous ecrire apres tant de marques que j’ai recues de votre genereuse bonté [24]. Vous m’avez fait present d’un de vos livres sur les eaux minerales d’Angleterre [25], dont j’ai eu le malheur de ne pouvoir profiter à cause que je n’entens pas l’anglois, et que nous n’avons dans cette ville aucun traducteur capable de bien rendre les expressions philosophiques. Mr de Coningheme  [26] m’a aporté un autre present de votre part, savoir un phosphore [27], et m’a asseuré de votre precieuse / amitié, et cependant Monsieur, je demeure jusques à ce jourdhui dans le silence : j’avouë que c’est se rendre tres criminel d’ingratitude, mais j’espere que votre bonté viendra à mon secours quand vous saurez Monsieur que je n’ai pas laissé d’avoir dans l’ame et de le dire dans toutes renco[n]tres les sentimens de la plus haute veneration pour votre personne. On ne sait qu’admirer le plus en vous Monsieur, ou la profonde connoissance de la nature, ou la piété singuliere, ou la generosité ; la douceur, l’humilité ; tout cela fait un assemblage de merite qu’on ne trouve presque qu’en vous ; presque partout ailleurs il est dispersé les uns en possedant une partie, les autres l’autre. Il m’est bien doux qu’etant tel vous daigniez jetter les yeux sur moi et m’honorer de votre amitié et de votre consideration. Je ferai / tout mon possible pour en meriter la continuation par une parfaite reconnoissance, et par un respect continuel, comme aussi pour profiter des belles lumieres que vous repandez comme un soleil par tout le monde. Dieu veuille vous faire la grace Monsieur, de le faire long tems. Votre tres-illustre Societé m’a honoré d’une marque de son affection en m’envoiant le beau present du livre De Piscibus qu’elle a fait imprimer à Oxford, ce qui a eté accompagné d’une lettre des plus obligeantes de Monsieur le secretaire [28]. Je me suis donné l’honneur d’y repondre [29] et de temoigner le mieux que j’ai pu ma reconnoissance et mon profond respect, mais aidez moi je vous en prie à temoigner tout cela à votre tres illustre Societé royale. Ce sera une nouvelle obligation que je vous aurai avec tant / d’autres qui m’engagent à etre toute ma vie Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur
Bayle

à Rotterdam ce 6. de juin 1686

 

J’ai veu[,] avec l’impatience de voir tout l’ouvrage traduit[,] les titres de votre projet sur l’air [30]. Cela sera beau et digne des autres ouvrages dont vous avez enrichi le public

35220089 7 Lettre 573 : Dethlev Cluver à Pierre Bayle Bayle16860607*573 1

A Londres le 7 de juin 1686

Monsieur

Il s’estoit repandu icy un bruit que vos Nouvelles estoient aneanties, ou pour le moins qu’on ne pouvoit pas les debiter d’avantage, à cause que votre plume avoit si extréme[me]nt noircy la croisade dragonne [31]. Mais • voicy le contraire, le libraire enfin a fait venir le mois d’avril, qui montre qu’elles marchent toujours avec un egal deportement*. Pourtant, j’ay cru necessaire de vous advertir, de ne railler pas trop ces apótres avec de[s] arquebuses, parceque ils tireront encore sur vous, et le feu qu’on a allumé icy pour bruler par main de bourreau Les Plaintes des protestants en France vous pourra servir de preuve pour cela [32] : ainsi on menace qu’à l’instance de l’ambassadeur on fera bientost un semblable procés aux autres. Mais peut-estre vous ne vous souciez pas trop d’etre brulé[ ;] pourveu que les eaux et les marais d’Hollande vous donnent de sureté, c’est en quoy la grandeur de votre courage • est appuyée.

Mais pour vous dire encore quelque chose de ce papier touchant la dimension geometrique de l’infiny que j’avois promi[s] de vous envoyer il y a long temps [33], je vous demande à cette heure de quell[e] grandeur ou etendue, vous voulez que je fasse ce discours, et si un[e] douz[aine] des pages • correspondra à votre dessein, ou si vous voulez que je la re[sserre] d’avantage, ainsi je voudrois sçavoir si vous avez le loisir d’inserer la description dans le mois [de] juillet parceque tout est prest pour vous donner la maniere de ces comp[utations] que tout le monde croid impossibles, il y a quelques figures jointes à ce di[scours] et j’espere que votre libraire ne fera point de difficulté de les faire • graver[.] • Je vous prie aussi de me dire si M.  Du Bois  [34] qui s’en alloit en Hollande il y [a] quelques semaines, vous a fait tenir le[s] 5 florins ; en attendant quelques lignes de votre reponce je reste Monsieur votre serviteur tres humble
Dethlef Clüver

A Monsieur/ Monsieur Bayle professeur en philosophie/ et en histoire/ a/ Rotterdam •

12705081,9678082, 35224089 7 Lettre 574 : Pierre Bayle à Sir John Hoskyns Bayle16860608*Lat*574 1

[Rotterdam, le 8 juin 1686]

Clarissimo, Illustrissimoque Viro Dom. Johanni Hoskyrs [ sic] Societati Regiæ a Secretis Pierre Bayle s[alutem] p[lurimam] d[at]

Quanta veneratione dudum ego votam Societatem Regiam tot præclaris Viris constantem, quorum lucubrationes et indefessa diligentia rem Philosophiam mirum in modum promovent, non solum publice (quod non semel feci) sed etiam privatis Epistolis testatus fuissem, nisi me inferioris Subsellii Virum jure merito existimassem, quam qui salvo decoro possem tam eminentem Societatem literaris convenire. Hinc adeo factum est, ut prius cohonestatus fuerim Benevolentiæ Eius testimoniis, Literasque acceperim perhonorificas a Te1, Vir Illustrissime, qui Ipse es a Secretis, quam reverentiam Observantiamque meam singularem Epistola significassem, meque opusque meum Eius Patrocinio commendassem. Nempe talia sunt hæc munera, quæ inferior nec sperare nec rogare audeat, superior ultro largiatur. Quanto nunc gaudio pervellar Judicio Regiæ Societatis fretus ac refovillatus tanquam aura suavissima et faustissima, munere insuper auctus egregio splendidissimoque (Librum dico de Piscibus in qiuo Sagacitas et accuratum investigandi arcani Naturæ studium vertant)2 haud possum satis aperire. Stimulo vere mihi hæc sunt valdissimo ad meam qualemcunque opellam literis impendendam diligentius, iamque non nulla spes subit / fore, ut in posterum in nonnullum Reipublicæ Literariæ emolumentum cedat id, quod ego singulis mensibus typis mandare soleo, cum videam velle me beari Societatem vestram, nunquam sine honoris maximi præfatione nominandam, luminis sui radiis, instituto inter nos frequenti commercio. Non potest non summopere placere conditio utilissima mihi juxtaque gloriosissima. Itaque certiorem facias Regiam Societatem etiam atque etiam rogo, Vir Præclarissime, non modo de mea adversus ipsam Veneratione, et grato animo, sed etiam de ferventi studio, quo tangor jussa Ipsius prompte exequendi, et omnia quæcunque potero Ipse placitura. Librum egregium, quo me donatum voluit Amplissima Regia Societas, honorifica mentione prosequar lubentissima opusculo huius mensis3, curaboque sedulus deinceps par clarissimum Virum D. Justellum, ut singulis mensibus tradatur Tibi, Vir Illustrissime, libellus meus Societatis Regiæ offerendus4, quanquam indignus tanto honore, ut qui pauca habeat ad Philosophiam spectantia, qualium nostra hæc Regio parum ferax est.

Vive diu, Decus et Ornamentum Societatis Regiæ, meque • tuæ benevolentiæ commendatum cupias.

Dabam Roterodami die 8 a styl[o] nov[o] Junii 1686

P.S. Qui mihi tuam epistolam Librumque de Piscibus attulit, sit ne Vir ille nobilis, quem mihi commendas, ut honestum et doctissimum haud dubie5 scio : obtuli / ipsi quæcunque ex me penderent, et summa cum voluptate ipsi officia quælibet exhibuissem : Parum hac in urbe mansit, sed promisit se reversurum in meas ædes sumpturus hanc Epistolam, quam Tibi tradat.

52016089 7 Lettre 574 : à Bayle16860608*Trad*574* 1

[Rotterdam, le 8 juin 1686]

Au Très Éminent et Très Illustre Monsieur John Hoskyns, secrétaire de la Société Royale Pierre Bayle fait ses compliments

Je révère depuis longtemps à tel point la vénérable Royal Society, composée de tant d’hommes remarquables, dont les ouvrages érudits, fruits d’un travail infatigable, font avancer merveilleusement la recherche philosophique, que je l’aurais attesté non seulement publiquement (ce que j’ai fait plus d’une fois) mais aussi dans des lettres privées, si je ne m’étais pas estimé à bon droit homme d’un rang trop bas pour pouvoir entretenir une correspondance de lettres avec une Société si éminente. D’où il est arrivé que j’ai été honoré des témoignages de votre bienveillance en recevant des lettres pleines d’égards de votre part [35], très illustre secrétaire, avant de signifier par lettre mon extrême vénération et déférence et avant de me recommander à votre protection. Assurément ces présents sont tels qu’un inférieur n’oserait les espérer ni les demander, alors que le supérieur les donne spontanément. Combien de joie donc m’a donnée la décision de la Royal Society, soutenu et revigoré que j’ai été comme par un air extrêmement doux et favorable ainsi que par ce présent exceptionnel et tout à fait magnifique (je veux dire le De Piscibus où s’exercent la sagacité et la soigneuse pratique de la recherche du secret de la Nature) [36], je ne peux assez le déclarer. Cela me sert vraiment d’un très puissant stimulant pour mettre plus ponctuellement par écrit mon petit travail quel qu’il soit. Déjà l’espoir se présente qu’à l’avenir ce que je fais régulièrement publier mois par mois profitera à la République des Lettres, puisque je vois que votre Société, qu’on ne nomme jamais sans le plus grand respect, veut me gratifier des rayons de sa lumière par l’institution entre nous d’un échange fréquent. Cet accord très utile et en même temps très glorieux ne saurait ne pas me plaire. Par conséquent, je vous prie instamment, très éminent Secrétaire, d’informer la Royal Society non seulement de ma vénération à son endroit et de ma gratitude, mais aussi de mon chaleureux dévouement, puisque je m’acquitte de ses ordres qui ont besoin d’être promptement exécutés, ainsi que de tout ce que je pourrai faire pour lui plaire. Je veillerai à ce que le livre exceptionnel dont la prestigieuse Royal Society a voulu me faire cadeau reçoive mention honorable dans l’opuscule de ce mois [37], et je veillerai soigneusement désormais, à l’instar du très distingué Monsieur Justel, que vous soit remis mois par mois le petit volume que je dois offrir à la Royal Society [38], bien qu’il soit indigne de tant d’honneur, étant donné qu’il comporte peu qui concerne la philosophie [naturelle], en quoi notre pays d’ici est peu fertile.

Vivez longtemps, gloire et ornement de la Royal Society. Accordez-moi, je vous en prie, la faveur de votre bienveillance.

Donnée à Rotterdam, le 8 juin 1686, nouveau style.

P.S. Celui qui m’a apporté votre livre De Piscibus, n’est-ce pas ce Monsieur noble que vous me recommandez comme honnête et très docte sans aucun doute [39]. Je lui ai fourni tout ce qui dépendait de moi et avec le plus grand plaisir je lui aurais rendu tous les services qu’il pouvait désirer. Il est resté peu de temps en ville, mais il m’a promis de revenir chez moi prendre cette lettre qu’il vous remettra.

35228089 7 Lettre 575 : Henri Justel à Pierre Bayle Bayle16860610*575 1

[Londres,] le 10 juin [16]86

Monsieur Cartier allant en Hollande [40], je n’ai pas voulu le laisser partir sans vous asseurer de mes services et v[ou]s demander la continuation de vostre amitié. La Societé royale n’a rien faict de bien considerable depuis quelque temps. Il faut avouer qu’il est difficile de faire de nouvelles decouvertes et que souvent le hazard faict trouver des choses rares. Mr Petty faict imprimer un petit traitté de la grandeur de la ville de Londre [41] qu’il comparera avec Paris, Constantinople et le grand Caire : il pretend que Paris et Rouen ne sont pas plus grands que Londre où il y a selon luy quatre cens mil cheminees et six cens mil ames et trente mil cathol[iques] en Angl[eterre] • . Un Ecossois a inventé une maniere de pompe qui en peu de temps tire beaucoup d’eau : mais il n’a pas encore faict l’experience [42] : il pretend tirer l’eau par le seul poids des hommes laquelle s’ecoulera comme une riviere[.] Il y a une petite fille de onze ans en Irlande qui scait la geometrie, l’algebre et la musique fort bien [43]. J’en ai veu une de 4 ans qui est faicte comme une fille de 16 ans. On ecrit de Lisle qu’il • y est tombé une gresle furieuse qui a cassé les vitres, rompu les arbres et tué quantite de perdrix et de lievres. Il y • avoit des grains qui pesoyent un quarteron, demi livre, trois quarterons et les plus gros une livre. On en a jetté un ou deux dans le feu qui ont faict du bruit. Vous aurez veu une Anatomie de plusieurs animaux et de toutes les parties de leurs corps et de celles de l’homme, afin d’en pouvoir remarquer la difference[,] il y a 2 vol. in fol[io] avec des figures [44]. Le premier volume des Voyages de Mr Chardin en francois est imprimé[ ;] il y aura 4 vol. in fol[io] qui seront pleins de figures [45][.] / J’ay veu un livre in fol[io] d’un nommé Mr Goad qui a observé le changement de temps et marqué la methode • dont il s’est servi pour faire ces observations là [46]. Vos Nouvelles de la republique des lettres sont toujours attendues avec impatience estant du goust de tous les honnestes gens. Je vous prie d’asseurer Mr Paetz [47] de mon obeissence et de croire que je suis avec estime votre tres humble et tres obeissent serviteur. Vous aurez sceu que Mr Cassini a decouvert un cincquiesme satellite de Saturne [48] et qu’on imprime l’ Histoire des imprimeurs de Paris [49][.]

 

A Monsieur/ Monsieur Bayle profess[eu]r/ en philosophie/ à Rotterdam

6890083,9679082,7881082,94082,9683082,9682082,9680082,7352082,3004082,9681082, 35293089 7 Lettre 576 : Otto Sperling à Pierre Bayle Bayle16860617*Lat*576 1 Sperling Otto

Bayle Pierre

[Hambourg, le 17 juin 1686]

Viro nobilissimo amplissimo et clarissimo • Bayle/ Roterodam[i] professori Ottho Sperling s[alutem] d[at]

Mirabar equidem inter tot • sedulos rerum novarum , quos hodiernum seculum produxit, neque in anglicis, nec gallicis, aut belgicis, nec in Germanorum ephemeridibus hactenus comparuisse illim quod nulla ætas vidit, nec fortè videbit ampliùs maris borealis fœtum. Monocerotem 1, inquam, bicornem servatur illius piscis caput, binis cornibus insigne, adhuc apud nos Hamburgi : ubi a quamplurimis stupendum illud naturæ ostentum oculis et manibus tractatum fuit, in capsulâ suâ nitidissimè repositum, a chalcographis et poëtis non unâ vice expressum et posteritati commendatum, ut iterum mirari subeat, ad neminem vestru[m] rarissimi hujus animalis notitiam etiamdum pervenisse, cum persuasum habeam, si pervenisset, certatim vos elogiis vestris in omnes mundi cardines illud prosecuturos fuisse. Hujus animalis capti historia sic se habet. Nosti quotannis, ut e Belgio vestro, sic etiam Hamburgo et ex aliis oris naves, imò classes integras Gronlandiam versus exire et capturæ cetorum operam dare, quod mercatores ex illius piscis adipe operæ pretium facere didicerint. • Nosti monocerotes etiam in eodem mari amico capi, et ista quæ passim inter ostenduntur / a Magnatibus cornua, piscis esse, non quadrupedis terrestris. Contigit itaque anno 1684 cum Hamburgenses solitam piscaturam in illo mari exercerent, in navi quæ insigne habebat aurei Leonis, et cujus rector erat Dietericus Petersen, hunc piscem captum • et advectum esse Hamburgum circa mensem septembrem quando redeunt a capturâ Mitto capitis et cornuum insertorum effigiem, accuratè satis expressam, nisi quod ligneum obscuros et inamœnos • ductus reddiderit. Belluæ totius longitudo integra fuit 22 circiter pedum, nam ita observant isti, qui expeditionem • in hanc provinciam • suscipiunt cornua longitudine, corpus bis superare quæ quoniam in hoc pisce septem pedum existunt, corpus • 4decim pedum effecit, quod • dissectum et excoctum oleum longe subtilius et melius, quàm quod ex vulgaribus balænis excoquitur, • præstitit. Cornu, quod in capite acuminato solet unicum excrescere et prominere, in hoc pisce diodénti [ sic], • et ab utrâque parte rostri exeuntia habet singula cornua, cum non nisi unum e media regione rostri procedens hactenus in ejusmodi piscibus visum sit. Distant ab invicem hæc cornua circa caput, duorum pollicum latitudine et paulo ampliùs, sed circa • finem et ad tredecim pollicum intervallum distenduntur. Infixa sunt capiti pedem unum et quod excedit. Sinistru[m] cornu longius dextro pedes septem et quinque pollices efficit, quin et robustius, novem pollices rotunditate versus caput præfert cum dextrum non nisi septem pedum longitudinem et octo pollicum adquisiverit. Motus • cornuum tendit non solùm in directum, sed et supra se et infra cum opus est pugnos et lusus instituit bellua. / Caput duorum pedum longitudinem habet, et quà latissimum est pedem unum cum dimidio. • Hæc illa sunt quæ hactenus ratione piscis hujus observari potuerunt, • et mihi visa sun[t] ejusmodi, quæ brevi satis epistolâ comprehendere possem • et apud curiosas et avidas rerum novarum locum aliquem, mererentur si de illis monerem. Illud • ipsum autem si tuo suffragio juvare dignaberis, non solùm mihi rem gratam facies sed et iis om[ni]bus, qui tua scripta legunt releguntq[ue] breviter, talis plane est hic noster díkerws, qualè descripsit • Nicol[aus] Tulpius l[ibro] 4 Observat[ionum] medicar[um] c[apitulo] 59 2. Et quoniam Paulus Ludovicus Sachsius med[icinæ] D. Hamburgi, Monocerologiam a[nno] C[hristi] 1676 edidit peculiarem et accuratam 3, ex eo peti poterunt quæ hic omittimus.

Vale • Dabam Hamburgi a[nte] d[iem] VII junii juliani an[no] aer[æ] christ[ianæ] CDDCLXXXVI. Tui Vir nobilissime studiosiss[imus]

40378089 7 Lettre 576 : à Bayle16860617*trad*576 1

[Hambourg, le 17 juin 1686]

Au très noble, très distingué et très célèbre Monsieur Bayle, professeur à Rotterdam, Otto Sperling fait ses compliments.

Je m’étonne, pour ma part, qu’entre tant de zélés chercheurs de nouveautés qu’a produits notre siècle, il n’ait rien paru jusqu’ici dans les journaux germaniques, français ou belges au sujet de ce que nulle époque n’a vu ni peut-être ne verra davantage, c’est-à-dire cette progéniture de la mer arctique. La tête de ce poisson monocorne [50], que dis-je, bicorne, se distinguant par ses deux cornes, est conservée parmi nous ici même à Hambourg où, par des gens nombreux, ce monstre stupéfiant, merveille de la nature reposant dans son coffret resplendissant, a été caressé par des yeux et des mains, par des chalcographes et des poètes, sans être une seule fois représenté et offert à l’admiration de la postérité, et sans que l’existence de cet animal rarissime soit encore parvenue à la connaissance de personne parmi vous autres, car je suis tout à fait convaincu que si elle y était parvenue vous l’auriez poursuivi de vos éloges à tous les points cardinaux du monde. L’histoire de la capture de cet animal est comme suit : vous savez que tous les ans, tant de votre Belgique et même de Hambourg et de toutes les plages, des bateaux et même des flottes entières partent en direction du Groenland et s’occupent de la capture des baleines, car les marchands ont appris à tirer profit de la graisse de ce poisson. Vous savez en effet que des monocornes se font capturer dans la même mer amie et que leurs cornes qui sont montrées partout par de grands personnages comme des trésors sont des cornes de poisson et non de quadrupèdes terrestres. Il s’est trouvé en 1684 alors que les Hambourgeois faisaient leur pêche habituelle sur cette mer dans un bateau qui portait l’enseigne d’un Lion d’Or et dont le capitaine était Dieter Petersen, que ce poisson a été capturé et transporté à Hambourg, vers le mois de septembre, à l’époque où l’on revient après la pêche. J’envoie l’image de la tête et des cornes qui s’y insèrent. L’image est gravée avec assez d’exactitude si ce n’est que, sculptés dans le bois, les traits en sont obscurs et déplaisants. La longueur totale de la bête était de 22 pieds environ, car ceux qui partent en expédition dans cette région dans des navires à la recherche de bêtes marines observent que la longueur du corps de ce poisson est deux fois celle des cornes, car alors que celles-ci ont chacune sept pieds de longueur, le corps en a quatorze. Celui-ci disséqué et fondu par la cuisson fournit une huile meilleure et beaucoup plus fine que celle qu’on extrait des baleines vulgaires. La corne pousse normalement seule au bout de la tête et fait saillie, mais dans ce poisson à deux dents une corne sort de chaque côté du bec, alors que jusqu’ici on n’a vu dans ce genre de poissons qu’une seule corne sortant de la région médiale du bec. Les deux cornes se situent sur la tête à une distance l’une de l’autre d’un peu plus de deux pouces, mais vers le bout et la pointe elles s’écartent de treize pouces. Elles sont enfoncées dans la tête à une profondeur de plus d’un pied. La corne gauche, plus longue que celle de droite fait sept pieds et cinq pouces, et, plus robuste que l’autre, atteint neuf pouces de circonférence au niveau de sa racine, alors que celle de droite atteint seulement sept pieds de long et huit pouces de circonférence. La tête a deux pieds de long et un pied et demi de large. Voilà les choses qui ont pu être observées judicieusement jusqu’ici dans ce poisson et j’en ai vu moi-même de ce genre que je pourrais inclure d’une façon satisfaisante dans une courte lettre et qui pour ceux qui sont curieux et avides de nouveautés mériteraient une place si je devais tirer l’attention sur elles. Si vous deviez honorer ce sujet de votre suffrage vous feriez plaisir non seulement à moi mais à tous ceux qui lisent et relisent vos écrits. En un mot, tel est clairement ici notre poisson bicorne comme l’a décrit Nicol[aas] Tulp, l[ivre] 4 de ses Observations médicales, ch.59 [51]. Et Paulus Ludovicus Sachsius, docteur en médecine, ayant publié son Monocerologiam, ouvrage spécifique et précis, à Hambourg en 1676 [52], on pourra trouver dans cet ouvrage ce que nous omettons ici. Adieu.

Donnée à Hambourg le 17 juin 1686. Je suis, très noble Monsieur, votre très dévoué.

9709083,9684082,9685082,3726082,9761082, 35468089 7 Lettre 577 : Gijsbert Kuiper à Pierre Bayle Bayle16860618*577 1

[La Haye, le 18 juin 1686]

A Mr Bayle.

Je vous renvoie le livre de Mr Baudelot [53], qui m’a plus infinément [ sic], et je vous suis obligé de la complaisan[c]e, que vous me l’avez • presté par deux ou trois semaines.

Mais, Mr, je vois, que vous doutez encore de la verité de la lettre, que Sa Majesté de Suede a escrite à Mr Terlon, à la p. 529 de vos Nouvelles du mois de may [54], non obstant, que je vous aie donné des asseurances contraire[s].

En Suede on est desja scandalizé, que vous la traittez au mois precedent d’une pieçe supposée [55], et on le sera plus sans doute, quand on voit renouveller cela au mois passé.

J’enay reçu des plaintes, et l’on m’assure tout / le contraire. Vous ne trouverez pas mauvais, que je me dispense, de vous donner à l’advenir de ces sortes d’eclairsissemens ; et j’espere que vous approuverez ma conduite, puisque vous ne pouvez pas adjouter foy à ce, que je vous ay mandé, pour vous faire connoitre la verité d’un point essentiel. Je suis votre tres h[umble] serv[iteur]
Cuper

A La Haye le 18 e juin 1686

35472089 7 Lettre 578 : S.V.A. à Pierre Bayle Bayle16860619*578 1 Anonyme : « L’inconnu de S.V.A. » Bayle Pierre

[La Haye, le 19 juin 1686]

Monsieur

Vos Nouvelles de la republicque des lettres sont reçeues comme elles meritent, de l’admiration de tous les sçavants. Vous nous y donnez la cognoissance des bons livres, bien mieux que n’a fait un autre, par un traité [56], et vous nous en fournissez des extraits fort pertinents. Sur tout me semble votre critique nette, solide, spirituelle, et ravissante, de sorte qu’ils ont mal servi la Republicque des Lettres, qui vous en ont voulu detourner.

Mais je n’aÿ pû remarquer que vous traitez souvent des livres flamens [57], je ne m’en souviens que d’une seule fois, et pour les livres de medicine [58], il y en a, mais non pas en grand nombre ; c’est ce qui m’a fait si hardi de vous envoÿer ce petit present, c’est un recueuil des cas tres-rares en medicine, et d’un homme fort-experimenté. L’ auteur est deja connu au monde sçavant par la premiere centaine de ses observations, qu’il publia il y a environ quattre ans [59], dont ont [ sic] a fait mention avec honneur en Allemagne, comme dans les Acta eruditorum publicata lipsia, du mois de mars 1686 pag[e] 159 et dans les Miscellanea academiæ naturæ curiosorum decuria II anno quarto, anni 1685 pag[e] 120 [60]. Il merite beaucoup des medicins, et des philosophes, en fournissant des cas extraordinaires, qui donnent à raisonner et qui excitent à une plus exacte recherche des effets de la nature. L’auteur tient par tout cet ordre qu’il propose premierement le fait, et apres, qu’il l’accompagne de quelques remarques, ausquelles il fait ordinairement entrer deux choses : l’authorité des autres ecrivains, et ses sentiments, soutenus per [ sic] des raisonnemens. Pour faire voir tout ce qu’il ÿ a de rare dans cet ouvrage, il faudroit copier les deux volumes, c’est qui n’est pas de notre dessein, ni la matiere d’une lettre. Pour une petite étincelle, il est à remarquer, que dans la premiere Centaine obs[ervation] 2 il nous donne l’histoire d’un enfant, qui nâquit sans cerveau, et ne laissa pas de mouvoir ses membres par vingt-quattre heures. /

Dans l’obs[ervation] 34, il parle de la boue d’un aposthume, causé par une pleuresie, qui se vuidoit par le ventre, et obs[ervation] 35 de la boue d’une plaie qu’un soldat avoit reçue d’un[e] epée par la poittrine au poumon, qui se vuidoit par l’urine. Dans l’obs[ervation] 72 il parle au long d’une femme, qui accoucha d’une petite chienne, bien formée, demeurant neanmoins grosse, dont il donne la raison en latin, il ajoute plusieurs exemples tres-rares des semblables accouchemens, et obs[ervation] 73, il fait mention d’une mola, dont une vierge accoucha à vin[g]t quattre ans, icÿ à La Haÿe au mois d’août de l’an 1681 et obs[ervation] 77 d’une petite fille d’un an, qui souffroit ses fleurs de mois en mois comme les mariables.

Dans la 2 e Centaine dont la moitié ne vient que de sortir de dessous la presse, obs[ervatio] id[em] il nous decouvre comment une femme, qui avoit avalé une boule de plomb, pour se soulager du mal qu’on appelle miserere mei l’a pû rendre par l’urine. Mais il est fort remarquable, ce qu’il nous donne dans l’obs[ervation] 32, d’un enfant qui est venu au monde sans nombril, où il explicque fort au long comment un fetus se nourrit, comment il tire et reçoit son haleine par la bouche, dans le ventre de sa mere : il avance là un fait fort considerable, pour prouver son sentement, qu’il a observé luÿ-méme, et qui n’est pas encor remarqué, comme il croit, par aucun auteur ; sçavoir que les veaux, avant que de sortir du ventre de leur mere ont dans leur bouche un corps glanduleux, que nos paÿsans appellent une ratelle, mais qu’il vaudroit mieux nommer un[e] esponge ; par ce qu’il est espongieux et que l’auteur a fait arracher de la bouche d’un veau, avantque la tete fût sortie et dont il nous donne icÿ le dessein : il nous montre l’effet de cette esponge, et quoÿ qu’on n’a point encor observé que les enfants en ont autant, il dit, qu’au lieu de cela, ils ont tousjours la langue entre les gencives et entre les levres laquelle étant prolongée et retirée, tour à tour, comme on fait en sucçant, laisse entrer en la bouche la liqueur qui environne le fetus, goute à goute, pour le nourrir. L’explication de ce corps glanduleux avec ses vases, tant arteres, que veines sert admirablement à prouver le nourrissement du fruit, par la bouche, ce qui est une nouvauté de douse ou treise ans, mais nous avons / lieu d’esperer que cette observation l’éclai[r]cissera beaucoup, et que les scavans la prendront à cœur. L’observ[ation] 45 contient aussi un fait fort remarquable, mais ce que l’auteur raconte, dans ses remarques sur l’obs[ervation] 40 d’une fille qui sortant du ventre de sa mere, étoit grosse d’un[e] autre fille, et en accoucha le huictieme jour de sa naissance est tout à fait surprenant, et presque incroÿable ; il finit cette premiere partie de la 2 e Centaine par un curieux recueuil du basilisq[ue].

Je ne doute, Monsieur, que vous n’obligiez infiniment les gens de votre Republicque si vous plait de donner un petit gout de ce qu’il y a de rare dans les observations et remarques de cet auteur. Au reste, comme je ne suis ni medicin, ni Francoÿs, je me trouve obligé de vous demander pardon de la temerité de vous entretenir si longtemps, d’une matiere et en une langue qui me sont étrangeres toutes deux. Mais la gloire de notre pais me fait agir : si nous sommes la patrie des Beotiens, nos hommes ne laissent pas de faire effort pour devenir grands, et pour donner des beaux exemples, et je ne voÿ pas que notre auteur dans cet ouvrage aÿt moins reussi qu’on fait en Allemagne, France, et Angleterre.

Si la main d’un inconnu vous surprend, Monsieur, soÿez assuré, qu’on vous admire plus que vous sçavez, et si tous vos amis venoient vous faire leurs complimens de bouche, ou par escrit, vous seriez tousjours accablé des visites, et des lettres, et votre temps seroit inutilement perdu : afin donc que je ne fasse ce tort à la Republÿque de Lettres, je finis, en vous priant de vouloir croire, que je suis Monsieur votre tres h[umble] et tres affectioné serviteur et admirateur
l’inconnu S. V. A.

à La Haÿe, ce 19 juin 1686 •

7801082,9773082,8811082,7302082,6230082,8663082,9686082, 35476089 7 Lettre 579 : Pierre Bayle à Gijsbert Kuiper Bayle16860621*579 1 Bayle Pierre

Kuiper Gijsbert

[Rotterdam] le 21 juin 1686

Monsieur

Je suis bien aise que le livre de Mr Baudelot [61] vous ait plu et je souhaiterois passionnement qu’il m’en tombast souvent d’autres entre les mains qui puissent etre à votre gout. Quant à la lettre de la Reyne de Suede vous verrez Monsieur au commencement de la page 592 ce que vous avez souhaitté que je publiasse [62]. Lors que je receus la lettre que vous me fites l’honneur de m’ecrire[,] la feuille où j’ai inseré toute la lettre etoit deja imprimée, ainsi il me fut impossible de mettre là ce que vous m’aviez communiqué ; c’est la raison pourquoi cet eclaircissement n’a pas eté mis dans sa place naturelle, mais ailleurs ; j’espere pourtant que les lecteurs s’en apercevront et je leur en indiquerai la page en parlant de l’histoire de Mr Pufendorf dans ce mois de juin [63]. Vous voiez donc Monsieur que les eclaircissemens que vous aurez la bonté de me donner seront receus de moi comme ils le meritent. Je me recommande de toujours a vos bonnes graces et suis avec beaucoup de respect

Monsieur, Votre tres humble et tres obeissant serviteur

 
Bayle

4984082, 35480089 7 Lettre 580 : Pierre Bayle à Jacques Lenfant Bayle16860621a*580 1

A Roterdam, le 21 de juin 1686

J’ai compris, Monsieur, par ce que m’a dit M. Leers, qui n’est de retour de son voiage que depuis 4 ou 5 jours [64], que ma derniere lettre ne vous a pas eté rendüe [65], car si cela eust eté vous ne vous fussiez pas plaint de ma negligence. Je me souviens comme de ce que j’ai fait aujourd’hui que peu de jours apres que j’eu reçu votre derniere (c’etoit avant que nos marchands deussent partir pour Francfort) je vous fis reponse, et je fus si ardent à cela que je ne voulus pas differer jusques au depart de M. Leers. Si depuis ce tems là je ne suis pas retourné à la charge, ce n’est pas je vous asseure faute de me bien souvenir de vous, et avec toute l’estime et l’amitié possible, comme vous le pourroient temoigner tous ceux qui m’ont veu apres vous avoir entretenu à Heidelberg, et nommement M. Jacquelot. Qu’est ce donc, c’est 1° que j’attendois de vos lettres, 2° accablement et surcharge d’occupations. Je ne sai pas comment ma derniere reponse [se] soit perdue, mais n’en parlons plus, cela ne serviroit qu’à me chagriner en me renouvellant l’image des reflexions que vous avez du faire sur ma paresse : parlons donc d’autre chose.

M. Jaquelot s’est fait admirer ici : j’ai été charmé de son esprit : il est passé depuis peu en Angleterre [66] à ce qu’on m’a dit : c’est sans doute sur la nouvelle de l’etablissement d’une nouvelle Eglise dont M. Allix sera le 1 er ministre [67]. M. Allix est là dans une tres grande estime : je souhaitte qu’il se serve du bienheureux loisir qu’il y a ( Deus nobis haec otia fecit [68]) pour ecrire de beaux livres comme il peut. Le docteur Boileau l’a attaqué tout nouvellement à l’occasion de Ratramne qu’il soutient n’avoir eu que des sentimens conformes à l’Eglise romaine [69].

Nous avons depuis peu 2 Cours de théologie : l’un selon les arminiens par M. Limborch leur professeur à Amsterdam [70] : l’autre selon les reformez, qui est un ouvrage posthume de M. Heidanus [71] autrefois professeur à Leyde : il etoit cartesien et coccéien. Je n’ai pas encore vu comment il manie les matieres de la liberté, mais par le titre des chapitres il traite de pur pelagianisme, le molinisme et l’arminianisme. Je pense bien que les jesuites crieront à la calomnie, ne pouvant pas avec honneur souffrir qu’on les taxe d’une doctrine que l’Eglise qu’ils croient infaillible a fulminée, mais je ne pense pas que les arminiens se fassent une affaire de cette accusation : comme ils n’ont pas meilleur opinion des anciens conciles que des modernes, ils ne feront pas difficulté d’avoüer que Pelage aiant eté ignoramment condamné, c’est une marque de saine doctrine que d’embrasser la sienne.

Le Pere Mallebranche a le chagrin que ses livres ne peuvent plus entrer en France [72], et qu’à cause de cela personne ne les veut imprimer en ce pays. L’inquisition est devenüe effroiable en France contre les bons livres.

J’apprens que M. Fabrice est fort occupé dans les affaires politiques depuis le changement de maitre [73] : à propos de cela faites moi la grace de m’instruire d’une chose dont nos Gazetttes nous ont fort parlé. Est-il vrai qu’un jesuite ait eté blessé faisant l’esprit dans la chambre de M. l’ Electeur palatin, et lui annonçant comme de la part de Dieu de chasser tous les heretiques [74] ? Je voi ici quantité d’habiles gens qui n’en doutent pas : quelques autres en doutent, et les uns et les autres seront fort aises d’etre asseurez de ce qui en est. Ainsi Monsieur, je vous supplie tres humblement de m’aprendre ce qu’il y a de certain dans cette affaire.

Je vous prie aussi d’avoir la bonté de faire mettre à la poste l’incluse pour Berne. Mes baisemains s’il vous plait à M. et Mad e de Chadirac, s’ils sont encore à Heidelberg, sans oublier M. Darassus.

Nous sommes ici dans un grand calme, mais les mauvaises nouvelles tantot vraies tantot fondées sur des conjectures / nous persecutent horriblement, ainsi il n’y a nul lieu au monde où on puisse vivre content, car si le present vaut quelque chose, vous trouvez des gens d’esprit qui vous prouvent que tout ira mal à l’avenir. Je vous souhaitte toute sorte de biens et d’avantages, et suis de tout mon coeur Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur.
Bayle

9696083,9699083,9692083,6384083,6789082,6423082,1820082,5175082,2544082,3085082,7280082,9694082,5891082,9693082,5354082,3576082,9690082,9689082,9854082, 35484089 7 Lettre 581 : C.B.D.L.R. à Pierre Bayle Bayle16860624*581 1 « C.B.D.L.R. » Bayle Pierre

A Paris ce 24 juin 1686

• Je ne sçay Monsieur, si pour la premiére fois que je me donne l’honneur de vous écrire •, je le feray assez tost pour que vous profitiez en quelque manière de ce que je dois vous dire. C’est au sujet du livre des Prejugez contre le jansenisme, dont vous avez promis de parler dans vos 1 res Nouvelles [75]. Le docteur qui en est auteur est un jeune homme de Chambery fils d’un conseiller ou senateur au Senat de Savoye comme on l’appelle là ; qui n’a gueres plus de 26 à 27 ans. Il a assez bien soûtenu son rang dans les ecoles de Sorbonne tandis qu’il les a frequentées, et son assiduité à s’y trouver surtout durant la licence crainte de payer des amandes aussi bien que son application, ont fait conjecturer qu’il deviendroit quelque chose de bon. Pour les sermons qu’il a faits dans quelques églises de Paris durant ce temps là ils ne luy ont pas beaucoup relevé sa reputation ; car ils ne valoient pas grand chose, si l’on peut appeller ainsy des discours sur la parole de Dieu. Peut estre que ceux de l’Avent qu’il a presché à son retour en Savoye devant le Senat de Chambery auront eu plus d’applaudissement parce que quelque accoutumé que l’on • y soit à n’y entendre que d’habiles gens, on aura bien voulu en consideration de / Mr son pere luy donner quelques eloges apparents ou affectez. Il en pourra avoir esté de mesme • du sermon qu’il a dit-on, prononcé à Turin en presence de leurs A[ltesses] R[oyales] aussi bien que du celebre discours fait en presence de l’Academie royale de la mesme ville, qu’il n’a pas manqué de faire inserer dans le Mercure galant de l’année derniére [76]. Il reussira sans doute encore mieux dans l’Eglise de son prieuré de Bellevaux, parce qu’étant située entre quatre ou cinq montagnes et éloignée d’une demy lieüe de tout village, il y sera rarement entendu que par des religieux idiots qui la desservent.

Mais pour venir à son livre qui comme son premier coup d’essay, luy aura attiré plus de loüanges et l’aura fait regarder comme un zelateur ardent de la maison de Dieu, parmi des peuples qui pour la pluspart avoient assurement besoin qu’on leur expliquat ce que c’estoit qu’un janseniste, quoyqu’il y ait du danger à l’avoir fait, parce que n’estant pas plus éclairez qu’ils en ont besoin, ils pourroient bien se laisser aller à des idées aussi visionnaires à cause de la nouveauté : je vous diray qu’on luy prepare icy sa sausse : que d’habiles gens qu’un peu de charité s’il en avoit eu veritablement, luy devoit faire honorer sinon comme ses maistres, du moins comme ses freres, au reste sensibles aux duretez et aux infamies mesmes qu’il leur dit : et que bien luy en prend d’estre en pays de seureté à l’egard de la • Sorbonne ; car s’il revenoit en France il pourroit bien s’acquiter un peu mieux qu’il ne / fait du serment et de la signature qu’il a donné[s] sur la non infaillibilité du pape et sur d’autres points où sa parole n’est pas moins engagée que sur la condemnation qu’il a faite des erreurs de Jansenius avant qu’estre receu bachelier. Ce n’est pas qu’il n’y ait d’autres gens qui le méprisant comme un jeune homme, ne croyent au dessous d’eux de luy répondre ; et peutestre qu’après la defense faite par le Roy de renouveller et de provoquer ces querelles, ceux-cy pourront bien l’emporter sur les premiers ; mais s’ils gardent le silence en ce pays, ils ne le feront pas ailleurs, et sans doute qu’ayant toute liberté d’écrire et d’imprimer toutes choses en Hollande ils en profiteront pour repousser des traits si mal lancez [77]. En ce cas je plains cet auteur, car il y a en[core] bien de jeunesse, de fougue et de feu dans son livre, et bien de sujet de mordre sur luy. Comme je n’ay pas le temps ni l’espace de vous en dire davantage je finis en vous nommant ce docte personnage qui s’appelle Mr l’ abbé De Ville [78], et en vous assurant qu’en attendant de vous envoyer bientost un ouvrage qui ne sera pas indigne de vos sçavantes Nouvelles, je suis avec respect, Monsieur, vostre tres humble et tres obeissant serviteur
C. B. D. L. R. [79]

La ville de Cologne où est imprimé ce livre est la Colon[ia] allobr[ogum] [Genève] et non pas la Colon[ia] agripp[inæ] [Cologne] comme vous l’aurez pu connoitre par la qualité de l’impression [80]

Si vous pouvez donner place à ma lettre, vous me ferez plaisir sans me denomer.

• Hollande/ A Monsieur/ Monsieur Bayle auteur des Nouv[elles] de la rep[ublique] des lettres, chez Monsieur/ Ferrand marchand de la ville de/ Rotterdam

 

9703083,6563083,9704082,8549082,9700082,9701082, 35488089 7 Lettre 582 : Pierre Rainssant à Pierre Bayle Bayle16860625*582 1

[Versailles,] ce 25 juin [16]86

J’ay receu, Monsieur et les journaux dont j’estois en peine, et les factums, avec le Lutrigot [81], que j’avois desja veu, et qui n’est pas une piece fort delicate. Aussi Mr Des Preaux s’est il contenté d’y respondre par un madrigal [82], que vous aurez veu sans doute. Je vous envoye l’apologie d’ Atticus que je vous ay promise il y a long temps [83]. L’auteur qui a fait le livret intitulé Cesarius est l’abbé de S[ain]t-Real, Piemontois, de la Cour de Savoye [84] ; homme fort superficiel quant à la science, mais qui ne se changeroit pas contre Ciceron, tant il est persuadé de son merite. Vous avez desja parlé de luy sans le nommer [85]. Quand le journal de Mr Le Clerc [86] paroitra, je vous en demande un des premiers exemplaires : au reste, / vous sçaurez que Monsieur de Montausier est fort dans les interests de Monsieur Rou [87]. Je luy ay dit que l’affaire dependoit uniquement de Monsieur le chancelier, et il m’a promis de luy en parler. Il est tres vray que le Roy monte tous les jours à cheval, et qu’il s’habille devant tout le monde. Je suis à vous.

1737082, 35492089 7 Lettre 583 : Pierre Bayle à Pierre Testar Bayle16860627*583 1

[Rotterdam, le 27 juin 1686]

[Texte inconnu] [88]

1159082, 35496089 7 Lettre 584 : Isaac de Beausobre à Pierre Bayle Bayle16860627a*584 1 Beausobre Isaac

Bayle Pierre

A Desseau le 27 e juin 1686

[Je] ne scay, Monsieur, comment on m’aura aquitté avec vous au sujet de vos livres, [et si] l’on aura bien suivi tous les ordres que je donnay pour cela avant que de partir [d’]Amsterdam [89]. Mr Desbordes [90] ne m’en a rien mandé* dans l’avis que j’ay receu du depart des autres livres que j’ay pris de luy, et Mr de Superville [91] que j’avois prié de s’en informer ne m’a point encore fait de reponse. Mais, Monsieur, ce n’est pas sur cet article que je devrois etre le plus en pene ; on fait bien d’autres dettes avec vous pour peu qu’on ayt l’honneur de vous connaitre ; et sans conter ce que je vous dois avec tout le public, qui reconnaist le mieux qu’il peut les bons livres que vous luy donnés, je me trouve chargé de bien des obligations particulieres, qui venant d’un homme de • grand merite, m’embarasseroient fort s’il etoit aussi rigoureux creancier. Car enfin, Monsieur, je conte un peu sur vôtre bienveüillance, et je me serois difficilement consolé de quitter Roterdam, si je n’eusse crû qu’elle me suivroit au fonds de l’Allemagne, et plus loin meme, si la providence m’y vouloit envoyer. Je ne m’imagine pas pour cela que vôtre amitié soit d’aussi grande etendüe que vôtre reputation, qui vole tous les jours en de nouvelles provinces portée par vos ouvrages. Ils penetrent partout où la langue franceoise est connüe. J’ose meme assurer que l’amour de les lire contribüe fort à l’etendre, et qu’elle vous devra quelque jour une partie des conquêtes q[u’e]lle fait sur les langues etrangeres.

Cette connaissance de notre langue me rend le sejour de Desseau bien plus agreable qu’il n’eut eté, Monseig[neu]r est un prince d’un fort grand commerce [92] qu’il e[ntret]ien[t] avec la derniere regularité. Il a des correspondances jusques parmi les Turcs et les Tartares, et dans tous les Etats chretiens, et comme la pluspart de ses nouvelles s’ecrivent en franceois, et qu’il a la bonté de me les faire communiquer, nous apprenons ce qui se passe de plus important dans notre monde ; nous avons meme la satisfaction de sçavoir ce qui se peut dire de ces relations long tems avant qu’on le publie, outre quantité de particularités assés secrettes, ou du moins qui ne sont pas sçües fort generalement ; vous qui etes au pays des profeties [93], ne scavés point peutetre celle qu’on a ecrit[e] à Mr le prince sur la maladie du Roy. Son correspondant luy mande qu’il a oüi dire à Paris à un homme de probité, que le Roy commenceroit à se trouver mal le 1 er d’octob[re] ou de novemb[re] 85 et qu’il mourroit à pareil jour en 86. Celle de Mr van Buningue qu’on ecrivit en meme tems de La Haye vous est sans doute connüe [94], on mandoit que ses amis etoient surpris au dernier point de son mariage, puis qu’outre la repugnance, qu’il avoit toujours [temoignée] pour cette condition il leur avoit dit plus[ieurs] fois que son horoscope portoit qu’il [epouseroit] une putain, et qu’il auroit le col coupé, que pour le 1 er il feroit mentir le destin en ne [se] mariant jamais, mais que pour l’autre il ne pouvoit l’empescher.

Je ne scay si vous p[ensés] / vous taire dans vos Nouvelles au sujet de la these des minimes de Marseille [95]. Ils n’attendront pas la mort du heros pour faire son apotheose [96] ; le Pere Rapin luy avoit deja donné de l’ineffable et de l’incomprehensible dans le petit traité dont vous m’avez fait un present [97] ; il en e[st de] ces loüanges outrées, comme du fa[…]n sublime qui degenere dans le püerile et le ridicule ; , dit Aristote des loüanges des dieux quand on les attribüe aux hommes [98] ; voyés, Monsieur, comme on fait ces remarques selon le tems. J’aurois porté cent fois les yeux sur ce mot sans y prendre garde, mais venant de lire l’incription profane des theses je fus frapé de cet endroit que je trouvay au 12. chap[itre] du 1 er livre de la morale, examinant ce que ce philosofe avoit dit du souverain bien.

Au reste Monsieur, je n’ay pas dessein de vous fatiguer par des lettres trop frequentes et fort inutiles ; quoy que j’aye la commodité* de les envoyer jusques à La Haye sans qu’elles coutent à mes amis c’est les acheter trop cher que de prendre la pene de les lire et quelque fois peutetre celle d’y repondre. C’est pourquoy, Monsieur, je vous prie de me croire sur le temoignage de cette lettre, comme sur celuy de mille autres, plein d’estime et de consideration pour vous, mais de la plus forte et de la plus parfaitte. Et pour finir à l’ordinaire, c’est Monsieur, que je suis tres passione[ment] votre tres humble et tres obeissant serviteur.

 
De Beausobre ;

Mes complimens s’il vous plaist à Mrs Ferrand [99] et Maurice [100]. Je ne scay com[men]t je vous ay mandé la profetie de Mr van Buningue[.] J’ecrivois un peu sans y songer ; il est plaisant de vous dire des choses • de chés vous ; mettés cela au rang des fautes, ou dans l’ errata car il seroit trop vilain de rayer cinq ou six lignes.

 

A Monsieur/ Monsieur Baile professeur/ en philosofie et en histoire/ à Rotterdam •

9838081,7890081,9712083,9715083,9713083,9919083,9908083,9710082,9705082,78082,7821082,1438082,9711082,9707082,9708082,9706082,9716082,9717082, 35551089 7 Lettre 585 : Charles Piozet à Pierre Bayle Bayle16860630*585 1

A Londres le 30 e juin 1686

Monsieur

• Je ne say comm[en]t il s’est fait que je n’ay point repondu à la lettre obligeante que vous m’avez fait l’honne[u]r de m’êcrire [101]. J’en ay eu cent fois le dessein, et cent fois j’ay êté empêché de l’executer par des embarras qui sont survenus lors qu’il faloit mettre la main à la plume. Ne croyez pourtant pas, Monsieur, que je sois insensible aux marques de votre estime. Je les ay receües avec beaucoup de joye et de reconnoissance. Je veux bien mesme / vous avoüer que ce n’a pas êté sans quelque mouvem[en]t de vanité, d’avoir êté prevenu par l’illustre authe[u]r des Nouvelles de la republique des lettres, qui a accoutumé* de l’être tous les jours par des personnes du premier ordre et du premier merite. Je ne l’aurois jamais crû qu’un Polonois m’eust procuré un si grand bien, et encore moins que ce Polonois eust êté un jesuite [102]. S’ils faisoient souvent autant de bien au monde, au lieu des maledictions qu’on leur donne de toutes parts, je suis persuadé qu’ils recevroient des loüanges et des benedictions. Puis que cette occasion m’est si avantageuse, vous voyez bien, Monsieur, que vous ne me deviez aucun remercim[en]t pour le Smiglecius que je vous ay envoyé. D’aill[eur]s c’etoit / un meuble assez inutile dans ma bibliotheque, et j’ay sû bon gré à Mr de Larroque de l’en avoir debarrassée, et de m’avoir en mesme temps presenté un moyen si aisé d’avoir votre connoissance et votre commerce*. Il y a long temps, Monsieur, que j’aspirois à cet honneur, et j’ay été tenté vint fois en lisant vos admirables ecrits de vous importuner de quelqu’une de mes lettres. Cela pourra vous arriver lors que vous n’y penserez pas. Je vous prie de croire que je le feray avec toute sorte de discretion ; que je n’abuseray jamais de la grace que vous m’avés faite, et que je sauray bien ménager un temps que vous employez si utilement pour tout le monde. Je seray ravi d’employer le mien pour votre service et pour celuy des personnes que vous me recommanderez. / Je l’ay fait le mieux qu’il m’a êté possible pour Mr Barbarin [103], qui est un fort honnête homme. Il a presentem[en]t quelq[ue] employ qui le fait subsister. Il s’en accommode en attendant mieux. Je feray tousjours pour luy ce que je dois au merite de sa personne, et sur tout à celuy de votre recommanda[ti]on. Car je suis plus que je ne saurois vous l’exprimer Monsieur, votre tres humble et tres obeissant servite[u]r
Piozet

A Monsieur/ Monsieur Bayle professe[u]r/ en histoire et en philosophie/ a Roterdam. •

35555089 7 Lettre 586 : Pierre Bayle à Jean Rou Bayle168606 ?*586 1

A Rotterdam le … de juin 1686

Je n’ai pû trouver aucune voie jusqu’ici, mon cher Monsieur, pour vous envoyer les Nouvelles de mai [104]. Je les joins à ces vers, qu’on m’a prié de vous rendre [105].

Mr Rainssant m’a écrit que Monsieur le duc de Montausier lui a parlé de vos Tables en homme bien intentionné pour vous, et qu’il lui a répondu qu’il en falloit parler à Mr le chancelier, de qui elles dépendoient uniquement [106]. Je croi que vous devez engager ce duc à en parler à Mr le chancelier. Tout à vous.

35559089 7 Lettre 587 : Daniel de Larroque à Pierre Bayle Bayle168607-168606*587 1

• [Oxford, juin-juillet 1686] [107]

Il y a une certaine fatalité mon cher Monsieur sur les les [ sic] lettres que je vous écris qu’aucune ne peut parvenir jusqu’à vous. Car toutes les fois qu’elles ont esté en état d’estre envoiées par amis, il s’est toujours trouvé que ces amis là se s[on]t bottez pour demeurer au logis [108]. A présent que j’ay l’occasion de Mr Westein [109] je ne la veux pas laisser passer sans vous remercier mon cher Monsieur du soin que vous avez pris de m’informer de vôtre santé [110]. Je partis avec un chagrin extrême de Hollande, puisque ce fut sans avoir eu le plaisir de vous voir parfaitem[en]t guery. Je suis un peu consolé de ce malheur par les bonnes nouvelles que vous me donnez de vôtre état présent. Jouissez en croyez moy sans toutes ces longues veuës d’avenir qui ne servent qu’à troubler le présent. Contentem[en]t passe richesses. Vous avez de la reputation pour 4, et pour du bien si vous n’en avez que pour un ne vous en chagrinez point, cela suffit.

Je ne say pourquoy Mr Papin vous a dégouté d’Angleterre [111], ce qui peut estre pour luy un sujet de depart n’en doit point estre un pour vous de changem[en]t de dessein. Il y a bien du mérite, mais il n’est pas éclatant, et ceux qui en ont de ce dernier genre se font remarquer partout. Cette remarque n’entraîne pas toujours la / fortune avec elle, mais quelquefois aussi elle le fait. Si vous m’en croyez venez vous môntrer icy ce printems avec Mr Banage. Je seray à tous deux vôtre interprete indigne.

Il y a 4 mois que je suis à Oxford, je pars dans 3 jours pour Londres. J’ay icy pour compagnie françoise Mr Fatio Dhuillier [112][,] c’est assurém[en]t une personne d’un grand mérite[,] il vient de publier dans le traité De Ponderibus et mensuris du docteur Bernard une petite dissert[ation] sur les dimensions de la mer d’airain [113]. Mais c’est un point de science que je laisse aux experts. Nostre évêque icy nous menace chaque jour de quitter ce monde [114] • mais je croy que l’autre [115] n’en veut point puisqu’il est toujours icy bas. On est dans un déchainem[en]t furieux contre luy. Et toute bonne ame se fait un point de conscience d’en dire tout. C’est un étrange christianisme que cela. Mais quoy[!] c’est celuy à la mode.

Adieu mon cher Monsieur. Je suis tout à vous. Je vous prie d’assurer toute la famille de Mr  Paets  [116] de mes tres humbles respects et Mademoiselle Jurieu [117] quand vous en trouverez l’occasion.

 

A Monsieur/ Monsieur Bayle professeur/ en philosophie et en histoire/ A Roterdam •

9719082,

Notes :

[1Cette lettre accompagne l’envoi d’un ouvrage de Descoutures, L’Esprit de l’Ecriture sainte, et commente deux traductions concurrentes des Psaumes de David, celle de l’abbé Cocquelin et celle de Macé tirée du commentaire latin de Ferrand, tous livres qui parurent en 1686.

[2Les lettres adressées par Bayle à Des Coutures ne nous sont pas parvenues. Sur Ribou, le libraire-imprimeur du quartier latin, voir Lettre 462, n.8. Sur les livres que Des Coutures envoyait à Bayle, voir Lettre 555, n.1.

[3Sur les derniers ouvrages publiés par Des Coutures, voir Lettre 555, n.3. Des Coutures fait allusion ici à L’Esprit de l’Ecriture Sainte, avec des réflexions (Paris 1686, 12°, 2 vol.), dont il avait annoncé l’envoi dans sa lettre du 5 février 1686 : voir Lettre 507, n.4.

[4Le livre qu’on imprime est La Genèse avec des reflexions qui éclaircissent ce qu’il y a de plus difficile dans le sens litteral. Traduction nouvelle (Paris 1687, 12°, 4 vol.) : voir Lettre 555, n.3.

[7Des Coutures désigne ainsi son ouvrage : La Morale universelle, contenant les éloges de la morale, de l’homme, de la femme et du mariage (Paris 1687, 12°), qui ne devait paraître que l’année suivante.

[8Abbé Nicolas Cocquelin, Interpretation des Pseaumes de David, et des Cantiques qui se disent tous les jours de la semaine dans l’office de l’Eglise, avec un Abregé des véritez et des mysteres de la Religion chrétienne (Paris 1686, 8°) : voir Lettres 483, n.5, 507, n.5, et 555, n.15. Un compte rendu très favorable de cet ouvrage de Cocquelin devait paraître dans le JS du 22 juillet 1686. Bayle l’évoque, comme celui de Louis Ferrand, dans les NRL, août 1686, art. I, in fine ; il y revient le mois suivant à la fin du dernier article du Catalogue ; enfin, il évoque les critiques de Ferrand au mois de novembre 1686, cat. iii, in fine. L’ouvrage de Cocquelin fut imprimé en quelque quatre-vingt-dix mille exemplaires pour les Nouveaux Convertis ; l’impression se fit à la hâte et on dut avoir recours à des imprimeurs hollandais ; des exemplaires furent saisis lors de leur arrivée en France, et Cocquelin et Léonard durent s’en expliquer avec précision : voir Voir B. Chédozeau, La Bible et la liturgie en français. Les distributions des livres aux Nouveaux Convertis (1685-1687). Etude du manuscrit BNF f.fr. 7054 [publié sous le faux titre Bossuet et les protestants], n° spécial de Liame. Bulletin du Centre d’Histoire moderne et contemporaine de l’Europe méditerranéenne et de ses périphéries, 10 (2002), p.59-61.

[9Louis Ferrand (1645-1699), Toulonnais, avocat au Parlement de Paris, avait publié deux ouvrages de controverse contre Pierre Jurieu : Réponse à l’« Apologie pour la réformation, pour les réformateurs et pour les réformez » (Paris 1685, 12°) et Traité de l’Eglise contre les hérétiques, principalement contre les calvinistes (Paris 1685, 12°) ; sur ce dernier ouvrage, voir le compte rendu élogieux dans le JS du 18 mars 1686. Il s’agit ici des Pseaumes de David et les cantiques de l’Eglise, en latin et en françois, avec des arguments, des paraphrases et des notes par M. Macé, tirées du commentaire latin de M. Ferrand (Paris 1686, 8°), qui s’appuyait sur l’ouvrage de Ferrand, Liber Psalmorum, cum argumentis, paraphrasis et auctoribus (Paris 1683, 4°). Voir le compte rendu de cette édition des Psaumes dans le JS du 24 juin 1686. Rappelons que l’ Apologie pour la Réformation, pour les réformateurs et pour les réformez est le sous-titre de l’ouvrage de Jurieu contre Maimbourg : Histoire du calvinisme et celle du papisme (Rotterdam 1683, 12°), sur lequel voir Lettres 206, n.11, 213, n.22, et 222, n.7. François Macé ((1640-1721) fut chanoine et curé de Sainte-Opportune. Il est remarquable que Des Coutures ne mentionne pas le rôle de Macé dans l’édition des Psaumes d’après le commentaire de Ferrand : ce silence s’explique par le conflit qui surgit entre Macé et Ferrand au moment de la publication de cette édition. En effet, comme le révèle un Factum pour le sieur André Pralard, marchand libraire à Paris, contre M e Louis Ferrand, avocat en Parlement (BNF, f.fr. 22071, f.397r°-398v°), Ferrand prétendait corriger la traduction de Macé pour la rendre « plus littérale et par conséquent plus au goût des Nouveaux Convertis » et tenta de donner sa propre édition chez Antoine Lambin, l’imprimeur ordinaire du collège de Clermont, puis chez Frédéric Léonard, l’imprimeur-libraire du Clergé et de la Ville ; un nouvel accord sur la répartition des bénéfices fut alors signé le 27 mars 1686 entre Ferrand et Pralard et l’édition fut imprimée en quelque quarante mille exemplaires. Voir B. Chédozeau, La Bible et la liturgie en français, loc. cit., p.59-61.

[10Nous n’avons pas trouvé cette expression dans les articles des NRL, où Bayle évoque l’ouvrage de Des Coutures (décembre 1685, art. V, in fine ; janvier 1686, art. IX ; mars 1686, art. IX, in fine). Il s’agit peut-être d’un propos d’une lettre perdue de Bayle.

[11« ce donneur du talent, le ventre ».

[12Bayle compare les deux traductions des Psaumes par Cocquelin et Ferrand dans les NRL, août 1686, art. I, in fine, et donne un net avantage à celle de Cocquelin, mais il se garde de publier l’« oraison » de Des Coutures qui figure à la fin de la présente lettre.

[13Comme Des Coutures vient d’expliquer, la première édition de La Morale d’Epicure avait paru à Paris, chez T. Guillain, grâce à la bienveillance de l’abbé Cocquelin, censeur, qui avait accordé la permission. Bayle ajoute dans la seconde édition des NRL, janvier 1686, art. I, in fine, un mot sur l’édition de La Morale d’Epicure publiée en 1686 par Barent Beek à La Haye, suivant l’annonce de cette édition qu’il avait lue dans les Acta eruditorum, août 1686. Dès la première édition des NRL, mars 1686, art. IX, in fine, il signale l’édition de La Morale d’Epicure publiée par Wolfgang et Mortier à Amsterdam début 1686.

[14Voir Jacques Gaillard, Melchisedecus Christus unus rex justitiae, rex pacis (Lugduni Batavorum 1686, 8°), qui suit Psaume 100 et l’ Épître aux Hébreux, 7,2, en faisant de Melchisedec le prototype du Messie ; alors que Cajetan [Tommaso De Vio], Opera omnia quotquot in sacrae scripturae expositionem reperiuntur (Lugduni 1639, folio), Commentarii in Genesim, p.66 sur Genèse, 14,18, et Des Coutures dans son observation sur le même texte, adoptent une interprétation à caractère généalogique plutôt que typologique.

[15En lisant ces lignes, Bayle pouvait se souvenir du jugement très dur de Rainssant sur le style « très plat » « sans sel » de Des Coutures : voir Lettre 564, p. et n.11.

[16L’ouvrage de Des Coutures, L’Esprit de l’Écriture sainte : voir Lettre 507, n.4, et ci-dessus, n.2.

[17Des Coutures avait déjà annoncé son voyage à Rotterdam : voir Lettre 507, in fine.

[18La critique de Ferrand fera plaisir aux réformés, puisque c’est un auteur d’ouvrages de controverse très hostiles au calvinisme : voir ci-dessus n.7. Ferrand devait d’ailleurs publier dans le même esprit un Discours où l’on fait voir que S. Augustin a été moine (Paris 1689, 12°).

[19Des Coutures désigne ici les chiffres qui, dans son « oraison », marquent les Psaumes cités selon l’édition de Macé- Ferrand : voir ci-dessus n.9.

[20Sur le libraire-imprimeur Frédéric I er Léonard, imprimeur du clergé, proche de Port-Royal comme l’abbé Cocquelin, voir Dictionnaire de Port-Royal, s.v.

[21Des Coutures s’étonne que les libraires hollandais aient choisi de contrefaire sa Morale d’Epicure plutôt que sa traduction de Lucrèce, De la nature des choses. Traduction nouvelle (Paris 1685, 12°).

[22Cette caricature d’oraison tirée de la traduction par François Macé des Psaumes commentés en latin par Ferrand se fonde sur une pratique devenue classique et qu’on retrouve dans un ouvrage publié deux ans plus tard par Macé lui-même : Les Prières de l’Ecriture Sainte, avec l’office de l’Eglise, et latin et en françois (Paris 1688, 12°). Il s’agit de constituer, selon la formule de Macé, « un corps de morale tirée des seules paroles de l’Ecriture Sainte ». Ainsi, dans la présente oraison, chaque « verset » est constitué par un verset du Psaume indiqué : Psaume 3,4 ; 17,4 ; 4,1 ; 8,3 ; 70,22, etc. Evidemment, l’intention de Des Coutures est de mettre en évidence les formules ridicules de la traduction de Macé-Ferrand ; pour ce faire, il exploite la version manuscrite de cette traduction avant impression, sans doute avec les « corrections » de Ferrand (voir ci-dessus, n.9), qui a dû lui être communiquée par son ami Cocquelin.

[23En effet, ces termes ont disparu de l’édition des Psaumes par Macé (voir ci-dessus, n.9) : « Eructavit cor meum verbum bonum » : « Une bonne parole a roulé dans mon cœur » (Ps. 44 (V), v. 1) ; et « Lucerna pedibus meis verbum tuum » : « Votre parole est une lampe à mes pieds » (Ps. 118, v.105). La lettre de Des Coutures nous donne donc bien l’état du manuscrit de Macé-Ferrand avant l’impression.

[24Les lettres échangées entre Robert Boyle et Bayle avant la date de la présente lettre sont perdues.

[25Robert Boyle, Short memoirs for the natural experimental history of mineral waters (London 1684-1685, 8°) : voir Lettre 420, n.2.

[26Sur Alexandre Cunningham et d’autres Ecossais portant ce patronyme, voir Lettres 481, n.6, et 566, p..

[27Sur le phosphore envoyé par Boyle à Bayle, voir Lettre 567, n.14.

[28Avec sa lettre du 25 mai 1686, Sir John Hoskyns, secrétaire de la Société royale, avait envoyé à Bayle l’ouvrage de Francis Willoughby publié par John Ray, De piscibus : voir Lettre 562, n.3. Bayle donne le compte rendu de cet ouvrage dans les NRL, juin 1686, art. IX.

[29La réponse de Bayle à la lettre de Sir John Hoskyns est perdue.

[31Cette rumeur sur la suppression ou sur l’interdiction efficace des NRL en France a pu être déclenchée par l’annonce, dans les NRL, mars 1686, cat. iii, de l’ouvrage anonyme de Bayle lui-même, Ce que c’est que la France toute catholique sous le regne de Louis le Grand (Saint-Omer 1686, 12°) ; il y soulignait, en effet, la violence de la répression exercée contre les huguenots : « L’une des questions est pour savoir, s’il est vrai que les écrivains de France se trouvent dans un extrême embarras, ne sachant s’ils continueront de nier les violences ; ce qui leur a déjà fait tomber une horrible grêle sur le dos ; ou s’ils les avouëront, en ajoutant que ce n’est pas aux hérétiques à toucher la corde des violences ; qu’on se souvient assez des leurs, et en tout cas qu’on n’auroit usé que de représailles. L’auteur les exhorte à prendre ce parti-là, et convenir d’abord du fait, après cela viendront les disputes sur les représailles. Il promet la publication d’un Commentaire philosophique, composé en anglois par un savant presbyterien, sur ces mots de la parabole, contrain-les d’entrer, qui montrera d’une maniere invincible la nécessité de la tolerance, et qui mettra en pieces toutes les raisons de saint Augustin. » Rappelons que le titre de ce pamphlet magistral de Bayle s’inspire de l’ouvrage de Jean Gautereau, La France toute catholique sous le regne de Louis le Grand, ou Entretiens de quelques protestans françois qui après avoir reconnu que leur secte est impie et pernicieuse à l’Etat, prennent la belle résolution d’en hâter la ruine si heureusement entreprise par le Roi (Lyon 1685, 12°, 3 vol.), dont un compte rendu détaillé avait paru dans le JS du 18 février 1686.

[32Dans le JS du 24 juin 1686 (p. 184-185), l’abbé de La Roque, rendant compte de la Réponse aux plaintes des protestants de Brueys, ne manquait pas de se féliciter de la sévérité de la justice anglaise, qui avait effectivement condamné les Plaintes des protestants de Jean Claude à être brûlées par la main du bourreau, et d’en exploiter l’avantage : « La manière dont on a reçu en Angleterre les Plaintes des protestants en faisant brûler par la main du bourreau le livre qui les contient fait assez voir combien on y est persuadé de leur injustice. On ne les traite pas si rudement en France. On répond à leurs calomnies par la vérité des faits, et aux méchants raisonnements qu’ils font par la droiture et la solidité des raisons les plus fortes. C’est là le caractère de cet ouvrage de M. Brueys. Il leur fait voir la justice de la différente conduite que l’Eglise a tenue autrefois avec les païens et de celle qu’elle tient aujourd’huy avec les hérétiques. Il sape la prétendue inviolabilité des édits. Il montre que ce qu’ils appellent persécutions ne doit et ne peut être considéré justement que comme des châtiments et des corrections salutaires ; et il leur prouve par des faits certains et incontestables qu’au contraire les moyens qu’ils emploient eux-mêmes pour maintenir leur secte sont injustes, violents et contraires aux lois de la société et du christianisme. » Bayle rend compte de l’ouvrage de Jean Claude dans les NRL, mai 1686, art. IV ; il annonce celui de Brueys dans les NRL, juin 1686, cat. v, et en donne un compte rendu très critique au mois d’août 1686, art. I.

[33Sur ce projet annoncé de longue date par Cluver et jamais réalisé, voir Lettre 432, n.1.

[34Ce Du Bois est difficile à identifier, car c’est un nom très commun à cette époque à Rotterdam. Il se peut qu’il s’agisse du peintre Simon Du Bois (DuBois) : voir Lettres 479, n.2, et 533, n.12. Il y avait à Rotterdam également une famille de régents appelés Du Bois : Franco Du Bois (1636-1707) fut élu plusieurs fois maire à partir de 1680.

[35Allusion à la Lettre 562 de la part de Sir John Hoskyns.

[36Sur l’ouvrage de Willoughby, voir Lettres 433, n.7, et 562, n.3.

[37Bayle donne, en effet, un compte rendu de l’ouvrage de Willoughby dans les NRL, juin 1686, art IX.

[38Les numéros mensuels des NRL.

[39C’est sans doute dans une lettre distincte, qui ne nous est pas parvenue, que Sir John Hoskyns a recommandé à Bayle le porteur de sa lettre du 25 mai 1686 (Lettre 562), qui accompagnait l’envoi du livre de Willoughby. Ainsi, nous ne saurions préciser son identité.

[40Nous n’avons pu identifier ce personnage, à moins qu’il ne s’agisse de Daniel Cartier de Saint-Philip, pasteur de l’Eglise de Limeuil en 1670 et du Fleix de 1673 à 1685. A la Révocation, il se réfugia en Hollande, à Rotterdam, et signa l’année suivante, au synode wallon de cette ville, la confession de foi de Dordrecht. En 1706, il quitta Rotterdam pour aller à Leyde surveiller les études de son fils, et mourut en 1711, âgé d’environ 73 ans. Il a composé un ouvrage intitulé Prières dévotes, publié après sa mort par son fils. Voir Haag 2, s.v. « Cartier ».

[42Le baronnet écossais Sir Robert Gordon (1647-1704) avait essayé en 1686 d’intéresser l’Amirauté britannique à une pompe à eau qu’il avait inventée. Le Roi était présent à la démonstration mais la pompe n’avait pas marché et ne fut jamais utilisée. Élu fellow de la Royal Society en 1686, Gordon lui a envoyé une courte esquisse d’un remède contre la rage. Sa communication a été publiée l’année d’après dans les Transactions mais le baronnet se désintéressait déjà des activités de la Society.

[43D’après les minutes de la Dublin Philosophical Society, un des membres, probablement George Tollet, professeur de mathématique à Dublin et fellow de la Royal Society, amena à une séance de la Dublin Society en 1685 une de ses élèves, une fillette de onze ans, qui étonna tous ceux qui assistaient par son talent précoce de mathématicienne. L’année suivante, elle se montra une violoniste douée. Voir K.T. Hoppen, The Common Scientist in the Seventeenth Century. A Study of the Dublin Philosophical Society (London 1970), p.157-158, qui cite les minutes de la Dublin Society pour 1685-1686, British Library, Add. mss 4811.

[45Jean Chardin, Journal du voyage du chevalier Chardin en Perse et aux Indes orientales par la mer Noire et par la Colchide. Première partie, qui contient le voyage de Paris à Ispahan (Londres 1686, folio). La suite ne parut pas sous cette forme : il fallut attendre 1711 une nouvelle édition (Amsterdam 1711, 4°, 3 vol.), puis celle établie par Prosper Marchand (Amsterdam 1735, 4°, 4 vol.). Bayle cite cet ouvrage dans l’extrait de la lettre de Justel qu’il publie dans les NRL, juin 1686, art. IX ; il en donnera le compte rendu en septembre 1686, art. VII.

[47Adriaan Paets, le protecteur de Bayle, était mort en octobre 1685 : voir Lettre 466, n.1. Il s’agit ici de son fils et homonyme, qui avait lui aussi fait le voyage de Londres et y avait rencontré Daniel de Larroque : voir Lettres 481, n.7, et 520.

[48Sur Jean-Dominique Cassini, voir Lettre 370, n.8. Il s’agit ici de sa Nouvelle découverte de deux satellites de Saturne les plus proches, faite à l’Observatoire royal (Paris 1686, 12°). Justel tire son information très probablement du JS du 22 avril 1686, où l’abbé de La Roque en donne un compte rendu assez détaillé.

[49Il ne s’agit sans doute pas ici de l’ouvrage d’ André Chevillier (1636-1700), docteur et bibliothécaire de la maison de Sorbonne, L’Origine de l’imprimerie de Paris. Dissertation historique et critique. Divisée en quatre parties (Paris 1679, 4°), qui ne devait être réimprimé qu’en 1694 (Paris 1694, 4°). Il est possible que Justel pense, non pas à une histoire de l’imprimerie, mais à une histoire des ouvrages anonymes et pseudonymes, auquel cas, il s’agit sans doute d’un souvenir confus de l’annonce dans les NRL, avril 1686, cat. i, de la nouvelle édition de Deckherr produite par Almeloveen : voir Lettres 527, 529, et 532, n.1.

[50Voir l’image de ce « poisson monocorne » à la figure 6 dans le présent volume. Elle est extraite de l’ouvrage de Nicolaas Tulp (voir note suivante). Bayle publie un résumé de cette lettre dans les NRL, juin 1686, art. IX, sous le titre : « Poisson à deux cornes pris par les Hambourgeois ».

[51Nicolaas Tulp (1593-1674), Amstelredamensis Observationes medicæ. Editio nova, libro quarto auctior, et sparsim multis in locis emendatior (Amstelredami 1672, 16°) ; voir le portrait de Nicolaas Tulp : figure 7.

[52Paulus Ludovicus Sachsius, Monocerologia, seu de genuinis Unicornibus dissertatio, etc. (Racecurgi 1676, 8°). Aux références fournies par Otto Sperling, Bayle ajoute, dans son résumé des NRL, juin 1686, art. IX, un renvoi à Ole Worm, Historia animalis quod in Norvagia quandoque e nubibus decidit et saca ac gramina magno incolarum detrimento celerrime depascitur (Hafniæ 1653, 4°), et à Thomas Bartholin, dans la Bibliotheca anatomica publiée par Jean-Jacques Manget (sur Bartholin, voir Lettre 90, n.27 ; sur cet ouvrage, voir Lettre 408, n.3), ainsi qu’à Charles de Rochefort, ministre de Rotterdam, auteur de l’ Histoire naturelle et morale des Iles Antilles d’Amérique (Rotterdam 1658, 8°). Charles de Rochefort (vers 1606–1683) fut, en effet, pasteur de l’Eglise wallonne de Rotterdam de 1653 à 1681 : voir H. Bost (éd.), Le Consistoire de l’Église wallonne de Rotterdam, 1681-1706 (Paris 2008).

[53Bayle avait envoyé son exemplaire de Baudelot de Dairval, De l’Utilité des voyages, avec sa lettre du 25 mai 1686 (Lettre 561) à Kuiper.

[54Dans les NRL, avril 1686, cat. vi, in fine, Bayle avait mis en doute l’authenticité de la lettre où Christine de Suède exprime ses réticences à l’égard de la politique religieuse de Louis XIV en ce qui concerne la persécution des huguenots : voir Lettre 559, n.3. Sur la lettre de Christine de Suède, les doutes de Bayle, l’assurance de Kuiper et l’intervention de l’entourage de la reine, voir Lettres 559, n.3, 561, n.6, et 579, n.2.

[55Bayle avait publié la lettre de Christine de Suède dans les NRL, mai 1686, art. IV, in fine, mais en précisant que cette lettre « court sous le nom de la reine de Suède » : c’est cette formule sceptique qui a provoqué la remarque de Kuiper.

[56Allusion à un ouvrage annuel sur la République des Lettres : il s’agit peut-être de la publication citée par l’auteur un peu plus loin dans la présente lettre : Miscellanea curiosa sive ephemeridum medico-physicarum germanicarum Academiae imperialis Leopoldinae naturae curiosorum decuriae I[-III] : voir ci-dessous, n.5.

[57L’auteur de cette lettre, un Hollandais habitant La Haye, aux initiales S.V.A., nous reste inconnu.

[58Bayle avait consacré plusieurs articles des NRL à des auteurs flamands : T. J. Van Almeloveen, Inventa nov-antiqua, id est, brevis enarratio ortus et progresss artis medicae ( Traité de l’origine et du progrès de la médecine) : juin 1684 art. II ; J. Broen, Exercitatio physico-medica de duplici bile veterum ( Traité de médecine) : février 1685 art. IV ; Th. Craanen, Œconomia anmialis ad circulationem sanguinis … Item generatio hominis ex legibus mechanicis ( Traité de l’œconomie animale et de la génération de l’homme) : juin 1685 art. V ; A. Nuck, De ductu salivali novo, de saliva ( Traité de la salive) : septembre 1685 cat. v et novembre 1685 art. V ; R. Vieussens, Neurographia universalis ( Description anatomique de tous les nerfs de l’homme) : novembre 1685 art. III ; Th. Craanen, Lumen rationale medicum ( Pratique de médecine réformée) : février 1686 cat. vi. Il avait également publié deux lettres « flamandes » : « Excerptum ex epistola ab Antonio Leeuwenhoeck » (« Lettre sur la génération de l’homme ») : septembre 1684 art. I : « Excerptum ex epistola ab Antonio Leeuwenhoeck » (« 2 e Lettre sur la génération de l’homme ») : octobre 1684 art. VI.

[59Voir Cornelius Stalpart van der Wiel (1620- ?), célèbre médecin et chirurgien de La Haye, auteur des Observationes rariores medicae, anatomicae et chirurgicae. Accedit de unicornu dissertatio (Leiden 1687, 8°), déjà paru en hollandais (La Haye, 1682-1686, 8°) ; traduction française par Planque (Paris 1758, 12°, 2 vol.). L’auteur de la lettre donne à penser qu’il existe deux ouvrages distincts de Stalpart van der Wiel, mais il s’agit des deux volumes de la version hollandaise, dont la traduction latine devait paraître l’année suivante.

[60Les Acta eruditorum, publiés à Leipzig, dirigés par Otto Mencke. Il s’agit ensuite d’un périodique savant allemand portant le titre Miscellanea curiosa sive ephemeridum medico-physicarum germanicarum Academiae imperialis Leopoldinae naturae curiosorum decuriae I[-III] continens celeberrimorum virorum, tum medicorum, tum aliorum eruditorum in Germania & extra eam Observationes medico-physico-chymico-mathematicas, dont la publication fut complexe : Decuriæ I, 1670-1679 : Francofurti et Lipsiæ, H. J. Frestchii, 1684-88, 4° (T. IV : Vratislaviæ et Brege. J. C. Jacobi. 1680, 4°, 10 années en 4 vol.) ; Decuriæ II, 1682-1691 : Norimbergæ, W. M. Endteri, 1683-1692, 4°, 10 années en 8 vol. ; Decuriæ III, 1694 à 1703 : Lipsiæ et Francofurti, G. P. Andreani, s. d. à 1706, 4°, 10 années en 5 vol.). Bayle avait mentionné les Miscellanea curiosa ( Mélanges curieux, ou le journal de médecine et de chymie de l’Académie des curieux de la nature en Allemagne) dans les NRL, octobre 1685, art. IV.

[61Bayle avait prêté à Kuiper l’ouvrage de Baudelot de Dairval, De l’utilité des voyages, et Kuiper venait de le lui renvoyer : voir Lettres 561, n.6, et 577, n.1.

[62Sur la lettre de Christine de Suède adressée au chevalier de Terlon, voir Lettres 559, n.3, 561, n.6, et 577, n.2. Bayle a publié le texte de cette lettre dans les NRL, mai 1686, art. IV, in fine ; on le trouvera en appendice à la présente lettre.

[63Bayle ajoute à son bref compte rendu de Samuel von Pufendorf, Commentariorum de rebus Suecicis libri XXVI ab expeditione Gustavi Adolfi in Germaniam, ad abdicationem usque Christinæ (Ultrajecti 1686, folio), dans les NRL, juin 1686, cat. vi, la formule suivante : « On nous confirme de jour en jour ce que nous avons touché le dernier mois, art. IV, que Christine est le véritable auteur de la lettre qu’on lui attribue, contre les persecutions de France. C’est un reste de protestantisme. » Pour la réaction de l’entourage de la reine et celle de Christine de Suède elle-même, voir la lettre anonyme adressée à Bayle fin juillet ou début août 1686 et la lettre que Bayle adresse à la reine le 14 novembre 1686.

[64Reinier Leers revenait d’un voyage à Paris, où il avait rencontré Richard Simon : voir O.S. Lankhorst, Reinier Leers (1654-1714). Uitgever en boekverkoper te Rotterdam (Amsterdam-Maarssen 1983), p.100.

[65Cette lettre est perdue, certainement, car la dernière lettre que nous avons de Bayle à Jacques Lenfant date du 6 juillet 1685 (Lettre 436). Depuis cette date est intervenue la querelle feutrée entre Bayle et Le Clerc à propos du compte rendu par Bayle de la réponse de Le Clerc à Richard Simon sous le titre : Défense des « Sentiments de quelques théologiens de Hollande », contre la réponse du prieur de Belleville (Amsterdam 1686, 8°) ; cette querelle fut commentée amèrement dans la correspondance entre Le Clerc et Jacques Lenfant : voir les échanges entre Bayle et Le Clerc, Lettres 443, 445, 447.

[66Jaquelot, qui avait quitté la France à la Révocation, était parti de Heidelberg pour La Haye au début de 1686. Son voyage en Angleterre n’est attesté que par la présente lettre de Bayle à Lenfant (voir Chaufepié, s.v.). S’il s’y rendit, il n’y resta guère et revint à La Haye, où il fut nommé pasteur des Nobles.

[67Pierre Allix avait dû, comme pasteur de Charenton, quitter Paris dans les vingt-quatre heures qui suivirent la Révocation de l’édit de Nantes, et le royaume de France dans les quinze jours. Il partit pour l’Angleterre et obtint de Jacques II une patente pour établir à Londres une Eglise française, celle de Threadneedle Street, où les offices furent conduit en anglais : voir Lettre 481, n.8 et Chaufepié, s.v.

[68« [C’est un] dieu [qui] nous a fait ces loisirs », voir Virgile, Bucoliques, I,1.6.

[69Ratramne de Corbie (800 ?-868 ?) fut moine à Corbie, élève de Paschase Radbert ; engagé dans les luttes théologiques de son temps, en particulier sur la prédestination et l’eucharistie, il tenait que le corps du Christ monté à la droite du Père est identique au corps matériel du Jésus historique. Ratramne insiste sur le fait que le sacrifice du Christ ne peut être renouvelé. Ceci le conduit à un dualisme où le corps du Christ se distingue nettement du Christ : voir son Traité du corps et du sang du Seigneur, composé en latin, il y a plus de huit cens ans, par Ratramne ou Bertram... traduit en françois, avec des remarques (Paris 1686, 12°), traduit par Jacques Boileau (1635-1716), et J.-P. Bouhot, Ratramne de Corbie : histoire littéraire et controverses doctrinales (Paris 1976). Pierre Allix avait publié un ouvrage intitulé : Ratramne, autrement Bertrand, prêtre, « Du corps et du sang du Seigneur », en latin et en françois (Quevilly 1672, 4°) ; il fut attaqué par Jacques Boileau, chanoine de la Sainte-Chapelle, doyen de la Faculté de Sens, un proche de Port-Royal : Disquisitio theologica de sanguine corporis Christi post resurrectionem, authore theologo Parisiensi (Parisiis 1681, 8°), dont la traduction venait, en effet, de paraître : Traité du corps et du sang du Seigneur, composé en latin, il y a plus de huit cens ans, par Ratramne ou Bertram, prestre, religieux de l’abbaye de Corbie, traduit en françois (Paris 1686, 12°). Sur Jacques Boileau, voir Dictionnaire de Port-Royal, s.v.

[70Philippe van Limborch (1633-1712), célèbre professeur au séminaire arminien d’Amsterdam, ami de Jean Le Clerc, de John Locke et de Benjamin Furly. Voir P.J. Barnouw, Philippus van Limborch (The Hague 1963), et l’article que lui consacre W. van Bunge dans le DEDP, p.615-617.

[71Abraham Heidanus (1597-1678), célèbre ministre calviniste et professeur de théologie à l’Université de Leyde. Il défendait le cartésianisme et fut exclu de sa chaire pour cette raison en 1676. Voir J.A. Cramer, Abraham Heidanus en zijn cartesianisme (Leiden 1889), et l’article que lui consacre Han van Ruler dans le DEDP, p.397-402. Bayle consacre une courte notice au Corpus theologiæ christianæ (Leyde 1686, 2 vol., 4°) d’ Abraham Heidanus : NRL juin 1686, cat. viii.

[72Ce bruit était infondé, comme le dira Bayle dans sa réponse à Lenfant le 9 juillet 1686 : « Quant au Père Malebranche, il n’est point à proprement parler tombé en disgrace. Tout ce qu’il y a, c’est qu’on croit communément que les objections de M. Arnauld sont plus fortes que les réponses du Père, et que celui-ci ne trouve plus d’imprimeur. » Depuis la Recherche de la vérité, tous les ouvrages de Malebranche avaient été imprimés hors de France ; tous les écrits de la polémique avec Antoine Arnauld avaient été imprimés à Rotterdam.

[73Sur la mort, le 26 mai 1685, de Charles II de Wittelsbach, Electeur du Palatinat, et sur la succession recueillie par Philippe-Guillaume de Bavière, duc de Neubourg, catholique, voir Lettre 430, n.1 et 2.

[74Cette nouvelle surprenante fit sans doute l’objet d’un article dans la Gazette d’Amsterdam, mais l’état incomplet des exemplaires connus de ce périodique pour cette époque est un obstacle à la recherche precise de la source.

[75L’auteur de la lettre fait allusion à l’annonce du livre en question de François de La Ville dans les NRL, mai 1686, cat. iii : Bayle y donne le titre complet : Préjugez legitimes contre le jansénisme ; avec une Histoire abrégée de cette erreur depuis le commencement des troubles, que Jansenius et M. Arnaud ont causez dans le monde, jusques à leur pacification, et une Préface dans laquelle on determine quel jugement on doit former aujourd’hui des disciples de Jansenius (Cologne 1686, 12°). L’essentiel de la présente lettre sera reproduit par Bayle dans les NRL, juillet 1686, art. VIII.

[76Nous n’avons pas trouvé ce discours prononcé par François de La Ville devant l’Académie de Turin dans le Mercure galant de l’année 1685 ni des premiers mois de l’année 1686.

[77C’est l’annonce de la réfutation par Antoine Arnauld, qui fut achevée début septembre 1686 et qui devait paraître peu après : Phantôme du jansenisme, ou justification des prétendus jansenistes par le livre même d’un Savoïard, Docteur de Sorbonne, leur nouvel accusateur, intitulé « Les Préjugez légitimes contre le Jansenisme, etc. » (Cologne 1686, 12°), et dont Bayle donne le compte rendu dans les NRL, janvier 1687, art. VI. François de La Ville ne répliqua pas à Arnauld, dont l’ouvrage reparut en 1688 et de nouveau en 1714 par les soins de Nicolas Petitpied.

[78François de La Ville, prieur de Bellevaux, fils d’un conseiller au parlement de Chambéry, avait fait des études, à partir de 1677, au séminaire de Saint-Sulpice, avec lequel il resta en rapport ; il était âgé, à la date de la publication de son ouvrage, d’environ vingt-six ou vingt-sept ans : voir Louis Tronson, Correspondance, éd. L. Bertrand (Paris 1904), iii.191, et E. Jacques, Les Années d’exil d’Antoine Arnauld, 1679-1694 (Louvain 1976), p.473-474.

[79Nous n’avons pas réussi à déchiffrer les initiales « C.B.D.L.R. » : il s’agit certainement d’un ami parisien de Port-Royal, en contact avec Antoine Arnauld, lui-même en exil à Bruxelles à cette époque. Arnauld était en Hollande pour l’enterrement de Jean-Baptiste van Neercassel en juin 1686 lorsqu’il prit connaissance de l’attaque de François de La Ville, qui le traitait d’« hypocrite » et de « vieux Tartuffe ». Il avait d’abord attribué l’ouvrage à François Bertrand de La Pérouse (vers 1640-1699), doyen de la collégiale de Chambéry, mais il apprit par la suite le véritable nom de l’auteur.

[80Outre les imprimeurs mêmes de Cologne, ceux de Genève n’étaient pas les seuls à utiliser le nom de Cologne comme lieu de publication de certains ouvrages.

[81Balthasar de Bonnecorse, Lutrigot, poëme héroi-comique (Marseille 1686, 12°), une parodie du Lutrin de Boileau  : voir Lettres 163, n.35, et 382, n.12. Bonnecorse devait publier une version du Lutrigot augmentée de cinq chants dans le recueil Le Poète sincère, ou, les veritez du siècle, poème héroï-comique (Anvers [Marseille] 1698, 12°).

[82Bonnecorse avait publié un roman, La Montre d’amour (Paris 1665, 12°), dont Boileau se moqua dans l’ Epître IX, l’assimilant à « tous ces vains amas de frivoles sornettes, / Montre, miroir d’amours, amitiez, amourettes » (éd. Fr. Escal, p.134), et dans Le Lutrin, chant V : « Chacun s’arme au hazard du livre qu’il rencontre, / L’un tient le Nœud d’amour, l’autre en saisit la Montre... » ( ibid., p.215), tout en avouant à Brossette qu’il n’avait pas lu le roman. Bonnecorse se vengea en publiant Le Lutrigot, dont les cinq premiers chants parurent en 1686 (voir note précédente). Boileau répliqua par une épigramme : « Venez Pradon et Bonnecorse, / Grands écrivains de mesme force, / De vos vers recevoir le prix ; / Venez prendre dans mes écrits / La place que vos noms demandent. / Linière et Perrin vous attendent. » ( ibid., p.257), et expliqua dans une lettre du 1 er avril 1700 à Brossette son sentiment : « [...] je n’ay aucun maltalent contre Mr De Bonne Corse du beau poëme qu’il a imaginé contre moi. Il semble qu’il ayt pris à tasche dans ce poeme d’attaquer tous les traits les plus vifs de mes ouvrages et le plaisant de l’affaire est que sans montrer en quoy ces traits péchent il se figure qu’il suffit de les rapporter pour en dégouster les hommes. Il m’accuse surtout d’avoir dans le Lutrin exagéré en grands mots de petites choses pour les rendre ridicules et il faict lui mesme pour me rendre ridicule la chose dont il m’accuse. Il ne voit pas que par une consequence infaillible si le Lutrin est une impertinente imagination le Lutrigot est encore plus impertinent puisque ce n’est que la mesme chose plus mal executée. » ( ibid., p.641-642).

[83Dans sa lettre du 5 février 1686, Rainssant avait annoncé son intention de « défendre » Atticus contre ce qu’en disait Saint-Réal dans son Césarion : voir Lettre 508, n.8.

[84Sur l’abbé de Saint-Réal : voir Lettres 81, n.47, 48, et 488, n.4. Il s’agit ici de son ouvrage Césarion, ou entretiens divers (Paris 1684, 12°).

[85Voir dans les NRL, décembre 1685, art. VIII (Lettre 488), la lettre par laquelle Amelot de La Houssaye répondait aux critiques que Richard Simon et de son neveu Bruzen de La Martinière avait fait paraître dans les NRL, octobre 1685, cat. vi (Lettre 475), contre la traduction de l’ Histoire du concile de Trente de Pietro Sarpi. En effet, Amelot de La Houssaye avait attribué ces critiques à l’abbé de Saint-Réal et s’en était pris aux ouvrages de ce dernier, les désignant par des initiales : c’est pourquoi Bayle avait, comme l’indique Rainssant, « parlé de luy sans le nommer ».

[86Le journal de Jean Le Clerc, Bibliothèque universelle et historique (Amsterdam 1686, 8°) paraissait depuis plusieurs mois déjà : le premier volume est daté du mois de janvier, le deuxième du mois de mai 1686. Voir Sgard, Dictionnaire des journaux, n° 173 (art. de H. Bots).

[87Sur les tentatives de Jean Rou pour publier ses Tables chronologiques et le soutien très faible que lui apporte Rainssant, voir Lettres 558, n.4, et 564.

[88Dans la quittance datée du 14 novembre 1688 donnée à Marie Brassard par Pierre Testar, marchand bordelais qui avait avancé 150 livres à Jacob Bayle lors de son emprisonnement, dette garantie par Pierre Bayle et attestée par lui dans une lettre datée du 27 juin 1686, il est fait mention d’un versement de 75 livres fait le 6 janvier 1688. La lettre de Bayle du 27 juin 1686 est perdue. Voir le texte de cette quittance en appendice.

[89Isaac de Beausobre (1659-1738), né à Niort, avait étudié la théologie à Saumur et était devenu pasteur à vingt-deux ans. Condamné par contumace pour avoir brisé le sceau royal apposé sur la porte de son temple, il se cacha, puis chercha à gagner l’Angleterre. N’y parvenant pas, il se rendit en Hollande. Par la suite, il accepta le poste de chapelain de la princesse d’Anhalt-Dessau, fille de la princesse d’Orange, et s’installa à Dessau en 1686 : ses explications dans la présente lettre font croire que son installation était toute récente. Il devait quitter Dessau en 1693 pour Berlin, où allait se dérouler l’essentiel de sa carrière. Voir Haag 2, Chaufepié, s.v., et M.-C. Pitassi, « “Des explications de l’Ecriture plus raisonnables que dans les sermons” : autour du Nouveau Testament de Jacques Lenfant et Isaac de Beausobre », in H. Bost et C.Lauriol (éd.), Refuge et Désert : l’évolution théologique des huguenots de la Révocation à la Révolution française (Paris 2003), p.143-56.

[90Henri Desbordes, l’imprimeur des NRL de Bayle.

[91Daniel de Superville (1657–1728), fils de Jean et de Marthe Pilet, fit ses études à Saumur, s’attacha à la philosophie cartésienne et fit sa théologie sous la direction d’ Etienne de Brais avant de partir en 1677 pour Genève, où il poursuivit ses études sous la direction de Louis Tronchin. En 1683, témoin des prémices de la Révocation, il était sur le point de s’exiler en Angleterre lorsqu’il reçut sa vocation pour Loudun. Le 22 juillet 1685, il fut arrêté et, après trois mois de détention, expulsé aux Pays-Bas, où il s’établit à Rotterdam ; il y fut nommé pasteur extraordinaire de l’Eglise wallonne en janvier 1686 ; sa femme et sa fille parvinrent à le rejoindre un peu plus tard. Il refusa différentes offres : une chaire à Berlin, qui lui fut proposée par l’ Electeur de Brandebourg, la place de chapelain du maréchal de Schomberg, et la vocation qui lui fut adressée par l’Eglise de la Savoie à Londres. Enfin, en 1691, l’Eglise wallonne de Rotterdam lui créa une place de pasteur ordinaire, qu’il occupa jusqu’en 1723. Voir Haag, s.v., et H. Bost, Le Consistoire de l’Eglise wallonne de Rotterdam (Paris 2008).

[93Allusion sarcastique à l’ouvrage de Jurieu, L’Accomplissement des prophéties : voir Lettre 519, n.4.

[94Sur Coenraad van Beuningen (1622-1693), voir Lettre 313. En 1686, Van Beuningen, ancien maire d’Amsterdam, dont le comportement devenait de plus en plus excentrique, épousa sa voisine, Jacoba Victoria Bartolotti van den Heuvel (1639-1718), de dix-huit ans sa cadette, connue pour ses mœurs légères. Leur mariage fit scandale et prit une tournure sinistre lorsque Van Beuningen perdit l’esprit et que sa femme dut l’attacher au lit pour l’empêcher de vagabonder dans les rues d’Amsterdam en annonçant la fin du monde.

[95Nous n’avons su découvrir la nature de la thèse soutenue chez les minimes de Marseille à propos du Grand Condé.

[96Il s’agit ici du Grand Condé, puisque c’est lui qui fait l’objet des éloges de Rapin (voir la note suivante). En effet, le prince s’était retiré à Chantilly depuis sa dernière campagne militaire en 1674, ne faisant plus que de rares apparitions à la Cour. Il devait mourir le 11 décembre 1686. Bossuet devait prononcer son oraison funèbre début 1687, représentant le prince en « guerrier de Dieu ». Voir G. Mongrédien, Le Grand Condé (Paris 1959) ; B. Pujo, Le Grand Condé (Paris 1995) ; et sur la clientèle du Grand Condé : K. Béguin, Les Princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle (Paris 1999).

[97Allusion à l’ouvrage du Père René Rapin, Du grand et du sublime dans les mœurs, que Bayle avait annoncé dans les NRL, février 1686, cat. xii, et dont il donne un bref compte rendu en mars 1686, cat. viii : voir aussi Lettre 531, où Rapin s’explique sur son éloge du grand Condé.

[98Citation de l’ Éthique à Nicomaque, i.12.3,  : « on les juge communément ridicules, parce qu’ils [elles] se réfèrent à nous-mêmes » [le grec est du masculin].

[99Sur le marchand Ferrand, chez qui Bayle avait logé, voir Lettres 201, n.10, et 204, n.3.

[100Sur M. Maurice, marchand rotterdamois qui servait d’intermédiaire pour la correspondance entre Bayle et Henri Justel, voir Lettre 292, n.2.

[101La présente lettre est le seul indice de l’échange entre Bayle et Piozet : la lettre de Bayle dont il est fait mention ici est perdue ; son objet est indiqué par la suite de la présente lettre (voir ci-dessous, n.2). Malgré les indications de Haag, il semble, selon les recherches d’E. Labrousse, qu’il s’agisse de Charles Piozet, ancien ministre du Mans, gendre de Jean-Baptiste Druet (1629-1683), professeur de philosophie à l’académie de Saumur. Sur sa carrière, voir Lettre 546, n.6.

[102On comprend par la suite de la lettre qu’il s’agit ici du jésuite polonais Marcin Sïmiglecki, auteur d’un ouvrage que Piozet avait prêté à Larroque, et que Larroque avait prêté à Bayle : voir Lettre 546, n.5. On peut donc conclure que, dans la lettre perdue que Bayle avait adressée à Piozet, il remerciait celui-ci du prêt (ou du don) de ce livre. C’est sans doute dans cette même lettre que Bayle avait recommandé M. Barbarin auprès de Piozet (voir ci-dessous, n.3).

[103Sur Barbarin, qui avait été recommandé à Bayle par Amélie de Dohna-Friesen, voir Lettre 547 n.2.

[104Bayle envoyait régulièrement les NRL à certains de ses amis, parmi lesquels figurait Jean Rou à La Haye : voir Lettre 451.

[105Ces vers de Jean Rou ne nous sont pas parvenus ; seules deux lettres de Rou de cette période ont survécu : celles du 6 juin 1684 (Lettre 284), du 10 février 1686 (Lettre 513).

[106Bayle relaie de nouveau l’avis de Rainssant sur la tentative de Rou de donner une nouvelle édition de ses Tables chronologiques : voir Lettres 540, 548, 558 et 582.

[107Cette lettre porte en tête, écrite d’une autre main, la date du 25 février 1685, qui découle sans doute de la date que Bayle a lui-même portée au dos de la lettre. Or, cette date est inacceptable. En effet, Larroque quitta Paris le 10 février 1685 pour aller en Hollande, où il passa de longs mois. Dans la présente lettre, écrite d’Oxford, où Larroque est arrivé au mois d’avril 1686 (Lettre 567, n.1), il raconte qu’il fréquente l’astronome Fatio de Duillier ; or, le 10 mars 1686, celui-ci était encore à Genève et ne devait partir que le mois suivant, avec Gilbert Burnet, pour Rotterdam et ensuite pour Londres (Lettre 536, p et n.8). D’autre part, dans la présente lettre, Larroque mentionne l’état désespéré de John Fell, évêque d’Oxford, qui, écrit-il, « nous menace chaque jour de quitter ce monde ». John Fell devait mourir le 10/20 juillet 1686.

[108Formule humoristique : « ces amis ont mis leurs bottes pour rester à la maison ».

[109Henrik (né Johann-Heinrich) Wetstein, le célèbre imprimeur d’Amsterdam : voir Lettre 285, n.5.

[110Cette lettre de Bayle à Larroque est perdue ; aucune lettre de Bayle à Larroque ne nous est parvenue avant celle du 11 juin 1693. Dans celle dont il est question ici, Bayle devait répondre aux lettres de Larroque des mois de mai et juin 1686 : Lettres 567 et 568.

[111Isaac Papin (1657-1709) était parti pour l’Angleterre à la révocation de l’édit de Nantes. En 1686, il fut présenté par trois pasteurs français à l’évêque d’Ely, qui lui conféra les ordres du diaconat et de la prêtrise. Aucune correspondance entre Bayle et lui n’a été conservée, mais Chauffepié parle d’un voyage en Hollande, où Papin cherchait à s’établir. On sait que Leers imprima son ouvrage La Foy réduite à ses véritables principes, avec une courte préface de Bayle ( OD v.209-210), et que la parution de ce livre au printemps 1687 devait ruiner ses espérances en raison de l’hostilité que lui vouait Jurieu. De plus, quelques semaines plus tard au printemps 1687, parurent, toujours chez Reinier Leers à Rotterdam, les Essais de théologie sur la providence et la grâce de Papin comportant une forte attaque contre la position de Jurieu sur la théodicée telle qu’elle s’exprimait dans son Jugement sur les méthodes rigides et relâchées d’expliquer la providence et la grâce (Rotterdam 1686, 12°) ; et les Essais de Papin étaient accompagnés d’un Avertissement anonyme, très probablement composé par Bayle lui-même (comme l’a établi G. Mori), très ironique à l’égard de Jurieu. Soit par lettre, soit dans la conversation, Papin avait dû confier à Bayle qu’il désirait quitter l’Angleterre. Il allait par la suite chercher à s’établir à Hambourg, puis à Dantzig, où on lui demanda de signer une profession de foi orthodoxe. S’y refusant, il retourna en Angleterre. Par la suite, il devait écrire à Bossuet et négocier sa conversion au catholicisme pour pouvoir revenir en France.

[112Sur Fatio de Duillier, voir Lettres 384, n.10, et 536, p.

[113Voir Nicolas Fatio de Duillier, Epistola De Mari Æneo Salomonis. Ad E. Bernardum S.Th.D. dans l’ouvrage d’ Edward Bernard, De Mensuris et Ponderibus Antiquis. Libri Tres. Editio altera, purior et duplo locupletior (Oxoniae 1688, 8°). Nous n’avons pas trouvé trace d’une édition antérieure de l’ Épître de Fatio de Duillier, qui ne figure pas dans l’ouvrage de 1685, où la première édition du De Mensuribus et Ponderibus fait suite curieusement au commentaire d’ Edward Pococke sur Osée (Oxford 1685, folio), avec lequel il n’a aucun rapport. La « mer d’airain », ou plutôt « mer de métal fondu », décrite dans Chroniques, II,4.3 et 1 Rois, 7,23, était non pas une mer mais un vaste récipient, d’une capacité apparemment de quelque 80 000 litres, qui servait dans les cérémonies de purification et avait une valeur symbolique actuellement inconnue.

[114Le Docteur John Fell (1625-1686), fellow de Christchurch College, vice-chancelier de l’Université d’Oxford pendant un temps, évêque d’Oxford, bienfaiteur de son collège et de l’Université, y était très admiré comme homme intègre et érudit distingué. Ailleurs, il était moins populaire, sans doute du fait de son orthodoxie anglicane rigide et de sa sévérité à l’égard de la dissidence religieuse.

[115« l’autre » : l’autre monde.

[116De la famille d’ Adriaan Paets, lui-même mort le 8 octobre 1685, nous ne connaissons que son fils et homonyme, qui venait de faire le voyage de Londres : voir Lettres 504, n.11, et 520.

[117Larroque salue Hélène Du Moulin, l’épouse de Pierre Jurieu ; son silence à l’égard du théologien lui-même est peut-être significatif.

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