. Lettre 574 : à

[Rotterdam le 8 juin 1686]

Au Très Éminent et Très Illustre Monsieur John Hoskyns secrétaire de la Société Royale Pierre Bayle fait ses compliments

Je révère depuis longtemps à tel point la vénérable Royal Society composée de tant d’hommes remarquables dont les ouvrages érudits fruits d’un travail infatigable font avancer merveilleusement la recherche philosophique que je l’aurais attesté non seulement publiquement (ce que j’ai fait plus d’une fois) mais aussi dans des lettres privées si je ne m’étais pas estimé à bon droit homme d’un rang trop bas pour pouvoir entretenir une correspondance de lettres avec une Société si éminente. D’où il est arrivé que j’ai été honoré des témoignages de votre bienveillance en recevant des lettres pleines d’égards de votre part [1] très illustre secrétaire avant de signifier par lettre mon extrême vénération et déférence et avant de me recommander à votre protection. Assurément ces présents sont tels qu’un inférieur n’oserait les espérer ni les demander alors que le supérieur les donne spontanément. Combien de joie donc m’a donnée la décision de la Royal Society soutenu et revigoré que j’ai été comme par un air extrêmement doux et favorable ainsi que par ce présent exceptionnel et tout à fait magnifique (je veux dire le De Piscibus où s’exercent la sagacité et la soigneuse pratique de la recherche du secret de la Nature) [2] je ne peux assez le déclarer. Cela me sert vraiment d’un très puissant stimulant pour mettre plus ponctuellement par écrit mon petit travail quel qu’il soit. Déjà l’espoir se présente qu’à l’avenir ce que je fais régulièrement publier mois par mois profitera à la République des Lettres puisque je vois que votre Société qu’on ne nomme jamais sans le plus grand respect veut me gratifier des rayons de sa lumière par l’institution entre nous d’un échange fréquent. Cet accord très utile et en même temps très glorieux ne saurait ne pas me plaire. Par conséquent je vous prie instamment très éminent Secrétaire d’informer la Royal Society non seulement de ma vénération à son endroit et de ma gratitude mais aussi de mon chaleureux dévouement puisque je m’acquitte de ses ordres qui ont besoin d’être promptement exécutés ainsi que de tout ce que je pourrai faire pour lui plaire. Je veillerai à ce que le livre exceptionnel dont la prestigieuse Royal Society a voulu me faire cadeau reçoive mention honorable dans l’opuscule de ce mois [3] et je veillerai soigneusement désormais à l’instar du très distingué Monsieur Justel que vous soit remis mois par mois le petit volume que je dois offrir à la Royal Society [4] bien qu’il soit indigne de tant d’honneur étant donné qu’il comporte peu qui concerne la philosophie [naturelle] en quoi notre pays d’ici est peu fertile.

Vivez longtemps gloire et ornement de la Royal Society. Accordez-moi je vous en prie la faveur de votre bienveillance.

Donnée à Rotterdam le 8 juin 1686 nouveau style.

P.S. Celui qui m’a apporté votre livre De Piscibus n’est-ce pas ce Monsieur noble que vous me recommandez comme honnête et très docte sans aucun doute [5]. Je lui ai fourni tout ce qui dépendait de moi et avec le plus grand plaisir je lui aurais rendu tous les services qu’il pouvait désirer. Il est resté peu de temps en ville mais il m’a promis de revenir chez moi prendre cette lettre qu’il vous remettra.

Notes :

[1Allusion à la Lettre 562 de la part de Sir John Hoskyns.

[2Sur l’ouvrage de Willoughby voir Lettres 433 n.7 et 562 n.3.

[3Bayle donne en effet un compte rendu de l’ouvrage de Willoughby dans les NRL juin 1686 art IX.

[4Les numéros mensuels des NRL.

[5C’est sans doute dans une lettre distincte qui ne nous est pas parvenue que Sir John Hoskyns a recommandé à Bayle le porteur de sa lettre du 25 mai 1686 (Lettre 562) qui accompagnait l’envoi du livre de Willoughby. Ainsi nous ne saurions préciser son identité.

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